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L’adoption de la nouvelle loi sur l’assurance-maladie

8. LE CHANGEMENT D’ASSURANCE-MALADIE : LA LAMal DE 1994

8.2 L’adoption d’une nouvelle loi sur l’assurance-maladie en 1994

8.2.3 L’adoption de la nouvelle loi sur l’assurance-maladie

l’agenda. Deux initiatives populaires, l’une venant des caisses-maladie (pour une augmentation des subsides de la Confédération), l’autre du Parti socialiste et de l’Union syndicale (pour une assurance-maladie obligatoire) sont refusées par le peuple en 1992 et 1994123.

120 Nous sommes ici au niveau d’une révision constitutionnelle.

121 Pierre-Yves GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale. Réalités sociales. Lausanne 1984, pp. 330-335.

122 Feuille fédérale 1981 II, pp. 1069 sv. et 1988 I, p. 541. – Philippe GNAEGI : Histoire et structure des assurances sociales en Suisse, p. 81.

123 Philippe GNAEGI : Histoire et structure des assurances sociales en Suisse, pp. 91-92.

8.2.3.1 Un changement de méthode

118. Le Conseil fédéral change de méthode. En 1988 il a requis l’avis de quatre grands experts, qui travaillent indépendamment les uns des autres, GIANETTA, GILLIAND, HAUSER et ZWEIFEL124. Le gouvernement note qu’il a « choisi la formule du concours d’idées », en faisant appel à des experts non impliqués directement dans les travaux précédants125. Trois experts (sauf le quatrième) sont favorables à l’assurance-maladie obligatoire126, ce qui était la question la plus controversée depuis 1900127. Les experts prennent position également sur d’autres aspects structurels, ils se prononcent notamment sur l’amélioration du catalogue des prestations.

119. On en revient ensuite, après ces éclairages très précieux, qui « n’ont pas déçu le Conseil fédéral »128, à une commission d’experts « classique », laquelle reçoit un mandat « cadré » par une série de principes129. C’est logique : il ne s’agissait pas de refaire le travail des quatre premiers experts qui ont exploré librement la réforme.

120. De façon aussi « classique », le projet de la commission est mis en consultation.

Mais alors là survient un déclic, un déblocage : « L’obligation de s’assurer est très largement acceptée quant au principe même »130.

8.2.3.2 Une nouvelle législation

121. Sur ces bases, le Conseil fédéral a pu rédiger son Message et son projet de loi à l’intention de l’Assemblée fédérale. Les grandes lignes directrices131 sont :

a) Le renforcement de la solidarité entre bien-portants et malades132 : libre passage à l’intérieur d’une assurance obligatoire (quel que soit l’âge, l’état de santé) ; compensation entre assureurs-maladie ; prime unique par assureur, modulée selon les régions (pour tenir compte des différences de coûts) ; véritable concurrence entre assureurs vu le libre passage intégral ; « Tout ce système ne peut toutefois pas être envisagé sans l’instauration d’une assurance obligatoire. La solidarité ne peut être complète et juste que si tous y participent.

En ce sens, l’assurance obligatoire n’est pas une fin en soi, mais bien le moyen indispensable de garantir une solidarité devenue nécessaire. A cela s’ajoute le fait qu’elle permet de renoncer à certains inconvénients de l’assurance facultative, tels l’imposition de réserves d’assurance et la différence de primes

124 Révision de l’assurance-maladie. Cahier FEAS. Aspects de la sécurité sociale, bulletin de la FEAS, 13/1989.

125 Message concernant la révision de l’assurance-maladie (1991), p. 95.

126 Idem, p. 96.

127 Pierre-Yves GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 121, pp. 325 sv.

128 Message concernant la révision de l’assuranc-maladie (1991), p. 96.

129 Idem, pp. 99-102.

130 Idem, p. 107.

131 Idem, pp. 108 sv.

132 Idem, pp. 108-109.

entre hommes et femmes » 133 . On voit que le Conseil fédéral a bien progressé sur ce sujet depuis 1973134 ;

b) La maîtrise des coûts 135 : « il s’agit d’éviter que la part du revenu national consacré à la santé ne croisse indéfiniment136 ; « les mesures proposées pour maîtriser les coûts n’auront véritablement atteint le but que lorsque l’accroissement annuel des dépenses de santé par habitant suivra l’évolution général des salaires et des prix. Or, cet idéal n’est guère réalisable à moyen terme » 137 . Certains transferts de dépenses sont envisagés : davantage de financement par la fiscalité pour l’hospitalisation, les soins en établissements médico-sociaux (EMS) et les soins à domicile, où les coûts vont augmenter avec le vieillissement de la population138. Maîtrise en structurant les tarifs et les conventions (p.ex. tarification forfaitaire) ; soutien aux assurés prêts à limiter leur choix des fournisseurs de soins ; réduction des primes pour les assurés qui choisissent une participation aux coûts plus élevée, approbation de toutes les conventions tarifaires par les autorités ; refus de la rémunération du fournisseur de soins en cas de traitement non économique ; planification hospitalière par les Cantons ; transparence des prestations des hôpitaux et des EMS (comptabilité et statistiques uniformes) ; application du principe de l’économie aux frais d’administration des assureurs ; possibilité pour le Conseil fédéral de prendre des mesures extraordinaires si la croissance des dépenses de santé dépasse l’évolution des prix et des salaires ;

c) L’extension du catalogue des prestations139/140 : il s’agit notamment de la suppression de la limite dans le temps de la prise en charge du séjour hospitalier ; de l’introduction de mesures de prévention et de réadaptation ; la couverture obligatoire et subsidiaire de l’accident ; les contrôles accrus en cas de maternité ; des soins dentaires dans des situations précises. Le catalogue devient exhaustif et ne peut être complété que par des assurances complémentaires ; d) Le financement141 reste conçu sur la base des primes individuelles des assurés

(renonciation donc aux cotisations perçues en pour cent des salaires), sinon les caisses perdraient leur autonomie financière ; mêmes primes pour un assureur (dans une région donnée), sauf pour les enfants et pour les formes particulières d’assurance (p.ex. franchise plus élevée) ; primes égales pour femmes et hommes ; maintien de la participation aux coûts par les assurés ; subsides fédéraux pour réduire les primes individuelles en fonction des revenus.

133 Idem, p. 109.

134 Voir ci-dessus le N° 111, in fine.

135 Message concernant la révision de l’assurance-maladie (1991), pp. 109-114.

136 Idem, p. 109, in fine.

137 Idem, p. 110, in initio.

138 Idem, p. 110, in medio.

139 Idem, pp. 114-116.

140 Voir ci-dessus le N° 105.

141 Message concernant la révision de l’assurance-maladie (1991), pp. 116-120.

122. Ces lignes directrices sont reprises par l’Assemblée fédérale, laquelle adopte la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), le 18 mars 1994 142. Une demande de référendum aboutit, mais cette fois, la loi est acceptée et elle entre en vigueur le 1er janvier 1996. De toute l’histoire de la sécurité sociale, c’est la réforme qui a été la plus longue et la plus difficile à réaliser143.

9. LA COORDINATION DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE : DU BILATERALISME A LA CONNEXION AU DROIT

COMMUNAUTAIRE. UN CHANGEMENT DE CAP POUR LA SUISSE ?144

Assurances sociales et frontières nationales. Perspectives suisses et européennes. B. KAHIL-WOLFF / J.-L. DUC (éditeurs). IRAL. Lausanne 1998.

BERENSTEIN, Alexandre : La Suisse et le développement international de la sécurité sociale. SZS/RSAS 1981, pp. 161 sv.

BROMBACHER, Verena : Internationales Sozialversicherungsrecht als Parallelentwicklung zur europäischen Integration. TFA. Stämpfli. Bern 1992, pp. 53 sv.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: La sécurité sociale des travailleurs migrants. BIT. Genève 1974.

KAHIL-WOLFF, Bettina / GREBER, Pierre-Yves : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen. Helbing &

Lichtenhahn, Basel / Bruylant, Bruxelles / L.G.D.J., Paris 2006.

Message relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne, du 23 juin 1999. Feuille fédérale 1999, pp.

1540 sv.

MEYER, Jean : Le statut des travailleurs immigrés dans la sécurité sociale suisse. Helbing & Lichtenhahn. Basel / Frankfurt am Main 1990.

142 RS 832.10 ; RO 1995 1328.

143 Et pour les indemnités journalières de maladie, elle reste à faire : la LAMal garde ici les règles de l’ancienne LAMA.

144 Ce chapitre a été rédigé pour la Festschrift en l’honneur du Prof. Petr Tröster, Université Charles de Prague, qui sera publiée à Prague en 2009/2010. Ce thème a été choisi parce qu’il s’agit d’une question que la Suisse a dû régler, comme la République tchèque. Comment estimer l’importance du passage des conventions bilatérales au droit communautaire (Règlement N°

1408/71) ?