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4. LA CREATION DE L’ASSURANCE-VIEILLESSE ET

5.2 L’architecture choisie

48. En 1972, le choix pouvait porter – mis à part un refus global – sur deux architectures relatives aux pensions :

o une architecture à un étage, celle proposée par le Parti du travail, soit une protection entièrement publique, celle d’une AVS/AI développée, marquée par la solidarité entre revenus et entre générations (le fonctionnement aurait été complètement en répartition) ;

o une architecture à trois étages, celle recommandée par l’Assemblée fédérale, à la suite du Conseil fédéral, soit une combinaison de protection publique – l’AVS/AI développée, avec une solidarité entre revenus et entre générations (répartition) – professionnelle, les caisses de pensions, rendue obligatoire, visant le maintien du niveau de vie, en équivalence et en capitalisation et individuelle (encouragée fiscalement).

49. Lors du vote du 3 décembre 1972 c’est donc l’architecture à trois étages qui a été acceptée à une nette majorité. Elle a été inscrite à l’art. 34 quater de la Constitution de 1874. Actuellement, elle fait l’objet des art. 111 à 113 de la Constitution de 1999.

50. Cette construction à trois étages (auxquels s’ajoute la prévoyance individuelle) tient compte des mesures de protection existant avant la révision de 1972 : depuis 1948, vieillesse et survivants - à laquelle s’est ajoutée l’assurance-invalidité depuis 1960 - et des institutions de prévoyance professionnelle facultative se côtoient, avec des débuts de coordination. Cette construction à trois étages accède au niveau constitutionnel. La terminologie, souvent employée, de « système des trois piliers », nomme premier pilier, l’AVS/AI, deuxième pilier, la prévoyance professionnelle et troisième pilier, la prévoyance individuelle. Ce système s’inspire des propositions contenues dans les initiatives lancées par le Parti socialiste et par un comité hors parti, déjà mentionnées, ainsi que du rapport d’experts du 16 juillet 1970

61 Jean-François AUBERT : Exposé des institutions politiques de la Suisse, p. 110.

(FF 1970 II, p. 569).

51. L’art. 34 quater aCst (version 1972) fixe des buts aux deux premiers étages de protection, qui doivent faire l’objet d'une coordination : l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (AVS/AI) doit couvrir les besoins vitaux « dans une mesure appropriée»; la prévoyance professionnelle obligatoire doit, ajoutée à l’AVS/AI, permettre le maintien du niveau de vie antérieur « de façon appropriée ».

52. Le régime de base de pensions AVS/AI comprend une affiliation obligatoire pour l’ensemble de la population. L’article 34 quater révisé va donc plus loin que celui adopté en 1925, mais consacre la solution retenue tant pour l’AVS en 1946 que pour l’AI en 1959.

53. Les rentes de l’AVS/AI « doivent couvrir les besoins vitaux dans une mesure appropriée». C’est un point très important apporté par la révision de l’art. 34 quater et qui correspond à ce qui a été demandé par les initiatives socialiste et hors parti. En effet, comme cela a été mentionné62, les rentes AVS étaient « limitées au strict minimum » depuis 1948. Le législateur considérait qu’elles n’avaient pas à assurer le minimum vital et qu’elles ne constituaient que l’une des ressources que chaque personne âgée, invalide ou survivante, devait avoir à sa disposition. Cette conception très restrictive a certainement traduit une méfiance vis-à-vis de la sécurité sociale ; il est d’autre part vraisemblable qu’il n’ait pas été possible de faire davantage pour des raisons financières. Elle a été appliquée jusqu’à la révision de l’art. 34 quater et l’entrée en vigueur de la 8e révision de l’AVS (1re phase) le 1er janvier 1973. On l’a d’ailleurs longtemps érigée en principe : l’AVS/AI n’avait pas à se substituer à l’effort individuel, elle ne devait représenter qu’une ressource parmi d’autres63.

54. Le changement important apporté par la révision de l’art. 34 quater Cst consiste dans l’abandon de la conception des rentes AVS/AI réduites au strict minimum ; le Constituant assigne dès lors comme but au régime de base de pensions AVS/AI la couverture des besoins vitaux. Le Message définit ces derniers de la manière suivante:

« Cette notion, que l’on retrouve dans l’initiative du parti socialiste aussi bien que dans celui de l’initiative hors parti, correspond « aux moyens d’existence nécessaires » définis par la commission d’étude des problèmes de la vieillesse. Il faut entendre par là non pas le pur minimum vital biologique, au-dessous duquel l’individu est menacé dans sa vie ou sa santé, mais un montant plus élevé, « proportionné aux conditions actuelles et assurant aux personnes âgées un genre de vie simple, mais tout de même digne d’un être humain » (rapport de la commission d’étude des problèmes de la vieillesse, p. 161).

Ils peuvent varier quelque peu d’un individu à l’autre ; c’est pourquoi le contre-projet64 prévoit la couverture des besoins vitaux dans une mesure appropriée et non pas absolue.

Cette expression laisse au législateur une certaine marge d’appréciation »65.

62 Voir ci-dessus le N° 32.

63 Hans Peter TSCHUDI : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage, pp. 178-179.

64 Devenu l’art. 34 quater aCst.

65 Message sur la révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, p. 1628.

55. La mention de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité dans l’art. 34 quater aCst est nouvelle. Les premières caisses de prévoyance ont été créées au XIXe siècle, mais la législation fédérale ne contenait que quelques règles figurant dans le code civil (art. 89 bis CC) et dans le code des obligations (art. 331 à 331c CO). L’art. 34 quater aCst (version 1972) assigne un but à la prévoyance professionnelle obligatoire : ses prestations ajoutées à celles du régime de base AVS/AI doivent permettre aux personnes protégées de conserver leur niveau de vie antérieur, cela jusqu’à un revenu à fixer. La Confédération reçoit le mandat d’adopter une loi fédérale rendant la prévoyance professionnelle obligatoire pour les salariés. Les institutions de prévoyance devront verser des prestations permettant d’atteindre le but fixé. Les indépendants doivent pouvoir s’affilier facultativement à ce nouveau régime.

56. L’art. 34 quater aCst est complété par l’art. 11 des dispositions transitoires de la Constitution fédérale. Dans son premier alinéa, cet article prescrit le maintien du régime des prestations complémentaires à l’AVS/AI aussi longtemps que le régime de base AVS/AI ne garantit pas à tous ses assurés la couverture des besoins vitaux.

L’alinéa 2 concerne la prévoyance professionnelle et assure aux individus qui feront partie de la génération d’entrée66 une « protection minimum correspondant à leur niveau de vie s’ils peuvent se prévaloir d’au moins 10 années de cotisations à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Au bout de 20 ans, tous les assurés qui auront cotisé depuis cette date jouiront de la protection minimum »67.

57. La construction d’une véritable architecture des pensions en 1972 a représenté l’aboutissement d’un grand débat de sécurité sociale en Suisse : quelle place réserver à un régime public universel et très solidaire et quelle place accorder aux régimes professionnels ? Comment utiliser les techniques financières de la répartition et de la capitalisation pour arriver au maximum de solidité ? Quelles garanties de protection prévoir pour les retraités, les personnes vivant avec une invalidité et celles ayant perdu leur soutien de famille ? La solution retenue a mixé judicieusement le pragmatisme, l’apport historique et la construction d’une architecture à étages, cohérente. La révision de 1972 a été à la fois un grand moment dans l’Histoire de la sécurité sociale dans ce pays et c’est la base du système actuel des pensions.

66 La génération d’entrée est composée des personnes qui, du fait de leur âge lors de l’entrée en vigueur de la loi, ne pourront pas accomplir la durée complète de cotisation fixée par ladite loi.

67 Message sur la révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité. pp. 1642-1643.

6. L’INTRODUCTION DE L’ASSURANCE-CHOMAGE OBLIGATOIRE :