2 Op´ erateurs non born´ es dans un espace de Hilbert
2.1 Op´ erateurs non born´ es: d´ efinitions et propri´ et´ es ´ el´ e- mentaires
Soit H un espace de Hilbert etA un op´erateur dans H, c’est-`a-dire, une ap- plication lin´eaire d´efinie sur un espace vectoriel D(A)⊂ H `a valeurs dans H.
Dans la suite, on suppose queD(A) est dense dansH.
Exemple 2.1. SoitH=L2(R) etD(A) ={u∈H :xu∈H}. On d´efinitA par (Au)(x) =xu(x) pouru∈ D(A).
AlorsAest un op´erateur lin´eaire non born´e avec un domaine de d´efinition dense.
Le graphe d’un op´erateurA: D(A)→H est un sous-espace vectoriel dans H×H d´efini par
Γ(A) =�
[u, f]∈H×H :u∈ D(A), f =Au� .
L’op´erateur A est dit ferm´e si Γ(A) est ferm´e dans l’espace H ×H muni du produit scalaire
([u1, u2],[v1, v2]) = (u1, v1) + (u2, v2)
et de la norme correspondante. Si A1 est un autre op´erateur dans H tel que Γ(A)⊂Γ(A1), alorsA1est appel´eextensiondeA. Dans ce cas, on ´ecritA⊂A1. Il est claire que A1 est une extension de A si et seulement si D(A) ⊂ D(A1) et Au = A1u pour u ∈ D(A). L’op´erateur A est dit fermable s’il existe une extension ferm´ee deA.
Proposition 2.2. SoitAun op´erateur fermable. Alors il existe une extensionA¯ deA telle queA¯⊂A1 pour toute autre extension ferm´eeA1. De plus,Γ( ¯A) = Γ(A).
D´emonstration. Soit A1 une extension ferm´ee de A. Alors Γ(A1) ⊃ Γ(A) et donc Γ(A1) ⊃ Γ(A). On conclut que Γ(A) ne contient pas d’´el´ements de la forme [0, f] avecf �= 0. On d´efinit un op´erateurB par
D(B) ={u∈H : il existef ∈H tel que [u, f]∈Γ(A)}, Bu=f, o`u f est l’unique vecteur tel que [u, f]∈Γ(A). Il est ´evident que Γ(B) = Γ(A) et Γ(B)⊂Γ(A1) pour toute extension ferm´eeA1. Donc,B= ¯A.
Dans la suite, on appelle ¯A la fermeture de A. Signalons qu’il existe des op´erateurs qui ne sont pas fermables.
D´efinition 2.3. SoitAun op´erateur ferm´e dansH. L’ensembler´esolvantdeA, not´eρ(A), est constitu´e de tous les nombresλ∈Ctels que l’op´erateurλI−A est une bijection deD(A) surH avec un inverse born´e. Siλ∈ρ(A), l’op´erateur Rλ(A) = (λI−A)−1est appel´e lar´esolvantedeAau pointλ. Le compl´ementaire deρ(A) dansC, not´eσ(A), s’appelle lespectre deA.
Exercice2.4. Montrer que siAest un op´erateur ferm´e etλI−Aest une bijection deD(A) sur H, alors (λI−A)−1 est continu. Indication: utiliser le th´eor`eme du graphe ferm´e; voir le th´eor`eme III.12 dans [RS80].
Th´eor`eme 2.5. Soit A un op´erateur ferm´e dans un espace de Hilbert H. Alorsρ(A)est un ensemble ouvert, et la relation (1.2)a lieu.
La d´emonstration de ce r´esultat est tout `a fait analogue `a celle du th´eor`eme 1.5 concernant le cas des op´erateurs born´es.
2.2 Op´ erateurs sym´ etriques et auto-adjoints
D´efinition 2.6. SoitAun op´erateur dans un espace de HilbertH. On noteD(A∗) l’ensemble des vecteursv∈H pour lesquels il existef ∈H tel que
(Au, v) = (u, f) pour toutu∈ D(A). (2.1) Pour toutv ∈ D(A∗) on poseA∗v=f, o`u f d´esigne le vecteur v´erifiant (2.1).
On appelleA∗ l’op´erateuradjoint deA.
Exercice 2.7. Montrer les propri´et´es suivantes:
(i) u∈ D(A∗) si et seulement si|(Au, v)| ≤C�v� pour toutu∈ D(A);
(ii) siA⊂B, alorsA∗⊂B∗.
Th´eor`eme 2.8. Soit A un op´erateur dans H. Alors les propri´et´es suivantes ont lieu:
(i) A∗ est ferm´e.
(ii) Aest fermable si et seulement siD(A∗)est dense, et dans ce casA¯=A∗∗. (iii) Si Aest fermable, alors( ¯A)∗=A∗.
D´emonstration. (i) On d´efinit un op´erateur unitaire V : H ×H → H ×H par V[u, v] = [−v, u]. Il est facile `a v´erifier que V(E⊥) = V(E)⊥ pour tout sous-espaceE⊂H×H. La d´efinition de l’op´erateur adjoint implique que
Γ(A∗) =VΓ(A)⊥. (2.2)
CommeVΓ(A)⊥ est toujours ferm´e, on conclut queA∗ est ferm´e.
(ii)Supposons que D(A∗) est dense. Alors Γ(A) =�
Γ(A)⊥�⊥
=�
V2Γ(A)⊥�⊥
=�
VΓ(A∗)�⊥
= Γ(A∗∗), (2.3) o`u on a utilis´e la relation (2.2). La proposition 2.2 implique que ¯A=A∗∗.
R´eciproquement, siD(A∗) n’est pas dense dansH, alors il existe un vecteur w �= 0 tel que w ∈ D(A∗)⊥. Dans ce cas, [w,0] ∈ Γ(A∗)⊥, d’o`u on voit que
[0, w] ∈ VΓ(A∗)⊥. La relation (2.3) montre maintenant que [0, w] ∈ Γ(A), et doncAn’est pas fermable.
(iii)SiA est fermable, alors
A∗=A∗=A∗∗∗= ( ¯A)∗.
D´efinition 2.9. Un op´erateurAdans un espace de Hilbert est dit sym´etrique siA⊂A∗, c’est-`a-dire,
D(A)⊂ D(A∗), Au=A∗u pour u∈ D(A).
Il est claire queA est sym´etrique si et seulement si (Au, v) = (u, Av) pour u∈ D(A).
Un op´erateurAest ditauto-adjoint siA=A∗ Exercice 2.10. Montrer les propri´et´es suivantes :
(i) Si Aest sym´etrique, alorsA fermable etA⊂A∗∗ ⊂A∗. (ii) Si Aest ferm´e et sym´etrique, alorsA=A∗∗⊂A∗. (iii) Si Aest auto-adjoint, alorsA=A∗∗=A∗.
Th´eor`eme 2.11. SoitAun op´erateur sym´etrique dansH. Alors les propri´et´es suivantes sont ´equivalentes:
(i) A est auto-adjoint.
(ii) A est ferm´e etKer(A∗±iI) ={0}. (iii) Im(A±iI) =H.
D´emonstration. (i)⇒(ii) Comme l’op´erateurAest auto-adjoint, il est ferm´e.
Si A∗u=±iu, alorsAu=±iuet (Au, u) =±i(u, u). Comme (Au, u) est r´eel, on conclut queu= 0.
(ii)⇒ (iii) Montrons d’abord que Im(A−i) est dense dansH. Supposons quev∈Im(A−i)⊥. Alors ((A−i)u, v) = 0 pour toutu∈ D(A). Donc,
(Au, v) = (u,−iv) pour toutu∈ D(A),
d’o`u on voit que v ∈ D(A∗) et A∗v = −iv. Comme Ker(A∗ +i) = {0}, on conclut quev= 0.
Montrons maintenant que Im(A−i) est ferm´e. Soit{un} ⊂ D(A) une suite telle que (A−i)un→g. On veut montrer queg∈Im(A−i). Comme
�(A−i)u�2=�Au�2+�u�2,
on voit que la suite{un} converge vers un ´el´ementuet Aun converge g+iu.
En utilisnat le fait queA est ferm´e, on conclut queu∈ D(A) etAu=g+iu.
Donc, (A−i)u=g.
L’espace vectoriel Im(A−i) ´etant dense et ferm´e, il est confondu avec H.
La d´emonstration de la relation Im(A+i) =H est analogue.
(iii) ⇒ (i) Il faut montrer que D(A∗)⊂ D(A). Soit u∈ D(A∗). Alors il existev∈ D(A) tel que (A−i)v= (A∗−i)u. CommeA⊂A∗, on voit que
(A∗−i)(u−v) = 0. (2.4) L’argument utilis´e dans la d´emonstration de l’implication (ii)⇒(iii) montre que si Im(A+i) =H, alors Ker(A∗−i) ={0}. Il r´esulte de (2.4) queu=v∈ D(A).
Donc,D(A∗)⊂ D(A), et l’op´erateurAest auto-adjoint.
D´efinition 2.12. Soit A un op´erateur sym´etrique. On dit que A est essen- tiellement auto-adjoint si sa fermeture est auto-adjoint.
Corollaire 2.13. SoitAun op´erateur sym´etrique dansH. Alors les propri´et´es suivantes sont ´equivalentes:
(i) A est essentiellement auto-adjoint.
(ii) Ker(A∗±iI) ={0}.
(iii) Im(A±iI)est dense dans H. Exercice 2.14. D´emontrer le corollaire.
Exemple 2.15. Consid´erons un op´erateurAdansL2(0,1) d´efini par D(A) =H01(0,1), (Au)(x) =iu�(x).
Il est facile `a voir queA⊂A∗. CalculonsA∗. Montrons d’abord que si v∈L2(0,1) et
� 1 0
ψ�(x)¯v(x)dx= 0 pour toutψ∈C0∞(0,1), (2.5) alorsv≡const. En effet, toute fonctionϕ∈C0∞(0,1) est repr´esentable sous la forme
ϕ(x) =ψ�(x) +
�� 1 0
ϕ(y)dy
� ϕ0(x), o`uϕ0∈C0∞(0,1) est une fonction telle que�1
0 ϕ0dx= 0. Il r´esulte de (2.5) que
� 1 0
ϕ¯v dx=
� 1 0
ψ�¯v dx+
� 1 0
ϕ dy
� 1 0
ϕ0v dx¯ =c
� 1 0
ϕ dy , (2.6) o`u c =�1
0 ϕ0¯v dx. Comme (2.6) est vrai pour toute fonction ϕ∈C0∞(0,1), on conclut quev≡¯c.
Supposons maintenant quev∈ D(A∗). Alors il existe f ∈L2(0,1) tel que
� 1 0
iϕ�v dx¯ =
� 1 0
ϕf dx¯ pour toutϕ∈C0∞(0,1).
En int´egrant par parties, on obtient
� 1 0
iϕ�
� i¯v+
� x 0
f¯(y)dy
�
dx= 0 pour toutϕ∈C0∞(0,1), d’o`u on conclut que
v(x) =−i
� x 0
f(y)dy+C .
Donc, si v ∈ D(A∗), alors v� ∈ L2(0,1) et A∗v = iv�. R´eciproquement, si v∈H1(0,1), alors
� 1 0
iu�v dx¯ =−
� 1 0
iu¯v�dx=
� 1 0
u iv�dx.
Ainsi on a montr´e queD(A∗) =H1(0,1) etA∗v=iv�.
L’op´erateur A est ferm´e (exercice) et donc n’est pas essentiellement auto- adjoint. Y-a-t-il des extensions auto-adjointes deA?
Exercice 2.16. Soitα∈C,|α|= 1. On d´efinit Aαpar
D(Aα) ={u∈H01(0,1) :u(0) =αu(1)}, (Aαu)(x) =iu�(x). Montrer queAα est une extension auto-adjoint deA.
Proposition 2.17. (a)Soit A:D(A)→H un op´erateur auto-adjoint qui est une bijection sur son image dense dans H. Alors l’op´erateur inverse A−1 est aussi auto-adjoint.
(b) SoitA un op´erateur sym´etrique tel que D(A) =H. AlorsA=A∗. (c) SoitA un op´erateur tel que (Au, v) = (u, Av) pour tous u, v∈ D(A) et Im(A+λI) =H pour un r´eelλ. Alors le domaine deA est dense et A=A∗. D´emonstration. (a) La formule (2.2) implique que A = A∗ si et seulement si VΓ(A)⊥ = Γ(A). Introduisons l’op´erateur U : H ×H → H ×H par la formule U[u, v] = [u, v]. Comme Γ(A−1) = UΓ(A), on on doit montrer que V(UΓ(A))⊥ =UΓ(A). Cette relation est une cons´equence imm´ediate d’auto- adjonction deAet l’´egalit´eU V =−V U.
(b)On a A⊂A∗ etD(A) =H, d’o`u on conclut que A∗=A.
(c) Comme Im(A+λI) = H, on a Ker(A+λI) = {0}, d’o`u on voit que l’op´erateurA+λIest inversible. Son inverse est un op´erateur sym´etrique d´efini partout, donc il est auto-adjoint. La relation
D(A)⊥=�
Im(A+λI)−1�⊥
= Ker(Im(A+λI)−1={0}
implique queD(A) est dense dansH. D’apr`es le point (a), l’op´erateurA+λI est aussi auto-adjoint, ce que donne l’auto-adjonction deA.
2.3 Paire de Freidrichs
On d´ecrit maintenant une approche g´en´erale qui permet de construire des op´era- teurs auto-adjoints. Soit H un espace de Hilbert et V un espace de Banach r´eflexif avec une injection dense et continue V ⊂ H. D’apr`es le th´eor`eme de Riesz, on peut identifierH avec son dualH∗, et on a donc les injections contin- uesV ⊂H=H∗⊂V∗. On appelle (V, H) unepaire de Friedrichs.
Lemme 2.18. L’injectionH ⊂V∗ est dense.
D´emonstration. On note �·,·�la dualit´e entre V =V∗∗ et son dual V∗. Sup- posons qu’il existef :V∗→Ctel que�f, u�= 0 pour toutu∈H. Si on note�u
l’´el´ement deV∗ d´efini paru, alors on peut ´ecrire
�f, �u�=��u, vf�= (u, vf) = 0 pour toutu∈H,
o`u vf ∈V est l’´el´ement associ´e `a f par l’isom´etrie V∗∗ →V. Il s’ensuit de la relation ci-dessus quevf = 0 et donsf = 0.
Exemple 2.19. SoitH =L2(R) etV =Lp(R, ω) l’espace de fonctions mesurable u:R→Ctelles que
�u�pLpω:=
�
R|u(x)|pω(x)dx <∞, o`u p∈]2,+∞[ etω est une fonction positive telle que�
ω−2/(p−2)(x)dx <∞. Alors (V, H) est une paire de Friedrichs, et on aV∗=Lq(R, ω−q/p).
SoitA:V →V∗ une application lin´eaire continue v´erifiant la condition
�Au, v�=�Av, u� pour tousu, v∈V . (2.7) On d´efinit un op´erateur (non born´e) dansH par la r`egle
D( ˆA) ={u∈V :Au∈H}, Auˆ =Au.
La relation (2.7) implique imm´ediatement que ( ˆAu, v) = (u,Av), maisˆ D( ˆA) n’est pas dense dans le cas g´en´eral, et on ne peut donc pas parler de la sym´etrie et de l’auto-adjonction deA. Le point (c) de la proposition 2.17 implique im- m´ediatement le r´esultat suivant.
Proposition 2.20. Supposons qu’il existeλ∈Rtel queIm( ˆA+λI) =H. Alors le domaine deAˆ est dense etAˆ= ˆA∗.
Exemple 2.21. SoitV un espace de Hilbert etA:V →V∗ un op´erateur d´efinie par la formule
(Au)(v) = (v, u)V, u, v∈V. (2.8) C’est une isom´etrie, car d’apr`es le th´eor`eme de Riesz, l’image deAest confondue avecV∗, et pour toutu∈V on a
�Au�V∗ = sup
�v�V≤1|(Au)(v)|= sup
�v�V≤1
��(u, v)V��=�u�V.
Il s’ensuit que Im ˆA = H, et l’op´erateur ˆA est auto-adjoint. On appelle ˆA l’op´erateur auto-adjoint associ´e `a la paire(V, H).
2.4 Formes quadratiques et extension de Friedrichs
Soit D ⊂ H un sous-espace vectoriel dense et Q : D × D → C une fonction hermitienne, c’est-`a-dire,
Q(αu+βv, w) =αQ(u, w) +βQ(v, w) pour tousu, v, w∈ D,α, β∈C, Q(u, v) =Q(v, u) pour tousu, v∈ D.
Dans ce cas, on dit queQ est uneforme quadratique avec le domaineD et on noteQ(u) =Q(u, u). SiQ1est une autre forme quadratique avec un domaineD1 telle que
D ⊂ D1, Q(u, v) =Q1(u, v) pour tousu, v∈ D, alorsQ1est appel´e une extensiondeQ. Dans ce cas, on ´ecritQ⊂Q1.
Exercice 2.22. Montrer qu’une forme quadratique est uniquement d´efinie par ses valeurs sur la diagonale. Plus pr´ecis´ement,
Q(u, v) =1 4
�Q(u+v)−Q(u−v) +iQ(u+iv)−iQ(u−iv)�
, u, v∈ D. D´efinition 2.23. Une forme quadratique est dite semi-born´ee inf´erieurement (ou simplementsemi-born´ee) s’il existe une constanteM ∈Rtelle que
Q(u, u)≥ −M�u�2 pour toutu∈ D. (2.9) Une forme quadratique semi-born´eeQest diteferm´eesi l’espace Dest complet par rapport `a la norme
�u�Q=�
Q(u) + (M + 1)�u�2�1/2
.
Il est claire qu’une suite{un} ⊂ Dconverge vers un ´el´ement u∈ Dpour la norme� · �Q si et seulement siun→udansH et Q(un−u)→0.
Exercice 2.24. Une forme quadratique semi-born´eeQest ferm´ee si et seulement si elle v´erifie la propri´et´e suivante:
(P) Soitu∈H et {un} ⊂ Dune suite telle que
�un−u� →0, Q(un−um)→0 quandm, n→ ∞. (2.10) Alorsu∈ D etQ(un−u)→0.
Proposition 2.25. SoitQ une forme quadratique ferm´ee avec un domaineD. Alors(D, H)est une paire de Friedrichs.
En particulier, on peut construire l’op´erateur auto-adjoint associ´e `a (D, H);
voir l’exemple 2.21. Le reste de ce paragraphe est consacr´e `a l’´etude de formes quadratiques qui poss`edent une extension ferm´ee naturelle et auxquelles on peut associer un op´erateur auto-adjoint.
D´efinition 2.26. La forme quadratique Q est dite fermable s’il existe une extension (semi-born´ee) ferm´ee deQ.
Proposition 2.27. Soit Qune forme quadratique fermable v´erifiant l’in´egali- t´e(2.9). Alors il existe une extension ferm´ee minimale deQ, et elle v´erifie(2.9).
D´emonstration. Soit Q1 une extension ferm´ee de Q d´efinie sur D1. On note D ⊂ D1 l’adh´erence deD pour la norme� · �Q1 etQ la restriction deQ1 `aD. Par construction, un ´el´ement u∈H appartient `a Dsi et seulement s’il existe une suite{un} ⊂ D v´erifiant (2.10). L’exercice 2.24 implique queQest ferm´ee et que le domaine de d´efinition de toute autre extension ferm´ee contientD.
Montrons queQ(u)≥ −M�u�2pour toutu∈ D. En effet, soitu∈ D. Alors il existe une suite{un} ⊂ D convergeant versupour la norme� · �Q. Comme
�un−u� ≤ �un−u�Q, ���un�Q− �u�Q
��≤ �un−u�Q,
on voit queQ(un) =Q(un)→Q(u) quandn→ ∞. Il s’ensuit que Q(u) = lim
n→∞Q(un)≥ − lim
n→∞M�un�2=−M�u�2.
La forme quadratique Q construite dans la Proposition 2.27 s’appelle la fermeture deQ.
Exemple 2.28. SoitH =L2(R) etD=C0∞(R). On d´efinitQpar Q(u, v) =u(0)¯v(0), u, v∈ D.
AlorsQest une forme quadratique semi-born´ee, maisQn’est pas fermable. En effet, soitQ� une extension ferm´ee deQet {un} ⊂ Dune suite telle que
un →0 dansH, un(0) = 1 pout toutn≥1.
L’exercice 2.24 implique que la suite {Q(u� n)} doit converger vers Q(0) = 0.� Comme ce n’est pas le cas, on conclut qu’il n’existe pas d’extension ferm´ee deQ.
Chaque op´erateur sym´etriqueA d´efinit une forme quadratique : Q(u, v) = (Au, v), u, v ∈ D(A).
Proposition 2.29. SoitQune forme quadratique engendr´ee par un op´erateur sym´etriqueA tel que
(Au, u)≥ −M�u�2 pour toutu∈ D(A). (2.11) AlorsQest fermable et sa fermeture v´erifie (2.9).
D´emonstration. Sans perte de g´en´eralit´e, on peut supposer que l’in´egalit´e (2.11) est v´erifi´ee avecM =−1. Dans ce cas,�u�Q= (Au, u)1/2.
Soit D1 l’ensemble des vecteurs u ∈ H pour lesquels il existe une suite {un} ⊂ D(A) telle que
�un−u� →0, �un−um�Q→0 quandm, n→ ∞. (2.12) Il est claire queD1 est un espace vectoriel. De plus, comme
���un�Q− �um�Q��≤ �un−um�Q,
la suite�un�Q converge. Montrons que sa limite ne d´epend que de l’´el´ementu.
En effet, soient{un},{vn} ⊂ D(A) deux suites v´erifiant (2.12). On posewn = un−vn. Alors
�wn� →0, �wn−wm�Q→0 quandm, n→ ∞. (2.13) Comme
�wn−wm�2Q=�wn�2Q+�wm�2Q−2 Re(Awm, wn), on voit que
�wn�2Q+�wm�2Q≤ �wn−wm�2Q+ 2�Awm� �wn�. (2.14) Soitε >0 une constante quelconque et m≥1 un entier tellement grand que
�wn−wm�Q≤ε pourn≥m. (2.15) Il r´esulte de (2.13) – (2.15) que
lim sup
n→∞ �wn�2Q ≤ε+ 2�Awm�lim sup
n→∞ �wn� ≤ε.
Commeε >0 ´etait arbitraire, on conclut que
nlim→∞�un�Q= lim
n→∞�vn�Q.
Ainsi,�·�Qs’´etend `aD1. De plus, siu∈ D1et{un}est une suite v´erifiant (2.12), alors
nlim→∞�un−u�Q= lim
n→∞ lim
m→∞�un−um�Q = lim
m,n→∞�un−um�Q= 0. (2.16) On d´efinit maintenant une forme quadratique sur D1 par
Q1(u) = lim
n→∞Q(un) = lim
n→∞�un�2Q,
o`u{un} ⊂ Dest une suite v´erifiant (2.12). Il est claire queQ1est une extension semi-born´ee de Q telle que Q1(u) ≥ �u�2 pour tout u ∈ D1. Il nous reste `a montrer queQ1 est ferm´ee.
Soit{un} ⊂ D1 une suite de Cauchy par rapport `a la norme� · �Q. Alors il existe une suite{vn} ⊂ Dtelle que
�un−vn�Q ≤2−n pour toutn≥1. (2.17) Alors
n,mlim→∞�vn−vm�Q≤ lim
n,m→∞
�2−m+ 2−n+�un−um�Q�
= 0.
Donc,{vn} est une suite de Cauchy pour les normes� · �et � · �Q. Comme H est complet, il existe u∈H tel que vn → u. La d´efiniton de D1 entraˆıne que u∈ D1. Il s’ensuit quevn →upour la norme�·�Q; voir (2.16). L’in´egalit´e (2.17) implique queun→upour la norme� · �Q, et doncD1 est complet.
Le r´esultat suivant montre qu’une forme quadratique ferm´ee est toujours engendr´ee par un op´erateur auto-adjoint.
Th´eor`eme 2.30. Soit Q une forme quadratique ferm´ee semi-born´ee d´efinie sur un domaineD. Alors il existe un unique op´erateur auto-adjointAtel que la fermeture de la forme(Au, v),u, v∈ D(A), est confondue avecQ. Cet op´erateur est donn´e par
D(A) ={u∈ D:∃f ∈H tel queQ(u, v) = (f, v)pour toutv∈ D},
Au=f pouru∈ D(A). (2.18)
D´emonstration. Sans perte de g´en´eralit´e, on peut supposer que Qv´erifie (2.9) avecM = 1. Les espaces V =D(A) andH forment une paire de Friedrichs, et l’op´erateurAd´efini par (2.18) est l’op´erateur auto-adjoint associ´e `a la paire (V, H);
voir l’exemple 2.21. En particulier, l’image de A est confondue avec H. Il est claire que Q est une extension de la forme quadratique QA engendr´ee par A.
Montrons que la fermeture deQAest confondue avec Q. Si ce n’est pas le cas, alors l’adh´erence deD(A) pour la norme d´efinie parQest un sous-espace propre deD. Donc, il existev∈ D tel queQ(u, v) = (Au, v) = 0 pour toutu∈ D(A).
Il s’ensuit que l’image de A n’est pas confondue avec H. Cette contradiction termine la d´emonstration.
La proposition 2.29 et le th´eor`eme 2.30 permettent de construire une ex- tension auto-adjointe pour toute op´erateur sym´etrique semi-born´e A. En ef- fet, d’apr`es la proposition 2.29, la forme quadratique d´efinie par A est fer- mable. Soit Q1 sa fermeture et A1 l’op´erateur auto-adjoint construit dans le th´eor`eme 2.30. Alors les relations (2.18) impliquent que D(A)⊂ D(A1) et la restriction de A1 au sous-espace D(A) est confondue avec A. L’op´erateur A1
s’appelle l’extension de Friedrichs pourA.
Exemple 2.31. Consid´erons l’op´erateur A0 =−dxd22 dans l’espace L2(0,1) avec le domaine de d´efinition C0∞(0,1). Alors A est un op´erateur sym´etrique semi- born´e. La fermetureQde sa forme quadratique est donn´ee par
DQ=H1(0,1), Q(u, v) =
� 1 0
u¯v dx.
Il est facile `a v´erifier que l’op´erateur A construit dans le th´eor`eme 2.30 a la forme
D(A) =H2(0,1)∩H01(0,1), Au=−u��. L’op´erateurAest l’extension de Friedrichs deA0.