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Brève histoire de la sécurité sociale en Suisse à travers quelques événements

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Academic year: 2022

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Brève histoire de la sécurité sociale en Suisse à travers quelques événements

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Brève histoire de la sécurité sociale en Suisse à travers quelques événements. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2008, no. 41, p. 25-87

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8506

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(2)

BREVE HISTOIRE DE LA SECURITE SOCIALE EN SUISSE A TRAVERS QUELQUES EVENEMENTS

Prof. Pierre-Yves GREBER Faculté de Droit, Université de Genève

Bibliographie générale

Nos

1. INTRODUCTION... 1

2. UNE PREMIERE BASE D’ASSURANCE SOCIALE DANS LA CONSTITUTION FEDERALE DE 1874...5

2.1 De la responsabilité civile à l’assurance ...5

2.2 La naissance de l’assurance sociale ...6

2.3 Une intervention fédérale...8

2.4 Une protection maladie/accident ou plus globale ?...9

2.5 L’art 34bis a.Cst ...11

2.5.1 La disposition ...11

2.5.2 Comment réaliser la protection ? ...13

2.5.3 Prestations : liberté pour le législateur...15

2.5.4 Personnes protégées : liberté pour le législateur ...16

2.6 Une concrétisation législative difficile (pour l’assurance-maladie)...18

3. UNE EVOLUTION LENTE ET REDUITE JUSQU’EN 1939...21

3.1 Une évolution lente et réduite...21

3.2 La création de l’assurance-accidents sociale ...23

3.3 Le cadre change ...26

4. LA CREATION DE L’ASSURANCE-VIEILLESSE ET SURVIVANTS (AVS) ET DE L’ASSURANCE-INVALIDITE (AI) (1939-1965)...27

4.1 La création de l’AVS ...28

4.2 La création de l’assurance-invalidité ...33

4.3 Les prestations complémentaires à l’AVS/AI ...35

(3)

5. LA CONSTRUCTION D’UNE ARCHITECTURE POUR

LES PENSIONS EN 1972...38

5.1 Les bases du débat et de la construction ...39

5.1.1 L’initiative du Parti du travail ...40

5.1.2 L’initiative du Parti socialiste...41

5.1.3 L’initiative hors parti ...42

5.1.4 Le rapport des experts sur l’encouragement de la prévoyance professionnelle...43

5.2 L’architecture choisie...48

6. L’INTRODUCTION DE L’ASSURANCE-CHOMAGE OBLIGATOIRE : D’UNE BASE INSUFFISANTE A UN REGIME MODERNE...58

6.1 La période de l’assurance-chômage facultative ...58

6.2 Le passage à l’assurance-chômage obligatoire...63

6.2.1 La modification de la Constitution (1976)...64

6.2.2 Le Régime transitoire...67

6.2.3 L’élaboration de la nouvelle loi sur l’assurance-chômage ...70

7. LA PREVOYANCE PROFESSIONNELLE VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITE DEVIENT OBLIGATOIRE...75

7.1 Une affaire technique, mais intéressante : comment concilier les normes constitutionnelles et l’évolution économique ? ...75

7.2 Le projet du Conseil fédéral du 19 décembre 1975 ...77

7.3 Le vote du Conseil national du 6 octobre 1977...88

7.4 Le Conseil des Etats modifie substantiellement le projet de loi...90

7.5 Le résultat ...97

8. LE CHANGEMENT D’ASSURANCE-MALADIE : LA LAMal DE 1994 REMPLACE LA LAMA DE 1911...98

8.1 La loi sur l’assurance-maladie de 1911 (LAMA) ...98

8.2 L’adoption d’une nouvelle loi sur l’assurance-maladie en 1994...108

8.2.1 Des projets prometteurs en 1970-1974 ...110

8.2.2 Un nouvel échec en 1987...116

8.2.3 L’adoption de la nouvelle loi sur l’assurance-maladie (la LAMal de 1994)...117

8.2.3.1 Un changement de méthode...118

8.2.3.2.Une nouvelle législation...121

(4)

9. LA COORDINATION DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE : DU BILATERALISME A LA CONNEXION AU DROIT

COMMUNAUTAIRE.

UN CHANGEMENT DE CAP POUR LA SUISSE ?...123

9.1 La nécessité de la coordination : un rappel...123

9.2 Le bilatéralisme : avantages et limites ...126

9.3 La coordination par les règlements de la Communauté européenne, sur la voie tracée par le Traité ...130

9.4 La connexion de la Suisse au droit communautaire...134

9.5 Le passage du bilatéralisme à la connexion au droit communautaire a-t-il constitué un changement de cap ?...137

9.6 Conclusion: le changement est important...144

10. LES ALLOCATIONS DE MATERNITE : DEPART DES COURSES EN 1945, ARRIVEE EN 2005 !...145

10.1 Une première base constitutionnelle ...146

10.2 1946-1999 : la recherche vaine d’une concrétisation...149

10.3 Les années 2000 apportent une solution ...157

11. CONCLUSION...162

(5)

BIBLIOGRAPHIE GENERALE

BERENSTEIN, Alexandre : L’assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolution. Réalités sociales. Lausanne 1986.

BERRA, Jacques : La structure des systèmes de sécurité sociale. Etude de droit comparé. IRAL. Lausanne 2000.

BINSWANGER, Peter : Geschichte der AHV. Schweizerische Alters– und Hinterlassenenversicherung. Pro Senectute. Zürich 1986.

BRIDEL, Danielle : Histoire de l’assurance-maladie suisse. In : Assurance- maladie. Quelle révision ? Travaux réunis par Pierre Gilliand. Réalités sociales. Lausanne 1990, pp. 15 sv.

ERNI, Tony : Die Entwicklung des schweizerischen Kranken- und Unfallversicherungswesens. Universitätsverlag Freiburg. Freiburg 1980.

GILLIAND, Pierre : Politique sociale en Suisse. Réalités sociales. Lausanne 1988.

GILLIAND, Pierre / ROSSINI, Stéphane : La protection sociale en Suisse.

Réalités sociales. Lausanne 1997.

GNAEGI, Philippe : Histoire et structure des assurances sociales en Suisse.

Avec la collaboration de P.-Y. CARNAL. 2e éd. Schulthess. Genève / Zürich / Basel 2004.

GREBER, Pierre-Yves : Droit suisse de la sécurité sociale. Avec un aperçu de théorie générale et de droit international. Réalités sociales. Lausanne 1982.

GREBER, Pierre-Yves : Le cinquantenaire de l’assurance–vieillesse et survivants suisse. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 22- 1999, pp. 57 sv.

GREBER, Pierre-Yves : 60 ans de sécurité sociale en Suisse. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 38-2007, pp. 9 sv.

KNÜSEL, René / ZURITA, Félix : Assurances sociales : une sécurité pour qui ? La loi Forrer et les origines de l’Etat social en Suisse. Institut de science politique. Lausanne 1979.

MAURER, Alfred: Geschichte des schweizerischen Sozialversiche- rungsrechts. Schriftenreihe für Internationales und Vergleichendes Sozialrecht, Band 6c. Duncker & Humblot. Berlin 1981.

(6)

SOMMER, Jürg : Das Ringen um soziale Sicherheit in der Schweiz.

Rüegger. Diessenhofen 1978.

TSCHUDI, Hans Peter : La Constitution sociale de la Suisse (L’Etat social).

Documents de l’Union syndicale suisse. Bern 1987.

TSCHUDI, Hans Peter : Entstehung und Entwicklung der schweizerischen Sozialversicherungen. BSR, Band 29. Helbing & Lichtenhahn. Basel / Frankfurt am Main 1989.

(7)

1. INTRODUCTION

1. En Suisse, comme dans les autres Etats, le système de sécurité sociale est marqué par l’Histoire. Il est difficile de comprendre son évolution actuelle sans jeter un regard rétrospectif. Et dans une période de mutations profondes, d’incertitudes, de remises en question, une perspective historique se révèle encore plus nécessaire.

2. Le parcours proposé se place sur le plan juridique. Cette brève1 Histoire de la sécurité sociale en Suisse est examinée à travers quelques grands événements. Le choix effectué n’est bien sûr pas le seul concevable. La sélection est fondée sur la question suivante : quels sont les événements qui continuent de marquer le système de sécurité sociale en Suisse en ce début de XXIe siècle?

3. Le sujet traité déborde un peu le titre : nous allons commencer le parcours avant même l’émergence de la sécurité sociale au milieu du XXe siècle. En effet, à la fin du XIXe siècle, la première base est inscrite dans la Constitution fédérale de 1874, peu de temps après la naissance de l’assurance sociale. Or cette dernière est vraiment fondamentale, en Suisse comme dans les pays qui nous entourent.

4. Dernière remarque introductive : cette contribution va à l’essentiel et elle laisse certainement de côté des éléments qui mériteraient d’être étudiés. L’idée est en effet de dresser l’historique en un nombre limité de pages.

2. UNE PREMIERE BASE D’ASSURANCE SOCIALE DANS LA

CONSTITUTION FEDERALE DE 1874

DUC, Jean-Louis : Art 34bis. In : Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874. J.-F. Aubert (e.a) (éd.). Helbing & Lichtenhahn, Basel / Schulthess, Zürich / Stämpfli, Bern, 5e livraison 1993.

ERNI, Tony: Die Entwicklung des schweizerischen Kranken- und Unfallversicherungswesens, pp. 8 sv.

KNÜSEL, René / ZURITA, Felix : Assurances sociales : une sécurité pour qui ? , pp.104 sv.

MAURER, Alfred : Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts, pp. 775 sv.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la compétence législative à accorder à la Confédération en matière

1 La Bibliographie générale, complétée par des références en cours de texte, permet, si souhaité, d’approfondir.

(8)

d’assurance contre les accidents et les maladies, du 28 novembre 1889.

Feuille fédérale 1890, VI, pp. 311 sv.

SOMMER, Jürg : Das Ringen um Soziale Sicherheit in der Schweiz, pp. 78 sv.

TSCHUDI, Hans Peter : La Constitution sociale de la Suisse, pp. 56 sv.

TSCHUDI, Hans Peter : Entstehung und Entwicklung der schweizerischen Sozialversicherungen, pp. 11 sv.

2.1 De la responsabilité civile à l’assurance2

5. Sur le plan suisse, la Constitution fédérale de 1874 ne contenait pas de compétences en matière de protection sociale, seulement une en droit du travail (art. 34 a Cst)3. L’obtention de prestations en cas d’accidents nécessitait le recours aux règles de la responsabilité civile. Le Conseil fédéral a relevé les grandes lacunes d’un tel système : des accidents graves pouvaient ruiner les employeurs ; les salariés étaient dans l’incertitude quant aux montants des indemnités ; les actions en dommages et intérêts, inévitables, « accentuent encore les antagonismes existants et (…) rendent insupportables les rapports entre ouvriers et patrons, au grand détriment surtout de l’ouvrier. »4. Dans une étude récente, Bénédict WINIGER a montré que les indemnisations étaient clairement insuffisantes pour les victimes5. D’où la conclusion, largement soutenue, du Conseil fédéral : « Tous ces inconvénients, tous ces dangers ne peuvent être supprimés que par l’assurance obligatoire contre les accidents. L’assurance obligatoire des ouvriers doit être substituée à la responsabilité civile des patrons, et il convient d’y ajouter encore l’assurance contre les maladies. »6 Le gouvernement a constaté l’absence de compétence législative dans ce domaine pour la Confédération, d’où une révision nécessaire de la Constitution de 1874.7

2 Les deux sources à consulter prioritairement, pour un approfondissement des sections 2.1 à 2.4, sont : - Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les accidents et les maladies, pp. 313 sv. ; - René KNÜSEL / Félix ZURITA : Assurances sociales : une sécurité pour qui ?, pp. 104 sv.

3 Alfred MAURER : Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts, p. 759.

4 Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les accidents et les maladies, p. 314.

5 Bénédict WINIGER : Combien vaut un visage ? L’évolution d’une sensibilité. La jurisprudence du Tribunal fédéral suisse au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 40-2008, pp. 11 sv.

6 Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les accidents et les maladies, p. 314.

7 Idem, pp. 319-320.

(9)

2.2 La naissance de l’assurance sociale

6. Sur le plan européen, un grand événement était survenu quelques années auparavant : la naissance de l’assurance sociale dans l’Empire allemand. Et le phénomène était tout récent : le Message de l’Empereur Wilhelm I au Reichstag datait du 17 novembre 1881 ; le Parlement avait adopté en 1883 la loi sur l’assurance-maladie, en 1884, celle sur l’assurance-accidents, les deux suivies en 1887 de celle sur l’assurance-invalidité et vieillesse. Le modèle mis sur pied à Berlin a eu un très grand retentissement en Europe comme dans le Monde. En effet, la nouvelle protection présentait une série de caractéristiques de première importance : une protection obligatoire de par la loi (donc aucune sélection à l’entrée selon le degré de risque) ; des éventualités et des prestations définies par la loi ; un droit légal aux prestations lorsqu’un risque couvert s’est réalisé et que les conditions d’octroi sont remplies ; une protection qui a tendu à se rapprocher du gain assuré8 ; une organisation assumée par des caisses autonomes avec un contrôle de l’Etat ; un financement réparti, selon les lois, sur les acteurs concernés ; des cotisations proportionnelles au salaire et ne tenant pas compte du niveau du risque (bon ou mauvais) présenté par l’assuré social9.

7. Le modèle d’assurance sociale allemand a eu une influence importante et aussi très rapide sur la législation suisse. Le Message du Conseil fédéral du 28 novembre 1889 s’y réfère dès les premières pages, citant l’expérience allemande et également autrichienne qui l’avait suivie10. Et l’on sent clairement l’impulsion qui est donnée : « La question qui nous occupe est devenue en Suisse la question du jour, et nous ne devons pas nous exposer au reproche de n’avoir pas osé entreprendre ce que deux Etats voisins ont su réaliser. »11 Le Conseil fédéral a consulté deux experts, le Prof. H. KINKELIN et le Conseiller national L. FORRER, leurs deux rapports sont annexés au Message12 et se réfèrent aux nouvelles législations allemande et autrichienne. Bien sûr, ces dernières ne seront pas « copiées », mais retravaillées, adaptées au contexte politique suisse.

2.3 Une intervention fédérale

8. Dans l’étude du contexte historique, deux éléments méritent encore d’être mentionnés. Tout d’abord, celui du niveau – fédéral - d’intervention : « Vous savez que quelques Cantons (Argovie, Bâle, Genève) ont tenté d’organiser sur tel point ou sur tel autre l’assurance des ouvriers avec le concours de l’Etat. Nous ne voulons pas rechercher si ces essais ont des chances d’aboutir ; en tout cas, ils ne réussiront que dans une assez faible mesure et nous ne pouvons pas attendre de grands progrès, pour

8 A l’origine, pour l’assurance-accidents; au fil de l’évolution pour les autres éventualités.

9 Bettina KAHIL-WOLFF/ Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen. Helbing & Lichtenhahn, Basel / Bruylant, Bruxelles / L.G.D.J, Paris 2006, pp. 27-32. – Alfred MAURER : Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts, pp. 775-779.

10 Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les accidents et les maladies, pp. 315 sv.

11 Idem, p. 317.

12 Idem, pp. 326 sv. et 337 sv.

(10)

l’ensemble de notre peuple, des efforts de l’initiative cantonale sur ce terrain. Il serait injuste de trop exiger des Cantons, et leur territoire est beaucoup trop petit pour qu’ils puissent satisfaire à cette condition essentielle en matière d’assurance : la répartition des risques sur le plus de têtes possibles ; et nous ne parlons même pas des graves difficultés qu’il y aurait à régler la situation des nombreux ouvriers qui sont forcés d’aller en quête d’ouvrage de Canton en Canton. »13 A la fin du XIXe siècle, à un grand tournant dans la protection sociale, le Conseil fédéral devait effectivement montrer la nécessité d’une législation fédérale.

2.4 Une protection maladie /accident ou plus globale ?

9. La question s’est posée enfin des éventualités à couvrir : maladie et accident seulement, ou avec un élargissement notamment à la vieillesse et à l’invalidité ? L’Allemagne avait opté pour la vision large, pour ces quatre protections14. Le Conseil fédéral a opté ici pour une approche prudente, qui sera reprise par les Chambres fédérales : d’abord une première compétence pour l’assurance-maladie et l’assurance accidents, ensuite, plus tard, une reprise de la question en vue d’un élargissement. C’est une position importante, qui a mené la Suisse à une approche pragmatique, régime par régime, plutôt qu’à une vision d’ensemble et à un planning pour la réaliser progressivement.

10. Il vaut donc la peine de citer le passage du Message du 28 novembre 1889, un choix historique qui marque toujours le système suisse de sécurité sociale :

« Expliquons d’abord pourquoi nous entendons ne mentionner que l’assurance contre les accidents et les maladies ! Ne sait-on pas en effet, que d’autres branches de l’assurance ont attiré l’attention publique et ont même été organisées par l’Etat (voir la loi allemande du 22 juin 1889 sur l’assurance des invalides et l’assurance contre la vieillesse) ?

Si l’on se représente bien dans quels domaines il est possible de légiférer en Suisse sur la matière, on se persuadera que la législation ne pourra, de longtemps, s’étendre qu’à l’assurance contre les accidents et les maladies. Ainsi limitée, la tâche est encore si difficile et d'une telle portée, que nous n’aurons pas trop de toutes nos ressources pour l’accomplir ; on s’efforcera naturellement de toutes parts de créer une oeuvre aussi parfaite que possible, et l’on attendra sans doute, avant d’entreprendre autre chose, que la solution adoptée ait reçu le baptême de l’expérience. Il ne s’agira pas seulement de voir si le système admis fonctionne bien comme tel, mais si les éléments (employeurs, ouvriers, Confédération) auxquels on attribuera les charges financières de l’assurance, seront assez forts pour supporter ces lourdes charges et pour s’en imposer de nouvelles. Il ne convient pas que l’on songe à s’occuper d’autres branches de l’assurance avant d’être absolument tranquillisé sur le côté financier de notre entreprise

13 Idem, pp. 320-321.

14 Voir ci-dessus le N° 6. Et en Allemagne, c’était au niveau législatif, donc déjà beaucoup plus concret et exigeant.

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et aussi avant de savoir si cette dernière a réussi ; il serait au moins téméraire de vouloir aller plus loin et de se précipiter aveuglément dans l’inconnu.

Nous établirons avec tout le sérieux qu’il est nécessaire d’y apporter une assurance contre les accidents et les maladies aussi générale et aussi juste que possible, afin de secourir largement les misères sociales. Jusqu'à ce que cette œuvre soit terminée, jusqu’à ce qu’elle ait fait ses preuves, il s’écoulera bien des années, et le moment sera sans doute revenu de soumettre notre constitution à une révision partielle ou totale ; il sera temps alors de rechercher s’il importe d’attribuer à la Confédération des compétences plus étendues en matière d’assurance. Et puis, la situation peut jusqu’à cette époque se modifier de telle sorte que les besoins seront très différents de ce qu’ils sont aujourd’hui, et que ces compétences seront d’une toute autre nature que nous ne pouvons le supposer à cette heure.

Toutes ces raisons doivent nous engager à asseoir notre révision constitutionnelle sur une base positive et à laisser de côté des idées dont la réalisation n’est pas urgente et que l’expérience n’a consacrées nulle part. Nous voudrions aussi éviter une rédaction trop générale de l’article additionnel, afin de ne pas entretenir des illusions qui pourraient être suivies d’amères déceptions, et de ne pas exposer le pouvoir fédéral à des sollicitations que nous serions forcés de repousser pour des motifs d’ordre pratique et surtout financier.

Nous vous proposons en conséquence, après de mûres réflexions, de restreindre la révision constitutionnelle à la matière de l’assurance contre les accidents et les maladies, c’est-à-dire de poursuivre le seul but qu’il soit possible d’atteindre maintenant ; nous ne sommes pas en principe adversaires de mesures plus complètes, mais nous pensons qu’il y a lieu de les réserver encore. Nous pouvons même déclarer aujourd’hui que nous serons tout disposés à prêter en temps opportun notre concours au développement de notre législation dans le domaine des questions sociales »15.

2.5 L’art. 34 bis aCst 2.5.1 La disposition

11. La disposition constitutionnelle votée par l’Assemblée fédérale, sur la base du projet du Conseil fédéral16 est l’art 34bis aCst17. Sa teneur est la suivante :

« 1. La Confédération introduira, par voie législative, l’assurance en cas d’accidents et de maladie, en tenant compte des caisses de secours existantes.

15 Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les accidents et les maladies, pp. 322-323.

16 Voir ci-dessus les Nos 5 sv. Mais avec certaines modifications de texte non abordées dans la présente étude.

17 A l’époque : art. 34bis Cst. Mais comme la Suisse a passé depuis de la Constitution de 1874 à celle de 1999, la première sera déjà nommée ici ancienne Constitution (aCst).

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2. Elle peut déclarer la participation à ces assurances obligatoire en général ou pour certaines catégories déterminées de citoyens ».

12. Cet article a été accepté par le peuple et les Cantons le 26 octobre 1890, par 283'228 oui contre 92'200 non18. La compétence législative en la matière était ainsi transmise à la Confédération. C’était, pour celle-ci, la première compétence en matière d’assurances sociales. Elle est restée inchangée jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1999, le 1er janvier 2000.

2.5.2 Comment réaliser la protection ?

13. L’on constate que l’art 34bis aCst a été conçu en des termes très généraux, laissant ainsi une grande latitude au législateur. La disposition se réfère aux assurances sociales ; cela ne résulte pas de son texte même (« assurance en cas d’accidents et de maladie »), qui ne le précise pas, mais du contexte historique, de la volonté du Constituant, de sa référence importante au modèle allemand. Trois manières concevables de réaliser une protection maladie et accidents sont dès lors écartées : l’assurance privée (voir ci-dessus), l’assistance 19 et le service national de santé20.

14. Le texte demande au législateur de tenir compte des caisses de secours existantes ; cette règle ne figurait pas dans le Message du Conseil fédéral21. Hans Peter TSCHUDI relève qu’en 1890 de nombreuses caisses-maladie existaient, qu’elles avaient fait leurs preuves et qu’il n’était donc pas nécessaire de les remplacer par un système complètement nouveau ; cela excluait, pour l’assurance-maladie, la création d’un établissement d’assurance centralisé22. C’est une marque de l’influence du libéralisme expose Philippe BOIS23.

2.5.3 Prestations : liberté pour le législateur

15. L’art. 34bis aCst ne contient aucune règle sur le niveau des prestations de l’assurance-maladie et de l’assurance accidents24. Le législateur était donc libre, lors de la concrétisation, d’opter pour une protection minimale (ce qu’il a fait à l’origine pour l’assurance-maladie, LAMA 1911) ou une protection plus développée (LAMA 1911 révisée en 1964), ou développée (ce qu’il a fait pour la LAMAL 1994 et la LAA 1981). Cela s’explique tout à fait par l’époque d’adoption de la norme constitutionnelle

18 Feuille fédérale 1896, I, p. 190.

19 Jean-Louis DUC : Art. 34bis, p. 15, N° 21. – Hans Peter TSCHUDI : La Constitution sociale de la Suisse, p. 57.

20 Pierre-Yves GREBER / Bettina KAHIL-WOLFF : Introduction au droit suisse de la sécurité sociale. 3e éd. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 37-2006, pp. 73-74.

21 Message du Conseil fédéral concernant la compétence législative en assurance contre les maladies et les accidents, pp. 311 et 325.

22 Hans Peter TSCHUDI : La Constitution sociale de la Suisse, pp. 57-58. – Voir aussi Jean-Louis DUC : Art. 34bis, pp. 19-21.

23 Philippe BOIS : Spécificités de la politique sociale en Suisse. In : Droit et politique sociale.

Travaux réunis par P. de Laubier et J.-P. Fragnière. Delta. Vevey 1980, pp.34-36.

24 Jean-Louis DUC : Art. 34bis, pp. 24 sv.

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(la première en assurances sociales, à la fin du XIXe siècle). La manière de procéder sera différente dans le domaine des pensions (révision de 1972) et d’assurance-chômage (révision de 1976), où la Constitution a fixé un mandat et des principes à l’intention du législateur.

2.5.4 Personnes protégées : liberté pour le législateur

16. En ce qui concerne le champ d’application personnel, l’art. 34bis aCst est également extrêmement souple : la protection peut être obligatoire de manière générale, ou pour certaines catégories de la population ; elle peut aussi rester facultative (cf. « peut déclarer (…) obligatoire »). Le caractère obligatoire ou facultatif de l’assurance maladie a représenté l’une des questions les plus controversées en Suisse, tout au long du XXe siècle.

17. Très longtemps, les partis de tendance libérale, les associations faîtières de médecins et de caisses-maladie se sont opposés très nettement à l’assurance-maladie obligatoire. Leurs arguments étaient les suivants : il ne faut pas étouffer l’idée d’une solidarité volontaire entre bien-portants et malades ; l’obligation d’adhérer à une caisse- maladie reconnue signifierait la ruine de l’assurance privée ; il faut maintenir l’organisation administrative et financière diversifiée, qui reflète la variété de la Suisse ; il est nécessaire d’éviter une administration centralisée ; l’autoresponsabilité doit être maintenue25 ; l’obligation d’assurance entraîne une augmentation du recours au système de soins (vu la libération de l’obligation du paiement direct)26. Les arguments en faveur de l’obligation sont la garantie effective de la protection (cette dernière ne dépend pas du comportement de l’intéressé, de ses connaissances, de sa capacité d’apprécier les risques) ; la répartition la plus large possible du coût des soins ; la possibilité d’instituer une solidarité entre revenus (appel à la capacité contributive).

2.6 Une concrétisation législative difficile (pour l’assurance-maladie)

18. L’institution en Suisse de l’assurance-maladie sociale a été difficile et longue.

Mais cela ne marque plus le système actuel, sauf pour les indemnités journalières (toujours facultatives et à peine esquissées par la loi27). Conformément à l’idée directrice de cette étude -repérer les grands événements qui continuent d’influencer la sécurité sociale suisse au XXIe siècle28- ce sujet certes intéressant sera laissé de côté.

19. On peut juste rappeler :

o l’échec, en vote référendaire, de la première loi sur l’assurance-maladie et accident (lex Forrer) du 5 octobre 1899. Elle prévoyait une affiliation obligatoire

25 Hans OTT : Affiliation obligatoire généralisée - Un moyen d’assainir l’assurance des soins médicaux et pharmaceutiques ? Bulletin des médecins suisses 1977, pp. 999 sv.

26 Hans BIRKHÄUSER : Une assurance sociale généralisée peut-elle garantir toutes les prestations médicales ? Schweizer Monatshefte, 1968, fasc. 4.

27 Cf. art. 67 sv. LAMal.

28 Voir ci-dessus le N° 2.

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pour les salariés dont le revenu ne dépassait pas une limite prescrite (à l’exemple des législations allemande et autrichienne),

o l’acceptation, également en vote référendaire de la loi fédérale sur l’assurance en cas de maladie et d’accidents (LAMA), dont la portée était nettement réduite (l’assurance-maladie restait facultative et la LAMA ne prévoyait que des conditions minimales) ; en revanche, l’assurance-accidents devenait obligatoire, mais ne couvrait que deux tiers des salariés29 ;

o les dispositions de la LAMA ont été révisées en 1964 pour donner plus de substance à l’assurance-maladie (laissée facultative) ;

o l’assurance-accidents a fait l’objet en 1981 d’une loi séparée, d’ailleurs toujours en vigueur : la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) (RS 832.20) ;

o l’assurance-maladie a été complètement révisée, l’ancienne LAMA étant remplacée par l’actuelle loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) (RS 832.10).

20. Le seul élément structurel, qui demeure à signaler est la séparation nette de l’assurance-maladie et de l’assurance-accidents. Seule la lex Forrer entendait les coordonner étroitement ; tous les autres textes ont opéré des distinctions nettes30 entre ces deux régimes d’assurance sociale31. Et, dernier point à signaler, l’art. 34bis aCst a été remplacé par l’art. 117 Cst. Le contenu est très proche (la référence aux caisses existantes a seule été biffée).

3. UNE EVOLUTION LENTE ET REDUITE JUSQU’EN 1939

MAURER, Alfred : Geschichte des schweizerischen Sozial- versicherungsrechts, pp. 782-794.

3.1. Une évolution lente et réduite

21. La Suisse connaît pendant la première moitié du XXe siècle, plus précisément jusqu’au début de la Seconde guerre mondiale (1939), une évolution lente et réduite dans le domaine des assurances sociales. La population dans sa grande majorité, ainsi que les autorités - Conseil fédéral et Assemblée fédérale - sont très prudentes en la matière. D’ailleurs les citoyens ont refusé, en votation référendaire, la première loi sur l’assurance-maladie et accidents en 190032, ainsi que la première loi sur l’assurance vieillesse et survivants en 193133. Et le pays a un niveau de vie modeste.

29 Ceux qui étaient les plus exposés au risque d’accident.

30 Y compris sous l’empire de l’ancienne LAMA : les titres y relatifs, même réunis dans la même loi, avaient un contenu très différent.

31 Si nécessaire, la bibliographie générale et la bibliographie du chapitre 2 (voir ci-dessus) permettent des approfondissements.

32 Alfred MAURER : Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts, pp. 782-783.

33 Idem, p. 794.

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22. Cela ne veut pas dire que la période 1900-1939 manque d’intérêt sur le plan social, bien au contraire. Mais si l’on reprend le fil conducteur de la présente étude34- quels sont les événements historiques qui continuent de marquer le système de sécurité sociale suisse au début du XXIe siècle ?- seule la création de l’assurance-accidents sociale émerge vraiment. Toutes les autres réalisations ont eu à l’époque leur intérêt, mais elle n’influencent que peu ou plus la sécurité sociale actuelle : par exemple, l’ancienne législation sur l’assurance-maladie n’avait qu’une portée très limitée par rapport à l’actuelle35, la protection relative à la vieillesse, à l’invalidité et au chômage relevait au mieux de quelques législations cantonales, mais souvent elle restait au stade de l’assistance publique ; peu nombreux étaient ceux qui bénéficiaient d’une caisse de pensions (prévoyance professionnelle).

3.2 La création de l’assurance-accidents sociale

23. L’on peut donc se limiter ici à évoquer en quelques lignes la création de l’assurance-accidents sociale. Elle était réglée par le titre II de la loi fédérale sur l’assurance en cas de maladie et d’accidents (LAMA), du 13 juin 1911 et elle est entrée en vigueur le 1er avril 191836. Le régime actuel37 reprend beaucoup d’éléments de l’ancienne législation.

24. Cette dernière peut être synthétisée comme suit :

o une protection obligatoire des salariés, limitée cependant à ceux qui travaillaient dans les entreprises énumérées par la loi et son ordonnance. On y trouvait p.ex.

les entreprises industrielles, les transports, le bâtiment, la production et la distribution de l’énergie électrique, les mines et carrières, la peinture, les scieries. Ce champ d’application couvrait environ deux tiers des salariés travaillant en Suisse ;

o la protection était (déjà) obligatoire et ex lege (automatique) ;

o le champ d’application matériel comprenait (déjà) les accidents professionnels, les accidents non professionnels et les maladies professionnelles ;

o les prestations étaient (déjà) développées et incluaient les soins (en tiers payant), les indemnités journalières, les rentes d’invalidité, les rentes de survivants, l’indemnité en capital ;

o l’organisation administrative du régime incombait à la Caisse nationale d’assurance en cas d’accidents (CNA) ;

34 Voir ci-dessus le N° 2.

35 Il s’agit de la LAMA 1911, dans sa version antérieure à la révision de 1964 (cette dernière a en revanche bien développé la protection).

36 Alexandre BERENSTEIN : De l’assurance sociale à la sécurité sociale : la réforme de l’assurance-accidents. Semaine judiciaire 1979, N° 7, pp. 105 sv. - Karl DÜRR : Die obligatorische Unfallversicherung. Schritt Verlag. Bern 1964. – Alfred MAURER : Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung. 2e éd. Stämpfli. Bern 1963. – Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant les assurances contre les maladies et les accidents, du 10 décembre 1906. Feuille fédérale 1906 VI, pp. 213 sv. – Pierre- Yves GREBER : Droit suisse de la sécurité sociale, pp. 247 sv.

37 Fondé sur la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA), du 20 mars 1981. RS 832.20.

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o le financement était (déjà) assuré en répartition pour les prestations à court terme et en répartition des capitaux de couverture (une sorte de capitalisation) pour les rentes.

25. Ce qui distingue fondamentalement l’ancienne législation de 1911 et l’actuelle, de 1981, c’est l’extension du champ d’application personnel qui a été réalisée par le régime LAA. Si le premier cercle des assurés pouvait se comprendre au début du XXe siècle, avec une assurance sociale en développement, une politique de sécurité sociale impliquait le passage à la protection de tous les salariés travaillant en Suisse38. L’on sait que cette extension est gérée par les autres assureurs LAA et non par la CNA. Il n’en demeure pas moins que le législateur fédéral a conçu en 1911 une assurance-accidents solide et développée, un régime qui continue d’occuper une place notable dans la sécurité sociale suisse, sous la forme renouvelée adoptée en 1981.

3.3 Le cadre change

26. Comme nous allons le voir, la Seconde guerre mondiale va jouer un rôle décisif dans la protection sociale en Suisse. Des mesures provisoires et urgentes sont alors prises et elles fourniront la base de départ pour une réalisation progressive d’un système moderne de sécurité sociale tout au long de la seconde moitié du XXe siècle.

4. LA CREATION DE L’ASSURANCE-VIEILLESSE ET SURVIVANTS (AVS) ET DE L’ASSURANCE-INVALIDITE (AI) (1939-1965)

27. En 1925, l’introduction d’un art. 34 quater dans la Constitution fédérale de 1874 a donné la compétence à la Confédération de légiférer dans le domaine de l’AVS / AI39. Pour l’AVS, c’est une compétence et un mandat (« La Confédération instituera par voie législative »), pour l’AI, une simple compétence (« pourra introduire ultérieurement »).

La disposition constitutionnelle de 1925 laisse une large autonomie au législateur40. Le premier essai de concrétisation est un échec : la première loi sur l’AVS est en effet refusée par le peuple en 1931.

38 Le titre de l’étude du Prof. Alexandre BERENSTEIN, citée à la note 36, l’exprime très clairement.

39 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’attribution à la Confédération du droit de légiférer en matière d’assurance-invalidité, vieillesse, et survivants et la création des ressources nécessaires à la Confédération pour les assurances sociales, du 21 juin 1919. Feuille fédérale 1919 IV 1.

40 Elle n’est pas étudiée ici, compte tenu de la ligne directrice du présent article. En effet, la version de 1925 a été largement dépassée par celle de 1972, exposée ci-dessous.

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4.1 La création de l’AVS

AUBERT, Jean-François : Exposé des institutions politiques de la Suisse à partir de quelques affaires controversées. Payot. Lausanne 1978.

BERENSTEIN, Alexandre : L’assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolution. Réalités sociales. Lausanne 1986.

BINSWANGER, Peter : Geschichte der AHV. Schweizerische Alters- und Hinterlassenenversicherung. Pro Senectute. Zürich 1986.

BINSWANGER, Peter : La création et le développement de la législation en matière d’assurance-vieillesse et survivants. RCC 1973, pp. 216 sv.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 24 mai 1946. Feuille fédérale 1946 II, pp. 353 sv.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 24 octobre 1958. Feuille fédérale 1958 II, pp. 1161 sv.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 21 septembre 1964. Feuille fédérale 1964 II, pp. 705 sv.

Rapport de la Commission fédérale d’experts pour l’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants, du 16 mars 1945. Bern.

Rapport de la Commission fédérale d’experts pour l’introduction de l’assurance-invalidité, du 30 novembre 1956. Bern.

TSCHUDI, Hans Peter : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage. SZS 1974, pp. 171 sv.

VILLARS, Charles : L’assurance-vieillesse, survivants et invalidité en Suisse. Revue internationale de sécurité sociale 1979, pp. 510 sv.

28. Un tournant décisif est pris pendant la Seconde Guerre mondiale: sur la base des pouvoirs extraordinaires qui lui sont accordés par le Parlement en raison du conflit et pendant la durée de celui-ci, le gouvernement fédéral adopte le 20 décembre 1939 un arrêté réglant provisoirement le versement d’allocations pour perte de gain aux personnes en service actif ; ce régime comprend plusieurs institutions de première importance, qui seront reprises par l’assurance-vieillesse et survivants après la fin de la guerre : la perception de cotisations exprimées en pourcentage du revenu, sans

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plafond ; les caisses de compensation ; un fonds de compensation opérant au niveau national. Ces mesures, bien acceptées par les partenaires sociaux, faciliteront grandement la mise sur pied d’une assurance-pensions41.

29. Alors que les travaux préparatoires pour l’introduction de l’assurance- vieillesse et survivants (AVS) ont déjà commencé, un régime transitoire réglant provisoirement le versement de rentes aux personnes âgées et aux survivants est adopté par le Conseil fédéral le 9 octobre 1945, toujours sur la base de ses pouvoirs extraordinaires et avec l’assentiment des Chambres fédérales ; il entre en vigueur le 1er janvier 1946, afin de régler les problèmes les plus urgents jusqu’à l’intervention de l’AVS.

30. A la suite de requêtes parlementaires et extra-parlementaires, d’une initiative populaire et d’initiatives émanant de Cantons, le gouvernement fédéral charge, le 25 janvier 1944, le département de l’économie publique d’examiner la possibilité de mettre sur pied une nouvelle loi sur l’assurance-vieillesse et survivants. Les affaires vont être menées rapidement : une commission fédérale d’experts, chargée de traiter les problèmes fondamentaux relatifs à l’introduction de l’AVS, est nommée le 11 mai 1944 ; le 16 mai 1945, elle dépose son rapport42, qui est mis en consultation auprès des milieux intéressés et recueille une large approbation. Le Conseil fédéral adresse alors un Message et un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants aux Chambres fédérales, le 24 mai 194643. Celles-ci adoptent le 20 décembre 1946 la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS), qui est également frappée d’une demande de référendum. Le résultat est très nettement positif à l’issue de la votation populaire du 6 juillet 1947 : la loi est acceptée par 862 036 oui contre 215 496 non, avec un taux de participation de 80%. Jean-François AUBERT note ainsi : « (...) la participation au scrutin fut de 80% et 80% des votants votèrent oui. Près de deux tiers du peuple étaient pour : on ne l’a jamais vu, de toute notre histoire, aussi positif »44.

31. Une étape particulièrement importante pour le développement de la sécurité sociale est ainsi franchie, qui a nécessité des efforts soutenus ; Charles VILLARS remarque que : « L’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants fut, en Suisse, laborieuse et difficile; elle se heurta à de nombreuses oppositions d’ordre psychologique et politique »45, alors que Hans Peter TSCHUDI souligne l’influence exercée par le régime de pensions sur le pays : « Die AHV46 ist eine der bedeutendsten Leistungen unseres Staates seit dem Zweiten Weltkrieg. Sie hat unsere Gesellschaft umgestaltet und ihr einen humaneren Charakter verliehen »47.

41 Alexandre BERENSTEIN: L’assurance-vieillesse suisse, pp. 35 sv. - Hans Peter TSCHUDI:

Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage, p. 173.

42 Rapport de la Commission fédérale d’experts pour l’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants.

43 Message relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, pp. 353 sv.

44 Jean-François AUBERT : Exposé des institutions politiques de la Suisse, p. 96.

45 Charles VILLARS : L’assurance-vieillesse, survivants et invalidité en Suisse, p. 510.

46 AHV est l’abréviation en allemand (AVS).

47 Hans Peter TSCHUDI : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage, p. 188.

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32. On peut se borner ici à tracer les grands traits de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, entrée en vigueur le 1er janvier 1948, car elle a conservé sa structure générale :

a) Dès l’origine, le régime est basé sur la conception universaliste : l’ensemble de la population est couvert ;

b) L’éventualité vieillesse n’est définie que par la survenance d’un âge prescrit (à l’origine : 65 ans pour les hommes et les femmes) ; seuls les veuves et les orphelins peuvent avoir la qualité de survivants ;

c) Le régime sert des rentes de vieillesse et de survivants qualifiées « de base » (elles ne couvrent pas les besoins vitaux) ;

d) Il est financé par les cotisations des assurés, lesquelles représentent le 4% du revenu du travail (la moitié étant à la charge des employeurs dans le cas des salariés) pour les personnes exerçant une activité lucrative (sans plafond), par les contributions des pouvoirs publics et par les intérêts du Fonds de compensa- tion ;

e) L’organisation administrative est principalement de la compétence des caisses de compensation.

4.2 La création de l’assurance-invalidité48

33. Une étape particulièrement importante est représentée par l’introduction de l’assurance-invalidité (AI). Nous avons vu que la Confédération a reçu la compétence de légiférer en 1925, lors de l’acceptation de l’art. 34 quater aCst. Or, la réalisation de cette branche de la sécurité sociale a demandé encore plus de temps que pour l’AVS.

Deux initiatives sont déposées en 1955, soit sept ans après l’entrée en vigueur de l’assurance-vieillesse et survivants ; l’une émane du Parti socialiste (dépôt le 1er février 1955), l’autre du Parti du travail (dépôt le 24 mars 1955) ; les deux tendent à une révision de la Constitution fédérale afin d'obtenir la mise sur pied de l’assurance- invalidité. La même année, le Conseil fédéral nomme une commission d’experts, laquelle dépose son rapport à la fin de 195649 ; sur cette base, le gouvernement fédéral adresse un Message accompagné d'un projet de loi au Parlement50. Celui-ci vote le 19 juin 1959 la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI)51.

34. Cette loi ayant conservé sa structure générale, on pourra se borner ici à mentionner ses caractéristiques principales :

a) Le champ d’application personnel est le même que celui retenu pour l’assurance vieillesse et survivants, soit la couverture de l’ensemble de la population ;

b) L’éventualité invalidité est essentiellement définie selon une approche écono- mique (atteinte à la capacité de gain) ;

48 Voir la bibliographie précédant le N° 28.

49 Rapport de la Commission fédérale d’experts pour l’introduction de l’assurance-invalidité.

50 Message relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité, pp. 1161 sv.

51 Du fait de l’acceptation par le Parlement de la loi sur l’assurance-invalidité, les deux initiatives sont retirées par leurs auteurs, respectivement le 8 décembre 1959 et le 5 décembre 1959.

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c) Les mesures de réadaptation priment les rentes ;

d) Les rentes AI sont coordonnées avec celles de l’AVS (mêmes montants pour les différents types de prestations ; p. ex. : rente simple AVS = rente simple AI) ; e) Le financement est réalisé par les cotisations des assurés (avec également une

solidarité entre revenus) et par les contributions des pouvoirs publics ;

f) Au sein de l’organisation administrative, qui comprend des institutions spécifi- ques (commissions AI, offices régionaux AI), les caisses de compensation jouent aussi un rôle central ;

g) Simultanément avec l’entrée en vigueur de l’assurance-invalidité, le 1er janvier 1960, l’assurance-vieillesse et survivants subit une révision (non numérotée) d’adaptation et la méthode pro rata temporis est introduite pour le calcul des pensions destinées aux assurés comptant une durée incomplète de cotisations.

Dès 1960, les révisions de l’AVS exercent une influence directe sur l’AI du fait de la coordination étroite de ces deux régimes.

4.3 Les prestations complémentaires à l’AVS/AI52

35. Un changement important dans la conception du régime de base de pensions AVS/AI trouve son origine dans les années 1960. Le comité suisse des associations cantonales de vieillards, invalides, veuves et orphelins (AVIVO) dépose, le 21 juin 1962, une initiative populaire, visant l’augmentation des rentes AVS/AI en vue d’assurer un minimum vital suffisant. En effet, les prestations du régime AVS/AI, telles qu’elles ont été définies en 1946, ne représentent qu’un revenu de base n’ayant pas à couvrir les besoins vitaux. Le Conseil fédéral répond à l’initiative en adressant au Parlement son Message relatif à un projet de loi sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité53. Le 19 mars 1965, les Chambres fédérales adoptent la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC). Le comité suisse de l’AVIVO retire alors son initiative.

36. Ce régime de prestations complémentaires vient ainsi se greffer sur l’AVS/AI, avec une intervention combinée de la Confédération et des Cantons. La première adopte la loi et une ordonnance, qui comprennent un certain nombre de prescriptions (revenu garanti, manière de prendre en considération le revenu individuel en lui faisant subir une série de déductions, organisation), et verse des subventions aux Cantons qui accordent des prestations complémentaires conformes à la LPC. Le régime comporte une limite de revenu qui exerce une double fonction: celle de condition de besoin et celle de revenu garanti par la sécurité sociale. Hans Peter TSCHUDI souligne que l’introduction des prestations complémentaires à l’AVS/AI est de toute première importance : elle permet de remédier au but insuffisant de l’AVS (rentes de base) qui n’est pas conforme à la réalité sociale et prépare la révision constitutionnelle de 197254.

52 Voir la bibliographie précédant le N° 28.

53 Message relatif à un projet de loi sur les prestations complémentaires à l’AVS/AI, pp. 705 sv.

54 Hans Peter TSCHUDI : Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Sozialversicherung. SZS 1979, pp. 81 sv. (pp. 91-92).

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37. Ainsi s’achève cette période, particulièrement importante, puisqu’elle comporte l’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants, de l’assurance-invalidité et des prestations complémentaires à l’AVS/AI. Les différentes pièces du régime de base de pensions se mettent en place, tandis que l’objectif de la garantie d’un revenu de base couvrant les besoins vitaux commence à être reconnu. Les révisions législatives qui se succèdent à un rythme soutenu ne sont pas dues - estiment Hans Peter TSCHUDI et Albert GRANACHER - aux lacunes ou aux défauts de ces lois, mais c’est au contraire le succès d’un système qui incite à le développer55. On peut ajouter que la politique de sécurité sociale en Suisse s’est vu assigner des objectifs initiaux généralement modestes, qui ont été élevés au fil des années, selon les possibilités financières, les besoins constatés et les expériences accumulées.

5. LA CONSTRUCTION D’UNE ARCHITECTURE POUR LES PENSIONS EN 1972

A la bibliographie précédant le n° 28, ajouter les références suivantes.

CARIGIET, Erwin / FRAGNIERE, Jean-Pierre (éds.) : Hat das Drei- Säulen-Konzept eine Zukunft ? / Le concept des trois piliers a-t-il un avenir ? SVSP/ASPS. Réalités sociales. Lausanne 2001.

GREBER, Pierre-Yves / KAHIL-WOLFF, Bettina : Introduction au droit suisse de la sécurité sociale. 3e éd. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 37-2006, pp. 154 sv.

GREBER, Pierre-Yves : Art. 34 quater. In : Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874. J.-F.

AUBERT / K. EICHENHOFER / J.-P. MÜLLER / R.A. RHINOW / D.

SCHINDLER (éds.). Helbing & Lichtenhahn, Basel / Schulthess, Zürich / Stämpfli, Bern. 5e livraison, 1993.

GREBER, Pierre-Yves : Droit suisse de la sécurité sociale. Avec un aperçu de théorie générale et de droit international. Réalités sociales.

Lausanne 1982, pp. 159 sv.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale à l’appui d’un projet portant révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité et rapport sur l’initiative populaire pour une véritable retraite populaire, du 10 novembre 1971. Feuille fédérale 1971 II, pp. 1609 sv.

55 Hans Peter TSCHUDI : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage, p. 171. – Albert GRANACHER : Die AHV nach 25 Jahren. SZS 1973, pp. 81 sv.

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TSCHUDI, Hans Peter : Das Drei-Säulen-Prinzip. SZS/RSAS 1987, pp. 1 sv.

38. La Suisse a connu une époque très intéressante dans le domaine des pensions, grâce à des initiatives populaires (1969-1970), un processus qui a amené en 1972 à l’introduction, dans la Constitution fédérale de 1874, d’une véritable architecture des pensions. Sous réserve de quelques modifications, c’est l’architecture présente dans la Constitution actuelle.

5.1 Les bases du débat et de la construction

39. A l’origine de cette révision constitutionnelle particulièrement importante pour le développement de la législation relative à la sécurité sociale, on trouve trois initiatives populaires et un rapport d’experts :

a) L’initiative pour une véritable retraite populaire, déposée le 2 décembre 1969 par le Parti suisse du travail56 ;

b) L’initiative pour la création de pensions populaires, déposée le 18 mars 1970 par le Parti socialiste suisse, avec l’appui de l’Union syndicale suisse57;

c) L’initiative pour un régime de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, déposée le 13 avril 1970 par un comité hors parti58 ;

d) Le rapport de la commission fédérale d’experts chargée d’examiner les mesures propres à encourager la prévoyance professionnelle pour les cas de vieillesse, d’invalidité et de décès (Deuxième pilier), du 16 juillet 197059.

5.1.1 L’initiative du Parti du travail

40. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La Confédération doit instituer l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (AVS/AI), avec une affiliation obligatoire pour l’ensemble de la population.

Cela va plus loin que l’art. 34 quater aCst (version 1925), mais consacre l’état de la LAVS et de la LAI sur ce point ;

b) Le niveau des prestations est prescrit par l’initiative : en principe, les rentes doivent atteindre au moins le 60% du revenu annuel moyen des cinq meilleures années de l’assuré, mais elles ne peuvent varier qu’entre 500.- CHF et 1000.- CHF par mois pour une personne seule, entre 800.- CHF et 1600.- CHF pour un couple (chiffres au 31 décembre 1969)60. L’adaptation des rentes doit être

56 Message sur la révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, p. 1613.

57 Idem, p. 1653.

58 Idem, p. 1654.

59 Feuille fédérale 1970 II, pp. 569 sv.

60 Lorsque le Parti du travail dépose son initiative, la rente simple de vieillesse AVS varie entre 200.- CHF et 400.- CHF. En 1971, une révision de renchérissement la porte à 220.- CHF au minimum, 440.- CHF au maximum (chiffres de 1971).

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effectuée périodiquement en fonction de l’évolution des prix et du produit national brut ;

c) Le financement doit être assuré par les pouvoirs publics (pour au moins un tiers des dépenses totales), les employeurs, les assurés ; les personnes physiques ou morales bénéficiant d’une situation économique privilégiée devront acquitter une cotisation ou un impôt spéciaux ;

d) Les institutions de prévoyance professionnelle sont incorporées dans l’AVS/Al ; le texte de l’initiative ne précise pas s’il s’agit d’une intégration obligatoire (de par la loi) ou d’une simple faculté ; les droits acquis par les assurés doivent être garantis par la loi. Cette initiative ne prévoit donc pas un système de pensions à plusieurs étages (régime de base et régime(s) complémentaire(s) mais un système unique (AVS/AI), sauf si l’on admet que des institutions de prévoyance pourraient subsister à côté du régime légal ;

e) Selon le Conseil fédéral, les prestations complémentaires à l’AVS/Al ne seraient pas maintenues, la rente AVS/AI minimale de l’initiative étant d’un montant plus élevé que la limite de revenu ouvrant droit aux prestations complémentaires.

5.1.2 L’initiative du Parti socialiste

41. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La Confédération doit instituer par voie législative une assurance-vieillesse, survivants et invalidité comprenant une assurance obligatoire de base et une assurance complémentaire ;

b) L’assurance-vieillesse, survivants, invalidité de base doit couvrir au moins les besoins vitaux. Ses rentes, d’un rapport de 1 : 2 au maximum doivent être adaptées au moins à l’évolution des prix ;

c) L’assurance-vieillesse, survivants, invalidité complémentaire est destinée aux travailleurs dont la rente de base ne couvre pas le 60% de leur revenu.

Assurance de base et assurance complémentaire doivent couvrir ensemble au moins le 60% du revenu du travail jusqu’à un plafond fixé « à 2,5 fois le revenu général moyen du travail » ;

d) Les indépendants peuvent adhérer volontairement à l’assurance complémentaire ;

e) Les institutions de prévoyance peuvent être reconnues comme institutions de l’assurance complémentaire si elles versent des prestations d’un niveau au moins égal à celle-ci, si elles garantissent le libre passage intégral et si elles adaptent au moins leurs rentes aux prix ;

f) Le financement du régime de base est assuré par les pouvoirs publics pour un tiers au minimum et la moitié au maximum, les employeurs doivent supporter les deux tiers des cotisations des travailleurs. En ce qui concerne l’assurance complémentaire, le financement est bipartite : deux tiers à la charge des employeurs, un tiers à la charge des salariés.

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5.1.3 L’initiative hors parti

42. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La protection pour les éventualités vieillesse, survivants et invalidité est assurée par une assurance fédérale, les institutions de prévoyance et la prévoyance individuelle ;

b) L’assurance fédérale doit couvrir les besoins vitaux ;

c) Son financement est réalisé par les cotisations des assurés - au maximum 8% du revenu, les employeurs en versent la moitié - et les contributions de la Confédération (jusqu’à un tiers des dépenses) ;

d) La prévoyance professionnelle complémentaire intervient si l’assurance fédérale ne suffit pas à assurer un revenu adapté au niveau de vie antérieur. La Constitution fixe les points que la loi doit régler : champ d’application, cotisations paritaires, participation des travailleurs à la gestion des institutions de prévoyance, exonération fiscale des cotisations, libre passage ;

e) La prévoyance individuelle est encouragée par la Confédération, par des mesures fiscales et une politique facilitant l’accès à la propriété ;

f) La Confédération encourage l’intégration sociale des invalides et soutient les institutions s’occupant des vieillards et invalides.

5.1.4. Le rapport des experts sur l’encouragement de la prévoyance professionnelle

43. Les experts se sont prononcés en faveur :

a) D’une organisation de la prévoyance vieillesse, survivants, invalidité en 3 piliers : 1) AVS/AI ; 2) prévoyance professionnelle ; 3) prévoyance individuelle ;

b) D’une prévoyance professionnelle obligatoire pour les travailleurs.

Leur rapport a été approuvé d’une manière générale par le Parlement.

44. La loi fédérale sur les rapports entre les Conseils prescrit, dans le cas d’initiatives concernant la même question constitutionnelle, que l’initiative déposée la première doit d’abord être traitée par l’Assemblée fédérale, puis soumise au vote du peuple et des Cantons. Les autres initiatives suivent dans l’ordre où elles ont été déposées. ln casu, la première qui a abouti est celle du Parti suisse du travail.

45. Tout en s’inspirant avant tout des deuxième et troisième initiatives, le Conseil fédéral, puis le Parlement, ont élaboré un contre-projet. C’est ce dernier qui a été accepté par le peuple et les Cantons, le 3 décembre 1972 :

o l’initiative populaire « pour une véritable retraite populaire », du Parti du travail, a été refusée par 294 511 oui contre 1 481 488 non (19 Cantons et 6 demi- Cantons opposés);

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o le contre-projet de l’Assemblée fédérale, qui devient le nouvel article 34 quater aCst, est accepté par 1 393 797 oui contre 418 018 non (19 Cantons et 6 demi Cantons acceptants) (FF 1973 I, pp. 69, 750).

46. Jean-François AUBERT résume ainsi le vote : « Sur cent électeurs qui votèrent, 17 suivaient les communistes, 78 préféraient la doctrine officielle et 5 ne voulaient rien changer du tout »61. Les initiatives «pour la création de pensions populaires », du Parti socialiste, et « pour un régime moderne de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité », du comité hors parti, ont été retirées par leurs auteurs en 1974.

47. Le nouvel article 34 quater aCst, qui remplace celui adopté en 1925, contient une série de dispositions très importantes pour les branches vieillesse, survivants et invalidité de notre sécurité sociale.

5.2 L’architecture choisie

48. En 1972, le choix pouvait porter – mis à part un refus global – sur deux architectures relatives aux pensions :

o une architecture à un étage, celle proposée par le Parti du travail, soit une protection entièrement publique, celle d’une AVS/AI développée, marquée par la solidarité entre revenus et entre générations (le fonctionnement aurait été complètement en répartition) ;

o une architecture à trois étages, celle recommandée par l’Assemblée fédérale, à la suite du Conseil fédéral, soit une combinaison de protection publique – l’AVS/AI développée, avec une solidarité entre revenus et entre générations (répartition) – professionnelle, les caisses de pensions, rendue obligatoire, visant le maintien du niveau de vie, en équivalence et en capitalisation et individuelle (encouragée fiscalement).

49. Lors du vote du 3 décembre 1972 c’est donc l’architecture à trois étages qui a été acceptée à une nette majorité. Elle a été inscrite à l’art. 34 quater de la Constitution de 1874. Actuellement, elle fait l’objet des art. 111 à 113 de la Constitution de 1999.

50. Cette construction à trois étages (auxquels s’ajoute la prévoyance individuelle) tient compte des mesures de protection existant avant la révision de 1972 : depuis 1948, l’assurance-vieillesse et survivants - à laquelle s’est ajoutée l’assurance- invalidité depuis 1960 - et des institutions de prévoyance professionnelle facultative se côtoient, avec des débuts de coordination. Cette construction à trois étages accède au niveau constitutionnel. La terminologie, souvent employée, de « système des trois piliers », nomme premier pilier, l’AVS/AI, deuxième pilier, la prévoyance professionnelle et troisième pilier, la prévoyance individuelle. Ce système s’inspire des propositions contenues dans les initiatives lancées par le Parti socialiste et par un comité hors parti, déjà mentionnées, ainsi que du rapport d’experts du 16 juillet 1970

61 Jean-François AUBERT : Exposé des institutions politiques de la Suisse, p. 110.

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