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banques fut sans doute la loi dite GLASS / STEAGALL du 16 juin 1934 qui, pour éviter la répétition de certaines spéculations funestes pour les déposants auprès des

banques27, créait une séparation totale et hermétique entre l'activité de banque commerciale (dépôts et crédits) et celle de maison de titres / banque d'investisse-ment. Il était interdit aux banques commerciales de vendre ou de distribuer des valeurs mobilières, sauf lorsqu'il s'agissait d'obligations émises par une entité gou-vernementale avec la pleine garantie de celle-ci, et il était interdit aux banques d in-vestissement de recevoir des dépôts de la clientèle. Cette séparation, exact contraire du concept allemand ou suisse de la banque universelle, eut pour effet heureux inat-tendu d'entraîner une spécialisation efficace des différentes catégories de banques.

Une autre décision importante fut la création d'un organisme fédéral de

garan-tie des dépôts jusqu'à un montant de 2'500 dollars (plus tard porté à l OO'OOO dollars), la Fédéral Deposit Insurance Corporation (FDIC), elle aussi dotée de certains pouvoirs

de surveillance en concurrence avec le ComptroUer of the Cunency et la Réserve fédérale. La FDIC repose en fait sur un système de primes d'assurances modestes payées par les banques, sans distorsion de concurrence, et ne représente pas une garantie directe de l'Etat.

Les réformes adoptées en 1933-1934 se révélèrent d'une grande efficacité,

puisque le nombre des faillites bancaires tomba à 470 pour la période 1934-1940

(une moyenne annuelle de 67, alors qu'il y en avait eu 3 600 en un an au plus fort

de la crise), puis à 242 pour la période 1941-1980 (une moyenne annuelle de 6).

Après la Deuxième Guerre mondiale, on vota encore un certain nombre de lois,

en 1956, 1960 et 1966, pour limiter le plus possible les fusions et acquisitions dans

le secteur bancaire.

On retiendra donc qu'au moment où la titrisation est apparue (1970), le secteur bancaire américain présentait trois caractéristiques majeures : l'absence de concen-tration (13'690 banques commerciales en 1970), la restriction de l'activité à un Etat (mais l activité à l'étranger était autorisée) et la stricte séparation entre les banques

spécialisées dans les affaires de crédit et les banques spécialisées dans le négoce de

titres - ce qui a son importance pour notre sujet, dans la mesure où la titrisation vise en fin de compte à transformer économiquement des crédits en titres.

L'historien français JEAN-MICHEL LACROIX explique ainsi le mécanisme de spéculation qui rendit nécessaire le vote de la loi GIASS / STEAGALL : "Le marché américain des valeurs (en 1929 - NdL) a pour principale caractéristique de ne pas connaître les opérations à terme.

Les achats et les ventes se font au comptant mais, le plus souvent, les agents de change {brokers) acceptent d'intervenir pour le compte d'un client s'il règle au comptant 10%

seulement de la valeur achetée et dépose des titres pour le montant restant. Les avances de 90% de la valeur des titres ainsi consenties au spéculateur conduisent les courtiers à emprunter eux-mêmes aux banques mais les avances aux brokers n'étant pas contrôlées, on imagine aisément les risques encourus dans cette activité spéculative." LACROIX Jean-Michel, Histoire des Etats-Unis, Presses universitaires de France, Paris 1996, pp. 365 s.

Les caisses d épargne (Savings andLoans) constituaient un autre acteur majeur du système financier américain. En 1981 encore, les caisses d'épargne avaient 663 milliards de dollars d'actifs, contre l'808 milliards pour les banques commercia-les28. L'usage aux Etats-Unis les regroupait avec les Mutual Saving Banks 6- Saving

Banks (banques coopératives) et les Crédit Unions (coopératives de crédit mutuel sur le modèle québécois des Caisses populaires Desjardins, lui-même inspiré des

Caisses Raiffeisen allemandes29, mais dont le cercle souvent limité de déposants fait parfois penser à des caisses d'épargne d'entreprise30) sous le nom de thrifts. Les 5'669 caisses d'épargne, 497 banques coopératives et 23'656 coopératives de crédit mutuel

recensées aux Etats-Unis en 1970 bénéficiaient de certains privilèges qui les

favori-saient aux dépens des banques commerciales. En particulier, une législation

appe-lée Régulation Q définissait un plafond de taux d'intérêt sur les dépôts à terme auquel n étaient pas soumis les thrifts qui pouvaient facilement attirer les déposants

en leur offrant une rémunération supérieure à celle des banques. Les dépôts auprès des caisses d épargne étaient garantis par la Fédéral Savings andLoans Insurance Cor-poration (FSLIC)31, moyennant le paiement d'une prime d'assurance modique et, qui plus est, toujours calculée en fonction du volume de dépôts, sans aucun ajus-tement par rapport au risque. Les caisses d'épargne utilisaient en général les dépôts

Cf. LovErr(2001), p. 239.

Les Crédit Unions se sont développées avec un certain retard aux Etats-Unis. Les caisses Raif-feisen existaient en Prusse depuis 1853 et les caisses Desjardins au Québec depuis 1900 (cf.

RivoiREjean, Histoire de la banque, 2e édition, PUF, Paris 1992, pp. 80-81 ; PROVENCHER Jean, Chronologie du Québec. 1534-2000, Montréal 2000, p. 192). Ce n'est qu'en 1909 que leur équivalent apparut aux Etats-Unis, l'une de ces premières caisses ayant d'ailleurs été fondée dans le Massachusetts par des immigrés canadiens francophones. Cf. LOVETT (2001), p. 286, et RIVOIRE (1992), pp. 79-81. Les Crédit Unions ont eu un moindre développement que les caisses Raiffeisen ou les caisses Desjardins, car elles tendent à ne regrouper que des personnes ayant des liens entre elles : employés de la même entreprise, membres de la même associa-tion, fidèles de la même paroisse... L'esprit mutualiste et l'/nfu/fupersonae restent dominants dans les Crédit Unions aux Etats-Unis. Pour l'exemple de la fondation d'une Crédit Union pour le diocèse roumanophone de l'Eglise orthodoxe d'Amérique, accompagné d'une réflexion sur les avantages de ce système de crédit mutuel, cf. le numéro de décembre 1999 de la revue Solia - The Herald, disponible sur Internet à l'adresse www.roea.org/0001/ho00005.htm.

Cf., en Suisse, l'article 3a alinéa 4 lettre e de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les banques et les caisses d'épargne du 17 mai 1972(OB - RS 952.02). Il est à noter que, suite à la faillite des groupes André et Swissair, la Commission fédérale des banques a pris une position réso-lument hostile à l'existence des caisses d'épargne d'entreprise (cf. CFB 2001, pp. 186 s.), confirmant ainsi sa position antérieure que le Conseil fédéral n'avait pas suivie lors de la révi-sion de l'OB en 1994 (cf. CFB 1994 pp. 114s.). Cette prise de position n'a pas eu plus d'effet que la précédente, le Conseil fédéral ayant finalement décidé le 10 septembre 2003 de ne pas supprimer ces caisses, qui ne détiennent plus que pour quelque 3 milliards de francs de dépôts, dont 90% pour les cinq plus grandes caisses. Cf. communiqué de presse du Dépar-tement fédéral des finances du 10 septembre 2003.

Depuis la réorganisation du secteur des thrifts en 1989, la FSLIC a disparu. Le système de garantie des dépôts est aujourd'hui unifié autour de la FDIC à la fois pour les banques com-merciales et pour les thrifts. Cf. GAGEY (1990), p. 39.

de la clientèle pour faire des prêts hypothécaires, à la différence des banques

com-merciales qui se consacraient surtout aux prêts aux entreprises. Le secteur des thrifts se caractérisait donc par son caractère protégé et sa non-conformité aux règles du marché, qui avaient permis une générosité certaine dans l'octroi des crédits. Il en était résulté un énorme développement du marché hypothécaire primaire,

l'en-cours des crédits hypothécaires passant de 55 milliards de dollars en 1950 à 700 milliards en 1976 et l'200 milliards en janvier 198032.

Dernier acteur important, et qui allait être à l'origine de la titrisation : le sys-tème fédéral d* aide au logement. Ce syssys-tème reposait principalement sur trois agen-ces33 :

- La Fédéral National Mortgage Association, plus connue sous le nom de "Fan-nie Mae", créée en 1934, privatisée en 1968 tout en restant sous l'autorité du gou-vernement fédéral, avait initialement pour fonction de réguler et soutenir le mar-ché hypothécaire en achetant des créances. Son activité actuelle reste l'animation

du marché des prêts hypothécaires et le refinancement des crédits hypothécaires,

par l'achat de créances ou de titres représentatifs.

- La Government National Mortgage Association, dite "Ginnie Mae", créée en 1968, est la seule agence à faire aujourd'hui partie de l'appareil gouvernemental, puisqu'elle dépend du ministère du Logement. Elle fournit une garantie de paie-ment du principal et des intérêts, mais ne participe ni au montage, ni au placepaie-ment,

ni à l'administration des titres hypothécaires.

-La Fédéral Home LoanMortgage Corporation ouu f reddiçM.ac", créée en 1971, est une entreprise privée sous surveillance du gouvernement dont le but est de déve-lopper le marché secondaire des créances hypothécaires.

En pratique, "Freddie Mac" est actif sur le segment des objets immobiliers dont la valeur unitaire est inférieure à 322'700 dollars, et "Fannie Mae" sur le segment des objets de plus grande valeur. Ce sont de véritables puissances financières, qui contrôlaient en 2002 la moitié des hypothèques existant aux Etats-Unis34.

"Fannie Mae" et "Freddie Mac" sont des sociétés cotées à la Bourse de New York35, qui combinent ainsi le statut de société privée avec les avantages de la garan-tie de l'Etat, laquelle leur permet, entre autres, d'obtenir des taux de refinancement plus avantageux.

32 Cf.LEWis(1988),p.97.

33 Cf. GAGEY (1990), pp. 177-179.

34 Cf. Hossu Peter, "Bei ,,Fred" ist Feuer im Dach", in Cash, n° 25, Zurich, 20 juin 2003, p. 28.

35 Voira propos de "FannieMae" les recommandations d'un analyste financier in PINGUELYNICO-las, "La hausse des primes soutiendra la réassurance", L'Agefi, 3 octobre 2001, p. 40.

3.2 Naissance et développement de la titrisation aux Etats-Unis

Le système financier des Etats-Unis qui, nous venons de le voir, avait été pour l'essentiel organisé en 1933-1934, connaissait vers 1970 un certain nombre de dys-fonctionnements qui allaient encourager l'apparition, puis le développement de la

titrisation, d'abord dans le domaine des hypothèques résidentielles.

l. La législation en vigueur limitait l'activité des banques commerciales à l'Etat de leur siège social. Or il y avait une forte demande de nouveaux logements, et donc de prêts hypothécaires, sur la côte Ouest, et une abondance de capitaux sur la côte Est, notamment chez les puissantes banques new-yorkaises. Il devenait intéressant de trouver une solution pour contourner la législation et mettre en contact banques et emprunteurs potentiels.

2.Pendant 30 à 35 ans, le système d'accession à la propriété avait reposé sur les caisses d'épargne qui accordaient des prêts hypothécaires à taux fixe à 30 ans36 finan-ces par les dépôts à court terme des épargnants, dans un contexte de forte crois-sance et de taux d intérêt stables. Dès 1965, suite à une politique monétaire plus restrictive, les caisses d épargne eurent de plus en plus de mal à assurer la gestion du risque de taux entre leurs dépôts et leurs prêts. La création d'une nouvelle pos-sibilité de refinancement à travers un marché secondaire des créances hypothécaires devenait vitale.

3. En dernier lieu, le volume des hypothèques résidentielles augmentait beau-coup plus vite, en raison en particulier d'une plus grande propension des ménages à l'endettement, que la richesse nationale dans son ensemble ou que l'épargne, et le phénomène devait encore s'aggraver dans les années 1980. Il était urgent de trouver de l'argent, y compris en allant le chercher sur le marché des capitaux.

La titrisation, d'abord sous la forme de mortgage pass-throiigh securities, fut la réponse à ces trois dysfonctionnements. En 1970, Ginnie Mae procéda à la première

titrisation d'hypothèques résidentielles. La première titrisation à faire l'objet d'une

notation par une agence eut lieu en Californie en 197537. La titrisation fut d'abord lente à prendre son essor, et on ne commença vraiment à en parler dans le public

qu'à partir de 1977. Les titrisations offrirent des produits de plus en plus raffinés :

première titrisation d'hypothèques commerciales en 1983, de créances hypothé-caires à taux variable en 1984, de créances non-hypothéhypothé-caires en 1985 ; première

émission de Collateralized Mortgage Obligations (cf. paragraphe 4.6) en 1983,

pre-mières émissions de tranches à taux variables et d'obligations démantelées en 1986...

Le marché connut un développement extraordinaire à partir de 1985, devenant vite le deuxième segment du marché des capitaux après les bons du Trésor. En 1994, on

36 II faut préciser ici que l'on n'a jamais connu en Suisse des prêts à taux fixe sur une aussi longue durée.

37 Cf. LuKE/BuRKE(1998),p.205.

pouvait parler d'une nouvelle ère dans le système financier américain : à cette date,

on avait déjà titrisé, par exemple, 40% des hypothèques "monofamiliales".

L'encours total de titres adossés à des actifs aux Etats-Unis atteignait 3'500 milliards

de dollars fin décembre 1998 et 5'600 milliards de dollars fin mars 2002. Les

émis-sions sont constamment supérieures à 500 milliards de dollars par an, et les Etats-Unis représentent encore environ 65% du marché mondial de la titrisation.

Il faut dire que le développement de la titrisation aux Etats-Unis a été

grande-ment aidé par des facteurs juridiques, de droit privé comme de droit administratif.

En premier lieu, le droit privé issu de la common law, avec l'existence de

l'insti-tution du trust, qui fournissait une forme juridique adéquate pour les véhicules de

titrisation, offrait à cette nouvelle technique un environnement plus propice que

des systèmes juridiques plus rigides.

En second lieu, la titrisation bénéficia d'un soutien appuyé de la part de

diver-ses autorités fédérales. Les banques commerciales n'ont pu apparaître comme acteurs sur le marché de la titrisation que grâce à l'interprétation bienveillante de la loi GLASS / STEAGALL pratiquée par le Comptrolîer of the Cim'ency. D'abord, on estima que les titres émis dans le cadre des opérations de "Ginnie Mac" étaient des obligations d'Etat dont le négoce par les banques commerciales était autorisé. Par la suite, ces banques furent autorisées à agir en tant que souscripteur et négociant

de titres représentatifs de créances hypothécaires sur la base de la théorie de la

transparence : il fallait faire abstraction de la structure de la transaction et tout sim-plement l assimiler à la cession de créances hypothécaires. Cette bienveillance tom-bait à point nommé pour des banques commerciales dont le phénomène mondial

de désintermédiation38 menaçait la rentabilité et pour qui il fallait réapparaître

d'une manière ou d une autre sur le marché des capitaux.

Mais, en définitive, c'est la loi fiscale du 30 septembre 1981 qui a assuré le

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