5. Op´erateurs autoadjoints non born´es
Op´erateurs non born´es
Soient X et Y deux espaces vectoriels sur K = R ou C; une application lin´eaire par- tiellement d´efinie (un peu plus loin, on dira un op´erateur) T de X dans Y est donn´ee par un sous-espace vectoriel dom(T) de X appel´e domaine de T et par une applica- tion lin´eaire (usuelle) LT de dom(T) dans Y. Autrement dit, la donn´ee T est celle de (X,Y,dom(T),LT). Dans la suite, pour tout x ∈ dom(T) on ´ecrira simplement Tx = LTx. Si T est une application lin´eaire partiellement d´efinie, le graphe de T est le sous-espace vectoriel du produit X×Y ´egal `a
Gr(T) ={(x,Tx) :x∈dom(T)}.
La restriction `a Gr(T) de la premi`ere projection est injective. R´eciproquement, appelons graphe partiel tout sous-espace vectoriel G de X×Y tel que la restriction de la premi`ere projection `a G soit injective : si (0, y) ∈ G, alors y = 0. On voit facilement que tout graphe partiel est le graphe d’une unique application lin´eaire partiellement d´efinie T.
La correspondance qui `a T associe son graphe est une correspondance bijective entre applications lin´eaires partiellement d´efinies et graphes partiels :
soit G⊂X×Y un graphe partiel. Notons p1 : G→X etp2 : G→Y les projections et d´efinissons un op´erateur T en posant dom(T) = p1(G) et T(p1z) = p2z pour tout z ∈G. Il est clair que Gr(T) = G. Comme le noyau de la premi`ere projection de X×Y dans X est le sous-espace {0} ×Y de X×Y, la correspondance entre op´erateur et graphe partiel est bijective.
On appellera image de T le sous-espace vectoriel im(T) de Y form´e de tous les vecteurs Tx, pourxvariant dans dom(T) ; c’est l’image du graphe Gr(T) par la seconde projection du produit X×Y.
D´esormais on diraop´erateur au lieu d’application lin´eaire partiellement d´efinie. On appelle extension d’un op´erateur T tout op´erateur S tel que Gr(T) ⊂ Gr(S). On ´ecrit alors T⊂S.
Soient S et T deux op´erateurs de X dans Y ; on d´efinit l’op´erateur S + T en posant dom(S + T) = dom(S)∩dom(T) et en posant (S + T)(x) = Sx+ Tx pour tout vecteur x∈dom(S + T).
Si S est une application lin´eaire usuelle de X dans Y, elle d´efinit un op´erateur de la fa¸con la plus ´evidente : on pose dom(S) = X et Sx ∈ Y aura le sens habituel pour tout x∈X ; dans ce cas, si T est un op´erateur (non born´e) de X dans Y, le domaine de S + T sera ´egal `a celui de l’op´erateur T. Cette remarque sera utilis´ee lorsque X = Y et S =λIdX, pour introduire l’op´erateur T−λIdX, de mˆeme domaine que T.
Soient X, Y et Z des espaces vectoriels, T un op´erateur de X dans Y et S un op´erateur de Y dans Z ; on d´efinit la composition ST de ces deux op´erateurs en posant d’abord dom(ST) = {x ∈ dom(T) : Tx ∈ dom(S)} et en posant (ST)x = S(Tx) pour tout x∈dom(ST).
L’attitude habituelle quand on travaille avec les op´erateurs born´es continus est d’essayer de les prolonger le plus vite possible `a l’espace complet convenable (penser
`a la transformation de Fourier, qui est d´efinie sur L1(R) par la formule int´egrale usuelle ; on appelle aussi transformation de Fourier son extension par continuit´e `a l’espace L2(R)).
Pour comprendre les d´efinitions de ce paragraphe, il faut se dire qu’on adopte l’attitude radicalement oppos´ee : ici, on ne prend aucune initiative de prolongement ; si T1 est d´efini sur D1 et T2 sur D2, la seule chose que nous sommes oblig´es d’admettre est que les deux sont d´efinis sur D1∩D2. On ne cherche surtout pas `a aller plus loin.
D´efinition.Soient X et Y deux espaces de Banach ; un op´erateur T de X dans Y est dit dens´ement d´efini si son domaine dom(T) est dense dans X. Un op´erateur de X dans Y est dit ferm´e si son graphe est un sous-espace ferm´e de X×Y. Un op´erateur de X dans Y est dit fermable s’il admet une extension ferm´ee.
Exemples.
A.On prend X = Y = L2(R), et on d´efinit un op´erateur D0 (D commehhd´erivationii) de la fa¸con suivante : dom(D0) est l’espaceD(R) des fonctions C∞ `a support compact et on pose D0f =f0 pour f ∈dom(D0). Cet op´erateur est dens´ement d´efini puisque D(R) est dense dans L2(R) ; il est assez facile de voir qu’il n’est pas ferm´e. En revanche il est fermable, et on d´eterminera plus loin sa fermeture.
B. Consid´erons X = Y = L2(0,1) ; d´esignons par P l’op´erateur born´e dehhprimitive nulle en 0ii, d´efini par (Pf)(t) =Rt
0f(s)ds. On a vu que P est injectif, donc P d´efinit une bijection de X sur P(X) = im(P). On peut donc d´efinir l’op´erateur T = P−1 de domaine im(P) en posant pour tout g∈im(P)
(Tg=f)⇔(Pf =g).
Cet op´erateur T est donc injectif lui-aussi, de im(P) dans L2(0,1) (en fait il est bijectif de im(P) sur L2(0,1)). On voit facilement que im(P) est dense, donc P−1 = T est dens´ement d´efini. Puisque P est continu, son graphe est ferm´e, donc P−1 est ferm´e puisque son graphe s’obtient `a partir de celui de P par l’hom´eomorphisme (x, y)→(y, x) de L2(0,1)×L2(0,1) sur lui-mˆeme.
Int´egration par parties
Supposons que deux fonctions int´egrables f, g soient donn´ees sur [a, b] et que l’on pose ensuite
F(x) =α+ Z x
a
f(t)dt, G(x) =β+ Z x
a
g(t)dt.
En utilisant le th´eor`eme de Fubini, on montre que (IPP)
Z b
a
F(t)g(t)dt= h
F(t)G(t) ib
a− Z b
a
f(t)G(t)dt.
En effet, Z b
a
F(t)g(t)dt=α Z b
a
g(t)dt+ Z b
a
³Z t a
f(s)ds
´
g(t)dt=
=α(G(b)−G(a))+
Z b
a
f(s)
³Z b
s
g(t)dt
´
ds=α(G(b)−G(a))+
Z b
a
f(s)¡
G(b)−G(s)¢ ds=
= F(a)(G(b)−G(a)) +
³Z b a
f(s)
´
G(b)− Z b
a
f(s)G(s)ds=
= F(b)G(b)−F(a)G(a)− Z b
a
f(s)G(s)ds.
Un exemple de fermeture
Soit S une extension ferm´ee de l’op´erateur T ; alors Gr(S) contient Gr(T), donc son adh´erence Gr(T). Il s’ensuit qu’un op´erateur T est fermable si et seulement si Gr(T) est le graphe d’un op´erateur. On appellera fermeture de l’op´erateur T l’op´erateur T tel que Gr(T) = Gr(T). En particulier, pour que l’op´erateur T soit fermable il faut et il suffit que l’on ait Gr(T)∩({0} ×Y) ={(0,0)}.
Exemple. On va ´etudier en d´etail la fermeture de l’op´erateur D0 de l’exempleA, d´efini sur L2(R). On va montrer que D0 est fermable et identifier sa fermeture.
Supposons que (f, g) soit dans l’adh´erence de Gr(D0) ; il existe une suite (fn)⊂ D(R) telle que (fn, fn0)→(f, g) dans L2×L2, c’est-`a-dire que fn→f dans L2 et fn0 →g dans L2. Puisque la suite (fn0) converge, elle est born´ee dans L2 par une constante C, donc en appliquant Cauchy-Schwarz, on obtient
∀t, u∈R, ¯
¯fn(u)−fn(t)¯
¯=
¯¯
¯ Z u
t
fn0(s)ds
¯¯
¯≤ |u−t|1/2kfn0k2 ≤C|u−t|1/2. La suite des fonctions (fn−fn(0)) est donc ´equicontinue, et uniform´ement born´ee sur tout compact deR; par Ascoli, on peut supposer, quitte `a passer `a une sous-suite, que la suite de fonctions (fn−fn(0)) converge uniform´ement sur tout compact vers une fonction F continue sur R. En int´egrant sur (0,1) on d´eduit de la convergence uniforme que
Z 1
0
fn(s)ds−fn(0)→ Z 1
0
F(s)ds, mais on d´eduit de la convergence L2 que
Z 1
0
fn(s)ds→ Z 1
0
f(s)ds,
ce qui implique que limfn(0) =cexiste ; la suite (fn) tend donc uniform´ement vers F +c sur tout compact, et vers f dans L2(R). Il en r´esulte que f = F +c (comme ´el´ement de l’espace L2(R)). On peut donc choisir la fonction continue F +c comme repr´esentant de f : on dira que f hhestii continue. Par les convergences ´etablies ci-dessus, on a
∀t, u∈R, f(u)−f(t) = lim
n
Z u
t
fn0(s)ds= Z u
t
g(s)ds.
On introduit l’ensemble G1 =©
(f, g)∈L2(R)×L2(R) :∀t < u, f(u) =f(t) + Z u
t
g(s)dsª
(pour ˆetre vraiment correct, on devrait dire : l’ensemble des couples (f, g) tels que la classe f admette un repr´esentant ˜f pour lequel, pour tous t < u, on ait ˜f(u) =. . .). On vient de montrer que l’adh´erence de Gr(D0) est contenue dans G1; pour savoir que D0
est fermable, il suffit de voir que G1 est un graphe : c’est clairement un espace vectoriel, et si (0, g)∈G1, on aura Ru
t g= 0 pour tous t < u, ce qui signifie que g est orthogonale
`a toutes les fonctions en escalier, qui sont denses dans L2(R), doncg= 0, ce qu’il fallait d´emontrer.
On va montrer que l’adh´erence du graphe de D0 est ´egale `a G1. On passera par un espace interm´ediaire G2. Supposons que ϕ ∈dom(D0) et (f, g)∈ G1. D’apr`es (IPP) appliqu´ee `a un intervalle [a, b] assez long pour que ϕ, ϕ0 soient nulles en dehors de [a, b], on a
(DG1)
Z
R
f ϕ0 = Z b
a
f ϕ0 = h
f ϕ ib
a− Z b
a
gϕ=− Z b
a
gϕ=− Z
R
gϕ.
D´esignons par G2 l’ensemble des couples (f, g) ∈ L2(R)×L2(R) tels que l’´egalit´e ci- dessus soit vraie pour toute fonction ϕ∈ D(R). On vient d’indiquer que G1 ⊂G2; il est clair que G2 est ferm´e dans L2(R)×L2(R), comme intersection de ferm´es. On va voir que G2 est contenu dans l’adh´erence de Gr(D0), par la m´ethode usuelle de r´egularisation- troncature. Soit (θn) une suite de fonctions de D(R), positives et d’int´egrale 1, dont les supports tendent vers 0 ; on peut obtenir une telle suite en posant
∀t∈R, θn(t) = 2nθ0(2nt) ;
on sait, par la th´eorie de la convolution, que θn∗f tend vers f dans L2(R), pour toute f ∈ L2(R) ; de plus θn∗f est C∞ et sa d´eriv´ee est ´egale `a θ0n∗f. Si (f, g) ∈ G2, on va v´erifier que θn∗g est aussi la d´eriv´ee deθn∗f. Par int´egration par parties et Fubini, on voit que (∗) implique que
− Z
R
(θn∗f)0ϕ= Z
R
(θn∗f)ϕ0 =− Z
R
(θn∗g)ϕ
pour touteϕ∈ D(R). Par la densit´e deD(R) dans L2(R), il en r´esulte que (θn∗f)0 =θn∗g.
Le couple (θn∗f, θn∗g) tend vers (f, g). On peut donc trouver un couple de fonctions C∞, de la forme (f1, f10) avec f1 = θn ∗f pour un n grand, qui est proche de (f, g).
Posons maintenant χn(x) = χ(x/n), o`u χ ∈ D(R) est ´egale `a 1 dans un voisinage de 0. La fonction hn = χn(x)f1(x) est C∞ `a support compact, donc dans le domaine de D0, et on va voir que le couple (hn, h0n) tend vers (f1, f10). C’est facile pour hn → f1
(convergence domin´ee). Pour les d´eriv´ees, on a h0n= 1
nχ0(x/n)f1(x) +χn(x)f10(x),
et ¸ca marche car χnf10 tend vers f10 dans L2(R) pour la mˆeme raison de convergence domin´ee, tandis que
Z
R
¯¯
¯1
nχ0(x/n)f1(x)
¯¯
¯2dx≤ 1
n2 kχ0k2∞kf1k22 →0.
On appelle H1(R) (espace de Sobolev) l’espace des fonctions f ∈L2(R) telles qu’il existe g∈L2(R) telle que (f, g)∈G1 = G2. On dit queg est la d´eriv´ee g´en´eralis´ee def, et on note simplement g = f0. La fermeture de l’op´erateur D0 de l’exemple Aest donc l’op´erateur D = D0 de L2(R) dans lui-mˆeme dont le domaine est H1(R) et qui est d´efini par Df =f0 pour f ∈H1(R).
On d´efinit aussi l’espace H1([0,1]) des fonctions f ∈ L2([0,1]) (en fait f sera con- tinue) pour lesquelles existe une fonction g∈L2([0,1]) telle que
(DG2) f(t) =f(0) +
Z t
0
g(s)ds,
pour tout t ∈[0,1]. Si on se rappelle l’op´erateur-exemple P de L2([0,1]) dans lui-mˆeme qui associe `a chaqueg ∈L2([0,1]) sahhprimitiveiinulle en z´ero, on voit que H1([0,1]) est
´egal `a im(P) +K1.
Sif est dans H1([0,1]), la fonction gv´erifiant (DG2) est unique (par la densit´e dans L2 des fonctions en escalier). Il est commode de noter f0 cette unique fonction g, en l’appelant d´eriv´ee g´en´eralis´ee de f, pour ne pas oublier que ce n’est pas une d´eriv´ee au sens ordinaire.
Continuons sur la notion de d´eriv´ee g´en´eralis´ee. C’est la propri´et´e (DG1) qui permet d’´etendre la d´efinition de H1 au cas de plusieurs dimensions. Par exemple, on dit que f ∈ H1(R2) si f ∈ L2(R2) et s’il existe deux fonctions g1, g2 ∈ L2(R2) qui seront les d´eriv´ees partielles faibles de f, ce qui signifie que
Z
R2
f(x)∂ϕ
∂xj(x)dx=− Z
R2
gj(x)ϕ(x)dx
pour j = 1,2 et pour toute fonction ϕ ∈ D(R2). Les fonctions de cet espace H1(R2) ne sont plus n´ecessairement continues, ni mˆeme born´ees sur les compacts de R2. Si Ω est un ouvert de R2, on d´efinit de la mˆeme fa¸con un espace H1(Ω), o`u f et les gj sont dans L2(Ω) et o`u les fonctions test ϕ sont maintenant limit´ees `a l’espace D(Ω) des fonctions
`a support compact dans Ω.
On est conduit naturellement `a ces espaces de Sobolev si on g´en´eralise l’exemple D0 : d´efinissons un op´erateur ∇0 de X = L2(R2) dans l’espace de Hilbert Y = L2(R2, dλ,K2) des fonctions d´efinies sur R2, `a valeurs dans l’espace vectoriel K2 (en g´en´eral R2, mais
¸ca peut ˆetre C2) de la fa¸con suivante. Le domaine de ∇0 est D(R2) (fonctions `a valeurs r´eelles ou complexes). Siϕ∈dom(∇0), on d´efinit∇0ϕ∈Y comme la fonction vectorielle
t∈R2 →(∇ϕ)(t)∈K2.
Si on d´etermine la fermeture de∇0 comme on l’a fait ci-dessus pour D0, on trouve que le domaine de la fermeture ∇=∇0 est H1(R2), l’op´erateur ∇ associant `a chaque fonction f ∈H1(R2) son gradient g´en´eralis´e, dont les deux composantes sont les d´eriv´ees partielles g´en´eralis´ees. Si on effectue le mˆeme travail sur un ouvert Ω, on est conduit `a l’espace H10(Ω), sous-espace de H1(Ω) dont on reparlera plus loin.
Spectre des op´erateurs ferm´es
D´efinition.Soient T un op´erateur d’un espace de Banach complexe X dans lui mˆeme et λ∈C; on dit queλ est unevaleur r´eguli`ere de T si T−λIdXest une application lin´eaire bijective de dom(T) sur X et si l’application lin´eaire r´eciproque d´efinit une application lin´eaire continue de X dans lui mˆeme. On appellespectre de T le compl´ementaire σ(T) dans C de l’ensemble des valeurs r´eguli`eres de T.
R´ep´etons pour enfoncer le clou : la valeur λ est r´eguli`ere pour T s’il existe un op´erateur born´e S ∈ L(X) qui v´erifie les propri´et´es suivantes : S(X) ⊂ dom(T) ; pour tout x∈dom(T), on a x= S(Tx−λx) ; pour touty ∈X, on a y= (T−λId)Sy.
Soit T un op´erateur sur un espace de Banach complexe X ; d´esignons par ΩT l’ensemble des λ ∈C qui sont valeur r´eguli`ere de T ; pourλ ∈ΩT, on pose
Rλ(T) = (λIdX−T)−1 ∈ L(X) et on appelle Rλ(T) la r´esolvante de T.
Seuls les op´erateurs ferm´es sont int´eressants pour la th´eorie spectrale : en effet, si T admet une valeur r´eguli`ere λ, l’op´erateur (λIdX−T)−1 est continu donc `a graphe ferm´e ; on en d´eduit que son inverse λIdX−T est ferm´e, et il en r´esulte facilement que T lui-mˆeme est ferm´e. Autrement dit : si T n’est pas ferm´e, T n’admet aucune valeur r´eguli`ere, donc on a toujours σ(T) =C.
Soit T un op´erateur ferm´e d’un espace de Banach X dans lui-mˆeme ; remarquons que pour toutλ ∈C, l’op´erateur λIdX−T est ferm´e. SiλIdX−T est bijectif de dom(T) sur X, alors λ est une valeur r´eguli`ere car (λIdX−T)−1 est ferm´e, d´efini sur un espace de Banach, donc continu par le th´eor`eme du graphe ferm´e.
Exemples.
1. Consid´erons l’op´erateur M de multiplication par la fonction t → t sur L2(R), d´efini sur le domaine
dom(M) ={f ∈L2(R) : Z
R
|t|2|f(t)|2dt <+∞},
qui agit sur f ∈ dom(M) par (Mf)(t) = tf(t) ; on a bien alors Mf ∈ L2(R). On peut d´ecrire l’appartenance de f au domaine dom(M) en une seule formule,
Z
R
(1 +|t|2)|f(t)|2dt <+∞.
On montre assez facilement que M est ferm´e en utilisant les outils de la th´eorie de l’int´egration. On suppose d’abord queλ∈R; soit B = B(λ, ε),ε >0 ; on peut consid´erer la fonction f =1B, qui est dans dom(M), et qui est non nulle dans L2(R). On a
|λf −Mf|=|t−λ|1B ≤ε1B
car 1B est nulle l`a o`u |t−λ| > ε. Ceci montre que kλf −Mfk2 ≤ εkfk2; si l’inverse Rλ(M) de λId−M existait, il devrait v´erifier kRλ(M)k ≥ 1/ε, pour tout ε > 0, ce qui est impossible. Il en r´esulte que λ∈σ(M).
On suppose inversement que λ /∈ R. Consid´erons la fonction continue g d´efinie sur R par g(t) = (λ−t)−1; elle est born´ee sur R par |Imλ|−1. La multiplication Mg est born´ee sur L2(R) puisque g est born´ee, et on va voir que Mg = Rλ(M). Si f ∈dom(M), on voit que Mg(λf −Mf) = g(λ−t)f est ´egale `a f; on a bien Mg(λf −Mf) = f en tant que classe. Inversement, si h∈L2(µ), on v´erifie que Mg(h)∈dom(M) (en effet,
Z
R
|t|2|(Mgh)(t)|2dt= Z
R
|t|2|g(t)h(t)|2dt= Z
R
|tg(t)|2|h(t)|2dt <+∞
parce que tg(t) est born´ee sur R) et ensuite (λId−M)(Mg(h)) = h. On a bien montr´e que Mg = Rλ(M).
En bref, le spectre de M est exactement l’ensemble des λ∈R.
2. Nous allons montrer maintenant que le spectre de l’op´erateur T = P−1 de l’exemple B est vide : ´evidemment, 0 est valeur r´eguli`ere de T et R0(T) = −P. Pour λ 6= 0, cherchons `a r´esoudre l’´equation λx−Tx = y, pour y ∈ X donn´e (on cherche x∈D). Puisque T est surjectif, on peut ´ecrire y= Tz, avec z = Py∈D. En appliquant P on trouve λPx−x =z, soit λ−1x−Px = −λ−1z. On sait que λ−1 n’est pas dans le spectre de P (qui est r´eduit `a {0}) donc on peut r´esoudre,
x= Rλ−1(P)(−λ−1z) =−λ−1Rλ−1(P) (Py).
On vient donc d’identifier Rλ(T) = −λ−1Rλ−1(P) P. Finalement, on constate que tout nombre complexe est valeur r´eguli`ere de T, donc le spectre de T = P−1 est vide.
3. Op´erateur diagonal. Pour toute suite scalaire (µn)n≥0, on d´efinit un op´erateur (en g´en´eral non born´e) sur `2(N) dont le domaine est l’espace vectoriel
E = {x ∈`2 :X
|µnxn|2 <+∞}
et qui est d´efini pourx∈E par (Tx)n =µnxn. Le spectre de T est l’adh´erence dansCde l’ensemble des valeurs (µn)n≥0. Comme toute partie ferm´ee non vide F deC admet une suite dense, on trouve que pour toute partie ferm´ee non vide F de C, on peut construire un op´erateur T d’un espace de Hilbert H dont le spectreσ(T) soit ´egal `a F. L’op´erateur T = P−1 fournit un cas o`uσ(T) =∅.
4. Consid´erons l’op´erateur D de d´erivation sur L2(R), d´efini sur le domaine H1(R) par Df =f0 (d´eriv´ee g´en´eralis´ee) ; on voit d’abord que si ω est r´eel, la valeur imaginaire pure λ = iω n’est pas r´eguli`ere, car on va trouver une suite (fn) ⊂ dom(D) telle que kfnk= 1 et
(λId−D)fn=λfn−fn0 →0.
A cet effet choisissons` θ ∈ D(R) telle que kθk2 = 1, puis posons fn(t) = 1
√nθ(t/n) eiωt.
On v´erifie que kfnk2 =kθk2 = 1, et
λfn(t)−fn0(t) =−1 n
√1
nθ0(t/n) eiωt
dont la norme est n−1kθ0k2, qui tend vers 0. Il ne peut donc pas exister d’inverse born´e pour λId−D.
Pour montrer que les valeurs λ /∈ iR sont r´eguli`eres, on divise en deux cas : si λ=a+ ib avec a, b r´eels et a > 0, on montre que
(Rλg)(t) = eλt Z +∞
t
e−λsg(s)ds.
Dans le cas a <0, on int`egre depuis −∞. On conclut que σ(D) = iR.
Le raisonnement utilis´e dans l’exemple 2 pr´ec´edent montre que
Lemme. Soient T un op´erateur injectif ferm´e d’un espace de Banach X dans lui mˆeme et λ une valeur r´eguli`ere de T non nulle ; alors λ−1 est une valeur r´eguli`ere de T−1 et on a
Rλ−1(T−1) =−λT Rλ(T) =λIdX−λ2Rλ(T).
Preuve. — On veut r´esoudre pour tout y ∈ X l’´equation (λ−1IdX−T−1)x = y (on cherche x ∈ dom(T−1) = im(T)). Puisque λ est r´eguli`ere pour T, on peut ´ecrire y = (λIdX−T)z, avec z = Rλ(T)y. On sait alors que z ∈dom(T) = im(T−1), donc il existe u∈im(T) tel que z = T−1u. L’´equation propos´ee est donc
λ−1x−T−1x =y= (λIdX−T)(T−1u) =λT−1u−u=λ−1(−λu)−T−1(−λu).
Il en r´esulte que x0 = −λu convient. Par ailleurs, λ−1IdX−T−1 est injectif (donc la solutionx0est unique) : six∈dom(T−1) etλ−1x−T−1x= 0, alorsx=λT−1x∈dom(T) et Tx = λx implique x = 0 puisque λ est r´eguli`ere pour T. Si Rλ−1(T−1) existe, on a donc
x= Rλ−1(T−1)y=−λu=−λTz =−λT Rλ(T)y.
Il reste `a expliquer pourquoi l’op´erateur T Rλ(T) est born´e. Cela provient de l’´egalit´e (λIdX−T)Rλ(T) = IdX, qui donne T Rλ(T) =λRλ(T)−IdX, qui est bien continu.
///
Proposition. Le spectre d’un op´erateur ferm´e T d’un espace de Banach complexe X dans lui mˆeme est une partie ferm´ee de C, et l’application λ → Rλ(T) est analytique, du compl´ementaire du spectre dans L(X).
Preuve. — Soit λ0 une valeur r´eguli`ere pour T ; en introduisant T0 = T−λ0IdX on se ram`ene `a ´etudier la situation au voisinage de 0. L’op´erateur T0 est une bijection de dom(T) sur X, d’inverse S =−Rλ0(T) ∈ L(X) ; on veut montrer qu’il existe ε0 > 0 tel que ε soit valeur r´eguli`ere de T0 d`es que |ε| < ε0. L’op´erateur born´e S v´erifie les deux propri´et´es suivantes :
– pour tout y∈X, on a Sy∈dom(T0) = dom(T) et T0Sy =y; – pour tout x∈dom(T), on a ST0x=x.
Consid´erons l’op´erateur born´e Vε = (Id−εS)−1 ∈ L(X), qui est certainement d´efini quand |ε| < ε0 = kSk−1. On va voir que l’op´erateur Sε = SVε = VεS convient comme inverse born´e de T0−εId. Si y∈ X, le vecteur Sεy= SVεy est dans l’image de S, donc dans dom(T), et
(T0−εId)SVεy= T0SVεy−εSVε = Vεy−εSVεy= (Id−εS)Vεy=y; si x∈dom(T), on a
Sε(T0−εId)x = VεS(T0−εId)x = Vεx−εVεSx= Vε(Id−εS)x=x
ce qui montre que T0−εId est bijective de dom(T) sur X, d’inverse Sε =−Rε(T0). En d´eveloppant Vε au moyen de la s´erie g´eom´etrique usuelle, on voit que
(∗) −Rε(T0) = S +εS2+ε2S3+· · ·
L’´ecriture (∗) montre que ε→Rε(T0) est d´eveloppable en s´erie au voisinage de 0, c’est-
`a-dire que λ →Rλ(T) est analytique dans l’ouvert ΩT.
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Adjoint hilbertien
Soient X et Y deux espaces de Banach et T un op´erateur dens´ement d´efini de X dans Y ; on d´efinit le transpos´e de T, qui est un op´erateur de Y∗ dans X∗, de la fa¸con suivante : le domaine de tT est d´efini comme ´etant l’ensemble des y∗ ∈ Y∗ telles que la forme lin´eaire x ∈ dom(T) → y∗(Tx) soit continue (en ayant muni l’espace vectoriel dom(T) de la norme induite par celle de X). Dans le cas o`u y∗ ∈ dom(tT), cette forme lin´eaire continue, d´efinie sur le sous-espace dense dom(T) ⊂ X, se prolonge de fa¸con unique en une forme lin´eaire x∗ ∈X∗ continue sur X. On pose alors tTy∗ =x∗. On a donc
(tT)(y∗)(x) =y∗(Tx) pour tous x ∈dom(T) ety∗ ∈dom(tT).
Lorsque X et Y sont deux espaces de Hilbert et T un op´erateur dens´ement d´efini de X dans Y, on d´efinit un op´erateur T∗ de Y dans X de la fa¸con suivante : on d´efinit T∗y = x si la forme lin´eaire `y associ´ee `a y ∈ H est dans dom(tT), et si `x = x∗ =
tT(`y). Le vecteur y est donc dans le domaine de T∗ si et seulement si la forme lin´eaire
`:u ∈dom(T)→ hTu, yiest continue sur dom(T) (muni de la norme de X), et le couple (y, x)∈Y×X est dans le graphe de T∗ si et seulement si
(∗) hTu, yi=hu, xi
pour tout u ∈ dom(T), ce qui signifie que x repr´esente la forme lin´eaire ` (et son pro- longement continu `a X). On a donc
Gr(T∗) ={(y, x)∈Y×X : ∀z ∈dom(T), hx, zi=hy,Tzi}.
En effet, la forme lin´eaireu→ hTu, yiest alors continue puisqu’elle est ´egale `au→ hu, xi et dans ce cas on a x = T∗y par d´efinition de l’adjoint. Il est clair que la condition (∗) d´efinit un ensemble ferm´e de couples (y, x), ce qui montre que T∗ est toujours un op´erateur ferm´e.
Redisons les choses d’une autre fa¸con, qui sera tr`es utile plus loin. Sur l’espace X×Y on introduit le produit scalaire
h(x, y),(x0, y0)iX×Y =hx, x0i+hy, y0i
et on proc`ede de mˆeme sur Y×X. Soit UX,Y ∈ L(X×Y,Y ×X) l’op´erateur unitaire qui `a (x, y)∈X×Y associe (−y, x) ; l’adjoint U∗X,Y= U−1X,Y v´erifie U∗X,Y(y, x) = (x,−y), c’est-`a-dire que U∗X,Y =−UY,X. Le couple (y, x) est dans le graphe de T∗ si et seulement si on a pour tout z ∈dom(T)
0 =hy,−Tzi+hx, zi=h(y, x),(−Tz, z)iY×X,
ce qui signifie que (y, x) est orthogonal `a toutes les images par UX,Y des points (z,Tz) du graphe de T, c’est-`a-dire que (y, x) est orthogonal au sous-espace UX,Y(Gr(T)).
Le graphe Gr(T∗) de l’op´erateur adjoint T∗ est l’orthogonal de UX,Y(Gr(T)) dans l’espace de Hilbert Y×X,
donc Gr(T∗) est ferm´e. Bien entendu, en modifiant notre interpr´etation, 0 =h−x, zi+hy,Tzi=h(−x, y),(z,Tz)iX×Y, et il revient au mˆeme de dire que
UY,X(Gr(T∗)) est l’orthogonal de Gr(T) dans l’espace de HilbertX×Y.
Voici une premi`ere occasion d’utiliser cette approche.
Proposition. Soient X et Y deux espaces de Hilbert et T un op´erateur dens´ement d´efini de X dans Y; si T est ferm´e, alors T∗ est dens´ement d´efini, (T∗)∗ = T et on a la d´ecomposition orthogonale
X×Y = Gr(T)⊗UY,X(Gr(T∗)).
Preuve. — Supposons T dens´ement d´efini et ferm´e. Pour montrer que T∗ est dens´ement d´efini, on va montrer que y = 0Y est le seul vecteur de Y orthogonal `a dom(T∗). Si y est orthogonal `a dom(T∗), le couple (y,0X) est orthogonal `a Gr(T∗), donc (0X, y) est orthogonal `a UY,X(Gr(T∗)) = Gr(T)⊥,
(0X, y)∈Gr(T)⊥⊥;
puisque T est ferm´e, Gr(T) est un sous-espace ferm´e, donc Gr(T))⊥⊥ = Gr(T) ; on obtient ainsi (0X, y)∈Gr(T), d’o`u y= T0X= 0Y.
On sait qu’en g´en´eral UY,X(Gr(T∗)) est l’orthogonal de Gr(T) ; si Gr(T) est ferm´e, on en d´eduit que Gr(T) est l’orthogonal de UY,X(Gr(T∗)) ; mais on a dit que le graphe de (T∗)∗ est l’orthogonal de UY,X(Gr(T∗)). Il en r´esulte que Gr((T∗)∗) = Gr(T), ce qui contient toute l’information voulue pour conclure que (T∗)∗ = T. On a de plus la d´ecomposition orthogonale H = Z⊕Z⊥, vraie pour tout sous-espace ferm´e Z d’un espace de Hilbert H.
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Proposition. Soit T un op´erateur dens´ement d´efini d’un espace de Hilbert X dans un espace de Hilbert Y; alorsker T∗ = im(T)⊥.
Preuve. — Soity ∈Y ; on a y∈ker T∗ si et seulement si, pour tout x∈dom(T), on a h0, xi=hy,Txi; cela a lieu si et seulement si y ∈im(T)⊥.
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D´efinition. On dit que T (dens´ement d´efini sur un Hilbert) est sym´etrique si hx,Tyi=hTx, yi
pour tous x, y ∈ dom(T). Cela revient `a dire que T ⊂ T∗. Un op´erateur T de X dans lui-mˆeme est dit autoadjoint si T = T∗. Tout autoadjoint est sym´etrique mais l’inverse n’est pas vrai.
Exemples.
1.On va v´erifier que l’op´erateur M est autoadjoint. On voit facilement que dom(M) est dense dans L2(R) (parce que dom(M) contient toutes les fonctions de L2(R) `a support born´e). Il est `a peu pr`es ´evident que M est sym´etrique,
hMf, gi= Z
R
¡tf(t)¢
g(t)dt= Z
R
f(t)tg(t)dt=hf,Mgi.
On en d´eduit dom(M) ⊂ dom(M∗). Inversement, supposons que g ∈ dom(M∗), et con- sid´erons pour tout n ≥ 0 la fonction fn ∈ dom(M) d´efinie par fn(t) = t1[−n,n](t)g(t) ; puisque g ∈ dom(M∗), il existe une constante C telle que pour tout n ≥ 0, on ait
|hMfn, gi| ≤Ckfnk2, ce qui donne Z n
−n
t2|g(t)|2dt≤C
³Z n
−n
t2|g(t)|2dt
´1/2
d’o`u r´esulte que R
Rt2|g(t)|2dt≤C2 <+∞, soit g∈dom(M). La v´erification est finie.
2.On d´efinit un op´erateur DA sur X = L2(0,1) (D comme d´erivation,Aparce qu’il y aura des variations B, C de cet exemple), par son domaine
dom(DA) = H10 ={f ∈H1([0,1]) :f(0) =f(1) = 0}
et on d´efinit ensuite DAf = f0 (la d´eriv´ee g´en´eralis´ee) pour toute f ∈ dom(DA). On v´erifie d’abord que H10 = dom(DA) est dense dans X : c’est clair puisque H10 contient D(]0,1[), qui est dense dans L2(0,1) ; on note que si g ∈ H1, f ∈ H10, on a en utilisant l’int´egration par parties dans H1([0,1])
hg,DAfi= Z 1
0
g f0 =£ g f¤1
0− Z 1
0
g0f =− Z 1
0
g0f =−hg0, fi (le terme £
.¤1
0 est nul parce quef est nulle aux bornes par d´efinition de H10). On a ainsi montr´e que le domaine de D∗A contient H1, et que D∗Ag =−g0. Inversement, supposons que g ∈ dom(D∗A). Dire que (g, h) est dans le graphe de D∗A signifie que h = D∗Ag ∈ X v´erifie
hf, hi=hDAf, gi pour toute fonction f ∈H10. On a donc si (g, h)∈Gr(D∗A) (+)
Z 1
0
f h=− Z 1
0
f0g
pour toute f ∈H10. Posons H(t) =Rt
0 h(s)ds. On obtient par int´egration par parties Z 1
0
f h=£ fH¤1
0− Z 1
0
f0H = − Z 1
0
f0H,
ce qui donne Z 1
0
f0g= Z 1
0
f0H,
pour toute f ∈ H10. On remarque que l’ensemble des f0, lorsquef ∈H10, est exactement l’ensemble de toutes les fonctions k de X = L2(0,1) qui sont d’int´egrale nulle sur [0,1].
Cet ensemble des fonctions d’int´egrale nulle est ´egal `a (C1)⊥, et l’´equation pr´ec´edente indique que H−g est orthogonale `a (C1)⊥, donc H−g ∈ (C1)⊥⊥ = C1. On obtient que H−g est une fonction constante, donc g= H + Cte; comme H est une fonction de H1([0,1]), il en r´esulte queg∈H1. On a d´ej`a vu que H1 ⊂dom(D∗A), et on a maintenant dom(D∗A)⊂H1, donc dom(D∗A) = H1 et pour g∈dom(D∗A) on a D∗Ag=−g0.
On voit ainsi apparaˆıtre une variante DB de l’op´erateur de d´erivation, dont le do- maine est
dom(DB) = H1([0,1])
et on d´efinit ensuite DBf =f0; on a obtenu que D∗A =−DB. D’apr`es le r´esultat sur les double-adjoints, on a aussi D∗B =−DA. Si on travaille sur les complexes, on aura envie d’´ecrire (iDA)∗ = iDB, (iDB)∗ = iDA, mais on n’a pas encore d’exemple de d´erivation autoadjointe sur (0,1). C’est l’objet du prochain exercice.
Exercice.
a. On d´efinit un op´erateur DC sur X = L2(0,1) par son domaine dom(DC) ={f ∈H1([0,1]) :f(0) =f(1)}
et on d´efinit ensuite DCf =f0 (la d´eriv´ee g´en´eralis´ee) pour toutef ∈dom(DC). Montrer que iDC est auto-adjoint.
b. Soit D l’op´erateur sur L2(R), de domaine H1(R), qui agit par Df = f0 (d´eriv´ee g´en´eralis´ee). Montrer que iD est un op´erateur autoadjoint sur L2(R).
Proposition. Soient H un espace de Hilbert et B un op´erateur born´e, hermitien et injectif ; alors B−1 est autoadjoint.
Preuve. — Le domaine de T = B−1 est l’image im(B) de B ; comme B est hermitien injectif, cette image est dense ; en effet, si z est orthogonal `a im(B), on a
0 =hBy, zi=hy,Bzi
pour tout y∈H donc Bz = 0, donc z = 0 puisque B est injectif. Il est ´evident que T est sym´etrique : si x1, x2 ∈im(B), on peut ´ecrire xj = Byj, j = 1,2 et
hTx1, x2i=hy1,By2i=hBy1, y2i=hx1,Tx2i.
Il reste `a montrer que le domaine de T∗ n’est pas plus grand que im(B) ; si u est dans le domaine de T∗, il existe un vecteur v tel que
hTx, ui=hx, vi pour tout x= By dans im(B), donc puisque Tx=y
hy, ui=hBy, vi=hy,Bvi pour tout y ∈H, ce qui donneu= Bv, donc u∈im(B).
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Proposition. Soient H et K deux espaces de Hilbert et T un op´erateur ferm´e dens´e- ment d´efini de H dans K; l’op´erateur(IdH+T∗T)est injectif, son image est ´egale `aH et (IdH+T∗T)−1 est un ´el´ement positif de L(H). L’op´erateur T∗T est autoadjoint et son spectre est contenu dans [0,+∞[.
Preuve. — Soit x∈H ; comme T est dens´ement d´efini et ferm´e on a H×K = Gr(T)⊕UK,H(Gr(T∗)),
donc il existe deux vecteurs ξ ∈ Gr(T) et η ∈ Gr(T∗) tels que (x,0) = ξ−UK,H(η) ; en d’autres termes, il existe z ∈dom(T) et y∈dom(T∗) tels que
(x,0) = (z,Tz) + (T∗y,−y).
Alors y = Tz, donc z ∈dom(T∗T) et x= (IdH+T∗T)z, ce qui montre que (IdH+T∗T) est surjectif. Soit z ∈dom(T∗T) ; comme z ∈dom(T) et Tz ∈dom(T∗), on a
h(IdH+T∗T)z, zi=hz+ T∗Tz, zi=hz, zi+hT∗Tz, zi=kzk2+kTzk2. Alors
kzk2 ≤ kzk2+kTzk2 =h(IdH+T∗T)z, zi ≤ kzk k(IdH+T∗T)zk,
donc kzk ≤ k(IdH+T∗T)zk; il en r´esulte que IdH+T∗T est injectif, que l’op´erateur inverse B = (IdH+T∗T)−1 est continu et que kBk ≤ 1. Enfin, consid´erons x1 = By1, x2 = By2, avec y1, y2 ∈H ; on ax1, x2 ∈dom(T∗T) et
hy1,By2i=h(IdH+T∗T)x1, x2i=hx1, x2i+hTx1,Tx2i=hBy1, y2i, donc B est hermitien ; de plus les ´egalit´es pr´ec´edentes montrent que
hy1,By1i=hx1, x1i+hTx1,Tx1i ≥0
donc B est un ´el´ement positif de L(H). Par la proposition pr´ec´edente, l’op´erateur inverse B−1 = IdH+T∗T est autoadjoint, donc T∗T est autoadjoint. Comme l’op´erateur B est positif de norme ≤ 1, on a σ(B) ⊂ [0,1] ; il en r´esulte que σ(IdH+T∗T) ⊂ [1,+∞[ et σ(T∗T)⊂[0,+∞[.
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Transformations et repr´esentations
On peut appliquer la transformation de Cayley, qui est fond´ee sur l’utilisation de la fonction t ∈ R → (1 + it)/(1− it) `a valeurs dans le cercle unit´e, pour associer `a tout autoadjoint non born´e T sur H un op´erateur unitaire U sur H,
U = (IdH+iT)(IdH−iT)−1.
Sous certaines hypoth`eses, on peut aussi faire le chemin inverse, et associer `a certains unitaires un autoadjoint, en g´en´eral non born´e.
Le calcul fonctionnel continu conduit au th´eor`eme de repr´esentation suivant, r´esultat
`a partir duquel le calcul fonctionnel devient essentiellement trivial.
Th´eor`eme. Soit T∈ L(H) un op´erateur normal born´e, d´efini sur un espace de Hilbert complexe H; il existe un espace mesur´e(Ω, µ), un op´erateur unitaireUde Hsur L2(Ω, µ) et une fonction mesurable born´ee g∈L∞(Ω, µ) tels que
T = U∗◦Mg ◦U,
o`u Mg ∈ L(L2(Ω, µ)) est l’op´erateur de multiplication par la fonction g.
Esquisse de preuve. — Donnons une id´ee de d´emonstration dans un cas plus simple, qui sert de brique fondamentale pour la preuve g´en´erale : on supposera qu’il existe x0 ∈H, disons de norme 1, tel que l’espace vectoriel engendr´e par toutes les images Tm(T∗)nx0, m, n ≥ 0, soit dense dans H. On note K = σ(T) comme d’habitude et on note ζ = ζK
la fonction z ∈K→z ∈C. On introduit une application lin´eaire u0 de C(K) dans H en posant
∀f ∈C(K), u0f =f(T)x0.
L’image de la fonction constante 1est le vecteurx0 donn´e ; l’image deu0 est dense dans H d’apr`es notre hypoth`ese suppl´ementaire, car cette image contient tous les vecteurs Tm(T∗)nx0, images des fonctions ζmζn. Introduisons une forme lin´eaire ξ sur C(K) par
∀f ∈C(K), ξ(f) =hu0f, x0i=hf(T)x0, x0i;
la valeur ξ(f) est r´eelle quand f est r´eelle, car f(T) est alors hermitien, et positive si f est r´eelle ≥ 0, car f(T) est alors hermitien positif. On a ξ(1) =hx0, x0i= 1. D’apr`es le th´eor`eme de repr´esentation des formes lin´eaires positives sur C(K), on sait qu’il existe une probabilit´e µsur K telle que
∀f ∈C(K), ξ(f) = Z
K
f(t)dµ(t).
On voit que u0 est isom´etrique de C(K), muni de la norme de L2(K, µ), `a valeurs dans l’espace de Hilbert H : en effet,
ku0fk2H =hf(T)x0, f(T)x0i=hf(T)f(T)x0, x0i=hu0(f f), x0i= Z
K
|f|2dµ.
On peut donc ´etendre u0 en une isom´etrie U de L2(K, µ) dans H, surjective car l’image de u0 est dense. On voit que pour f continue,
TUf = Tf(T)x0 =u0(ζf) = U(ζf).
On voit donc que l’action de T dans H correspond `a la multiplication par la fonction ζK
dans L2(K, µ).
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Corollaire.Soit Tun op´erateur autoadjoint (non born´e) sur un espace de Hilbert com- plexe H; il existe un espace mesur´e (Ω, µ), un op´erateur unitaire U de H sur L2(Ω, µ) et une fonction mesurable r´eelle g∈L∞(Ω, µ) tels que
T = U∗◦Mg ◦U,
o`u Mg est l’op´erateur (non born´e) de multiplication par la fonction r´eelle g.
Si on utilise comme unitaire U la transformation de type Fourier qui est d´efinie sur L1(R) par
∀t∈R, f(t) =b 1
√2π Z
R
f(x) e−itx dt,
et qui est ensuite prolong´ee en isom´etrie de L2(R), on voit que l’autoadjoint iD :f → if0, de domaine H1(R), correspond par Fourier `a l’op´erateur M de multiplication par t→t.
L’espace H10(Ω)
On peut g´en´eraliser l’exemple A dans un ouvert Ω de Rd; on consid`ere l’op´erateur ∇0
sur H = L2(Ω, λ) (λ la mesure de Lebesgue), d´efini sur le domaine dom(∇0) =D(Ω) par ϕ∈ D(Ω)→ ∇0ϕ, o`u
∀t∈Ω, (∇0ϕ)(t) = (∇ϕ)(t) = (D1ϕ(t), . . . ,Ddϕ(t))∈Kd
o`u Dj d´esigne la j`eme d´eriv´ee partielle de ϕ. D’un point de vue plus global, on peut consid´erer que t ∈ Ω → (∇ϕ)(t) est une fonction vectorielle, ´el´ement de l’espace de Hilbert K = L2(Ω, λ,Kd), et ∇0 sera vu comme op´erateur de H dans K. La fermeture de∇0 est l’op´erateur∇dont le domaine est l’espace vectoriel H10(Ω) form´e des fonctions f ∈ L2(Ω) qui sont limite dans L2 d’une suite (ϕn) ⊂ D(Ω) telle que Djϕn converge dans L2 vers une fonction gj pour j = 1, . . . , d. Ces fonctions gj auront la propri´et´e
Z
Ω
fDjψ=− Z
Ω
gjψ
pour toute ψ ∈ D(Ω) ; ce sont les d´eriv´ees distribution de f, qui seront encore not´ees Djf ; l’op´erateur∇ d´efini sur H10(Ω) agit par
(D1f, . . . ,Ddf) =∇f ∈K.
On munit H10(Ω) de la norme du graphe, kfk2H1 =
Z
Ω
|f|2+ Z
Ω
Xd j=1
|Djf|2 = Z
Ω
¡|f|2+|∇f|2¢ .
Muni de cette norme H10 est complet, et c’est un espace de Hilbert pour le produit scalaire hf, giH1 =
Z
Ω
¡f g+∇f· ∇g¢ .
Si on est sur un ouvert Ω d’une vari´et´e riemannienne M, on a une notion de gradient pour les fonctions diff´erentiables d´efinies sur Ω, et on peut g´en´eraliser la discussion pr´ec´edente `a ce cadre.
Injection de H10(Ω) dans L2(Rd)
Si ϕ est une fonction de D(Ω), on la prolongera en une fonction Eϕ d´efinie sur Rd en posant simplement (Eϕ)(x) =ϕ(x) six ∈Ω et (Eϕ)(x) = 0 si x /∈Ω. Il est clair que Eϕ est C∞ sur Rd. On a
(∗)
Z
Rd
|(Eϕ)(x)|2dx= Z
Ω
|ϕ(x)|2dx≤ kϕk2H1
pour toute ϕ∈ D(Ω). Il est clair en particulier que l’application E d´efinie sur D(Ω) est continue de la norme H1(Ω) vers L2(Rd) ; comme l’espace H10(Ω) est pr´ecis´ement d´efini comme adh´erence de D(Ω) dans H1(Ω), il en r´esulte que l’application E se prolonge en application continue de H10(Ω) dans L2(Rd). Il s’agit moralement de l’injection canonique du premier espace dans le second. On a alors