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Le projet du Conseil fédéral du 19 décembre 1975

7. LA PREVOYANCE PROFESSIONNELLE VIEILLESSE, SURVIVANTS

7.2 Le projet du Conseil fédéral du 19 décembre 1975

77. Le droit alors en vigueur ne correspondant pas aux nouvelles normes constitutionnelles, des travaux sont entrepris afin de mettre sur pied un régime professionnel complémentaire selon les exigences de l’art. 34 quater aCst. Le Conseil fédéral adresse au Parlement un important Message à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, le 19 décembre 197589. Les caractéristiques de ce projet sont les suivantes.

78. Le champ d’application personnel du régime LPP90 comprend deux parties : a) L’affiliation obligatoire pour les salariés : elle concerne les personnes exerçant

une activité dépendante, tenues de payer des cotisations selon la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, auxquelles un employeur verse un salaire annuel considéré supérieur à 12’000.- CHF91, dès le 1er janvier qui suit l’accomplissement de leur 17e année pour les éventualités survivants et invalidité et dès le 1er janvier qui suit l’accomplissement de leur 24e année pour l’éventualité vieillesse (art. 2 et 7 al. 1 du projet de LPP). Le salaire n’est obligatoirement assuré que jusqu’à 36’000.- CHF par an92 ;

b) L’affiliation facultative pour les indépendants et pour les salariés non assujettis obligatoirement (art. 6 du projet de LPP) : une possibilité d’introduire une affiliation obligatoire pour certaines catégories d’indépendants est également prévue (art. 5 du projet de LPP); l’art. 6 al. 2 LPP dispose que : « Les dispositions sur l'assurance obligatoire s’appliquent par analogie à l’assurance

la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874. J.-F. AUBERT / K.

EICHENBERGER / J.-P. MULLER / R.A. RHINOW / D. SCHINDLER. Helbing &

Lichtenhahn, Basel / Schulthess, Zürich / Stämpfli, Bern 1993.

85 Message à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, pp. 117 sv.

86 Voir ci-dessus les Nos 38 sv.

87 Voir ci-dessus le N° 60.

88 Les Nos 77 à 93 sont repris de mon Droit suisse de la sécurité sociale, pp. 171-177 (avec des modifications secondaires).

89 Voir la bibliographie précédant le N° 75.

90 Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité.

91 Chiffre valable en 1975, destiné à être indexé.

92 Idem.

facultative».

79. Les trois éventualités vieillesse, survivants et invalidité sont couvertes : la première est définie par la survenance d’un âge prescrit (65 ans pour les hommes, 62 ans pour les femmes), la deuxième par le décès de l’assuré qui ouvre un droit aux veuves et aux orphelins, la troisième par référence à la notion appliquée dans l’assurance-invalidité.

80. L’organisation des prestations est subordonnée au mandat constitutionnel selon lequel le régime de base de pensions AVS/AI et la prévoyance professionnelle doivent ensemble permettre aux bénéficiaires de maintenir leur niveau de vie antérieur de façon appropriée (art. 34 quater al. 3, in initio, aCst). Le Conseil fédéral a cherché à déterminer ce qu’il faut entendre par les termes « de façon appropriée » :

« On reconnaît dans de nombreux milieux - ainsi que cela ressort des déclarations faites lors de la votation du 3 décembre 1972 et des initiatives émanant de trois groupements ou partis différents - que le maintien du niveau de vie antérieur peut être garanti par une rente globale (rente du premier et du deuxième pilier)93 de 60% du salaire pour une personne seule, cela jusqu’à concurrence d’une limite supérieure raisonnable. Il s’agit en moyenne de 60% du dernier salaire brut d’une personne ayant eu une carrière professionnelle normale, c’est-à-dire de près de 70% du salaire net dont l’intéressé se trouve privé. Pour les personnes mariées, il faut ajouter le supplément pour couple prévu dans l’AVS ou l’AI (...).

La répartition de ces 60% entre le premier et le deuxième pilier est très différente selon les échelons desalaire, en raison de la valeur dégressive, en pour cent, des rentes AVS. Si nous nous référons aux chiffres valables pour 1975, nous constatons que la rente simple de vieillesse de l’AVS dépasse ou atteint 60% du salaire jusqu’à un salaire de 12’000.- CHF par an ; c’est-à-dire que, dans ces cas, l’objectif est atteint par le premier pilier à lui seul. Ce n’est qu’au-dessus de cet échelon de salaire que la valeur de la rente simple de vieillesse est inférieure à 60% du salaire ; c’est pourquoi, au-dessus du salaire-limite de 12’000.- CHF, il est nécessaire de faire appel aux prestations du deuxième pilier.

Pour calculer les rentes à prescrire dans le régime obligatoire, il faut tenir compte des éléments suivants : le salaire-limite de 12’000.- CHF dont il vient d’être question - et qui est fixé en relation avec l’état de l’AVS en 1975 - est appelé montant de coordination. Le régime du deuxième pilier ne doit assurer que la part du salaire supérieure à ce montant, part que l’on appelle salaire coordonné ou salaire assuré. Ce salaire est égal au salaire AVS diminué du montant de coordination. Celui-ci doit être adapté au niveau général des salaires afin que la relation « salaire coordonné/salaire AVS » ne subisse pas le contre-coup de l’évolution générale des salaires, et que la rente globale ne soit pas supérieure à 60%, à tous les échelons de salaire. On obtiendra

93 Rappel : selon cette terminologie, le « premier pilier » représente le régime de base de pensions AVS/AI et le « deuxième pilier » la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (régime complémentaire professionnel).

cette adaptation en prévoyant que le montant de coordination est toujours égal au double du montant annuel de la rente simple minimale de l’AVS (…).

Le salaire annuel maximal formateur de rente dans l’AVS est de 36’000.- CHF pour 1975. Le projet de loi prévoit que ce montant, diminué du montant de coordination, constitue le salaire maximum assurable dans la prévoyance obligatoire.

Il s’élève donc à 24’000.- CHF et, pour qu’il y ait adaptation constante à l’évolution des salaires, il représentera toujours quatre fois le montant annuel de la rente simple minimale de vieillesse de l’AVS (…). Ce salaire maximal assurable constitue un plafond, non seulement pour les rentes mais aussi, contrairement à ce qui est le cas dans l’AVS, pour les cotisations. Les représentants des associations d’employés, en particulier, ont demandé que ce montant soit plus élevé pour que l’assurance obligatoire soit mieux adaptée aux conditions effectives de salaire des travailleurs qualifiés. La sous-commission compétente de la commission AVS a repoussé par 13 voix contre 6 une proposition tendant à porter à 42’000.- CHF ledit montant. Il est, en soi, compréhensible que l’on demande que le maximum du salaire pris en considération soit augmenté, mais il faut souligner que cette augmentation entraînerait d’importantes charges supplémentaires »94.

81. Ces extraits du Message du Conseil fédéral montrent la nécessité de coordonner étroitement les prestations du régime de base de pensions AVS/AI avec celles du régime complémentaire de prévoyance professionnelle (LPP) pour garantir un revenu de substitution de 60% du salaire brut pour une personne seule.

82. On distingue ainsi trois zones :

o jusqu’au salaire-limite de 12’000.- CHF par an (chiffres de 1975), appelé montant de coordination, l’AVS/AI assure à elle seule le 60% mentionné ; la prévoyance professionnelle obligatoire n’intervient pas (la prévoyance facultative peut le faire) ;

o entre 12’000.- CHF (chiffres de 1975) et 36’000.- CHF par an, l’AVS/AI et prévoyance professionnelle obligatoire se combinent pour couvrir ensemble ce 60% ;

o au-delà de 36’000.- CHF, le revenu de substitution diminue progressivement par rapport au revenu antérieur, sauf si la prévoyance facultative intervient.

83. Les pensions servies par la prévoyance professionnelle obligatoire relèvent donc de ce niveau intermédiaire (12’000.- CHF – 36’000.- CHF) et sont exprimées en pourcentage de ce revenu assuré selon la LPP. La rente de vieillesse, servie aux hommes dès 65 ans et aux femmes dès 62 ans, représente le 40% - « lorsque l’évolution économique et démographique est normale » - du salaire moyen coordonné (ou assuré) selon la LPP des trois dernières années civiles en cas d’affiliation sans interruption de 25 ans à l’âge ouvrant droit à la pension (art. 15 al. 1 du projet de LPP). Si l’on considère la tranche des revenus annuels de 12’000.- CHF - à 36’000.- CHF, l’addition

94 Message à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, pp. 125-126.

de la rente de la vieillesse simple AVS et de la rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle obligatoire représente le 60% du revenu brut pour une personne seule, entre 90% et 76,7% pour un couple95. Le maintien du niveau de vie antérieur est alors considéré comme garanti de façon appropriée.

84. La rente de veuve (servie à la personne qui a droit à la rente de veuve AVS) représente le 24% du salaire coordonné de la dernière année pendant laquelle le défunt a exercé une activité complète, en cas de durée d'assurance sans interruption. La rente d’orphelin (servie à celui qui a droit, au décès de l’assuré, à la rente d’orphelin AVS) s’élève à 8% du salaire coordonné de la dernière année pendant laquelle le défunt a exercé une activité complète (art. 19 et 20 du projet de LPP). La rente d’invalidité (servie aux « personnes qui sont invalides à raison de 50% au moins au sens de l’assurance-invalidité (AI), et qui étaient assurées quand a débuté l’incapacité de travail qui a conduit à l’invalidité » (art. 22 du projet LPP)), représente « le 40% du salaire coordonné de la dernière année pendant laquelle l’ayant droit a exercé une activité complète, s’il est invalide à raison des deux tiers au moins, au sens de l’AI, et à la condition qu’il soit âgé de moins de 25 ans ou ait été assuré sans interruption depuis l’âge de 25 ans. L’assuré a droit à une demi-rente s’il est invalide à raison de 50% au moins (art. 23 du projet de LPP).

85. Pour terminer l’examen des prestations telles qu’elles sont prévues par le projet du Conseil fédéral, on relèvera deux éléments importants :

o Le projet de LPP fait une large place aux prestations de libre passage : elles doivent garantir le maintien de la prévoyance lorsque l’assuré quitte son employeur et l’institution compétente avant la réalisation de l’éventualité. Sous réserve d’exceptions, le versement en espèces est interdit. Le montant de la prestation de libre passage est transféré à la nouvelle institution de prévoyance (maintien des droits acquis) ;

o Le projet de LPP fait un geste généreux en faveur de la génération d’entrée96 : celle-ci a droit à des prestations normales non réduites (de 40% du salaire coordonné, cf. ci-dessus) après une période limitée de cotisations s’étendant entre 10 et 20 ans suivant l’importance du salaire97.

86. L’organisation administrative est assurée principalement par les institutions de prévoyance reconnues (observation des règles de la LPP, gestion paritaire, garantie de sécurité financière). Une large autonomie est laissée aux institutions reconnues ; l’art.

47 du projet de LPP dispose ainsi que : « Dans les limites de la présente loi, il est loisible aux institutions de prévoyance d’adopter le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui leur conviennent. Lorsqu’une institution de

95 Idem, p. 292.

96 « Font partie de la génération d’entrée toutes les personnes qui, lors de l’entrée en vigueur de la loi, sont âgées de plus de 25 ans et n’ont pas encore atteint l’âge ouvrant droit à des prestations de vieillesse ». Idem, p. 143.

97 Idem, p. 144.

prévoyance offre des avantages allant au-delà des prestations minimales (soit celles qui viennent d’être mentionnées), seules s’appliquent à la prévoyance plus étendue les dispositions sur l’administration paritaire (art. 51), la responsabilité (art. 52), le contrôle (art. 53), la surveillance (art. 59, 60 et 62), la sécurité financière (art. 63. 1er al., 65 et 66) et le contentieux (art. 69 et 70) ». Deux fondations, à créer par les organisations faîtières des salariés et des employeurs et surveillées par la Confédération, sont également prévues : l’institution supplétive ; la fondation de péréquation des charges (elle assume la compensation des charges découlant de la génération d’entrée, de l’adaptation des rentes de la prévoyance professionnelle obligatoire au renchérissement et de la garantie des droits acquis en cas d’insolvabilité d’une institution de prévoyance) (art. 54 sv. du projet de LPP).

87. L’organisation financière repose sur les cotisations des assurés et des employeurs, ainsi que sur les intérêts des placements. Les systèmes de financement employés sont la capitalisation pour l’éventualité vieillesse (ainsi que pour les survivants des retraités), la répartition des capitaux de couverture pour la péréquation des charges spéciales relatives à la génération d’entrée et la répartition des dépenses pour la péréquation des charges relatives à la génération d’entrée, à l’adaptation des prestations au renchérissement et au risque d’insolvabilité d’une institution98.