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Cours d'introduction au droit suisse de la sécurité sociale

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Cours d'introduction au droit suisse de la sécurité sociale

GREBER, Pierre-Yves, KAHIL-WOLFF, Bettina

GREBER, Pierre-Yves, KAHIL-WOLFF, Bettina. Cours d'introduction au droit suisse de la sécurité sociale. Genève : Université de Genève/Faculté de droit, 1998, 236 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43852

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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HORS SERIE N° 2 (1998)

COURS D'INTRODUCTION AU

DROIT SUISSE DE LA SECURITE SOCIALE

Pierre-Yves GREBER

Professeur à l'Université de Genève

UNI-GE DROIT

Bettina KAHa-WOLFF

Professeur à l'Université de Lausanne Chargée de cours aux Universités de Neuchâtel et Fribourg

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LES CAIDERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE constituent l'organe de publication :

de la Section suisse de 1 'Institut européen de sécurité sociale,

de l'Observatoire sur l'évolution de la sécurité sociale en Europe occidentale et centrale

Groupe de travail Université-Cité pour la sécurité sociale

Département de droit du travail et de la sécurité sociale, Faculté de Droit de Genève IRAL - Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances,

Faculté de Droit de Lausanne Genève 1998

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAIDL-WOLFF

SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE : ELEMENTS DE THEORIE GENERALE : La notion de sécurité sociale, les défis et

stratégies ... 3

DEUXIEME PARTIE : L'APPROCHE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE EN SUISSE ... 21

TROISIEME PARTIE: LE SYSTEME DE SANTE ... 45

QUATRIEME PARTIE: L'ASSURANCE-MALADIE ... ~ ... 51

CINQUIEME PARTIE : L'ASSURANCE-ACCIDENTS ... 79

SIXIEME PARTIE : L'ARCHITECTURE RELATIVE AUX PENSIONS ... 95

SEPTIEME PARTIE : . LE REGIME DE BASE DE PENSIONS : HUITIEME PARTIE : L'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ... 107

LES REGIMES COMPLEMENTAIRES DE PENSIONS : La prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire ... 15 5 NEUVIEME PARTIE : L' ASSURANCE-CHOMAGE ... 173

DIXIEME PARTIE : ELEMENTS DE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN ... 181

ANNEXES CONVENTIONS BILATERALES (extraits) ... 209

(5)

2 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

AVANT PROPOS

Ce Cahier a été conçu essentiellement comme un support d'enseignement pour les étu- diants des Universités de Romandie. Ainsi, nous avons essayé d'aller à l'essentiel, de sorte que les références jurisprudentielles et doctrinales sont limitées. De par sa généralité, ce document pourra peut-être intéresser d'autres lecteurs.

Septembre 1998 Bettina KAIDL-WOLFF

Pierre-Yves GREBER

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/ B. K.AlllL-WOLFF

PREMIERE PARTIE

ELEMENTS DE THEORIE GENERALE :

LA NOTION DE SECURITE SOCIALE, LES DEFIS, LES STRATEGIES

1. Les besoins de protection ... 3

2. L'évolution historique ... 4

2.1 Les modes anciens de protection et l'assurance privée ... 5

2.2 L'émergence de l'assurance sociale ... 6

2 3 L' ' . emergence e a secun e socta e ...d l ' 't ' . l ... ... . 7

3. Eléments de droit comparé ... 8

3. 1 Le développement de systèmes mixtes ou à étages ... 8

3.2 Terminologie ... 8

3. 3 Intérêt du droit comparé ... 9

3.4 Sources ... 9

4. Les notions ... 9

4.1 Assurance sociale et assistance sociale ... 9

4.2 La sécurité sociale ... 11

4.2.1 Approche de la sécurité sociale ... 11

4.2.2 Proposition d'une définition de la sécurité sociale ... 12

4.2.3 Les qualités de la sécurité sociale ... 13

4.2.4 Qu'attend-on aujourd'hui de la sécurité sociale? ... 13

4.2.5 Peut-on approcher ce domaine complexe avec méthode simple ? ... 15

5. Les défis auxquels la sécurité sociale est confrontée ... 16

6. Les stratégies internationales ... 17

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4 CAIITERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

1. Les besoins de protection

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE: La sécurité sociale demain :permanence et changements. AISS. Genève 1995.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL :Introduction à la sécurité sociale. 3e éd. BIT. Genève 1986.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : La sécurité sociale à l'horizon 2000. BIT. Genève 1984.

DURAND, Paul : La politique contemporaine de sécurité sociale.

Dalloz. Paris 1953.

EUZEBY, Alain: Sécurité sociale: une solidarité indispensable. Revue internationale de sécurité sociale, 311997, pp. 3 sv.

La sécurité sociale en Europe à l'aube du XX!e siècle. Helbing & Lich- tenhahn. BaseliFrankfurt am Main 1996.

L'existence comporte un certain nombre de risques ainsi que des faits positifs, qui ont en commun de générer des besoins de protection. Ainsi, chaque être humain peut être atteint dans sa santé, physique ou psychique, de manière plus ou moins mar- quée, pour une période plus ou moins longue. Certains progrès (de la médecine, de la prévention des risques) sont contrebalancées par des risques nouveaux (SIDA) ou dont l'importance croît avec l'allongement de la vie (maladies dégénératives, dépendance), par la résurgence de maladies que l'on croyait disparues (tuberculose). A la suite d'une at- teinte à la santé ou de la perte d'un emploi, chacun est susceptible d'avoir besoin d'un revenu de remplacement à court ou à long terme. La maternité, le décès du soutien de fa- mille, le divorce, la retraite entraînent la nécessité d'une telle protection. Certaines per- sonnes ont besoin de conseils, de services, de mesures de réinsertion ou d'accompagne- ment. Ce sont des données de l'existence. Elles posent des questions fondamentales : est-ce l'affaire des individus et des familles, faut-il qu'une société adopte et applique des mesures de solidarité ? Quelle part de la richesse nationale un Etat peut-il, devrait-il, consacrer à la protection sociale ?

2. L'évolution historique

PERRIN, Guy: L'assurance sociale - ses particularités - son rôle dans le passé, le présent et 1 'avenir. In : Beitrdge zu Geschichte und aktueller Situation der Sozialversicherung. Buncker & Humblot. Berlin 1983.

PERRIN, Guy : Le plan Beveridge : les grands principes. Revue interna- tionale de sécurité sociale, 1-211992, pp. 45 ss.

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF

2.1 Les modes anciens de protection et l'assurance privée

De tout temps, les individus ont cherché à se protéger à 1' égard des risques de la vie. La famille, en tant que cellule de base, a le plus souvent assumé cette tâche, selon ses possibilités.

Parmi les modes de protection, qui ont précédé la sécurité sociale, il convient de citer:

-l'épargne -la charité

-la responsabilité de l'employeur - la mutualité

- 1' assurance privée

- 1' assistance (ou aide) sociale - 1' assurance sociale

L'épargne consiste dans le fait, pour un individu, une famille ou un autre groupe, de garder en réserve une partie de ses ressources. Inconvénients : peu accessible aux classes les plus défavorisées; grande difficulté de prévoir les risques; certains d'entre eux (cf soins médicaux) dépassent la capacité financière de la plus grande partie de la popu- lation. Ainsi, l'épargne peut tout au plus jouer un rôle de complément.

La charité peut être décrite comme une épargne mise à la disposition d'autrui : une ou des personnes aident ceux qui sont dans le besoin. Inconvénients : pas de garantie quant à la protection; dépendance de l'assisté.

La responsabilité de l'employeur a précédé notamment l'assurance-accidents.

La responsabilité a tout d'abord été engagée en cas de faute, puis de manière causale.

Inconvénients : détérioration des relations de travail, vraisemblablement licenciement;

aucune planification possible pour l'employeur, exposé à l'insolvabilité.

La mutualité représente à l'origine une union de travailleurs décidés à faire face ensemble aux risques. Contre paiement de cotisations, les caisses mutuelles (sans but lucratif) garantissent certaines prestations. Inconvénients : limites à la solidité financière;

une sélection de risques n'est pas exclue.

L'assurance privée : «Toute opération d'assurance met en présence deux par- tenaires : d'une part une communauté de personnes qui, exposées à certains risques, les transfèrent à un tiers; d'autre part un organisme qui, prenant en charge ces risques moyennant rétribution, les compense en recourant aux données de la statistique. A partir de cela, l'assurance peut être définie comme l'opération par laquelle une partie, l'assuré, se fait promettre par l'autre, l'assureur, en cas de réalisation d'un risque, une prestation de nature économique en échange d'une contre-prestation appelée prime. Ainsi, une re-

(9)

...

6 CAlllERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

lation juridique se crée entre l'assureur et chacun de ses assurés. >>1 Avantage : dévelop- pement technique très poussé et par là sérieuses garanties de sécurité. Inconvénient : sélection de risques (découlant d'une politique commerciale). Important rôle de complé- ment. A distinguer: l'intervention de compagnies privées d'assurances dans la gestion d'un régime de sécurité sociale (cf l'assurance-accidents LAA), avec observation d'une législation de droit public.

2.2 L'émergence de l'assurance sociale

Les besoins sociaux ont donc conduit au développement des différents modes individuels et collectifs de protection évoqués ci-dessus; ceux-ci sont en partie aussi an- ciens que notre civilisation. Le début de la protection sociale en tant que système organi- sé par l'Etat doit toutefois être situé à la fin du 19e siècle. C'est à ce moment-là que plusieurs pays européens, influencés par l'exemple allemand, ont commencé à mettre en place une forme jusqu'alors inconnue de protection sociale : des assurances sociales cou- vrant certaines catégories de personnes et certains risques sociaux.

C'est en effet au deuxième empire allemand que revient sans doute le rôle pion- nier qui, sous le règne de Guillaume II, fut le premier pays à s'être doté d'une assurance- maladie sociale des travailleurs. Sous pression de la question ouvrière résultant de la première révolution industrielle et de l'exode rural, le chancelier Otto v. Bismarck pré- conisa de tempérer les esprits de gauche en offrant un système d'assurances sociales aux travailleurs. Le film des événements dénote alors une évolution rapide, qui pourrait servir d'exemple aux législateurs contemporains : 1881 promulgation du message de l' empe- reur à l'attention du Reichstag - 1883 adoption de la Loi sur l'assurance-maladie - 1884 adoption de la Loi sur l'assurance-accidents du travail - 1889 adoption de la Loi sur l'assurance-invalidité et vieillesse2.

Quels étaient les éléments novateurs du système inventé par Bismarck? Tout en se servant de certains traits de l'assurance privée déjà bien connues à l'époque (répartition du risque au sein de la collectivité des assurés avec péréquation des charges financières au moyen de cotisations), le fondateur de 1' assurance sociale ajouta des carac- téristiques originales pour 1' époque : la finalité de 1' assurance devient sociale en ce qu'elle vise non pas à faire des bénéfices commerciaux mais à protéger la classe défavori- sée contre les risques de la vie; la loi la rend obligatoire; son organisation est surveillée par l'Etat mais elle est décentralisée, c'est-à-dire assumée par des institutions autonomes;

son financement enfin est supporté par le moyen de cotisations avec une participation des employeurs et une garantie étatique.

Bernard VIRET : Droit des assurances privées. Ed. de la Société suisse des employés de

commerce, Zürich 1983, p. 13). ·

2 Aujourd'hui les différentes branches de l'assurance sociale allemande ont été coulées dans une oeuvre législative moderne, le code de sécurité sociale (Sozialgesetzbuch SGB), mais certains traits caractéristiques créés à l'époque ont subsisté (voir point 3.4 Eléments de droit comparé) .

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

2.3 L'émergence de la sécurité sociale

La sécurité sociale ne représente pas une rupture dans l'histoire de la protection sociale. Elle est au contraire élaborée à partir des modes qui l'ont précédée. Elle s'est essentiellement nourrie des réalisations et expériences des assurances sociales et de l'assistance sociale (par exemple, la nécessité d'instituer des protections en faveur des salariés, mais aussi de prévoir certaines garanties en faveur de l'ensemble de la popula- tion, la validité des deux finalités représentées par une garantie de revenu en relation avec le gain antérieur et par celle d'un minimum de ressources). La sécurité sociale a aussi bénéficié des techniques très élaborées mises au point par les assureurs privés pour la gestion des risques et des fonds accumulés. Enfin, l'épargne, la responsabilité de l'employeur et les mutuelles peuvent représenter des compléments utiles.

Celui qui mentionne O. von Bismarck comme étant le fondateur de 1 'assurance sociale n'omettra pas d'attribuer ce même rôle à Sir William Beveridge en ce qui con- cerne la sécurité sociale. Cet expert des questions sociales adressa au Gouvernement britannique, en date du 20 novembre 1942, le fameux« Rapport sur l'assurance sociale et les services connexes» («Social insurance and allied services») - dénommé depuis lors« Plan Beveridge». Bien qu'il ne rompit pas avec la tradition de l'assurance sociale, le concept de Beveridge introduisit des éléments novateurs qui, depuis lors, sont devenus des caractéristiques de la notion de sécurité sociale : vision globale des éventualités à couvrir, protection de l'ensemble de la population3 . Les modes de protection antérieurs à l'apparition de la sécurité sociale n'ont pas disparu, mais ils ont été intégrés par celle-ci.

Ils sont devenus des techniques au service de la sécurité sociale. L'assurance sociale re- présente la technique privilégiée des systèmes contemporains de sécurité sociale.

La sécurité sociale est ainsi née pendant la période 1944-19524 . Trois instruments adoptés par l'Organisation internationale du Travail (OIT) ont donné des objectifs et un contenu à cette nouvelle institution :

la Recommandation OIT No 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944),

la Recommandation OIT N° 69 concernant les soins médicaux (1944).

la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952).

L'idée lancée par Bismarck durant les années quatre-vingt du siècle passé a été largement reprise par des législateurs d'autres pays, tels l'Autriche et la France, qui con- naissent comme l'Allemagne un système basé sur l'assurance sociale. De même le modèle proposé une soixantaine d'années plus tard par Beveridge, destiné à former la base théo- rique d'un système de protection sociale modernisée en Angleterre, fut lui aussi une

3

4

Les assurances sociales ne prennent traditionnellement en charge que les travailleurs salariés.

La voie a été préparée par les Social Security Acts des Etats-Unis (1935) et de Nouvelle- Zélande (1938).

(11)

8 CAffiERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER/B. KAIDL-WOLFF HORS SERIE No 2 (1998)

d,. · t" r bt"en des Etats notamment ceux du Commenwealth, comme source msptra ton pou ,

l'Australie et le Canada.

3. Eléments de droit comparé

DUPEYROUX, Jean-Jacques : Droit de la sécurité sociale. 13e éd Dalloz. Paris 1998.

GITTER, Wolfgang: Sozialrecht. 3e éd Ch. Beek. Munich 1992.

DUMONT, Jean-Pierre : Les systèmes de protection sociale en Europe.

3e éd Economica. Paris.

PIETERS, Danny : Introduction into the Social Security Law of the Member States of the European Community. 2e éd Maklu. Antwerpen- Apeldoorn!Bruylant. Bruxelles 1993.

Ainsi l'on peut certes retracer une évolution historique qui, grosso modo, fait ap- paraître deux conceptions distinctes ayant influencé les régimes nationaux de protection sociale. Mais il faut en même temps admettre que la situation légale que l'on peut au- jourd'hui observer dans les différents pays est loin de se présenter comme un schéma cal- qué soit sur le concept pur de Bismarck ou le concept pur de Beveridge.

3.1 Le développement de systèmes mixtes ou à étages

Les systèmes autrichiens et allemands, bien que incontestablement fondés sur 1' assurance sociale, ne se bornent plus à couvrir la seule population ouvrière mais ont été étendus, au fil du temps, à d'autres parties de la population. Inversement des pays ayant opté pour une sécurité sociale de base pour tous, comme en Scandinavie, ont développé des protections complémentaires. Celles-ci ne répondent généralement pas à l'idée de l'universalité mais elles sont destinées à garantir le niveau de vie antérieur pour les per- sonnes exerçant une activité lucrative. Il est significatif que la Grande-Bretagne figure parmi les pays qui ont connu un accroissement considérable des protections complémen- taires, un développement que 1' on explique entre autre par les limites des régimes de

base5. ·

La méthode d'analyse des régimes de sécurité sociale proposée ci-dessous6 peut être utilisée avec profit lors d'études de droit comparé.

3.2 Terminologie

Il n'existe pas de terminologie unifiée (sur le plan international ou sur un plan régional tel que l'européen). Dès lors, chaque système est défini par un législateur natio-

5 6

Jean.:.Pierre DUMONT: Les systèmes de protection sociale en Europe, pp. 81 et 84.

Voir ci-dessous : 4.2.5

(12)

HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF

nal. Il n'est guère possible de tirer des conclusions à partir des termes employés. Ce n'est pas parce qu'un pays n'emploie pas formellement la dénomination de sécurité sociale qu'il ignore ce concept (cas typique : la Suisse). Cela n'est guère étonnant : les système de sécurité sociale sont marqués par leur histoire, par les institutions d'un pays, par les acteurs sociaux7.

3.3 Intérêt du droit comparé

Dans chaque pays, des besoins de protection analogues sont présents (accès aux soins de santé, garanties de revenus de remplacement à court et à long terme, services sociaux), des choix de valeurs s'imposent (quelle part accorder à la solidarité ?), l'éco- nomie et la démographie fournissent ressources et contraintes, des débats politiques por- tent sur la place du social. La compréhension de son propre système, comme son appli~

cation et son développement, sont ainsi enrichies par une approche de droit comparé. Il est significatif à cet égard que l'Union européenne organise des échanges réguliers d'in- formations sur la protection sociale des Etats membres; également, les pays en transition - avant de procéder aux réformes - ont étudié les systèmes notamment d'Europe occi- dentale, non pas pour les copier, mais pour tirer parti de leurs expériences.

3.4 Sources

L'accès aux sources de droit relatives à la sécurité sociale d'un Etat étranger est plus ou moins aisé selon s'il existe ou non une codification des règles légales. Des législa- teurs nationaux se sont en effet attelés à couler dans un seul code des réglementations souvent éparpillées. C'est le cas de la France8 et de l' Allemagne9, qui disposent de véri- tables codes de la sécurité sociale adoptées dans le but notamment de systématiser et de rationaliser une matière devenue trop complexe. Un tel effort de rationalisation et de clarification serait aussi indiqué pour le droit suisse de la sécurité sociale.

4. Les notions

4.1 Assurance sociale et assistance sociale

L'assistance ou aide sociale et l'assurance sociale sont deux modes collectifs publics de protection particulièrement importants. Ils sont intégrés, au moins sur le plan théorique (doctrine contemporaine), à la sécurité sociale1o.

7

8 9 10

Hans ZACHER : Ziele der Alterssicherung und Formen ihrer Verwirklichung. In : Al- terssicherung im Rechtsvergleich (H. Zacher éd.) NOMOS. Baden-Baden 1991, pp. 25 sv., 95.

Code de la sécurité sociale.

Sozialgesetzbuch (comprenant dix livres).

En ce qui concerne la terminologie « sécurité sociale/assistance sociale », employée en droit communautaire, voir la Dixième Partie.

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10 CAIDERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAIDL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

Afin de mettre en évidence leurs caractéristiques respectives, les deux modes sont présentés sous forme d'un tableau comparatif:

Assurances sociales Aide sociale

1. Conception générale

• Régimes de protection destinés en principe aux salariés; droits fondés sur le paiement de cotisations.

• Régime de protection public visant à combattre la misère ou la pauvreté

2. Champ d'application personnel

• A 1' origine, couverture des salariés les plus défavorisés de l'industrie.

• Evolution : autres catégories de sa- lariés; ensemble des salariés; indépen- dants.

• Stade ultime : assurance sociale na- tionale.

• Ensemble de la population, mais avec prescription d'une condition de res- sources (ou condition de besoin). Seul celui qui est dans le besoin bénéficie d'une protection effective.

3. Champ d'application matériel

• Référence à des risques, définis pré- cisément par la législation : maladie, accident, vieillesse, invalidité, décès du soutien de famille; plus récents protection de la maternité, chômage.

• L'état de besoin : ressources inexis- tantes ou insuffisantes, quelle que soit la cause de ce besoin.

4. Prestations

• Fixées en rapport avec le gain assuré, perdu, dans certaines limites.

• La garantie des besoins vitaux n'est pas nécessairement prévue (peu de coti- sations= peu de prestations).

• Garantie du minimum vital ou d'un minimum social (un peu plus élevé).

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

5. Organisation

• Coexistence de plusieurs assurances sociales; certaine autonomie vis-à-vis de l'Etat.

• Financement généralement tripartite : assurés, employeurs, Etat.

• Droit de recours.

4.2 La sécurité sociale

4.2.1 Approche de la sécurité sociale

• Organisation par les pouv01rs pu- blies.

• Financement par les pouvOirs pu- blies.

• Droit de recours dans la conception moderne de l'aide sociale.

Les objectifs de la sécurité sociale peuvent être résumés comme suit :

a) La sécurité sociale doit tendre à couvrir l'ensemble des risques sociaux, appelés éventualités, vu la prise en considération de la maternité, de la retraite et des charges familiales (qui n'ont pas la qualité de risques).

b) Les instruments internationaux entendent guider les Etats vers la réalisation d'une protection globale (en privilégiant la prise en compte des besoins plutôt que l'évolution historique), laquelle est appelée à s'étendre progressivement (cf. le problème du coût !) à l'ensemble de la population. Concrètement, par exemple, cela revient à opter pour l'institution d'un régime de retraites pour tous - des compléments étant bien sûr possibles - plutôt que pour l'existence d'une multi- tude de régimes de retraites (salariés du secteur public, industrie, artisanat, agri- culture, etc.).

c) L'accent est mis sur le but de protection. Celui-ci peut être réalisé de plusieurs manières. Ainsi, les assurances sociales et l'aide sociale, comme d'ailleurs le ser- vice public, deviennent des techniques au service de la sécurité sociale. Concrè- tement, un Etat peut opter entre l'assurance-maladie et le service national de santé, entre une assurance sociale retraites ou un régime de retraite financé et administré par l'Etat, etc. Les choix dépendront notamment des réalisations exis- tantes et des préférences d'une population. Le droit international ainsi axé sur la protection définira les éventualités, les personnes à protéger, les prestations (dans leurs toutes grandes lignes); il laisse une très grande liberté aux législateurs natio- naux quant à 1' organisation administrative (institutions mises en oeuvre), financiè- res (sources de financement, modes de prélèvement, techniques financières) et contentieuses (autorités de recours, procédure).

Le contenu de la sécurité sociale, au sens de la Convention OIT No 102 concer- nant la norme minimum de la sécurité sociale comprend :

(15)

12 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE No 2 (1998)

soins médicaux, indemnités de maladie, maternité,

vieillesse (ou retraite),

survivants (ou décès du soutien de famille), invalidité,

accidents du travail et maladies professionnelles, chômage,

charges familiales (ou prestations familiales).

La sécurité sociale, considérée au sens large, a de plus en plus tendance à être composée de plusieurs étages de protection (ou« piliers»). En effet, il est généralement admis que l'Etat n'a pas à se charger de l'ensemble du domaine (cf par exemple les reve- nus de remplacement pour la retraite) et qu'il est adéquat de laisser un certain espace aux initiatives professionnelles et individuelles. Dans cette perspective, qui peut théorique- ment se présenter pour toutes les éventualités, peuvent être distingués :

les régimes publics de sécurité sociale,

les régimes complémentaires de sécurité sociale, les protections individuelles complémentaires.

L'Europe occidentale tend vers une telle construction générale, que l'on peut représenter sous la forme d'une pyramide à trois étages. Cette construction inspire égale-

ment les pays en transition. ·

4.2.2 Proposition d'une définition de la sécurité sociale

Peut-on définir cette institution ? La question peut sembler être une boutade ! Pourtant bien des auteurs (cf par exemple DUPEYROUX) ont souligné la difficulté non pas d'approcher l'institution même mais d'en tracer les contours précis. Faut-il se fonder sur la description donnée par un législateur dans un pays donné (les disparités d'un Etat à 1' autre seront encore plus grandes que dans la réalité), sur le cadre donné par la Conven- tion OIT N° 102 (malgré sa grande valeur, elle date de 1952 ... ; par exemple, la problé- matique des ressources minimales à garantir pour lutter contre la pauvreté est revenue sous les feux de l'actualité au vu de l'évolution économique défavorable) ? Il semble préférable de prendre pour base les fonctions de la sécurité sociale contemporaine.

La sécurité sociale peut ainsi être définie comme un ensemble de mesures officiel- les coordonnées ayant pour fonctions :

1. de garantir les soins de santé;

2. de garantir l'octroi d'un revenu social de compensation, l'accès à des services so- ciaux (y compris l'information sur l'ensemble du système de sécurité sociale et les mesures privées qui peuvent le compléter);

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

3. de garantir l'octroi d'un revenu social de remplacement, notamment en cas de maladie, maternité, vieillesse, décès du soutien de famille, d'invalidité, d'accident et de maladie professionnelles, de chômage;

4. de garantir des mesures d'insertion professionnelle et sociale;.

5. d'instituer des mesures relatives à la prévention, à l'adaptation et à la réadapta- tion, à l'action sociale et à la recherche sociale, au service des fonctions énumé- rées ci-dessus.

Un tel système doit être organisé et financé selon des modalités qui permettent une protection effective, ce qui implique l'affiliation obligatoire- au moins pour les régi- mes de base- ainsi que des mécanismes de solidarité dans l'optique d'un financement équitable; il doit garantir un droit de recours.

4.2.3 Les qualités de la sécurité sociale

Le « plus » apporté par la sécurité sociale est incontestablement sa vision tendant à être globale. Les besoins sociaux représentent une donnée. Si la législation procède de manière sectorielle, « par petites touches», elle va inévitablement laisser de côté des be- soins réels et des personnes à protéger. La juxtaposition d'une série de modes de protec- tion, sans une certaine architecture, va cumuler une complexité extrême (et la sécurité sociale elle-même est déjà loin d'être simple !), des chevauchements inutiles, des lacunes qui peuvent être graves.

Il est nécessaire, lorsque la protection sociale connaît un certain niveau de déve- loppement, d'avoir un minimum de vue d'ensemble, d'organisation, aussi bien pour légi- férer que pour gérer, de même que pour prévoir le long terme. Cela est d'autant plus vrai dans la période de mutations rapides et profondes que nous connaissons.

4.2.4 Qu'attend-on aujourd'hui de la sécurité sociale?

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE:

La sécurité sociale demain : permanence et changements. AISS.

Genève 1995.

L'institution doit répondre à un besoin élémentaire de l'être humain, celui de la sécurité. Il y a un paradoxe : l'avenir est incertain (que sera la situation politique et éco- nomique dans 1, 5 ou 20 ans? Nul ne le sait). Une composante peut cependant être rela- tivement bien prise en compte : c'est l'évolution démographique. Une autre peut proba- blement aussi être cernée : l'évolution des besoins. Mais l'incertitude demeure la carac- téristique fondamentale du futur. Et simultanément, la revendication - légitime - de la sécurité demande d'instituer et de piloter des systèmes de protection, avec le plus d'efficacité possible. Le problème peut être envisagé de plusieurs manières, avec la con- jugaison des meilleures analyses, ce paradoxe sera cependant toujours présent et il faut

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14 CAIDERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (i998)

vivre avec ! En d'autre termes, la sécurité sociale est condamnée à coexister avec une certaine insécurité, d'où la nécessité pour les autorités législatives de disposer d'un pou- voir discrétionnaires suffisamment large qui leur permet une planification en fonction des besoins et des ressources changeants. Les impondérables auxquels doit faire face la sé- curité sociale expliquent en même temps que, dans ce domaine spécialement, des normes constitutionnelles ou internationales ne peuvent fixer qu'un cadre souple au législateur.

Dans quels domaines ce besoin de sécurité se manifeste-t-il le plus ? Les deux secteurs prioritaires sont certainement la garantie des soins médicaux (entendus au sens large, y compris notamment l'hospitalisation) et les pensions11 . Une très large partie de la population pourrait être exposée à la gêne et au recours à l'assistance- vu le coût de la médecine, science développée et largement efficace - sans une socialisation de la sauve- garde et du rétablissement de la santé. La prise en charge, par exemple, d'une opération et d'un séjour de quelques semaines dans un hôpital - au coût réel - est hors de portée de beaucoup ou entraînerait la création de dettes longues à rembourser. L'évolution prévisible n'indique pas de tendance contraire12. Les «cas bagatelles» pourraient en revanche être supportés par la majorité de la population, à condition de bien tenir compte du revenu familial et du nombre de personnes qui en vivent. Ce besoin de protection so- ciale vaut aussi à l'égard de la retraite, du décès du soutien de la famille et de l'invalidité.

Il est très difficile de gérer convenablement sur le plan individuel des réserves suffisantes pour la retraite (cf inflation, durée de vie, besoins particuliers du grand âge). Il suffit de rappeler ici que l'espérance de vie est actuellement, à la naissance d'environ de 73 ans pour les hommes et de plus de 80 ans pour les femmes13. Quant aux risques décès et in- validité, ils sont aussi difficilement planifiables à 1' échelon individuel si 1' on veut une ga- rantie à long terme, sous forme de revenus périodiques.

Le besoin de sécurité se manifeste ensuite à l'égard des risques professionnels : accidents du travail et maladies professionnelles (besoin de soins, de revenus à court et à long terme), chômage. Ici également, les pertes de revenus peuvent être lourdes (par exemple invalidité totale survenue à l'âge de 50 ans; chômage de longue durée). Un be- soin réel existe enfin en matière de perte de gain maladie ou maternité, de charges fami- liales (ces dernières, de manière prioritaire évidemment pour les familles nombreuses à petits revenu) et de formation (reconversion non considérée par l'assurance-chômage).

Quelle garantie apporter : un revenu de remplacement minimal, pour toute la po- pulation ou un revenu de substitution établi en fonction des gains perdus ? Face a ces deux sortes de besoin, les systèmes de sécurité sociale et leurs compléments doivent ten- ter de répondre aux deux demandes. Négliger la première nous amènerait en pleine socié- té duale; écarter la seconde démobiliserait les travailleurs. Il y a là matière à répartition

Il

12

13

En sécurité sociale, le terme de pensions regroupe les prestations de retraite (ou vieil- lesse), de survivants et d'invalidité.

Cf. le développement de nouveaux diagnostics et de thérapies plus efficaces, de même que l'allongement de la durée de vie.

Chiffres valables pour la Suisse. Cf. L'influence de l'évolution démographique sur le fi- nancement de l' AVS. Rapport démographique concernant l' AVS, 2e édition. Office fédé- ral de la statistique. Berne 1990, p. 14.

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAlllL-WOLFF

des tâches entre collectivités publiques et partenaires sociaux; nous y reviendrons à pro- pos de l'architecture relative aux pensions (6e partie).

4.2.5 Peut-on approcher ce domaine complexe avec une méthode simple ?

Il faut partir du général pour aller aux points particuliers : avoir une idée générale de la grande ville avant d'en explorer toutes les rues ... Il convient dans cette perspective de voir comment un système national de sécurité sociale est conçu : système unifié, pré- sence de grands régimes, multitude au contraire de régimes, en se rappelant les neuf éventualités couvertes (cf ci-dessus).

Tout régime peut ensuite être analysé selon la méthode simple suivante : critère 1 :

critère 2:

critère 3 :

critère 4 : critère 5 :

La conception de la protection (législation applicable, but, grands princi- pes).

Le champ d'application personnel (personnes assujetties au régime).

L'éventualité ou les éventualités couvertes (p. ex. comment l'invalidité est -elle définie ? par rapport à 1' atteinte à la santé ou à la perte de la capacité de gain?)

Les prestations (conditions générales d'octroi, sortes de prestations et conditions spécifiques d'octroi, durée de service, indexation).

L'organisation administrative (les institutions de sécurité sociale, les enti- tés et personnes avec lesquelles elles collaborent, p. ex. le corps médical), financière (méthode de financement, répartition, capitalisation, sources, modalités de prélèvement) et contentieuse (droit de recours, autorités compétentes).

METHODE D'ANALYSE

Conception générale du système de sécurité sociale dans un pays.

Pour chaque régime :

1. CONCEPTION DE LA PROTECTION

2. CHAMP D'APPLICATION PERSONNEL

3. EVENTUALITE(S) COUVERTE(S)

4. PRESTATIONS

5. ORGANISATION ADMINISTRATIVE,

FINANCIERE ET CONTENTIEUSE

(19)

16 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE No 2 (1998)

5. Les défis auxquels la sécurité sociale est confrontée

Pour terminer cette approche sommaire sur la sécurité sociale, considérée de manière générale, l'on peut mentionner brièvement les défis auxquels l'institution est confrontée :

a)

b)

c)

d)

e)

14

Une sélection adéquate et humaine de besoins sociaux qui seront pris en compte par la législation. Il ne sera pas possible de répondre pleinement à toutes les de- mandes, en toutes circonstances (p. ex. évolutions démographique et économique défavorables). Les besoins élémentaires doivent en tout cas être satisfaits (soins médicaux, revenu de remplacement jusqu'à un niveau à prescrire pour les éven- tualités de la sécurité sociale, garantie minimale de ressources). Il convient de bien délimiter les responsabilités des collectivités publiques, des partenaires so- ciaux et des individus. Il en découle presque naturellement plusieurs formes de protection appelées à se superposer.

L'évolution des valeurs : la période qui a suivi la seconde guerre mondiale a vu surgir la revendication du droit à la sécurité sociale et du droit à la santé. L'épo- que contemporaine est interpellée plus particulièrement par la réalisation de l'égalité de droits entre femmes et hommes. Qu'en sera-t-il à l'avenir des valeurs securité, solidarité (entre revenus, entre générations) ? Les choix impliquent une bonne connaissance des réalisations de la sécurité sociale et de ses lacunes. L'in- formation et la formation doivent continuer à être développées.

L'évolution économique : les ressources et les limites économiques représentent aussi un élément essentiel pour la sécrité sociale. L'économique ne doit pas consi- dérer le social comme un sous-produit; le social ne doit pas être anti-économique (c'est l'impasse garantie !). Le défi est ici politico-économique : compte tenu de ce qui est produit dans un pays, comment répartir les ressources entre la politique sociale, l'innovation, la formation, l'environnement, ... ?

L'évolution démographique : nos sociétés occidentales vieillissent et cela sera surtout maruqédès le début du siècle prochain (c'est-à-dire demain !)14. Le poids sera d'autant augmenté pour les régimes de soins et de retraite. Cependant, la question est liée à 1' évolution économique : si celle-ci est positive, même modé- rément, le défi démographique sera plus aisé à surmonter.

Le pilotage même des systèmes de sécurité sociale : nous ne nous trouvons pas face à des expériences théoriques de laboratoire; la sécurité sociale fonctionne, les cotisants d'aujourd'hui s'attendent légitimement à être pensionnés lorsqu'ils se- ront âgés. Or, les systèmes sont généralement compliqués et les révisions partiel- les qu'ils subissent régulièrement doivent pouvoir être cernées dans toutes leurs conséquences. Quelle vision de la sécurité sociale ont le parlementaire, l'auteur Organisation de coopération et de développement économique : L'avenir de la protection sociale. Etudes de politique sociale, N° 6. OCDE. Paris 1988, pp.12-13; BIT : L'évolu- tion démographique et la sécurité sociale en Europe, BIT. Genève 1991.

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF

du projet, le gestionnaire de l'une de ses institutions, le citoyen, l'usager ? Une rationalisation substantielle devrait permettre de déboucher sur une conception plus efficace de la sécurité sociale, à l'exemple de la réforme qui a permis de pas- ser des modes disparates de protection à la sécurité sociale au milieu de ce siècle (cf ci-dessus N° 2)15 .

Il en est, pour la sécurité sociale comme, par exemple, pour l'environnement, la formation et la recherche : nous sommes « condamnés » à réussir ! Les enjeux sont fon- damentaux.

LA SECURITE SOCIALE EST CONFRONTEE A DES DEFiS

0

0 0 0 0

Opérer une sélection adéquate et humaine des besoins sociaux

Faire face à l'évolution des valeurs

Tenir compte des ressources économiques Tenir compte des données démographiques

Assurer le pilotage même des systèmes et les rationaliser

6. Les stratégies internationales

Pour répondre aux défis qui viennent d'être très rapidement évoqués, plusieurs stratégies sont en train d'être développées. Deux sont mentionnées ici, qui émanent du Bureau international du Travail (BIT) et de la Banque mondiale.

La stratégie proposée par le Bureau international du Travail (BIT)I6 plaide en faveur de structures flexibles :

15

16

un niveau de base de protection serait défini « comme un dispositif de protec- tion universel financé par l'impôt et géré par l'Etat, qui vise à assurer à chacun les services répondant à ses besoins fondamentaux et à garantir à ceux dont les res- sources sont insuffisantes un revenu minimum de subsistance. Ce premier niveau est l'une des bases de la politique de protection sociale( ... )»;

Cf Guy PERRIN : Rationalisation et humanisation, deux objectifs prioritaires pour une réforme de la sécurité sociale. In : Emploi et politique sociale. Réalités sociales. Lausan- ne 1982. Publié également dans: Travail et société, vol. 6, N° 4, octobre-décembre 1981, p. 409 ss.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (80e session-1993 : Assu- rances sociales et protection sociale. Rapport du Directeur général. BIT. Genève 1993.

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18 CAIDERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

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un «niveau solidarité» : « II s'agit d'un système de protection obligatoire fi- nancé sur un fonds public alimenté par les cotisations des employeurs et des assu- rés (ou éventuellement par l'impôt) et versant aux ayants droits, lors de la réali- sation de certains risques, des rentes d'un montant minimum équivalant aux nor- mes fixées par les conventions de l'OIT»;

un« niveau complémentaire» : «La séparation opérée entre responsabilité pu- blique et responsabilité privée influe sur la gamme des prestations assurées au ti- tre du niveau « solidarité » et sur la nécessité éventuelle de compléter le dispositif de protection, sous une forme ou une autre, c'est-à-dire individuellement ou en groupe, par le truchement de l'employeur, directement ou dans le cadre de fonds de pension privés ou de compagnies d'assurance commerciales. Ce volet devrait viser dans tous les cas à fournir un complément de revenu répondant aux besoins de l'individu et s'ajouter à la protection sociale fondée sur la solidarité, mais sans y porter atteinte ».

Ces propositions relatives aux niveaux de base, de solidarité et complémentaires font partie d'une stratégie, qui devrait tendre à garantir une «protection sociale à des couches plus larges de la population mondiale et ( ... ) rendre cette protection plus con- forme aux buts fixés par les déclarations et normes internationales». Cette stratégie vise l'extension des programmes à la population non protégée, ce qui touche avant tout les pays en développement, la garantie de prestations suffisantes pour que les personnes dans le besoin reçoivent une aide efficace, la rationalisation des institutions compétentes afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des bénéficiaires.

Les structures flexibles proposées par le BIT confirment les responsabilités publi- ques en matière de sécurité sociale - c'est un non clair à la privatisation pour les deux premiers niveaux - tout en prévoyant un relais par un niveau complémentaire, de nature professionnelle.

La stratégie de la Banque Mondialei7 a une toute autre orientation. La Banque Mondiale estime que le vieillissement de la population, dans toutes les régions du monde, va conduire à une crise aiguë des systèmes de sécurité sociale. Elle considère les régimes publics et professionnels de retraite comme inefficaces et propose un recours large aux mécanismes du marché. Le rapport de la Banque Mondiale, publié en 1994, est axé sur les régimes de retraite, mais sa « philosophie » déborde certainement de ce secteur et est beaucoup plus générale.

La stratégie proposée est tout à fait contraire à la voie suivie en Europe, de l'Ouest comme de l'Est. Elle demande un recul important des protections publiques au profit d'une large privatisation de la protection sociale.

17 Rapport sur la crise du vieillissement. Mesures destinées à protéger les personnes âgées et à promouvoir la croissance. Washington 1994

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

Les régimes publics ou légaux devraient avoir comme objectif limité l'atténua- tion de la pauvreté chez les personnes âgées. Les prestations ne devraient pas être liées aux gains mais être forfaitaires. La Banque Mondiale ne tranche pas de manière décisive entre les prestations forfaitaires inconditionnelles et les prestations sous condition de res- sources. Dans les deux cas, ce n'est qu'un filet de sécurité.

Le deuxième niveau de protection, - pour les retraites toujours - devrait être entièrement capitalisé et placé sous administration privée. La fonction à remplir est celle de l'épargne, pour tous les groupes de revenus de la population. Deux voies sont ici possibles: les comptes d'épargne individuels ou les régimes de retraite professionnels. La Banque Mondiale estime les avantages des seconds illusoires : ils tendent à n'avoir qu' une couverture fragmentaire, à être offerts principalement aux travailleurs à revenus moyens et élevés, à restreindre la mobilité des travailleurs. En revanche, relève la Banque Mondiale, les plans d'épargne individuels peuvent être étendus et leurs prestations sont • entièrement transférables («Libre passage»); ils doivent donc être préférés. L'adminis- tration publique du 2e niveau n'est pas satisfaisante : les régimes sont souvent obligés d'investir dans le secteur public ou quasi étatique, avec fréquemment des taux d'intérêts inférieurs à ceux du marché. En revanche, les régimes privés sont compétitifs, ils obtien- nent des rendements conformes au marché.

Le troisième niveau de protection est constitué par les plans d'épargne profes- sionnels ou personnels volontaires.

Les voies proposées par la Banque Mondiale font l'objet de grands débats et de critiques très vivests.

Longtemps considérée comme une question essentiellement technique - la crois- sance économique rendait les arbitrages plus faciles - la sécurité sociale est redevenue un objet de discussions et de débats politiques. Elle est en effet liée à des grands choix de société : quelle part du revenu national distribuer selon des critères de justice sociale et quelle part attribuer selon les règles du marché, quel équilibre établir entre le social et l'économique, quelles sont les priorités de nos sociétés contemporaines ?19

18 19

Voir p. ex. le N° 3-411995 de la Revue internationale de sécurité sociale.

Alain EUZEBY : Sécurité sociale : une solidarité indispensable. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1997, pp. 3 sv.

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DEUXIEME PARTIE

L'APPROCHE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE EN SUISSE

1. Terminologie ... 22 2. Le développement historique et la diversité du système ... 23 3. Les sources ... : ... 25 3 .1. Généralités ... 25 3.2 Les principales lois fédérales de sécurité sociale ... 26 3.3 Les réglementations connexes ... 27 3.4 Une« source» particulière: les directives des autorités de surveillance ... 28 ' 3.5 La place du droit social dans l'ordre juridique suisse ... 29 4. Les principes généraux du droit constitutionnel et administratif ... 31 4.1 Le principe de la légalité ... 31 4.2 Le principe de l'égalité ... 32 4.3 Le principe de la proportionnalité ... 33 4.4 Le principe de la bonne foi ... 34 4.5 L'interdiction de l'arbitraire ... 34 4.6 La motivation des décisions ... 34 4. 7 La reconsidération et la révision ... 35 5. Les principes fondamentaux spécifiques au droit de la sécurité sociale ... 35 5.1 La réalisation progressive des fonctions de la sécurité sociale ... 35 5.2 Le principe de l'affiliation obligatoire ... 36 5.3 Le principe de l'assurance ... 37 5.4 Le principe de la solidarité ... 37 5.5 Le principe de la prévention ... 37 5.6 Le principe de la réadaptation ... 38 5.7 Le principe de l'intervention de l'Etat ... 38 6. Autres principes ... 3 8 6.1 La protection des droits acquis ... 38 6.2 L'obligation de diminuer le dommage ... 39 6.3 La proportionnalité entre le coût et le succès d'une mesure ... 40 6.4 L'interdiction d'une surindemnisation ... 40 6.5 Les règles de preuve ... 41 7. L'évolution vers une coordination et une harmonisation des régimes

de sécurité sociale ... 41 8. Méthode ... 43

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22 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

1. Terminologie

La plupart des lois fédérales relatives à la protection sociale consacrent le terme d'assurance. Il en est ainsi de l'assurance-maladie, de l'assurance-accidents, de l'assu- rance-vieillesse, survivants et invalidité, de l'assurance-chômage et de l' assurance-mili- taire; quant à la loi sur la prévoyance professionnelle, la notion d'assurance ne figure certes pas dans le titre, mais déjà les règles sur l'assujettissement expriment bien qu'il s'agit d'une assurance sociale1. La doctrine en Suisse emploie les termes de droit des assurances sociales2 (Sozialversicherungsrecht)3 ou de droit de la sécurité sociale (das Recht der sozialen Sicherheit)4 .

Si nous avons choisi le terme de sécurité sociale pour présenter le système suisse dans son ensemble, c'est dans le but de couvrir un champ de vision large. Ce choix termi- nologique permet de tenir compte du fait que certains régimes du système suisse ne sont pas conçus comme une assurance à proprement parler. On peut mentionner à ce titre les prestations complémentaires à l'A VS/AI et les allocations familiales aux travailleurs agri- coles, dont l'organisation et le financement sont rattachés à l' AVS, mais qui ne reposent pas sur l'idée de l'assurance; l'octroi de prestations complémentaires notamment se dis- tingue des prestations des autres branches par le fait que le demandeur doit se trouver dans le besoin5 et qu'il s'agit d'un régime se rapprochant de l'assistance sociale. De mê- me, le droit cantonal contient un grand nombre de systèmes de protection sociale qui ne remplissent pas les critères d'une assurance sociale mais qui ont bien plus trait à l'assis- tance6. Il faut en outre admettre que certains régimes fédéraux, bien qu'ils portent le nom d'assurance s'apparentent à certains égard plus au concept de sécurité sociale tel qu'il est né avec le rapport Beveridge en 1942 qu'à l'assurance sociale au sens bismarckien du terme. A notre avis, 1' A VS/ AI en constitue un bon exemple en ce qu'elle couvre 1' ensem- ble de la population (principe d'universalité), qu'elle instaure une solidarité entre revenus (les cotisations ne sont pas plafonnées alors que les rentes le sont), que le montant des rentes7 la fait apparaître comme un régime de base nécessitant une protection complé- mentaire par le biais de la prévoyance professionnelle8 et qu'elle est enfin partiellement financée par le budget public et non pas exclusivement par les cotisations des assurés et des employeurs. Pour toutes ces raisons le terme de sécurité sociale nous semble plus adéquat pour embrasser cette vaste branche du droit suisse.

2 3

4

5 6 7 8

Art. 2 al. 1 LPP.

P. ex. Jean-Louis DUC: Les assurances sociales en Suisse. Duc éditeur. Lausanne 1995.

P. ex. Alfred MAURER: Bundessozialversicherungsrecht. Helbing & Lichtenhahn. Ba- sel/Frankfurt am Main 1993.

P. ex. Pascal MAHON : Institutions de sécurité sociale. Presses polytechniques roman- des. Lausanne 1983.

Art. 2 al. 1 LPC.

Voir p. ex. RMI VD, RMCAS GE.

Voir art. 34 LAVS.

Voir art. 34quater Cst.

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HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF

2. Le développement historique et la diversité du système

MA URER, Alfred : Geschichte des schweizerischen Sozialversiche- rungsrechts. Schriftenreihe für internationales und vergleichendes Sozialrecht. Band 6c. Duncker & Humblot. Berlin 1981.

La sécurité sociale suisse ne constitue pas un véritable système, mais elle corn- prend plutôt une juxtaposition de régimes, organisés le plus souvent sous la forme de l'assurance sociale. En effet, le constituant et le législateur ont écarté intentionnellement l'idée d'un projet global et ont procédé de manière très pragmatique. Ils ont insisté, dès l'origine, sur la nécessité d'accumuler des expériences avec un premier régime avant d'en introduire d'autres et sur la prise en considération prudente des possibilités financières.

Comparée à d'autres Etats européens, la Suisse s'est mise relativement tard à développer son système de protection sociale. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, 1' évolution a été lente. Les seules branches à avoir été introduites au début du siècle fu- rent 1' assurance-militaire, l'assurance-maladie et l'assurance-accident, alors que les ris- ques vieillesse, invalidité et chômage ont dû attendre leur réglementation pendant plu- sieurs décennies. La législation sociale de l'après-guerre a en revanche connu un déve- loppement soutenu sous la pression des besoins et en raison d'une évolution économique favorable. Elle a débuté en 1946 avec l'adoption de la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants9 pour se poursuivre dans les domaines de l'invalidité, du chômage et des allo- cations familiales. En lieu et place d'une description détaillée du développement histori- que nous nous contentons de rappeler quelques dates :

9

1890 Art. 34bis Cst. relatif à l'assurance-maladie et à l'assurance-accidents 1900 Rejet par le peuple de la« Lex Forrer »(concernant l'assurance-maladie et

accidents)

1901 Loi fédérale sur 1 'assurance-militaire (LAM)

1911 Loi sur l'assurance-maladie et accidents (LAMA) (une loi de subvention) 1925 Art. 34quater Cst. (première version) relatif à l'assurance-vieillesse et sur-

vivants et à l'assurance-invalidité

1945 Art. 34quinquies Cst. relatif aux allocations familiales et à 1' assurance- maternité

1946 Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) 1951 Loi fédérale sur l'assurance-chômage (facultative)

1952 Loi fédérale fixant le régime des allocations familiales aux travailleurs agricoles LAPG)

1959 Loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI)

1965 Loi fédérale sur les prestations complémentaires à 1 'A VS/ AI (LPC) 1972 Révision de l'art. 34quater Cst.

1973 8e révision de l' AVS (augmentation en termes réels des rentes de 50 %(rentes simples) et 40% (rentes de couple)

1976 Art. 34novies Cst. relatif à l'assurance-chômage obligatoire Message du 24 mai 1946. FF 1946 II 23 sv.

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24 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER/ B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N° 2 (1998)

1979 9e révision de l'A VS (visant principalement la consolidation financière du régime A VS/AI)

1981 Loi fédérale sur l'assurance-accidents (LAA) (en vigueur depuis 1984) 1982 Loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insol-

vabilité (LACI) (en vigueur depuis 1984)

1982 Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) (en vigueur depuis 1985)

1986 2e révision de l'AI

1992 Entrée en vigueur de la 3e révision AI (modifiant notamment l'organisation) 1993 Loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle (LFLP)

(entrée en vigueur en 1995)

1994 Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMai) (entrée en vigueur en 1996) 1997 Entrée en vigueur de la 1 Oe révision de 1' A VS

1997 Publication du message relative à l'assurance-maternité.

Quels étaient les facteurs juridiques et politiques exerçant une influence impor- tante sur la structure de la sécurité sociale suisse et qui expliquent la relative lenteur dans le développement historique ? Ce sont :

le fédéralisme

la démocratie directe le libéralisme

initiative populaire référendum législatif

Le fédéralisme a joué un rôle important surtout jusqu'à l'adoption de l'art. 34 novies Cst en 1976 (la Confédération a alors reçu la compétence de rendre l'assurance- chômage obligatoire). Actuellement les domaines de la santé et de l'assistance ou aide sociale demeurent de la compétence des Cantons. C'est en fait principalement à cause du courant du libéralisme que le fédéralisme a marqué le développement de la sécurité so- ciale : une compétence générale en cette matière aurait pu être attribuée à la Confédéra- tion à l'origine (1890) ou après la seconde guerre mondiale, sous l'influence notamment des normes adoptées par l'Organisation internationale du Travail. A l'époque contempo- raine, le fédéralisme conserve- en dehors des domaines de la santé et de l'aide sociale -un intérêt certain. En effet, en plus des dispositions d'exécution qu'ils sont amenés à adopter (cf p. ex. art. 61 et 85 LAVS), les Cantons peuvent légiférer dans les secteurs qui ne sont pas réglés de manière exhaustive par le droit fédéral (cf Blaise KNAPP : Le fédéralisme. Société suisse des juristes. Rapports et communications. Fascicule 3/1984, pp. 301 -307). Exemples : amélioration des prestations complémentaires cantonales à l'A VS/AI allant au-delà de la LPC du 19 mars 1965; allocations familiales (la Confédé- ration n'a légiféré que pour l'agriculture et ses propres agents).

L'initiative populaire exerce une influence dynamique sur le développement de la sécurité sociale. Non pas en raison d'un effet direct (la plupart d'entre elles ont été re- tirées par leurs auteurs, les autres ont été rejetées en votation populaire), mais d'effets in- directs:

(28)

HORS SERIE N° 2 (1998) P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

a) le Parlement s'oppose à l'initiative, mais élabore un contre-projet (ex. : révision de l'art. 34quater Cst en 1972);

b) Le Parlement s'oppose à l'initiative, mais propose une nouvelle loi (cas en 1959 pour l'assurance-invalidité) ou la révision d'une loi (cas de plusieurs révisions de l'A VS).

Le référendum législatif a exercé des effets directs - refus des premières lois fédérales sur l'assurance-maladie et accidents et sur l'assurance-vieillesse et survivants - mais ce sont les effets indirects qui sont les plus importants : la menace d'une de- mande de référendum incite les diverses tendances politiques et économiques à recher- cher un compromis. En effet, les questions de sécurité sociale sont souvent complexes et techniques; plus il y a de questions plus il y a de motifs d'oppositions et il n'est guère aisé d'en faire comprendre toute la portée aux votants; le risque d'un résultat négatif n'est alors guère négligeable. La recherche d'un consensus se manifeste ainsi tout au long des travaux préparatoires. L'élaboration de la loi fédérale sur la prévoyance profes- sionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) l'illustre très clairement.

L'influence du libéralisme a été mise en évidence, à juste titre, par le prof Ph.

BOIS (Philippe BOIS : Spécificités de la politique sociale en Suisse. In : Droit et politi- que sociale : Travaux réunis par P. de LAUBIER et J.-P. FRAGNIERE. Delta. Vevey 1980, pp. 34-36). Il l'ajoute aux critères classiques qui viennent d'être exposés : «(ce) courant de pensée, important en Suisse, exerce évidemment une influence dans le do- maine des assurances sociales ». Il a eu en tout cas deux effets :

a) la résistance à l'affiliation obligatoire à un régime : le problème demeure en ma- tière d'assurance-maladie à l'égard des indemnités journalières;

b) la résistance à l'organisation centralisée : la sécurité sociale en Suisse est gérée par une multitude d'institutions publiques et privées. L'on peut ajouter que ce courant politique, majoritaire, est traditionnellement prudent à l'égard du déve- loppement de la sécurité sociale.

3. Les sources 3.1 Généralités

Le droit suisse de la sécurité sociale est très complexe, il comprend un grand nombre de sources (au sens large du terme) :

Constitution fédérale, droit international, lois,

jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances et des autorités cantonales de recours,

ordonnances,

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26 CAlllERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF HORS SERIE N°'2 (1998)

règles adoptées par certaines institutions (caisses de pensions).

S'y ajoutent les directives administratives (OFAS, OFIAMT). Tous ces textes changent rapidement, au moins dans leurs détails.

Il convient également de mentionner le projet de loi sur la partie générale du droit suisse des assurances sociales à l'étude devant le Parlement. Ce projet de Partie générale s'appliquerait à l'ensemble du droit fédéral relatif aux assurances sociales, dont il consti- tuerait le« tronc commun» ou base; les lois fédérales actuelles (LAVS, LAA, LPP, etc.) deviendraient des lois spéciales (« 2e étage»). Le projet porte sur : la définition des éventualités et d'autres notions de base (incapacité de gain, travailleur, etc.); des disposi- tions générales concernant les prestations en nature et en espèces (p. ex. évaluation com- mune du degré d'incapacité de travail et de gain); le salaire soumis à cotisations; divers rapports juridiques (prescription, restitution de prestations indûment reçues, etc.); des dispositions générales de procédure non-contentieuse (p. ex. information des intéressés, obligation de garder le secret, délais) et contentieuse (p. ex. autorités de recours, règles de procédure); coordination des diverses législations.

Mise à part la réglementation relevant spécifiquement de la sécurité sociale, il convient de garder à l'esprit les règles générales relatives au droit administratif et à 1' organisation judiciaire ainsi que les domaines qui se trouvent dans un rapport étroit avec celui qui nous intéresse. Le droit du travail est ici à mentionner en premier lieu, car nombreux sont les points de contacts entre la sécurité sociale et la relation tra- vailleur/employeur: l'existence d'un contrat de travail est un indice non négligeable pour déterminer le statut cotisant d'une personne dans l' AVS/ AI (indépendant, salarié ou per- sonne sans activité lucrative (art. 5, 8, 10 LAVS), l'obligation de l'employeur de payer le salaire en cas d'empêchement de travailler pour cause d'accident dépend de la prise en charge de la perte de gain par l'assurance-accident (art. 324b CO), la fin du contrat de travail et les raisons de cette dernière ont des répercussions sur le droit aux indemnités de chômage (art. 10, 30 LACI), etc. Cette énumération, qui pourrait se poursuivre, doit suf- fire pour indiquer que le droit de la sécurité sociale est d'une grande complexité et que le juriste ne saurait se confiner dans une seule et unique branche juridique lorsqu'il s'attelle à résoudre des cas concrets.

3.2 Les principales lois fédérales de sécurité sociale

1. Loi fédérale sur l'assurance-maladie, RS 832.10 (LAMai) 2. Loi fédérale sur l'assurance-accidents, RS 832.20 (LAA)

3. Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, RS 831.10 (LAVS) 4. Loi fédérale sur l'assurance-invalidité, RS 831.20 (LAI)

5. Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'A VS/Al, RS 831.30 (LPC) 6. Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité,

RS 831.40 (LPP)

7. Loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle, RS 831.42 (LFLP)

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