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DOCTEUR EN MEDECINE THESE UNIVERSITÉ Pierre et Marie CURIE (PARIS 6)

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UNIVERSITÉ Pierre et Marie CURIE (PARIS 6)

FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE

Année 2015

N° 2015PA06G071

THESE

PRESENTEE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE

DOCTEUR EN MEDECINE

SPECIALITE : MEDECINE GENERALE PAR

Karine LABAT-VANHOUCKE née LABAT

née le 6 avril 1984 à Paris

---

PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 15 DECEMBRE 2015

Freins à la déclaration du médecin traitant chez les patients présentant une maladie mentale sévère :

Enquête qualitative auprès de patients hospitalisés en psychiatrie

DIRECTRICE DE THESE : Docteur Nadia CHAUMARTIN

CO-DIRECTRICE DE THESE : Docteur Laurence BAUMANN-COBLENTZ PRESIDENT DU JURY : Professeur Philippe CORNET

MEMBRES DU JURY: Docteur Florian FERRERI Docteur Michel BIOUR Docteur Isabelle DE BECO

Docteur Nadia CHAUMARTIN

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REMERCIEMENTS

A Monsieur le Pr Philippe CORNET : Merci de me faire l’honneur de présider cette thèse et de m’accorder un peu de votre temps pour juger mon travail. Soyez assuré de mon profond

respect et de ma gratitude.

Aux Dr Florian FERRERI et Michel BIOUR : Merci d’avoir accepté de consacrer un peu de votre temps pour faire partie de mon jury et évaluer mon travail, alors que nous ne nous

étions jamais rencontrés. Soyez assurés de ma sincère reconnaissance.

Au Dr Nadia CHAUMARTIN : Merci d’avoir accepté d’encadrer ce travail, et d’être restée fidèle à ton engagement malgré le temps qui m’a été nécessaire pour en accoucher (une

gestation plus que pachydermique et un travail en mode accéléré !). Ton soutien, ton investissement et tes conseils avisés m’ont été d’une aide précieuse.

Au Dr Laurence BAUMANN-COBLENTZ: Merci d’avoir accepté de m’apporter votre aide sur le plan méthodologique malgré votre emploi du temps surchargé, en me transmettant les

bases de l’étude qualitative. D’autant que je ne dépendais pas de votre département de médecine générale. J’ai bien fait d’aller assister à votre présentation « La méthode

qualitative pour les nuls » au CNMG 2011 !!

Aux Dr Isabelle DE BECO et François BARTHELEMY, mes maîtres de stage de niveau 1. Vous avez été ma première confrontation réelle avec mon futur métier, et par votre pratique vous

m’avez confortée dans mon choix de devenir médecin généraliste, au plus proche des patients. Merci également au Dr DE BECO d’avoir accepté de faire partie de mon jury.

Aux Dr URREA et SARAVANE, et à tous les médecins somaticiens que j’ai rencontrés au cours de mes stages : merci de m’avoir fait découvrir cette branche de la médecine générale

et d’avoir voulu transmettre ce dévouement envers des patients souvent stigmatisés en raison de leur pathologie.

A tous les médecins que j’ai rencontrés lors de mes stages hospitaliers, pour leur aide et leur implication dans la transmission de leur savoir, en particulier le Dr BAL, les Dr BANU et

PILLEGAND, les Dr ORZECHOWSKI et SAULPIC.

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3 A toutes les infirmières, aides-soignantes, kinés, diététiciennes, psychologues et autres personnels paramédicaux que j’ai pu rencontrer au cours de mes stages et depuis que je remplace, qui nous aident au quotidien dans la prise en charge des patients et qui m’ont

souvent soutenue et réconfortée lors de certains stages difficiles…

Aux médecins que je remplace actuellement en Seine et Marne, en particulier les Dr CLAVERIE et DEKEYSER, pour leur amitié et leur compréhension, et pour m’avoir fait

découvrir que l’exercice en milieu semi-rural était ce que je préférais

͠͠͠

A Franck, mon mari, pour son amour et sa patience infinie, et enfin pour son aide précieuse dans l’élaboration et la mise en page de cet ouvrage. Merci de partager ma vie chaque jour

et d’accepter que je « vive » médecine…

A mes parents, pour leur amour et leur ouverture d’esprit. Merci de nous avoir toujours soutenus dans nos choix de vie mes frères et moi, même si nous prenons parfois des virages à

180 degrés.

A Anne-Gwé et Aurélie, mes best, pour leur soutien indéfectible. Merci d’être des oreilles attentives et fidèles.

A Marie, ma meilleure amie de P1, qui n’a pas eu initialement la même réussite que moi, et qui est la fille la plus tenace que je connaisse. Merci d’avoir été avec moi pour traverser ces

deux années difficiles, sans toi je me serais sûrement écroulée.

A mes copines de promo, et en particulier aux Kro-Mignonnes (Marion, Rosy, Marie-Cécile Lauriane, et Elise ma Kro-Mignonne de cœur), pour tous les moments partagés ensemble, que ce soient les fous rires ou les moments de désespoir en D3/D4. Je n’en regrette aucun, car ce sont eux qui font de nous les médecins que nous sommes aujourd’hui. Bravo pour votre

réussite à toutes !

A tous les carabins cristoliens côtoyés pendant 6 ans, avec une pensée particulière pour Natacha et Paul qui nous ont quittés bien trop tôt…

A Océane, ma co-interne à PGV, pour son amitié et le soutien (moral et matériel !) qu’elle m’a apporté.

A tous mes amis qui ne sont pas de médecine, et qui me permettent de m’évader

régulièrement de cette vocation très envahissante : mes potes du PCSO avec lesquels j’ai

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4 passé une année de folie (Julien, Olive, Jean et Stéphane), Laurence, Matthieu et Véro, les anciens de l’Equipe Saint Louis (Thomas, Frère Marie-Etienne, Juliette et Sébastien, Véronique

et Quentin) et enfin mes amis théâtreux de la Compagnie du Proscenium, car le théâtre est mon exutoire…

Au Dr PERROT, pour ce qu’elle a fait pour ma mère et pour moi, et parce que sans elle non plus je n’aurais jamais passé le cap de la P1. Merci également de m’avoir donné la force de

mener à bien cet ouvrage.

A Mme TEIXEIRA, une thérapeute formidable, qui a compris que j’avais besoin d’un coaching personnalisé…

A Frau Ritte, mon professeur d’histoire/géo en allemand au lycée qui n’a rien à voir avec cette thèse et qui n’en saura sûrement jamais rien, mais qui est une personne aux qualités humaines appréciables et tellement dévouée envers ses élèves, malgré le caractère parfois ingrat de la matière qu’elle enseigne (j’ai toujours détesté la géographie !), que j’avais envie

de la remercier pour cela.

Et enfin à Mr ROTFUS, bien malgré lui à l’origine de ma vocation, et sans qui cette thèse

n’aurait sans doute jamais été présentée…

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« Quand les gens meurent ils ne peuvent

être remplacés. Ils laissent des trous qui

ne peuvent être remplis parce que c'est le

destin, le destin génétique et le destin

neurologique de chaque être humain

d'être un individu unique, de trouver son

chemin, de vivre sa propre vie et de

mourir sa propre mort. »

Oliver Sacks

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Le Serment d'Hippocrate

En présence des Maîtres de cette Ecole, de mes chers condisciples et devant l’effigie d’Hippocrate,

Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’Exercice de la Médecine.

Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail.

Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les moeurs ni à favoriser le crime.

Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçue de leurs pères.

Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à

mes promesses ! Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de

mes confrères si j’y manque.

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7

PRÉAMBULE

Avant d’être médecin, je voulais être interprète.

J’avais déjà tout prévu concernant mon cursus post-bac, mais c’était sans compter mon futur professeur de philosophie de terminale littéraire et sa liste de lectures conseillées pendant les vacances d’été. Ironie du sort comme on dit !

Parmi celles-ci, j’ai été intriguée par un titre plutôt surprenant, à savoir « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » d’Oliver Sacks.

Je m’y suis aussitôt plongée, ne sachant pas du tout que j’allais tomber sur un recueil d’histoires de patients avec des pathologies neurologiques variées. Il a fallu que je m’accroche pendant les vingt premières pages, lexique explicatif de termes à l’époque complètement barbares pour moi tels que : agnosie, apraxie, aphasie, anosognosie et j’en passe… Mais très rapidement, j’ai été captivée par ce que ce neuropsychiatre rapportait, et en refermant le livre, j’annonçai à mes parents que c’était décidé, j’allais faire médecine pour être neuropsychiatre, comme ce grand Monsieur qu’est Oliver Sacks.

Dès la première année d’études, j’ai finalement compris que la neurologie, c’était trop complexe pour moi, car les matières scientifiques (et en particulier la physique !) n’étaient pas franchement pas ma tasse de thé. Ce sentiment a été rapidement renforcé au fil des années et de mes stages hospitaliers, et il m’est très vite apparu comme une évidence que la médecine générale était faite pour moi, avec la diversité de patients qu’elle apporte et le suivi de ces derniers dans leur globalité, sur le plan physique mais également psycho-social.

Néanmoins, le Dr Sacks a dû m’inspirer inconsciemment lorsque j’ai choisi à la fin de ma maquette d’internat d’effectuer un stage dans le service des Spécialités Médicales de l’hôpital Paul Guiraud à Villejuif, à savoir auprès des médecins s’occupant du suivi somatique des patients hospitalisés en psychiatrie.

Je ne m’étais jamais particulièrement intéressée à cet aspect de la médecine générale, et j’ai découvert avec surprise à quel point les patients souffrant de maladie mentale avaient besoin d’une prise en charge somatique, en raison d’un surrisque avéré de mortalité et de comorbidités somatiques. Cette prise de conscience cumulée avec la fragilité attachante de ces patients m’a donné envie de leur consacrer mon sujet de thèse.

Ainsi, je ne suis peut-être pas devenue neuropsychiatre, mais je referme néanmoins la boucle de mes études un peu comme je l’ai commencée…

A mes patients passés, présents et futurs…

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TABLE DES MATIERES

1 INTRODUCTION : CONTEXTE DE L’ETUDE ... 13

1.1 Le médecin traitant ... 14

1.1.1 Définition ... 14

1.1.2 Le cadre légal : un paradoxe entre non-obligation et sanctions... 15

1.1.3 Bilans de la réforme ... 16

1.2 Le patient psychiatrique et ses spécificités ... 18

1.2.1 Epidémiologie des troubles psychiatriques ... 18

1.2.2 Une surmortalité et surmorbidité connues depuis longtemps ... 21

1.2.2.1 Types de comorbidités somatiques en psychiatrie ... 22

1.2.2.2 Iatrogénie des traitements psychotropes ... 28

1.2.3 Organisation des soins psychiatriques en France ... 30

1.2.3.1 Le principe de la sectorisation ... 31

1.2.3.2 Organisation des soins somatiques en psychiatrie ... 32

1.3 Freins à l’accès aux soins somatiques des patients ... 34

1.3.1 Le point de vue des acteurs du système de santé ... 36

1.3.2 Le point de vue des patients ... 39

1.3.3 Justification de l’étude ... 40

2 MATERIEL ET METHODES ... 42

2.1 Objectif ... 42

2.2 Méthode ... 42

2.2.1 Choix de la méthode : une enquête qualitative ... 43

2.2.2 Mode de recueil des données : l’entretien semi-directif ... 44

2.2.3 Considérations éthiques ... 45

2.2.4 Recrutement des patients ... 45

2.2.4.1 La notion d’échantillonnage ... 45

2.2.4.2 Critères d’inclusion et de non-inclusion ... 46

2.2.5 Elaboration du guide d’entretien ... 47

2.2.6 Déroulement des entretiens ... 48

2.2.7 Analyse des résultats : analyse thématique ... 48

3 RESULTATS ... 50

3.1 Caractéristiques de l’échantillon ... 50

3.2 Résultats ... 51

3.2.1 Modes d’accès aux soins somatiques ... 52

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3.2.1.1 Fréquence des consultations ... 52

3.2.1.2 Modes d’accès aux soins somatiques ... 52

3.2.2 Perceptions du rôle du médecin traitant ... 54

3.2.2.1 Le « médecin du corps » ... 54

3.2.2.2 Un médecin de famille ... 55

3.2.2.3 Le renouvellement des traitements ... 55

3.2.2.4 La prescription des arrêts de travail ... 55

3.2.2.5 Un rôle de conseiller et de confident ... 56

3.2.2.6 Le suivi et la coordination des soins ... 57

3.2.3 Freins à l’existence du médecin traitant ... 57

3.2.3.1 La peur de la maladie et de la mort ... 57

3.2.3.2 Anosognosie et déni des troubles ... 58

3.2.3.3 La place de la maladie psychiatrique et de certains symptômes ... 59

3.2.3.4 La précarité sociale : absence de logement stable et faibles revenus ... 62

3.2.3.5 Manque d’information sur la déclaration ... 63

3.2.3.6 Rôle du médecin traitant pris en charge par l’hôpital psychiatrique ... 65

3.2.3.7 Automédication et médecines naturelles/alternatives ... 65

3.2.3.8 Incompétence des médecins généralistes par rapport aux spécialistes : le médecin traitant comme facteur de risque d’une mauvaise prise en charge ... 67

3.2.3.9 La diversité des points de vue garante d’une meilleure prise en charge ... 68

3.2.3.10 La surcharge de travail des médecins généralistes ... 68

3.2.3.11 Le caractère intime de la maladie psychiatrique ... 69

3.2.3.12 La peur du non respect du secret médical ... 69

3.2.3.13 Représentations corporelles de certains patients et pudeur ... 69

3.2.4 Critères de choix du médecin traitant et qualités attendues ... 70

3.2.4.1 Disponibilité ... 70

3.2.4.2 Proximité du domicile ... 71

3.2.4.3 Un médecin qui se déplace au domicile des patients... 71

3.2.4.4 La dispense d’avance des frais ou tiers payant ... 72

3.2.4.5 Mode d’exercice en structure de soins pluridisciplinaire ... 72

3.2.4.6 Recommandations de l’entourage et/ou médecin de famille ... 73

3.2.4.7 Une grande capacité d’écoute et de compréhension ... 73

3.2.4.8 L’ouverture d’esprit ... 74

3.2.4.9 Une bonne connaissance des troubles psychologiques ... 74

3.2.4.10 Une relation de confiance et sur un pied d’égalité ... 75

3.2.5 Perceptions du rôle du psychiatre et de la collaboration avec le médecin

généraliste ... 76

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3.2.5.1 Le psychiatre, un médecin traitant ? ... 76

3.2.5.2 Intérêt du psychiatre pour l’existence d’un médecin traitant... 77

3.2.5.3 Implication du psychiatre dans la prise en charge somatique ... 78

3.2.5.4 Information sur les effets indésirables des traitements psychotropes ... 79

3.2.5.5 Quelle information concernant la maladie psychiatrique donner au médecin traitant et par qui ? ... 79

3.2.5.6 Intérêt d’une communication entre généraliste et psychiatre ... 80

4 DISCUSSION ... 83

4.1 Forces et faiblesses de l’étude ... 83

4.1.1 Forces de l’étude ... 83

4.1.2 Limites de l’étude ... 83

4.1.2.1 Limites liées à l’entretien ... 84

4.1.2.2 Limites liées à l’échantillon ... 84

4.1.2.3 Limites liées à l’analyse ... 85

4.2 Synthèse et discussion des résultats ... 86

4.3 Perspectives ... 89

5 CONCLUSION ... 92

6 BIBLIOGRAPHIE ... 95

7 ANNEXES ... 99

7.1 Annexe 1 : Courrier du CPP d’Ile de France ... 99

7.2 Annexe 2 : Guide d’entretien ... 100

7.3 Annexe 3 : Messages clés de la recommandation de la FFP-CNPP de juin 2015 .... 104

7.4 Annexe 4 (sur CD) : Retranscriptions des entretiens ... 105

7.5 Annexe 5 (sur CD) : Liste des codes ... 105

7.6 Annexe 6 (sur CD) : Liste des Professeurs d’Université – Praticiens Hospitaliers de l’UFR Médicale Pierre et Marie CURIE, Sites Pitié et Saint Antoine ... 105

RESUME : ... 106

MOTS CLES :... 106

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Liste des abréviations utilisées

AAH : Allocation Adulte Handicapé ALD : Affection Longue Durée AVC : Accident Vasculaire Cérébral

BPCO : Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive CMP : Centre Médico-Psychologique

CMU-c : Couverture Maladie Universelle Complémentaire CNAM : Caisse Nationale d’Assurance Maladie

CNGE : Collège National des Généralistes Enseignants CPP : Comité de Protection des Personnes

DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques

EDM : Etat Dépressif Majeur

EPS : Etablissement Public de Santé

FFP-CNPP : Fédération Française de Psychiatrie-Conseil National Professionnel de Psychiatrie

HAS : Haute Autorité de Santé

Loi HPST : Loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires HTA : Hypertension Artérielle

IDM : Infarctus du Myocarde

IRDES : Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé NHS : National Health Service (système d’Assurance Maladie britannique) OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PASS : Permanence d’Accès aux Soins de Santé (à l’AP-HP) RMI : Revenu Minimum d’Insertion

RR : Risque Relatif

RSA : Revenu de Solidarité Active

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SAMU : Service d’Aide Médicale Urgente SDF : Sans Domicile Fixe

SFMG : Société Française de Médecine Générale SROS : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire TAG : Trouble Anxieux Généralisé

UNAFAM : Union Nationale de Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques

USA : United States of America VHB : Virus de l’hépatite B VHC : Virus de l’hépatite C

VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine

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1 INTRODUCTION : CONTEXTE DE L’ETUDE

Les troubles psychiatriques sont des pathologies fréquentes dans la population générale. Ainsi, les médecins généralistes comptent dans leur patientèle de nombreux patients souffrant de troubles mentaux, parfois même sans le savoir, car il existe

fréquemment un cloisonnement marqué entre ce qui relève du domaine du corps et ce qui relève du domaine de l’esprit.

Ces patients consultent généralement pour des motifs d’ordre somatique, mais le médecin généraliste peut se retrouver en première ligne lors des prémices de la maladie ou lors de décompensations aiguës, parfois à la demande de l’entourage.

De plus, les médecins généralistes ne sont pas toujours bien informés quant aux

conséquences de la maladie mentale et de ses traitements sur le corps de leurs patients, et la coordination entre les médecins généralistes et les psychiatres est loin d’être optimale à l’heure actuelle.

Lors de mon stage d’internat dans le service des Spécialités Médicales de l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud à Villejuif, qui s’occupe de la prise en charge somatique des patients hospitalisés, j’ai découvert l’importance des somaticiens dans la prise en charge de ces patients, car ces derniers présentent de nombreuses pathologies non psychiatriques, parfois dues aux traitements spécifiques de leur maladie mentale, mais pas uniquement.

Je me suis rendue compte que ces patients, souvent stigmatisés par la maladie mentale, étaient plus à risque de vivre dans la précarité et de négliger leurs symptômes somatiques, devant la place prépondérante occupée par le trouble psychiatrique sur leur corps.

A l’heure du parcours de soins coordonné par le médecin traitant et de l’organisation de la médecine en réseaux de soins, j’ai par conséquent voulu m’intéresser aux raisons pouvant expliquer le mauvais suivi somatique ambulatoire de ces patients.

Mais avant de présenter l’étude réalisée, il paraît nécessaire de définir la notion de médecin

traitant et de présenter les particularités du patient souffrant de maladie psychiatrique, au

travers d’une revue non exhaustive de la littérature.

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14 1.1 Le médecin traitant

En 2002, un groupe de travail européen, la WONCA (World family doctors caring for people) Europe, dont les représentants français sont le CNGE et la SFMG ont tenté de donner une définition européenne de la médecine générale/médecine de famille [1], qu’il considère comme une spécialité clinique orientée vers les soins primaires. Le médecin généraliste est décrit comme le premier contact du patient avec le système de soins. Il fait le lien avec les autres spécialités en coordonnant les différentes ressources nécessaires à la prise en charge du patient. Il a une approche globale de son patient, centrée à la fois sur sa dimension individuelle (physique, psychique et sociale), familiale et communautaire.

Le gouvernement français n’a fait que confirmer ce rôle central du médecin généraliste dans la prise en charge des patients en faisant voter la loi sur le « médecin traitant », avec toutefois des objectifs en termes de santé publique et de réduction des coûts.

1.1.1 Définition

La loi du 13 août 2004 réformant l’Assurance Maladie instaure la notion de

« médecin traitant » (qui vient remplacer celle de médecin référent qui était en vigueur depuis peu), ainsi que la notion de « parcours de soins coordonnés », afin de préserver et de consolider aussi bien la qualité des soins que l’égalité d’accès aux soins. La France rejoint ainsi la plupart de ses homologues européens, qui disposent déjà d’un système de recours aux soins de première intention organisé autour du médecin généraliste.

En plus d’être le médecin qui soigne habituellement le patient, les rôles du médecin traitant sont définis comme tels [2] :

- Il coordonne les soins reçus par son patient et s’assure que son suivi médical soit optimal.

- Il oriente son patient dans le parcours de soins coordonnés. Ainsi, c’est lui qui met en relation son patient, si besoin, avec des médecins spécialistes ou un service

hospitalier.

(15)

15 - C’est lui qui connaît et qui gère le dossier médical du patient, en centralisant toutes

les informations (résultats d’examens, diagnostics, traitements).

- Pour les patients qui sont atteints d’une Affection de Longue Durée (ALD), c’est lui qui établit le protocole de soins afin que les soins du patient en rapport avec cette affection soient pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie.

- Il assure une prévention personnalisée du patient : vaccinations, aide au sevrage tabagique, examens de dépistage organisés (cancers du sein et colorectaux), etc.

La loi HPST du 21 juillet 2009 a confirmé la place du médecin traitant en tant que médecin de premier recours, ainsi que son rôle essentiel dans la coordination des soins nécessaires au patient.

1.1.2 Le cadre légal : un paradoxe entre non-obligation et sanctions

La loi a établi deux principes simples : tout assuré de plus de 16 ans peut choisir un médecin traitant, et ne consulte alors un autre médecin (dit « correspondant ») que sur prescription de son médecin traitant [3] en dehors de certaines spécialités mentionnées dans la loi, qui restent en accès « direct » (gynécologue, ophtalmologue, chirurgien-dentiste et psychiatre pour les moins de 26 ans). Le médecin traitant peut être aussi bien un

généraliste qu’un spécialiste, contrairement au médecin référent qui ne pouvait être qu’un omnipraticien, et il peut exercer aussi bien en ville qu’à l’hôpital. Il reste néanmoins conseillé de choisir le médecin qui connaît le mieux le patient [4], afin de lui assurer une prise en charge optimale. Il n’y a aucune contrainte géographique, et le patient est libre de changer de médecin traitant autant de fois qu’il le souhaite.

Cette déclaration se fait au moyen d’un formulaire, disponible chez le médecin ou en accès direct sur le site internet de l’Assurance Maladie (www.ameli.fr), qui doit être signé

conjointement par le médecin et le patient, et que ce dernier envoie ensuite à son organisme gestionnaire de régime de base de l’Assurance Maladie.

Elle résulte d’une démarche volontaire de l’assuré et est soumise à l’accord du médecin, qui

a le droit de refuser.

(16)

16 Cette déclaration n’est pas obligatoire, afin de préserver le principe de liberté de choix du médecin, qui est un des fondements de la médecine libérale française.

Cependant, des sanctions financières s’appliquent pour le patient qui ne respecte pas le parcours de soins coordonnés, à savoir celui qui n’a pas déclaré de médecin traitant, ou encore celui qui consulte un médecin spécialiste sans la prescription de son médecin

traitant. Ces pénalités financières, qui consistent en un moindre remboursement de la partie prise en charge par l’Assurance Maladie, d’initialement faibles sont devenues de plus en plus lourdes. Ainsi, la majoration du ticket modérateur (part qui reste à la charge de l’assuré) a quadruplé dans les trois ans qui ont suivi la mise en œuvre de la réforme, passant de 10 à 40% [3].

Il existe bien entendu des exceptions permettant de consulter un médecin en dehors du parcours de soins coordonnés, qui concernent essentiellement des consultations en urgence (si le médecin traitant du patient n’est pas disponible) ou en dehors du lieu de résidence habituel (lorsque le patient est en déplacement pour des raisons personnelles ou

professionnelles).

1.1.3 Bilans de la réforme

Les objectifs de cette réforme étaient multiples : en priorité une meilleure régulation de l’accès aux spécialistes, mais également une réorganisation du système de santé afin de mieux maîtriser les dépenses de santé, tout en améliorant la qualité de la prise en charge médicale des Français, et en mettant en place des actions de prévention ciblée. Elle visait également à inciter le patient à avoir un comportement « vertueux » en matière de santé.

Ainsi, le suivi par un seul médecin traitant permet d’éviter les consultations inutiles, les examens en doublons ou les mélanges nocifs de médicaments, et par conséquent de

diminuer le nombre d’actes afin de réaliser des économies non négligeables dans le domaine de la santé.

Une première enquête réalisée par l’IRDES en 2006 [5] établit un premier bilan de cette

réforme un an après sa mise en application. Sur 6430 personnes interrogées, 78% ont

(17)

17 déclaré un médecin traitant, ce qui était prometteur. Cependant, la principale motivation des patients pour avoir choisi un médecin traitant était son caractère prétendûment

« obligatoire ». L’argument du « bâton » (à savoir les pénalités financières en cas de non respect du parcours de soins coordonnés) a donc fait mouche auprès des assurés.

De même, parmi les 22% qui n’en avaient pas déclaré (qui étaient en général plutôt des hommes, jeunes, et/ou des bénéficiaires de la CMU-c), la moitié rapportait n’en avoir tout simplement pas encore eu l’occasion, et seuls 5% des assurés se déclaraient réfractaires à la réforme.

En novembre 2008, soit 3 ans après la réforme, 85% des assurés ont choisi un médecin traitant, et ce taux grimpe à 96% pour les personnes en ALD [2]. Les femmes sont plus impliquées que les hommes (88% vs 83%) et le taux de déclaration progresse avec l’âge, ce qui est prévisible, passant de 72% chez les 16-25 ans à 96% chez les plus de 60 ans.

En 2009, une enquête réalisée dans le cadre d’une thèse de médecine générale [6] a cherché à identifier les facteurs médicaux et sociaux influençant l’absence de médecin traitant chez des patients consultant en médecine générale en Ile-de-France. Deux profils de patients se sont alors dessinés : tout d’abord les moins de 35 ans, qui sont essentiellement des hommes, étudiants ou actifs, sans pathologie chronique ni ALD, avec un niveau d’éducation supérieur, et qui n’ont pas effectué la déclaration, soit parce qu’ils n’en ressentaient pas le besoin sur le plan médical, soit par manque d’occasion, soit par refus du système ; et deuxièmement les patients vivant dans la précarité (sans emploi, sans diplôme, domicile précaire, faibles

revenus, bénéficiant de la CMU-c), qui n’ont pas effectué la déclaration car ils ne connaissaient pas l’existence du système du médecin traitant. Ces résultats sont concordants avec l’enquête IRDES de 2006.

Enfin, un rapport de la Cour des Comptes paru en 2013 [3], conclut au caractère inabouti de la réforme, de part son manque de compréhensibilité pour les assurés, pour qui ce

dispositif demeure un parcours essentiellement tarifaire, et également de part le manque

de relations formalisées entre les médecins permettant au médecin traitant d’assurer son

rôle de pivot. Celui-ci doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de professionnels de santé qu’il

sait pouvoir consulter sur les différents aspects de la prise en charge diagnostique ou

thérapeutique de son patient. Or, ce rapport constate que : « L’adressage et le retour

d’informations, principales modalités de la relation entre les médecins traitants et

(18)

18 correspondants, n’ont été de fait ni rigoureusement organisés (délais, contrôle, sanction éventuelle) ni méthodiquement outillés (formulaire ou modèle, messagerie sécurisée,

annuaire professionnel détaillé). » Et ce, bien que l’adhésion au dispositif par les assurés soit assez forte, puisque selon les chiffres de la CNAM des travailleurs salariés, les taux de déclaration de médecin traitant par les assurés étaient respectivement de 89% fin 2010 et 89.7% fin 2011 [3]. Cette déclaration a été largement facilitée par la possibilité de changer aisément de médecin traitant, comme en témoigne le fait que la part des bénéficiaires ayant changé de médecin traitant au moins une fois dans l’année est passée de 5.3% en 2007 à 8.5% en 2011.

On peut donc conclure que la réforme, qui s’inscrit dans un modèle allant bien au- delà de nos frontières et largement inspiré du « gatekeeper » britannique, a renforcé la place du médecin généraliste dans notre système de santé, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons, et sans lui mettre à disposition tous les moyens nécessaires pour assurer son rôle de coordination des soins dans l’optique d’une meilleure prise en charge du patient dans sa globalité.

Maintenant que nous avons défini ce qu’est le médecin traitant en France de nos jours, nous allons aborder les particularités de la sous-catégorie de patients concernée par notre étude, à savoir les patients souffrant de pathologie mentale.

1.2 Le patient psychiatrique et ses spécificités

1.2.1 Epidémiologie des troubles psychiatriques

Les maladies mentales, qui regroupent des pathologies nombreuses et variées, représentent un problème de santé public majeur, de par leur prévalence à l’échelle mondiale et a fortiori nationale.

En effet, selon une étude menée par l’OMS en 2000 [7] la prévalence de l'ensemble des

affections neuropsychiatriques était estimée à environ 10 % chez les adultes. On estime

donc que 450 millions de personnes dans le monde sont atteintes d'affections

(19)

19 neuropsychiatriques, dont font partie la dépression unipolaire, les troubles affectifs

bipolaires, la schizophrénie, les troubles liés à l'alcool et à l'utilisation de certaines drogues, la maladie d'Alzheimer et autres démences et les troubles anxieux (l'état de stress post- traumatique, le trouble obsessionnel compulsif, le trouble panique). La schizophrénie quant à elle, pathologie largement surreprésentée dans les établissements psychiatriques,

toucherait 1% de la population mondiale. Pour conclure sur l’OMS, celle-ci considère qu’au niveau mondial, cinq des dix pathologies les plus préoccupantes au vingt et unième siècle concernent la psychiatrie : schizophrénie, troubles bipolaires, addictions, dépression et troubles obsessionnels compulsifs [8].

Aux USA, la prévalence des maladies mentales sévères, définies comme la schizophrénie et le trouble bipolaire de l’humeur, est de l’ordre de 3% [9].

A l’échelle française, des études réalisées en milieu médico-chirurgical montrent que 25 à 50% des patients présentent une pathologie psychiatrique caractérisée, surtout des troubles dépressifs ou anxieux dans 80% des cas [10]. Cette information nous suggère donc que l’existence d’une pathologie physique modérée à sévère (puisqu’elle requiert une hospitalisation) augmente le risque de développer un trouble mental.

Plus spécifiquement, une étude menée par la DREES en 2004 [11] sur un échantillon de 36 000 personnes de plus de 18 ans en France métropolitaine retrouvait une prévalence des troubles de l’humeur de 15%, dont 2.4% de dysthymies chroniques et 1.6% d’épisodes maniaques, 24% de troubles anxieux et 2.8% de syndromes d’allure psychotiques. Elle retrouvait par ailleurs un chiffre inquiétant de 2% de risque suicidaire élevé au sein de l’échantillon.

Et encore, cette étude excluait des patients à fort risque de pathologie psychiatrique, à

savoir les personnes institutionnalisées ou en maison de retraite, les personnes hospitalisées

ou incarcérées et les personnes sans domicile fixe. Ce qui signifie donc, en extrapolant ces

résultats, que dans la patientèle d’un médecin généraliste lambda, un certain nombre de

patients souffrent de pathologies psychiatriques, parfois graves, et que les médecins

généralistes doivent rester vigilants face à ces patients souvent vulnérables, notamment en

ce qui concerne le risque suicidaire.

(20)

20 D’autant qu’il est prouvé que les patients atteints de troubles psychiatriques ont un niveau socio-économique et culturel plus bas que la population générale [12]. En effet, selon une étude américaine [9], entre 33 et 50% de ces patients vivent en-dessous du seuil de pauvreté et le chômage est 3 à 5 fois plus important dans cette population. Dans une communauté urbaine américaine, une autre étude a mis en évidence que 20% des patients schizophrènes et 17% des patients bipolaires étaient sans domicile fixe [13]. En France en 2011, d’après une enquête menée par l’observatoire du Samu Social, un tiers des personnes sans domicile fixe présenterait des troubles psychiques graves [8], suggérant que la maladie mentale génère l’exclusion.

Notre pays a donc mis en place des solutions pour protéger et aider les patients souffrant de pathologie psychiatrique, afin de leur apporter un soutien sur le plan médical (via la déclaration en ALD n°23), mais également sur le plan social avec des aides financières (exonération des frais médicaux dans le cadre de l’ALD, dispensation de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) si la pathologie rend le patient invalide sur le plan professionnel) et des aides administratives si nécessaires, en fonction du degré de handicap, à travers les mesures de protection des biens (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle).

Pour revenir sur l’Affection de Longue Durée, qui est un élément majeur dans notre système de santé français qui tente d’offrir les meilleurs soins à la population en combattant les inégalités sociales, il s’agit d’un « dispositif mis en place afin de permettre une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des soins délivrés aux patients souffrant d’une maladie dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse (ce qui est le cas des pathologies psychiatriques sévères) ». Ainsi, l’ALD n° 23 qui regroupe les affections psychiatriques, est la 4

ème

cause d’admission en ALD en 2007 et de loin la 1

ère

cause d’ALD avant 45 ans, concernant par conséquent 0.9 million (soit 1.6%) des bénéficiaires du régime général de l’Assurance Maladie en France [14].

A présent que nous avons démontré que les patients souffrant de troubles mentaux

représentent une portion non négligeable de la patientèle des médecins généralistes, et que

la maladie psychiatrique fait d’eux des personnes fragilisées et souvent isolées requérant

une attention particulière de la part des soignants, nous allons nous intéresser à leur santé

physique et leurs comorbidités somatiques.

(21)

21 1.2.2 Une surmortalité et surmorbidité connues depuis longtemps

La surmortalité des patients souffrant de troubles mentaux n’est pas une découverte récente. En effet, elle avait déjà été repérée par les aliénistes dès le 19

ème

siècle. A l’époque ce sont les maladies infectieuses qui en étaient responsables en majorité, notamment en raison de la promiscuité des patients regroupés dans des asiles à l’écart des villes. Cette surmortalité liée aux infections a été largement diminuée par la découverte et surtout la commercialisation des antibiotiques au milieu du 20

ème

siècle. Néanmoins, cette

surmortalité a persisté par la suite, sans que cela ne passionne la communauté scientifique.

Les premières études de mortalité dans ces populations remontent au début des années 1980. Ainsi, en Grande-Bretagne, une étude de cohorte menée sur des patients schizophrènes entre 1981 et 1994 a montré qu’ils avaient un risque relatif de mourir de cause naturelle deux fois supérieur à la population générale [15]. Les principales causes de décès étaient les pathologies cérébro et cardio-vasculaires, le diabète et l’épilepsie. Une autre étude, française, confirme cette surmortalité chez les patients schizophrènes (sur une cohorte constituée en 1993), avec un risque de décès 4.5 fois supérieur à la population générale, surrisque qui persiste à 2.5 en excluant les décès par mort violente (surtout des suicides), et qui concerne les hommes à plus de 70% [16]. L’espérance de vie de ces patients est diminuée de 10 à 15 ans par rapport à la population générale [16,17].

Les patients avec des troubles de l’humeur, quant à eux, ont une surmortalité évaluée entre 1.6 et 4.5 selon les études [17]. Par exemple, les patients bipolaires auraient trois fois plus de risque de décéder de maladie cardio-vasculaire ou respiratoire que la population générale [10].

Aux Etats-Unis on retrouve également des chiffres comparables, avec un RR de décès chez

les patients souffrant de maladie mentale sévère de 1.2 à 4.9 en comparaison avec la

population générale, la plupart des décès étant de causes naturelles, celles-ci ne différant

pas par ailleurs de celles retrouvées dans la population générale (maladies cardio-vasculaires

et cérébro-vasculaires, cancers, maladies respiratoires et pulmonaires), mais survenant

généralement à un âge plus jeune [18].

(22)

22 La surmortalité des patients souffrant de troubles psychiatriques suggère donc

l’existence plus fréquente de pathologies somatiques chez ces patients, souvent méconnues d’eux et des soignants ou bien non prises en charge.

Nous allons donc à présent nous intéresser aux comorbidités somatiques de ces patients, qui sont une fois de plus surreprésentées par rapport à la population générale, et à leurs causes.

En effet, on estime que 30 à 60% des patients consultant ou hospitalisés en psychiatrie présenteraient une pathologie organique associée, cette proportion augmentant avec l’âge.

Méconnue une fois sur deux, cette affection organique a une influence sur l’évolution de la pathologie psychiatrique dans 50 à 70% des cas [10].

Nous allons par conséquent montrer que pathologie mentale et pathologie organique sont intriquées de façon complexe, et que les causes sont multifactorielles.

1.2.2.1 Types de comorbidités somatiques en psychiatrie

1.2.2.1.1 Facteurs de risque

La mauvaise santé physique des patients atteints de maladie mentale est d’origine plurifactorielle : liée à la maladie elle-même, aux conditions de vie des patients et même de façon assez paradoxale aux traitements prescrits pour soigner leurs troubles.

Premièrement les troubles psychiatriques représentent en eux-mêmes un facteur de risque somatique [19]. En effet, « la pathologie mentale est source de retard

diagnostique pour les pathologies organiques ; elle compromet l’adhésion aux soins, le respect des contraintes du traitement et donc le pronostic » [17]. Par exemple, il a été démontré que la dépression est un facteur de risque significatif pour le développement de pathologies somatiques. En effet, l’étude ECA menée en 1996 a conclu que les patients ayant présenté une dépression avaient 2 fois plus de risque de développer un diabète non

insulino-dépendant, et ce après contrôle de l’ensemble des autres facteurs de risque [20].

(23)

23 Les patients souffrant de troubles mentaux ont parfois une perception différente de leur corps (notamment les schizophrènes) et ils peuvent ne pas percevoir les signes d’une maladie qui s’installe. De plus, les traitements neuroleptiques sont connus pour réduire la sensibilité à la douleur. Ainsi, dans une revue de la littérature de 2009 [21], l’investigateur conclut à une gravité plus élevée des maladies somatiques liées à la psychose elle-même.

A l’inverse, la plainte réelle du patient peut être embolisée par des thèmes délirants fixés sur le corps (comme dans le syndrome de Cotard chez le mélancolique), ou alors noyée dans un flot de symptômes chez le patient anxieux ayant tendance à somatiser, rendant ainsi

« ardu le décodage de la plainte somatique du patient psychiatrique » [19].

Ces patients peuvent également éprouver des difficultés à s’expliquer clairement en raison de troubles cognitifs affectant leur raisonnement ou leur langage.

Enfin, les patients dépressifs sont plus à risque de ne pas se préoccuper de leurs pathologies somatiques du fait même de la maladie, en raison de l’anhédonie et de la vision négative qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur avenir [20]. Ils risquent donc d’abandonner plus facilement les traitements ou les régimes prescrits.

Par ailleurs, il est avéré que les conduites addictives et notamment le tabagisme sont plus fréquemment rencontrées dans la population des patients psychiatriques, ce qui

augmente leur risque de développer des pathologies somatiques telles que maladies cardiovasculaires et cancers. De nombreuses études témoignent d’une prévalence du tabagisme chronique trois fois plus importante chez les patients psychiatriques [12,17] que dans la population générale. Il concernerait plus de 60% des patients schizophrènes et serait également fortement associé aux troubles de l’humeur.

En plus du tabagisme, il existe chez les patients atteints de pathologie mentale une fréquence plus importante des facteurs de risque cardio-vasculaires classiques, que sont le surpoids et l’obésité, le diabète et l’hypertension artérielle [17,19,21,22]. En effet, le risque de surcharge pondérale voire obésité est multiplié par 3 chez le patient schizophrène

[12,17], altérant souvent sa qualité de vie et pouvant dégrader l’image qu’il a de lui-même.

Dans la revue de OUD [21], la prévalence du syndrome métabolique est de 36% chez les

patients schizophrènes, parfois même chez des patients vierges de toute thérapeutique

antipsychotique, lesquelles vont jouer un rôle non négligeable dans les comorbidités

(24)

24 somatiques de ces patients comme nous le verrons par la suite. Cette prévalence pourrait même atteindre 60% selon certaines études, et 30% chez les patients bipolaires [22]. Bien entendu, la surcharge pondérale et plus généralement le syndrome métabolique peuvent s’expliquer par des facteurs environnementaux tels que la mauvaise hygiène de vie (alimentation grasse, sédentarité) des patients qui vivent plus souvent dans la précarité, comme nous l’avons vu précédemment, mais pas uniquement. Ce syndrome métabolique est en lui-même un facteur de risque de développer un diabète et une hypertension artérielle, augmentant par conséquent la morbi-mortalité cardiovasculaire de ces patients.

Ainsi, la prévalence du diabète est au moins deux fois plus importante que dans la population générale chez les patients schizophrènes et dépressifs [9,17,20], l’étude de MANTELET [10] retrouvant même un RR de 4 pour les hommes versus 2 pour les femmes, cette fois uniquement chez les schizophrènes. Le risque de développer une HTA est lui aussi multiplié par 2 [9].

Des perturbations plus fréquentes du bilan biologique ont également été retrouvées en population psychiatrique. Ainsi, une étude française menée en 2008 au sein de 2 centres hospitaliers a mis en évidence des anomalies biologiques chez 53% des patients, les

principales étant des troubles du bilan glucido-lipidique (intolérance au glucose voire diabète et dyslipidémies) souvent chez des patients indemnes de traitement, ce qui est cohérent avec ce que nous venons de voir juste auparavant, mais aussi des anémies [23]. Ceci nous confirme l’importance du dépistage et du suivi métabolique chez ces patients.

Enfin, les patients psychiatriques ont plus fréquemment des conduites sexuelles à risque (en particulier les patients bipolaires et schizophrènes), ce qui associé à un usage plus fréquent de drogues intraveineuses augmente leur risque de développer des maladies infectieuses. En effet, leur risque de développer une hépatite B ou C est multiplié par 10 tandis que le risque de contracter le VIH est multiplié par 5 [9].

Maintenant que nous avons identifié les facteurs de risque rendant les patients souffrant de troubles psychiatriques plus susceptibles de développer des comorbidités somatiques, nous allons essayer de détailler les grands cadres de pathologies organiques que l’on peut

retrouver dans cette population.

(25)

25 1.2.2.1.2 Pathologies

Les maladies organiques sont plus fréquentes chez les patients souffrant de troubles mentaux. Ainsi, entre 50 et 90% des patients souffrant de maladie mentale sévère

présenteraient au moins une pathologie somatique chronique [9]. Nous pouvons citer en exemple une étude réalisée dans le centre hospitalier francilien de Maison Blanche qui identifiait l’existence d’une comorbidité somatique chez environ 50% des patients [24].

Nous avons beaucoup parlé des schizophrènes, car la majorité des études leur sont consacrées, mais cette association entre comorbidité psychiatrique et somatique est

également souvent rencontrée dans les troubles de l’humeur. En effet, il a été montré d’une part que trouble dépressif et pathologie somatique étaient associés chez 25% des patients hospitalisés en hôpital général [20], et d’autre part que 61% des sujets de la population générale souffrant de troubles de l’humeur (dépression majeure, dysthymie ou manie) présentaient une ou plusieurs maladies somatiques, contre 41% des sujets indemnes de toute affection psychiatrique [10].

Plusieurs études se sont focalisées sur la description des différentes pathologies rencontrées chez les patients psychiatriques, explicitant ainsi leur risque accru de morbidité et mortalité par rapport à la population générale. La nature de ces maladies peut différer selon le trouble mental, à savoir que les maladies cardio-vasculaires et les cancers se voient aussi bien chez les patients souffrant de troubles de l’humeur, que chez ceux souffrant de troubles anxieux ou de schizophrénie, alors que le diabète et l’épilepsie sont surreprésentés chez cette dernière catégorie de patients [10], suggérant l’implication de mécanismes intrinsèques à la maladie mentale.

La principale cause naturelle de décès et de comorbidités somatiques est d’origine cardiovasculaire et plus particulièrement coronarienne, à savoir infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral, avec un âge de survenue plus jeune que dans la population générale. Ainsi, la mortalité d’origine cardio-vasculaire est 2 à 4 fois plus élevée chez les patients atteints de maladie mentale [9,10,17,22]. Leur RR de pathologies cardio-vasculaires varie de 1,6 à 5 par rapport à la population générale et en fonction du type d’atteinte

(infarctus, coronaropathies, dyslipidémies, HTA, AVC, troubles du rythme) [9,10,17,20]. Si

l’on s’intéresse aux différents sous-groupes de pathologies mentales, les patients dépressifs

(26)

26 ont 3 fois plus de risque que la population générale de développer un angor, et font 4 à 5 fois plus d’IDM et d’AVC [17]. Les schizophrènes quant à eux, ont 4 fois plus de risque de faire une syncope, 2.3 fois plus de risque de développer un trouble du rythme ventriculaire et 1.5 fois plus de risque de faire un AVC [17]. Enfin chez les patients souffrant de troubles anxieux comme le trouble panique, certaines pathologies cardio-vasculaires (valculopathie mitrale, cardiomyopathies et HTA) sont surreprésentées [10]. Bien entendu, cette

surreprésentation des maladies cardio-vasculaires est en partie liée aux facteurs de risque cardio-vasculaires énoncés précédemment, ainsi qu’à une part non négligeable de iatrogénie des traitements psychotropes, mais certaines études suggèrent des effets directs de la pathologie mentale sur le système cardiovasculaire, notamment en ce qui concerne la schizophrénie et la dépression (association entre hyperhomocystéinémie et troubles de l’humeur aboutissant à des accidents thrombotiques ou encore hyperactivité sympathique, déséquilibre de la neurotransmission sérotoninergique, hypercorticisme et

dysfonctionnement du système parasympathique qui seraient responsables

d’hypercholestérolémie et de troubles de la conduction ou du rythme cardiaque) [10,17].

Il faut également mentionner les décès par mort subite, parfois de cause inexpliquée, qui pourraient être favorisés par certains psychotropes et/ou certaines interactions

médicamenteuses [17]. On peut ainsi citer une étude rétrospective menée sur 5 ans dans un établissement psychiatrique francilien d’une capacité d’environ 500 lits. Elle a recensé 59 décès au sein de l’établissement (ont été exclus les patients décédés à l’hôpital après leur transfert médicalisé). Sur ces 59 patients, 21 (soit environ un tiers) sont décédés de mort subite, dont l’étiologie suspectée par le médecin somaticien de l’établissement ou celui du SAMU était inexpliquée pour 11 d’entre eux (avec une forte suspicion d’origine cardiaque pour 6 d’entre eux, infarctus du myocarde probable pour un patient et possible pour 3 d’entre eux, une embolie pulmonaire probable pour 4 patients et une inhalation broncho- pulmonaire pour 2 d’entre eux) [25].

Pour mémoire nous rappelons que ces patients développent plus fréquemment un diabète, qui est à la fois une pathologie à part entière et un facteur de risque, mais nous avons déjà abordé son épidémiologie auparavant.

Le risque de développer un cancer est également plus important que pour la

population générale, en particulier dans la sous-population des patients dépressifs. En effet,

(27)

27 ces derniers font 2 fois plus de cancers que la population générale, ce surrisque persistant après ajustement sur âge, sexe, poids et consommation de tabac et d’alcool [17]. En ce qui concerne les patients schizophrènes, les résultats sont plutôt contradictoires en fonction des études. Néanmoins, dans la sous-population féminine, il existe une légère surreprésentation du cancer du sein, qui pourrait être liée à l’hyperprolactinémie induite par les

neuroleptiques [17,26]. En tout cas, il est avéré que la maladie mentale est un facteur de mauvais pronostic sur l’évolution de la maladie organique, en raison notamment d’un retard au diagnostic plus fréquent et d’une mauvaise compliance aux traitements [27], ce qui est d’autant plus marqué en ce qui concerne les cancers, puisque les chances de survie avec un cancer sont diminuées de 50% chez les patients souffrant de maladie psychiatrique par rapport à la population générale [17].

On retrouve aussi une prévalence plus élevée des maladies respiratoires, liées en grande partie à l’importante proportion de fumeurs dans cette population de patients. Ainsi, ils ont 2 fois plus de risque d’être asthmatiques et 2 à 3 fois plus de risque de développer une BPCO |9,21].

Nous avons vu précédemment qu’ils étaient également plus à risque de contracter des maladies infectieuses, comme les hépatites virales B et C et le VIH, en raison de comportements sexuels à risque et de toxicomanies intraveineuses.

N’oublions pas de citer les pathologies associées à la consommation chronique d’alcool (problèmes hépatiques, démences).

Enfin, en plus de ces grandes familles de pathologies qui sont responsables d’une morbi-mortalité somatique 2 à 3 fois plus élevée chez les patients psychiatriques par rapport à la population générale, d’autres pathologies sont recensées, avec une prévalence un peu plus marginale. Il s’agit notamment des dysfonctions ou pathologies endocriniennes parfois retrouvées dans les troubles de l’humeur, notamment dans la dépression

(hyperfonctionnement de l’axe corticotrope, hypothyroïdie, goître) [10,17], ou encore de

l’ostéoporose, dont le risque est accru dans les 2 sexes dans la schizophrénie, l’anorexie

mentale prolongée et la dépression [10,17]. Cette dernière serait liée au mécanisme

d’hypogonadisme secondaire à l’hyperprolactinémie induite par les neuroleptiques, mais

peut également être favorisée par le manque d’activité physique ainsi qu’une carence en

vitamine D associée. Il existe aussi une association démontrée entre épilepsie et troubles

(28)

28 mentaux, puisque les patients schizophrènes ont un RR de souffrir d’épilepsie de 2.5 [12].

Pour terminer nous aborderons les comorbidités somatiques dans les troubles anxieux, notamment le trouble panique et le Trouble Anxieux Généralisé (TAG) [10] avec une surreprésentation de pathologies dites « fonctionnelles » comme le syndrome du côlon irritable, ou encore des migraines. Ces dernières sont également plus fréquentes chez les patients présentant des troubles de l’humeur [10].

Nous avons donc vu à quel point les maladies mentales et les maladies organiques sont intimement liées, de telle façon que chacune représente un facteur de mauvais pronostic sur l’évolution de l’autre [10,20], ce qui rend la prise en charge de ces patients excessivement complexe. Nous allons à présent aborder la problématique de la iatrogénie due aux traitements psychotropes, qui complexifie encore un peu plus les interactions entre ces deux grands groupes nosologiques.

1.2.2.2 Iatrogénie des traitements psychotropes

Les traitements psychotropes sont eux aussi impliqués dans l’augmentation de la morbi-mortalité des patients souffrant de pathologies mentales, comme le prouvent de nombreuses études [9,16,19,22]. Il suffit déjà de lire la notice des différents médicaments pour comprendre que cela représente un problème majeur, ainsi qu’un risque important de mauvaise observance de la part des patients. Un exemple parmi beaucoup d’autres pour initier ce chapitre serait de citer l’étude de cohorte de CASADEBAIG [16], qui rapporte que

« le nombre moyen de psychotropes chez les patients décédés par fausse route est nettement supérieur à celui des autres patients décédés ». Nous allons donc présenter les différents types de thérapeutiques médicamenteuses utilisées en psychiatrie en recensant leurs principaux effets indésirables.

Pour commencer parlons des plus anciens, les neuroleptiques dits « de 1

ère

génération », tels que l’haloperidol par exemple. Leurs effets indésirables sont multiples

[9,19]. Les principaux sont les symptômes extrapyramidaux comme les dystonies et

dyskinésies avec un risque de chutes non négligeable (et à l’extrême le rare mais souvent

fatal syndrome malin des neuroleptiques), les neutropénies, les effets anticholinergiques

comme la rétention urinaire, le syndrome confusionnel ou la sécheresse buccale très

(29)

29 gênante pour les patients, qui entraîne fréquemment une polydipsie ou potomanie avec un risque d’hyponatrémie, les modifications électrocardiographiques dont la principale est l’allongement du QT, responsable de torsades de pointe voire de mort subite, et enfin les troubles digestifs, principalement représentés par un ralentissement marqué du transit pouvant aller jusqu’à l’occlusion intestinale, et de façon plus rare par l’entérocolite nécrosante, potentiellement mortelle [28]. Enfin, ils sont également responsables d’une hyperprolactinémie [9,19,29], dont les signes cliniques comme les troubles menstruels et la galactorrhée sont rarement mentionnés par les patientes [29], et dont nous avons déjà vu qu’elle pouvait être impliquée dans la surreprésentation des cancers du sein et de

l’ostéoporose chez les patients traités.

L’arrivée des neuroleptiques de 2

ème

génération, dits « atypiques » à la fin des années 1980 a révolutionné le monde de la psychiatrie, en diminuant de façon considérable les effets neurologiques et à moindre échelle les effets anticholinergiques de leurs

prédécesseurs. Cependant, ils sont associés à un risque accru de prise de poids et de troubles du métabolisme glucido-lipidique, participant ainsi à la surmorbidité

cardiovasculaire des patients [9,19]. Certains ont même été directement impliqués dans la survenue de diabète, comme l’olanzapine [30]. Dans cette cohorte de plus de 22 000 patients schizophrènes américains traités par différents neuroleptiques atypiques, 18% des individus présentaient un diabète non insulino-réquérant, une prévalence augmentant fortement avec l’âge (8% chez les moins de 40 ans contre 25% chez les plus de 60 ans). Cette étude rapporte également la survenue plus fréquente de pancréatites dans cette

population. Enfin, la clozapine, qui a démontré une efficacité notable dans les schizophrénies résistantes, demeure un traitement de deuxième intention en raison d’effets indésirables potentiellement mortels qui lui sont spécifiques, à savoir l’agranulocytose et la myocardite.

Un autre grand groupe de traitements psychotropes est représenté par les

antidépresseurs, parmi lesquels essentiellement les tricycliques et les inhibiteurs de

recapture de la sérotonine. Ils entraînent tous à des degrés variés une prise de poids, des

hyponatrémies parfois sévères, une baisse de la libido (qui est un réel facteur de mauvaise

observance notamment chez les patients de sexe masculin) et une constipation [9]. Un

nouvel antidépresseur apparu à la fin des années 2000, l’agomélatine, a quant à lui

provoqué des hépatites aigues médicamenteuses.

(30)

30 Enfin, les régulateurs de l’humeur, outre le fait de contribuer également à la prise de poids et à l’augmentation de la morbidité cardio-vasculaire, sont impliqués dans des

dysfonctions thyroïdiennes et rénales pour le lithium [9] ainsi que des anomalies

hépatiques et des foetopathies pour le valproate, traitement pour lequel a été introduite récemment l’obligation d’un consentement écrit à la prescription initiale chez les femmes. La carbamazepine est quant à elle associée à des hyponatrémies.

A présent que nous avons détaillé l’ensemble des comorbidités somatiques chez les patients souffrant de troubles psychiatriques, en mettant en évidence leur intrication complexe qui suggère la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire, et notamment conjointe entre psychiatres et médecins généralistes et/ou somaticiens afin d’améliorer la qualité et l’espérance de vie de ces patients, il paraît nécessaire d’aborder la façon dont ils sont pris en charge dans le système de soins français.

1.2.3 Organisation des soins psychiatriques en France

La psychiatrie française est née à la fin du 18

ème

siècle, avec la volonté de « s’écarter de l’hôpital général pour soigner la maladie mentale en des lieux plus isolés et verdoyants, selon un modèle à la fois écologique et moral » [19]. De façon officieuse, il est certain qu’il y avait également une volonté d’épargner à la société le spectacle des « fous » en les

éloignant de la ville [31]. Les patients souffrant de troubles mentaux divers dits « aliénés » sont alors pris en charge dans des asiles psychiatriques qui se créent à l’écart des villes durant la première moitié du 19

ème

siècle, à la fois par les neurologues et les médecins

« aliénistes » qui se les disputaient. Ces derniers, ancêtres des psychiatres, étaient des

« sortes de médecins généralistes exerçant leur pratique dans les asiles d’aliénés et qui ont

construit les bases fondamentales du savoir psychiatrique actuel ». Ces asiles d’aliénés

deviendront un siècle plus tard les hôpitaux psychiatriques, et c’est encore plus tard, à la fin

des années 1960, que la scission se fera définitive entre neurologues et psychiatres, ces

derniers souhaitant se consacrer en totalité à la prise en charge de l’esprit de leurs patients,

à leurs émotions et à leurs pensées.

(31)

31 Par ailleurs, la découverte des neuroleptiques dans les années 1950 et de leur

efficacité notable dans les troubles mentaux en améliorant leur pronostic modifiera considérablement cette prise en charge, en permettant une « désinstitutionnalisation progressive des patients » [27] et la possibilité pour eux de réintégrer la communauté.

1.2.3.1 Le principe de la sectorisation

Ainsi, la circulaire du 15 mars 1960 découpe le territoire français en secteurs

d’environ 66 000 habitants, avec la mise en place, dans chacun d’eux, d’une équipe médicale et paramédicale qui intervient auprès des malades à tous les stades de la maladie, faisant de l’hospitalisation en établissement psychiatrique une simple étape dans le traitement de la maladie mentale, et non plus une fin en soi [32].

La prise en charge ambulatoire des patients est donc une priorité dès qu’elle est possible, et elle se fait dans les Centres Médico-Psychologiques (CMP), au plus près du domicile des patients, où les soins sont ouverts à tous les adultes du secteur (défini par leur lieu d’habitation) et gratuits (sans obligation d’ouverture préalable des droits à la Sécurité Sociale) [32], permettant d’espérer de cette façon une meilleure compliance au suivi et aux traitements de la part des patients. Au sein de ces CMP travaillent en collaboration des psychiatres, des psychologues, des infirmières, d’autres personnels paramédicaux comme orthophonistes et psychomotriciens (notamment dans les CMP infanto-juvéniles) et des assistantes sociales, afin d’améliorer la prise en charge globale de ces patients, à savoir médico-psycho-sociale, en tentant de diminuer leur précarité et en menant des actions de prévention.

Pour illustrer les effets bénéfiques de la sectorisation, une étude menée par la DREES en 1997 a montré que 94% des patients pris en charge par les secteurs de psychiatrie générale bénéficiaient d’un suivi en CMP, et qu’au bout de 2 ans de suivi, 96% avaient un logement stable et 98% leurs droits ouverts auprès de l’Assurance Maladie [32].

Cependant, la sectorisation, associée au clivage définitif entre les psychiatres et les

neurologues, qui instaurait par là-même une barrière entre la psyché et le soma, a éloigné

encore plus le patient de son corps et par conséquent des soins prodigués par les médecins

généralistes. De même, certains courants psychosomatiques du 20

ème

siècle sont

(32)

32 probablement en cause dans la sous-estimation des troubles organiques chez le patient souffrant de maladie mentale [19] et donc de leur prise en charge.

Nous allons donc à présent voir comment les soins somatiques se sont progressivement organisés en psychiatrie.

1.2.3.2 Organisation des soins somatiques en psychiatrie

Dans les années 70-80, l’initiative des soins somatiques incombait à l’équipe psychiatrique. La prise en charge des patients hospitalisés était assurée, dans chaque

secteur, par la participation des internes aux premiers soins, au lit du malade, conjointement à l’abord psychiatrique [31].

Cependant, les grands courants psychiatriques considèrent qu’examiner les malades sur le plan somatique est trop intrusif, pouvant ainsi perturber le fragile équilibre de la relation particulière entre thérapeute et patient. Comme l’écrit le Dr MONTARIOL : « la prise en charge d’éventuels troubles somatiques par le psychiatre n’est pas en général souhaitable aux yeux des psychiatres eux-mêmes, pour qui la dissociation psyché-soma reste nécessaire au soin psychiatrique » [24].

La prise en charge des patients sur le plan organique a par conséquent été déléguée au début des années 1980 à des médecins « somaticiens », avec la création dans plusieurs établissements psychiatriques d’unités ou services de médecine somatique, dont le

précurseur a été celui de l’hôpital Esquirol en région parisienne en 1978. La prise en charge des pathologies somatiques chez les patients hospitalisés est devenue pluridisciplinaire, conjointe entre somaticiens et psychiatres, mais restant trop fréquemment à l’initiative des psychiatres [27,31]. Depuis, ce modèle n’a cessé de se développer et de s’améliorer, avec la création de véritables pôles de « spécialités médicales », dans lesquels les patients peuvent bénéficier de consultations avec des somaticiens, mais également dans le meilleur des cas avec des médecins spécialistes, des dentistes, des kinésithérapeutes ou encore des

pédicures. Il demeure néanmoins largement insuffisant, puisqu’en 2010, une enquête

menée en Ile-de-France a révélé que moins de la moitié des établissements psychiatriques

possédait un dispositif dédié aux soins somatiques [27].

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