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Le modèle TELL s'avère viable et il a été repris dans l'opération Swissact du 27 novembre 2001, seule autre opération de titrisation hypothécaire avec

décomp-tabilisation des créances titrisées662 en Suisse à ce jour. Ici, la Banque cantonale de Zurich (ZKB) a aussi utilisé une double structure ad hoc, avec une société anonyme suisse, SwissecAG663, elle aussi au capital de lOO'OOO francs suisses et elle aussi

domi-ciliée chez Arthur Andersen, qui a acheté à la ZKB l 478 créances hypothécaires

grâce au prêt d'un trust de Jersey (le Swissact 2001-1 Sub-Trust) dont les investis-seurs en titres obligataires sont les bénéficiaires, leurs certificats représentant un

undivided bénéficiai interest. Tous les prêts titrisés avaient été accordés à des

débi-teurs zurichois après le 1er janvier 200l664. L'opération a aussi eu recours à la tech-nique de la subordination, la tranche subordonnée correspondant à 9 millions d'euros avec une rémunération à taux variable de 59 points de base au-dessus du

taux EURIBOR pour les dépôts à trois mois en euros et la tranche principale à

346 millions d'euros avec une rémunération à taux variable de 25 points de base au-dessus du taux EURIBOR. Les deux tranches seront remboursées en 2009. De même que dans l'opération TELL, les titres obligataires ne sont pas placés auprès d'investisseurs suisses, mais ils sont cette fois-ci destinés à être cotés à la bourse de Luxembourg. L'émission est soumise au droit anglais. La ZKB conserve la gestion

662 Dans l'opération Chalet Finance du 11 juillet 2003, il s'agissait d'une titrisation synthétique : seuls les risques de crédit ont été cédés au véhicule, tandis que les créances sont restées dans les livres de la banque initiatrice.

663 Swissec AG avait elle-même quatre personnes morales comme actionnaires : une SARL (CFMB GmbH à Zumikon) pour 34% du capital, et trois sociétés anonymes sises à Zurich (Interhold AG, Circle Trust Services Switzerland AG et Bayron AG) pour les 66% restant.

664 Cf. Offering circular (Swissact 2001-1 Sub-Trust), pp. 24 s.

du portefeuille titrisé. L'opération Swissact a suivi de trois mois la constitution de la nouvelle société anonyme Finserve AG, dont sont actionnaires onze banques can-tonales sur vingt-quatre (la ZKB ne détient elle-même qu un tiers du capital de cette nouvelle structure), et dont le but est de prester des services en rapport avec l'organisation et l accomplissement d'opérations de titrisation - signe probable d'une volonté de la part des banques cantonales de s'engager résolument dans la voie de la titrisation.

La Commission fédérale des banques a souligné dans son rapport de gestion

pour l année 2001 la parente des deux opérations TELL et Swissact. "Selon le modèle de la titrisation TELL de l'ancienne Société de Banque suisse, la Banque cantonale de Zurich a demandé à la Commission des Banques d'autoriser un projet de titri-sation et cession de créances hypothécaires. La structure de cette transaction correspond à la structure de TELL, à l'exception qu'elle repose sur une plate-forme pouvant être utilisée par les banques cantonales pour d'autres titrisations. Les titres ont été placés avec succès sur l'euromarché en novembre 200l."665

Comme dernière remarque, nous aimerions souligner encore une fois la rela-tive modestie de ces entreprises. Même si l'opération TELL a été un grand succès auprès des investisseurs, elle ne portait que sur moins de 0,05% des hypothèques

existant en Suisse (l'encours hypothécaire suisse était estimé à 532 milliards de

francs suisses fin 1997). Quant à l'opération Swissact, annoncée dès 1999 par l'Union des banques cantonales suisses666 et lancée par la ZKB le 27 novembre 200l667, elle a porté sur un collatéral d'environ 518 millions de francs suisses668, ce qui ne représente toujours qu'un peu moins de 0,1% de l'encours hypothé-caire669. Il a fallu attendre le 11 juillet 2003, avec l'opération Chalet Finance - certes de nature différente, puisqu'il s'agit d'une titrisation synthétique sans cession des créances elles-mêmes - lancée par Crédit Suisse Group, pour atteindre des mon-tants considérables : 3 milliards de francs suisses. Mais, toutes opérations confon-dues, la titrisation n'a concerné que 0,7% de l'encours hypothécaire en Suisse, alors que le mécanisme de la lettre de gages lui-même, pourtant ancien, bien connu et

bien encadré par la législation, ne touche guère plus de 8% de l encours

hypothé-caire. La titrisation des hypothèques a donc encore une énorme marge de dévelop-pement en Suisse. Ce potentiel de dévelopdévelop-pement est d autant plus important qu il n'est pas exclu que le marché primaire des hypothèques connaisse à son tour des 665 CFB (2001), p. 191.

666 Ci. Le Temps, 7 octobre 1999.

667 Cf. ROULET Christophe, "La BCZ ouvre la voie de la titrisation", in L'Agefi, 27 novembre 2001, p. 20.

668 517'999'875 francs exactement.

669 Les banques suisses, qui sont quasiment les seules dispensatrices de crédits hypothécaires en Suisse, détenaient à fin 2001 plus de 521 milliards de francs suisses de créances hypothécai-res sur des débiteurs en Suisse (contre 6 milliards sur des débiteurs à l'étranger). Cf. les sta-tistiques publiées par la Banque nationale suisse à l'adresse Internet www.snb.ch/f/publika-tionen/publi.html?file=banken/text-bank.html.

bouleversements. La Suisse pourra-t-elle longtemps demeurer la lanterne rouge de l'Europe en matière d'accession à la propriété, avec un taux de propriétaires

d'à peine 31% à la fin de 1998670 et 34% à la fin de 2000671, des problèmes de

loge-ment considérés par certains économistes comme un "boulet"672 et un système de

financement immobilier subventionné qui fait l'objet de vives critiques673 ?

9.7 Bilan

Au vu de tout ce qui précède, nous avons l'impression que le droit suisse se trouve un peu dans la même situation que le droit français avant la loi du 23 décembre 1988, et ce pour les mêmes raisons. Aucune institution n'est entièrement adaptée au rôle de véhicule de titrisation en l'état actuel des choses. Il en sera ainsi tant que le législateur ne sera pas intervenu.

En pratique, le droit de rachat en tout temps exclut le recours aux fonds de pla-cernent non hypothécaires. L'utilisation de fonds hypothécaires serait théorique-ment possible pour la titrisation de créances hypothécaires, mais, en raison de l'incertitude juridique qui entoure cette institution, elle paraît peu probable. La fon-dation a deux handicaps : la surveillance étatique, qui ne correspond sans doute pas aux attentes des marchés des capitaux, et l'absence de précédent, la fondation n étant pas un acteur habituel dans ce type d opérations financières. Les sociétés de personnes et les coopératives ne présentent pas d intérêt dans ce contexte. Il sem-blé donc que la seule institution du droit suisse qui entre actuellement en ligne de compte soit la société anonyme. Bien que celle-ci ne soit pas non plus adaptée au rôle de véhicule de titrisation, elle n'a en fin de compte pas plus d inconvénients que les autres institutions existantes (sauf peut-être la fondation) et elle représente l institution la plus présente sur le marché suisse des capitaux. L'utilisation comme

véhicule de titrisation d une forme juridique aussi connue que la société anonyme

a peut-être aussi l avantage de compenser ce que la titrisation en elle-même peut avoir de nouveau ou d insolite.

Reste encore à examiner dans quelle mesure le droit suisse pourrait être révisé

pour faciliter la création de véhicules de titrisation.

670 Cf. la brochure du comité d'initiative "Propriété du logement pour tous", Lausanne 1999. Ce taux, pour ne citer que les pays limitrophes, était de 37% en Allemagne, 54% en France, 55% en Autriche et 59% en Italie. La proportion atteignait même les 66% en Grande-Bre-tagne, les 76% en Hongrie et les 78% en Norvège.

671 Cf. MUHER François, "Les taux hypothécaires suisses atteignent leur plus bas niveau depuis l'après-guerre", in Le Temps, 27 novembre 2002, p. 31.

672 Pour reprendre le titre du chapitre douzième de la synthèse de JEAN-CHRISTIAN LAMBELET sur l'écono-mie suisse. Cf. IAMBELET Jean-Christian, L'éconol'écono-mie suisse, Economica, Paris 1993, pp. 453-504.

673 Sur le système d'aide fédérale au logement, cf. par exemple SCHURMANN Leo et HANNI Peter, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 3e édition, Staempfli, Berne 1995 ; pour une critique de ce système, cf. l'étude de SCHROETER Pierre, Le financement immobilier sub-ventionné. L'exemple de l'aide fédérale: une critique subjective, Haupt, Berne 1999.

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