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Les bases du débat et de la construction

4. LA CREATION DE L’ASSURANCE-VIEILLESSE ET

5.1 Les bases du débat et de la construction

39. A l’origine de cette révision constitutionnelle particulièrement importante pour le développement de la législation relative à la sécurité sociale, on trouve trois initiatives populaires et un rapport d’experts :

a) L’initiative pour une véritable retraite populaire, déposée le 2 décembre 1969 par le Parti suisse du travail56 ;

b) L’initiative pour la création de pensions populaires, déposée le 18 mars 1970 par le Parti socialiste suisse, avec l’appui de l’Union syndicale suisse57;

c) L’initiative pour un régime de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, déposée le 13 avril 1970 par un comité hors parti58 ;

d) Le rapport de la commission fédérale d’experts chargée d’examiner les mesures propres à encourager la prévoyance professionnelle pour les cas de vieillesse, d’invalidité et de décès (Deuxième pilier), du 16 juillet 197059.

5.1.1 L’initiative du Parti du travail

40. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La Confédération doit instituer l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (AVS/AI), avec une affiliation obligatoire pour l’ensemble de la population.

Cela va plus loin que l’art. 34 quater aCst (version 1925), mais consacre l’état de la LAVS et de la LAI sur ce point ;

b) Le niveau des prestations est prescrit par l’initiative : en principe, les rentes doivent atteindre au moins le 60% du revenu annuel moyen des cinq meilleures années de l’assuré, mais elles ne peuvent varier qu’entre 500.- CHF et 1000.- CHF par mois pour une personne seule, entre 800.- CHF et 1600.- CHF pour un couple (chiffres au 31 décembre 1969)60. L’adaptation des rentes doit être

56 Message sur la révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, p. 1613.

57 Idem, p. 1653.

58 Idem, p. 1654.

59 Feuille fédérale 1970 II, pp. 569 sv.

60 Lorsque le Parti du travail dépose son initiative, la rente simple de vieillesse AVS varie entre 200.- CHF et 400.- CHF. En 1971, une révision de renchérissement la porte à 220.- CHF au minimum, 440.- CHF au maximum (chiffres de 1971).

effectuée périodiquement en fonction de l’évolution des prix et du produit national brut ;

c) Le financement doit être assuré par les pouvoirs publics (pour au moins un tiers des dépenses totales), les employeurs, les assurés ; les personnes physiques ou morales bénéficiant d’une situation économique privilégiée devront acquitter une cotisation ou un impôt spéciaux ;

d) Les institutions de prévoyance professionnelle sont incorporées dans l’AVS/Al ; le texte de l’initiative ne précise pas s’il s’agit d’une intégration obligatoire (de par la loi) ou d’une simple faculté ; les droits acquis par les assurés doivent être garantis par la loi. Cette initiative ne prévoit donc pas un système de pensions à plusieurs étages (régime de base et régime(s) complémentaire(s) mais un système unique (AVS/AI), sauf si l’on admet que des institutions de prévoyance pourraient subsister à côté du régime légal ;

e) Selon le Conseil fédéral, les prestations complémentaires à l’AVS/Al ne seraient pas maintenues, la rente AVS/AI minimale de l’initiative étant d’un montant plus élevé que la limite de revenu ouvrant droit aux prestations complémentaires.

5.1.2 L’initiative du Parti socialiste

41. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La Confédération doit instituer par voie législative une assurance-vieillesse, survivants et invalidité comprenant une assurance obligatoire de base et une assurance complémentaire ;

b) L’assurance-vieillesse, survivants, invalidité de base doit couvrir au moins les besoins vitaux. Ses rentes, d’un rapport de 1 : 2 au maximum doivent être adaptées au moins à l’évolution des prix ;

c) L’assurance-vieillesse, survivants, invalidité complémentaire est destinée aux travailleurs dont la rente de base ne couvre pas le 60% de leur revenu.

Assurance de base et assurance complémentaire doivent couvrir ensemble au moins le 60% du revenu du travail jusqu’à un plafond fixé « à 2,5 fois le revenu général moyen du travail » ;

d) Les indépendants peuvent adhérer volontairement à l’assurance complémentaire ;

e) Les institutions de prévoyance peuvent être reconnues comme institutions de l’assurance complémentaire si elles versent des prestations d’un niveau au moins égal à celle-ci, si elles garantissent le libre passage intégral et si elles adaptent au moins leurs rentes aux prix ;

f) Le financement du régime de base est assuré par les pouvoirs publics pour un tiers au minimum et la moitié au maximum, les employeurs doivent supporter les deux tiers des cotisations des travailleurs. En ce qui concerne l’assurance complémentaire, le financement est bipartite : deux tiers à la charge des employeurs, un tiers à la charge des salariés.

5.1.3 L’initiative hors parti

42. Elle présente les caractéristiques suivantes :

a) La protection pour les éventualités vieillesse, survivants et invalidité est assurée par une assurance fédérale, les institutions de prévoyance et la prévoyance individuelle ;

b) L’assurance fédérale doit couvrir les besoins vitaux ;

c) Son financement est réalisé par les cotisations des assurés - au maximum 8% du revenu, les employeurs en versent la moitié - et les contributions de la Confédération (jusqu’à un tiers des dépenses) ;

d) La prévoyance professionnelle complémentaire intervient si l’assurance fédérale ne suffit pas à assurer un revenu adapté au niveau de vie antérieur. La Constitution fixe les points que la loi doit régler : champ d’application, cotisations paritaires, participation des travailleurs à la gestion des institutions de prévoyance, exonération fiscale des cotisations, libre passage ;

e) La prévoyance individuelle est encouragée par la Confédération, par des mesures fiscales et une politique facilitant l’accès à la propriété ;

f) La Confédération encourage l’intégration sociale des invalides et soutient les institutions s’occupant des vieillards et invalides.

5.1.4. Le rapport des experts sur l’encouragement de la prévoyance professionnelle

43. Les experts se sont prononcés en faveur :

a) D’une organisation de la prévoyance vieillesse, survivants, invalidité en 3 piliers : 1) AVS/AI ; 2) prévoyance professionnelle ; 3) prévoyance individuelle ;

b) D’une prévoyance professionnelle obligatoire pour les travailleurs.

Leur rapport a été approuvé d’une manière générale par le Parlement.

44. La loi fédérale sur les rapports entre les Conseils prescrit, dans le cas d’initiatives concernant la même question constitutionnelle, que l’initiative déposée la première doit d’abord être traitée par l’Assemblée fédérale, puis soumise au vote du peuple et des Cantons. Les autres initiatives suivent dans l’ordre où elles ont été déposées. ln casu, la première qui a abouti est celle du Parti suisse du travail.

45. Tout en s’inspirant avant tout des deuxième et troisième initiatives, le Conseil fédéral, puis le Parlement, ont élaboré un contre-projet. C’est ce dernier qui a été accepté par le peuple et les Cantons, le 3 décembre 1972 :

o l’initiative populaire « pour une véritable retraite populaire », du Parti du travail, a été refusée par 294 511 oui contre 1 481 488 non (19 Cantons et 6 demi-Cantons opposés);

o le contre-projet de l’Assemblée fédérale, qui devient le nouvel article 34 quater aCst, est accepté par 1 393 797 oui contre 418 018 non (19 Cantons et 6 demi Cantons acceptants) (FF 1973 I, pp. 69, 750).

46. Jean-François AUBERT résume ainsi le vote : « Sur cent électeurs qui votèrent, 17 suivaient les communistes, 78 préféraient la doctrine officielle et 5 ne voulaient rien changer du tout »61. Les initiatives «pour la création de pensions populaires », du Parti socialiste, et « pour un régime moderne de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité », du comité hors parti, ont été retirées par leurs auteurs en 1974.

47. Le nouvel article 34 quater aCst, qui remplace celui adopté en 1925, contient une série de dispositions très importantes pour les branches vieillesse, survivants et invalidité de notre sécurité sociale.