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Il nous reste à émettre l hypothèse d'une autre utilisation de la fiducie dans le cadre de la titrisation que celle énoncée par WATTER. En effet, dans la structure

ima-ginée par WATTER, on se trouve dans une situation où la fiducie fonctionne comme un véhicule pass-throitgh, avec les investisseurs comme bénéficiaires. Qu'en

serait-il si la fiducie émettait des titres de dette sous la forme d'obligations classiques ?

Dans ce cas, une société créée spécialement pour être le fiduciaire d'une opération

de titrisation émettrait des obligations. Elle répondrait de ses dettes sur tous ses

biens (étant donnée l'absence de reconnaissance d un patrimoine fiduciaire distinct du patrimoine social), c'est-à-dire sur les actifs en fiducie et sur ses fonds propres, par définition modestes dans le cadre d'un véhicule de titrisation. Comme on peut supposer a priori que le fiduciaire sera une société anonyme, cette configuration nous ramène à tous les problèmes que nous avons évoqués (cf. 9.2) à propos de l'utilisation d'une SA comme véhicule de titrisation, notamment la faible protec-tion des investisseurs, la possibilité pour les acprotec-tionnaires de prendre des décisions qui ne soient pas dans l'intérêt de ceux-là et la question des rapports entre les

action-naires du véhicule et les initiateurs. En outre, les difficultés propres à la fiducie

restent présentes : résiliation unilatérale aux termes de l'article 404 alinéa l CO,

instructions du fiduciant par application analogique de l'article 397 CO. Mais, dans

cette configuration, les titres émis correspondraient plus aux titres de dettes, que

649 THEVENOZ(2001), p. 146.

"O Cf.MAILLARD(1995),P. 59.

les marchés financiers apprécient, que les certificats émis par le fiduciant dans

l'hypothèse de WATTER.

Enfin, si nous nous référons au cadre conceptuel fourni par la Convention de La Haye, nous pensons que la fiducie du droit suisse ne peut pas être considérée comme une institution analogue au trust. Quoique la Convention de La Haye ne fasse pas de référence à des notions propres à la common law comme la différence

entre légal property et équitable property, la fiducie de droit suisse n'entre pas dans le cadre défini par l'article 2 alinéa 2 lettre a de la Convention, qui exige que les biens

du trust constituent une masse séparée du patrimoine du fiduciaire. La fiducie du droit suisse, au contraire, ne repose pas sur une distinction des patrimoines (patri-moine personnel et patri(patri-moine à titre fiduciaire) du fiduciaire, et encore moins sur une théorie du patrimoine d'affectation. Nous ne pensons pas que la distraction

automatique prévue par la loi (article 37b LB devenu article 37d LB) en cas de faillite

de la banque fiduciaire revienne vraiment à la constitution d'une masse séparée du patrimoine du fiduciaire651. Notre opinion est que l'article 37d LB n'a pas d'autre

portée que d'aménager un privilège de faillite. Cette situation peut handicaper la

reconnaissance des effets de la fiducie suisse par des tribunaux étrangers et surtout, dans le domaine de la titrisation, rendre des titrisations où le véhicule est une fidu-cie de droit suisse peu attrayantes pour des investisseurs étrangers accoutumés à l'institution du trust, et qui risquent fort de considérer que la fiducie suisse n'entre pas dans la catégorie des institutions analogues au trust.

En conclusion, dans la perspective de la titrisation, la fiducie suisse nous paraît une solution très désavantageuse. Elle ne correspond qu en apparence au trust du droit anglo-saxon et à ses capacités comme véhicule de titrisation. Elle est même l'institution du droit suisse qui nous inspire le plus de réserves pour une utilisation comme véhicule de titrisation652 : absence de garanties pour les investisseurs en cas

de faillite du fiduciaire (sauf dans le cadre de la fiducie bancaire) ; absence de garan-ties pour les investisseurs en cas de faillite du fiduciant (la fiducie suisse n'est pas

un véhicule bankruptcy-remote) ; absence de garanties quant à l'indépendance du véhicule par rapport aux instructions de l'initiateur, du fait de l'application

possi-blé de l'article 397 CO ; incohérence entre la prise en compte de la fiducie par le droit civil (qui voit avant tout la propriété du fiduciaire) et le droit fiscal (qui voit avant tout la propriété économique du fiduciant) ; absence de certitude quant à la durée de l'opération, du fait de la résiliation unilatérale aux termes de l'article 404 alinéa l CO ; incertitude quant à la reconnaissance de la fiducie par les tribunaux

étrangers, du fait de la non compatibilité avec la Convention de La Haye.

L'utilisa-651 D'une opinion contraire à la nôtre, DUNAND (2000), p. 491, pour qui ces dispositions légales

"ont manifestement pour effet de constituer les biens fidudaires en une "masse distincte"

qui ne fait "pas partie du patrimoine du trustee", selon les termes de la Convention."

652 En dehors des sociétés de personnes.

tion d une fiducie de droit suisse comme véhicule de titrisation paraît donc exclue, sauf à travers des applications indirectes, comme la souscription fiduciaire des actions d une SA utilisée comme véhicule, dont nous avons vu, dans le paragraphe 9.2 consacré à l utilisation d une SA suisse comme véhicule de titrisation, qu'elle a aussi des inconvénients.

9.6 Exemple d'un recours à un trust de droit anglo-saxon dans le cadre d'une titrisation suisse : l'opération TELL

L'expérience confirme que les initiateurs suisses ont toujours tendance à recourir à la société anonyme, devenue la véritable société "par défaut" de la pratique suisse, bien que, comme nous l'avons montré, elle n'est pas si sûre dans le cadre de la titri-sation, ou au trust de droit étranger, dont l'expérience a amplement montré l'effi-cacité dans le cadre de la titrisation, et quoique celui-ci soit à peu près ignoré du droit suisse.

A ce titre, l'opération TELL, première titrisation de crédits hypothécaires en

Suisse (cf. paragraphe 3.7.3), nous paraît particulièrement significative. Nous allons maintenant voir comment les circonstances de l'opération ont provoqué l'utilisa-tion simultanée d'une société anonyme de droit suisse et d'un trust de droit étran-ger, dédoublant ainsi le véhicule.

Nous avons déjà parlé de cette opération au paragraphe 3.7. Rappelons qu'il s'agissait d'une titrisation de 256 millions de francs suisses de créances hypothé-caires par la Société de Banque suisse. On notera que, sur le schéma qui suit, les flèches représentent des flux d'argent.

Pour comprendre la structure compliquée de l opération, il faut savoir que les titres ont tous été placés à l'étranger (avec, d'ailleurs, une interdiction pour un

résident suisse d acquérir des titres TELL). Le véhicule qui a émis les titres devait

être domicilié à l étranger pour que les paiements faits aux investisseurs soient

exempts d'impôt anticipé. Plus que les dispositions légales relatives à l'acquisition

d immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger, dont on verra plus loin (cf.

paragraphe 12.4) qu'elles ne représentaient pas véritablement un obstacle à l'acquisition de ces créances par un véhicule étranger653, c'est sans doute la volonté

de limiter l'impact psychologique de cette opération sur les clients de la banque

cédante qui explique qu'un véhicule suisse, seul propriétaire des actifs titrisés, soit interposé entre la banque et le véhicule étranger654. Si l'opération s'était adressée à des investisseurs suisses, on n'aurait eu besoin que de ce véhicule domicilié en Suisse.

653 La structure à double véhicule ne serait obligatoire que si le financement hypothécaire dépas-sait 80% de la valeur des immeubles financés (cf. paragraphe 12.4).

654 Bien que les débiteurs titrisés eussent consenti à la levée du secret bancaire, celle-ci était moins durement ressentie si le cessionnaire était localisé en Suisse.

Les initiateurs suisses s'adressent à des investisseurs étrangers dans le but de diversifier leurs sources de financement. Sans ce type d'opération de titrisation, on voit en effet mal comment des investisseurs étrangers pourraient intervenir sur le

marché suisse du crédit hypothécaire. En l'état actuel des choses (impact de la levée

du secret bancaire sur un public pas encore habitué à la titrisation - cf. paragraphe

19.2), une opération de titrisation suisse destinée à des investisseurs étrangers implique cette structure à deux véhicules que l'on retrouve aussi dans l'opération Swissact en 2001. Une opération de titrisation destinée à des investisseurs suisses n'a besoin que d'un véhicule domicilié en Suisse, comme nous le verrons plus loin à travers la structure de l'opération HAT (cf. paragraphe 13.3).

Figure 2

Schéma de l'opération TELL

Débiteurs

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