Universit´e de NICE
Fondements math´ematiques 3 (2019-2020) Notes de cours sur l’int´egration
Antoine Douai 12 novembre 2019
1 Int´ egrale simple (rappels)
Fait en cours : lien int´egrale de fonctions continues/primitive ; calcul d’une int´egrale par primi- tive, int´egration par parties, changement de variable.
2 Int´ egrales g´ en´ eralis´ ees
Soit −∞< a < b≤+∞ etf : [a, b[→Rune fonction continue. On cherche `a donner un sens `a l’int´egraleRb
af(t)dt. Par exemple, comment d´efinir Z +∞
a
f(t)dt sif est continue sur [a,+∞[ ?
2.1 Les int´egrales du type R+∞
a f(t)dt
D´efinition 2.1 Soit a ∈ R et f : [a,+∞[→ R une fonction continue. On dit que l’int´egrale R+∞
a f(t)dt, int´egrale g´en´eralis´ee de f sur [a,+∞[, estconvergente si la fonction F :x7→
Z x a
f(t)dt
a une limite `∈Rquand x tend vers +∞. Si tel est le cas, on note Z +∞
a
f(t)dt:=`.
SiF n’a pas de limite r´eelle quandxtend vers+∞, on dit que l’int´egraleR+∞
a f(t)dtestdivergente.
D´eterminer lanature d’une telle int´egrale c’est d´ecider si elle est convergente ou divergente.
Remarque(s) 2.2 1.On a une d´efinition analogue de la convergence deRb
−∞f(t)dt sif est conti- nue sur ]− ∞, b].
2. La fonction F est l’analogue de la suite des sommes partielles pour les s´eries num´eriques. Les notions de convergence pour les s´eries et les int´egrales sont tr`es proches. De fait, nous allons voir que l’essentiel des crit`eres de convergence pour les s´eries se transpose sans difficult´es au cas continu.
3.La constante a ne joue ici qu’un rˆole anecdotique : sic > aet f continue sur [a,+∞[, il revient au mˆeme de dire que l’int´egrale R∞
a f(t)dt converge ou que l’int´egrale R+∞
c f(t)dt converge.
2.2 Les int´egrales du type Rb a f(t)dt
D´efinition 2.3 Soit aet b deux nombres r´els tels quea < b et f : [a, b[→R
une fonction continue, non born´ee au voisinage de b. On dit que l’int´egrale Rb
af(t)dt, int´egrale g´en´eralis´ee de f sur [a, b[, estconvergente si la fonction
F :x7→
Z x a
f(t)dt
(a≤x < b) a une limite `∈Rquand x tend vers b. Si tel est le cas, on note Z b
a
f(x)dx:=`.
Si F n’a pas de limite r´eelle quand x tend vers b, on dit que l’int´egrale Rb
af(t)dt estdivergente.
D´eterminer lanature d’une telle int´egrale c’est d´ecider si elle est convergente ou divergente.
Remarque(s) 2.4 1.On a une d´efinition analogue de la convergence deRb
af(t)dt sif est continue sur ]a, b], f non born´ee au voisinage dea.
2. Si f est continue sur [a, b[ et born´ee sur [a, b[ on a un faux probl`eme de convergence en b : l’int´egrale Rb
af(t)dt n’est pas une int´egrale g´en´eralis´ee.
3. Encore une fois, la constante a ne joue ici qu’un rˆole anecdotique : si b > c > a et f continue sur [a, b[, il revient au mˆeme de dire que l’int´egrale Rb
af(t)dt converge ou que l’int´egrale Rb c f(t)dt converge. On peut toujours prendre c assez proche de b.
2.3 Probl`eme de convegence aux deux bornes Soit maintenant−∞ ≤a < b≤+∞ et
f :]a, b[→R
une fonction continue sur ]a, b[. Un cas fr´equent est celui o`u a=−∞etb= +∞ : quel sens donner alors `a
Z +∞
−∞
f(t)dt?
D´efinition 2.5 Soit f une fonction continue sur]a, b[, c∈]a, b[. On dit que l’int´egrale Z b
a
f(t)dt
est convergente si chacunedes int´egrales Rc
af(t)dt etRb
c f(t)dt est convergente.
Remarque(s) 2.6 1.Il faut bien avoir compris cette d´efinition : R+∞
−∞ t3dtest divergente parce que R0
−∞t3dt l’est (par exemple) bien que Ra
−at3dt= 0 pour tout a >0! 2. Comme plus haut, le choix de c∈]a, b[est anecdotique.
2.4 Exemple : les int´egrales de Riemann
Voici des int´egrales de r´ef´erence, analogues des s´eries de Riemann : Th´eor`eme 2.7 Soit α∈R.
1. l’int´egrale R+∞
1 dx
xα est convergente si et seulement si α >1, 2. l’int´egrale R1
0 dx
xα est convergente si et seulement si α <1.
Preuve.Ceci se voit en calculant explicitement la primitive F de x7→1/xα.
Remarque(s) 2.8 L’int´egrale
Z +∞
0
dx xα
n’est jamais convergente : en effet, pour que se soit le cas il faudrait que R1 0
dx
xα soit convergente, donc α < 1, et que. R+∞
1 dx
xα le soit aussi, donc α > 1. Il est clair que l’on ne peut pas avoir simultan´ement les deux.
2.5 R´esum´e : les probl`emes de convergence
Pour ´etudier une int´egrale g´en´eralis´ee, la premi`ere ´etape est de d´ecider si il y a des probl`emes de convergence et, si oui, lesquels :
— si vous avez +∞ ou−∞dans une des bornes (ou les deux...), il y a un probl`eme de conver- gence (et donc on a une vraie int´egrale g´en´eralis´ee, il faudra faire un petit travail pour d´eterminer sa nature) ;
— si il n’y a que des bornes r´eelles, il n’ y a de probl`eme de convergence que si la fonction int´egr´ee n’est pas born´ee au voisinage de l’une de ces deux bornes (en pratique : en tout point bo`u limx→bf(x) = +∞ ou −∞). Sinon il s’agit d’un faux probl`eme de convergence : par exemple, R1
0 sint
t dt n’est pas une int´egrale g´en´eralis´ee parce que sintt →1 quandt→0.
3 Crit` eres de convergence
Les crit`eres de convergence sont analogues `a ceux donn´es pour les s´eries num´eriques.
3.1 Les int´egrales de fonctions positives
Proposition 3.1 Soientf, g: [a, b[→R, deux fonctions continues sur [a, b[ telles que 0≤g(t)≤f(t)
pour toutt∈[a, b[. On suppose queb= +∞ou bien queb∈Ret quegn’est pas born´ee au voisinage de b (de sorte que Rb
ag(t)dt est une int´egrale g´en´eralis´ee).
1. Si Rb
af(t)dt est convergente il en est de mˆeme de Rb
ag(t)dt.
2. Si Rb
ag(t)dt est divergente, il en est de mˆeme de Rb
af(t)dt.
Preuve. 1. La fonction G : x 7→ Rx
a g(t)dt, a ≤ x < b, est croissante parce que g est positive. Si Rb
af(t)dt est convergente, l’hypoth`ese 0 ≤ g ≤f montre que G est aussi major´ee. Cette fonction admet donc une limite quand x tend versb.
Remarque(s) 3.2 L’hypoth`ese f et g positives n’est pas n´egociable. Par contre les conclusions de la proposition restent vraies si l’on suppose seulement
0≤g(t)≤f(t)
pour tout t ∈ [c, b[ avec c ∈[a, b[. En pratique, il suffit donc de v´erifier ces in´egalit´es pour tout t assez proche de b (c’est `a dire “au voisinage de b”).
On en d´eduit, exactement comme pour les s´eries num´eriques, le crit`ere des ´equivalents :
Corollaire 3.3 Soient f, g : [a, b[→ R deux fonctions positives, ´equivalentes au voisinage de b. Alors Rb
ag(t)dt et Rb
af(t)dt sont de mˆeme nature, c’est `a dire simultan´ement convergentes ou
divergentes.
3.2 Convergence absolue
Pour se ramener au cas positif, on utilise la convergence absolue : D´efinition 3.4 Soit f :]a, b[→ R continue. On dit que Rb
af(t)dt est absolument convergente si Rb
a|f(t)|dt est convergente.
On a, comme toujours (ou plutˆot, comme souvent, voir le cours de compl´ements d’analyse),
Th´eor`eme 3.5 Tout int´egrale g´en´eralis´ee absolument convergente est convergente.
Preuve.Analogue `a celle donn´ee pour les s´eries.
Remarque(s) 3.6 Pour d´ecider si une int´egrale est absolument convergente, on peut bien entendu utiliser les crit`eres vus pour les fonctions positives.
3.3 Et sinon ?
Il existe des int´egrales convergentes qui ne sont pas absolument convergentes : on dit alors qu’elles sont semi-convergentes. En pratique, leur convergence peut se montrer au moyen d’une int´egration par parties : l’exemple classique estR+∞
1
sin(t)
t dt. Pr´ecisons ce point :
Proposition 3.7 Soient f et g deux fonctions d´efinies et de classe C1 sur l’intervalle [a, b[. Si limx→b,x<bf(x)g(x) existe, les int´egrales Rb
af(t)g0(t)dt et Rb
af0(t)g(t)dt sont de mˆeme nature et si elles convergent on a
Z b a
f(t)g0(t)dt= lim
x→b,x<bf(x)g(x)−f(a)g(a)− Z b
a
f0(t)g(t)dt.
Il est inutile de retenir ce r´esultat par coeur : nous le retrouverons `a chaque fois, en int´egrant par parties sur [a, x], x < b, et en faisant tendre x vers b. On peut aussi utiliser un changement de variables.
4 Comparaison s´ erie-int´ egrale
Rappelons enfin le th´eor`eme de comparaison s´erie-int´egrale, d´ej`a ´enonc´e au chapitre I :
Th´eor`eme 4.1 Soit f une fonction continue, positive et d´ecroissante sur[0,+∞[(ou sur[a,+∞[, a≥0). Alors R+∞
0 f(x)dx (ouR+∞
a f(x)dx) et P
f(n) sont de mˆeme nature. Si de plus n≥0 on a, en cas de convergence,
Z +∞
n+1
f(x)dx≤
+∞
X
k=n+1
f(n)≤ Z +∞
n
f(x)dx.
Preuve.La d´ecroissance de f entraine Z n+1
n
f(x)dx≤f(n)≤ Z n
n−1
f(x)dx,
l’in´egalit´e de droite ´etant vraie pour n ≥ 1. Il suffit de sommer ces in´egalit´es pour montrer que les suites (Rn
0 f(x)dx) et (Sn) (Sn = f(0) +· · ·+f(n)) sont de mˆeme nature, c’est `a dire simul- tan´ement convergentes ou divergentes. La positivit´e de f assure que l’int´egrale R+∞
0 f(x)dx et la suite (Rn
0 f(x)dx) sont de mˆeme nature.