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Le mariage dans l'Ecole romande du droit naturel au XVIIIème siècle

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Le mariage dans l'Ecole romande du droit naturel au XVIIIème siècle

DUFOUR, Alfred

DUFOUR, Alfred. Le mariage dans l'Ecole romande du droit naturel au XVIIIème siècle . Genève : Georg, 1976, 170 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:73481

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LE MARIAGE

DANS L'ÉCOLE ROMANDE DU DROIT NATUREL

AU XVIIIe SIÈCLE

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N° 51

ALFRED DUFOUR

Professeur aux Facultés de Droit de Fribourg et de Genève

LE MARIAGE

DANS L'ÉCOLE ROMANDE DU DROIT NATUREL

AU XVIIIe SIECLE '

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITJ!

GEORG &

c

1• S.A.

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© 1976 by Librairie de l'Université Georg & Cie S.A.

Droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

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A la mémoire de ma mère

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PREFACE

L'histoire institutionnelle du mariage dans les sociétés occidentales est dans une large mesure celle de sa progressive mais inéluctable sécularisation.

Si, du

x•

au XVI° siècle, l'Eglise a disposé théoriquement d'un double monopole législatif et judiciaire en cette matière, son influence fut de plus en plus combattue non seulement dans les Etats catholiques - et sous divers prétextes - mais a fortiori dans les Etats de religion réformée.

Parmi les courants de pensée ayant provoqué cette sécularisation matrimoniale, un des plus actifs fut l'Ecole du Droit naturel avec des auteurs tels que Grotius, Pufendorf, Thomasius et Wolff. Notre col- lègue et ami, M. Alfred Dufour, en a donné une démonstration magis- trale dans sa remarquable thèse de doctorat intitulée « Le mariage dans /'Ecole allemande du Droit naturel moderne au XVIII• siècle» (Paris, 1972).

Dans le présent ouvrage, l'auteur étudie l'influence profonde exercée sur la doctrine du mariage en terre romande par un certain nombre de juristes eux-mêmes tributaires des jusnaturalistes allemands du

xvm·

siècle.

M. Aff red Dufour peut ainsi parler à bon droit d'une Ecole romande de droit naturel. Parmi les fondateurs de celle-ci se détache spécia- lement la figure de Barbeyrac. Le célèbre traducteur de Grotius et de Puf endort se distingue autant par la hardiesse de ses thèses (le mariage est un simple contrat de société dont les conditions et les effets sont librement déterminés par les parties) que par l'ouverture de son esprit et par le modernisme de ses vues {le mariage doit assurer le bonheur du couple autant que la procréation).

La pensée matrimoniale de Burlamaqui, nettement plus conserva- trice, est aussi plus nuancée que celle de Barbeyrac, puisque le juriste genevois essaie d'établir une synthèse entre l'institutionnalisme tradi- tionnel et le conventionnalisme moderne. Ajoutons que Burlamaqui ne craint pas de préconiser la séparation de corps, empruntée à ce droit canonique auquel répugnent tant les jusnaturalistes.

Les vulgarisateurs vaudois de /'Ecole romande du Droit naturel:

Vicat, Pillichody et De Félice ne jouent pas, de leur côté, un rôle négli-

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geable, car ils savent trouver un juste milieu entre la thèse contractua- liste d'inspiration thomasienne de Barbeyrac et la thèse institutionnaliste de Vattel, prenant ainsi en quelque sorte le relais de l'éclectisme de Burlamaqui.

Enfin ].-]. Rousseau, avec «son mariage impromptu» du 30 août 1768, ajoute sa note personnelle à ce courant de pensée concernant le mariage dans l' Ecole romande du Droit naturel.

Les conséquences institutionnelles ne tarderont pas à se faire sentir sur le plan du droit positif suisse puisque le mariage civil obligatoire apparaitra dès 182J à Genève et dès 1851 à Neuchâtel, alors que dans la plupart des autres cantons il faudra attendre la loi fédérale de 1874 pour arriver au même résultat.

Le lecteur ne manquera pas d'apprécier la clarté de l'exposé, la rigueur du raisonnement juridique, la richesse de l'analyse philosophique et la finesse psychologique dont l'auteur fait preuve. Les historiens du droit souhaiteront certainement que M. Alfred Dufour nous donne d'au- tres travaux de cette valeur.

L. CHEVAILLER,

Professeur aux Universités de Lyon et de Genève.

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AVANT-PROPOS

L'intérêt suscité au cours de la prem1ere moitié de notre siècle par les principales figures de l'Ecole romande du Droit naturel du

xvm•

siè- cle et dont témoignent notamment les monographies très fouillées d'E.

Béguelin sur Vattel 1, de Ph. Meylan sur Barbeyrac 2 , de R.F. Harvey et de B. Gagnebin sur Burlamaqui s, ainsi que les contributions plus particulières de P. Guggenheim et de H. Thévenaz sur Vattel et le Droit des Gens 4 et d'A. Mancini sur la pensée politique de Burlamaqui 5, vient de trouver un heureux renouveau ces dernières années avec les travaux de Sieglinde C. Othmer sur le séjour berlinois et la diffusion des tra- ductions de Barbeyrac e, ainsi que de ].-]. Manz sur les principes poli- tiques de l'internationalisme de Vattel 7 • Aucun des plus récents auteurs qui se sont penchés sur les représentants les plus marquants de l'Ecole romande du Droit naturel moderne n'a cependant repris la notion, naguère

1 E. Béguelin : En souvenir de Vattel, in Recueil de travaux offerts par la Faculté de droit de Neuchâtel à la Société suisse des juristes, Neuchâtel 1929, p. 33 SS,

2 Ph. Meylan : jean Barbeyrac (1674-1744) et les débuts de l'enseignement du droit dans l'ancienne Académie de Lausanne. Contribution à l'histoire du Droit naturel, Lausanne 1937.

a R.F. Harvey : j.j. Burlamaqui, a Liberal Tradition in English Constitu- tionalism, Chape! Hill 1937; B. Gagnebin : Burlamaqui et le Droit naturel, thèse droit Genève 1944.

4 P. Guggenheim : Emer de Vattel und das Volkerrecht, Einleifung zum Droit des Gens ou Principes de la Loi naturelle, Klassiker des VOlkerrechts, Hrsg. von W. Schatzel, Bd. III, Tubingue 1959; Emer de Vattel et l'étude des relations internationales en Suisse, Mémoires publiés par la Faculté de droit àe Genève n° 10, Genève 1956 ; de même voir H. Thévenaz : Vattel Oil la des- tinée d'un livre, in Schweizerisches /ahrbuch für internationales Recht, Bd.

XIV, 1957, p. 9 ss; Emer de Vattel, in Extrait du «Musée neuchâtelois », 1958, Neuchâtel 1958; enfin Vattel sous les Notes bibliographiques du Schwei- .ierisches jahrburch für internationales Recht, Bd. XV, 1958, p. 283.

5 A. Mancini : Per la conoscenza del pensiero politico e religioso del Burlamacchi, in Atti Ace. lincei, cl. Scienze morali, Florence 1948.

6 S.C. Othmer : Berlin und die Verbreitung des Naturrechts in Europa.

Kultur- und sozialgeschiclztliche Studien zu Jean Barbeyracs Pufendorf-Ueber- setzungen und eine Analyse seiner Lesersclzaft, Veroffentliclzungen der histo- risclzen Kommission zu Berlin, Bd. 30, Berlin 1970.

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J.J.

Manz : Emer de Vattel. Versuch einer Würdigung, unter besonderer Berücksiclztigung der individuellen Freiheit und der souveriinen Gleiclzlzeit, Diss.

jur., Zürich 1971.

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explicitée par Ph. Meylan s et à laquelle B. Oagnebin devait se référer quelques années plus tard 9, d'une « tradition romande du Droit natu- rel ». Et pourtant, il semble bien qu'il faille reconnaître la spécificité du mouvement doctrinal qui se dessine en Suisse romande au début du XVIII0 siècle en relation directe avec l'essor de !'Ecole allemande du Droit naturel moderne 10, qui fleurit dans les universités germaniques, tandis que le monde académique français lui demeure officiellement hos- tile 11• Dû à l'impulsion du célèbre jurisconsulte et traducteur huguenot, dont on vient de fêter le tricentenaire de la naissance, jean Barbeyrac (1674-1744), ce mouvement présente en effet des traits caractéristiques qu'il convient de relever brièvement avant d'en approfondir les princi- paux aspects au seuil de notre étude de sa pensée matrimoniale.

Première tradition de Droit naturel d'expression française, avant que les jurisconsultes et les Encyclopédistes d'Outre-jura ne prennent le relais de ses Fondateurs - Barbeyrac et Burlamaqui - , !'Ecole romande du Droit naturel se distingue encore par un autre trait fondamental qui la différencie de !'Ecole française : c'est son net enracinement dans la tradition réformée. Issu des milieux du Refuge, que ce soit celui de la Révocation de !'Edit de Nantes ou le premier Refuge italien 12, le mou- vement de pensée juridique et politique qui se fait jour en Suisse romande

s Cf. Ph. Meylan : op. cit., p. 188.

9 Cf. B. Gagnebin : op. cit., p. 10. Il faudrait ajouter à ce propos l'intro- duction d'Ed. His à l'ouvrage collectif Sclzweizer ]uristen der letzten hundert ]ahre, Zurich 1945, p. 1-58, qui met bien en relief (p. 47 ss) la part prépon- dérante de la Suisse romande dans l'étude du Droit naturel ; le texte four- mille malheureusement d'erreurs en ce qui concerne la vie et l'œuvre des repré- sentants de !'Ecole romande jusqu'à faire travailler le Chancelier d'Aguesseau à Yverdon aux côtés de F.B. de Félice (p. 48), ce qui le rend pratiquement inutilisable. Plus récents et d'une autre qualité, voir aussi F. Elsener, Rechts- schulen und kantonale Kodifikationen .. :i.. in Schweizerisches Privatrecht, Bd. 1, Bâle-Stuttgart 1969, p. 7-46 et surtout vie Schweizer Rechtsschulen vom 16. bis

;;:um 19. ]ahrhundert, Zurich 1975, notamment ch. 7-8, p. 158-233.

10 Cf. notre livre Le mariage dans l'école allemande du Droit naturel moderne au XVIII" siècle, Paris 1972, p. 6-7.

11 Il faut attendre en effet 1774 pour voir une chaire de Droit naturel créée en France au Collège de France à Paris ; cf. j. Proust : Diderot et l'Encyclopédie, thèse lettres, Paris 1962, p. 517. Sur la pénétration progressive du Droit naturel moderne chez les professeurs de Droit français, cf. A.]. Arnaud, Les Origines doctrinales du Code civil français, Paris 1969, p. 95 ss.

12 Rappelons que si Barbeyrac est du Refuge de la Révocation de !'Edit de Nantes, Burlamaqui est le descendant d'une famille du Refuge italien de Lucques. Voir à ce sujet Ph. Meylan : op. cit., p. 31, et B. Gagnebin : op. cil., p. 29. Sur le rôle des réfugiés huguenots dans l'essor de la littérature

€.t de la pensée en Suisse romande au xvrn• s., cf. O. de Reynold : Le Doyen Bride[ et les origines de la littérature suisse romande, thèse Paris 1909, p. 63-64, dans le même sens que Ph. Godet : Histoire littéraire de la Suisse française, Neuchâtel-Paris 1890, p. 174 ss et surtout V. Rossel : Histoire littéraire de la Suisse romande des origines à nos jours, Genève-Bâle- Lyon 1889-1891, t. II, p. 13.

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au début du XVIII" siècle est étroitement lié aux Académies réformées des bords du Léman 13. A la différence de !'Ecole française du Droit naturel, il demeure profondément chrétien. C'est là un trait qui domine

!'Ecole romande, de Barbeyrac 14 - son Fondateur et celui qui lui donne le plus d'éclat - , à son vulgarisateur le plus marquant, F.B. de Félice, dont !'Encyclopédie yverdonnoise formera précisément, dans le dernier tiers du Siècle des Lumières, le correctif chrétien de l'entreprise ratio- naliste de Diderot et d'Alembert 15,

Premier courant du Droit naturel moderne d'expression française, d'empreinte réformée, ce qui lui donnera à l'instar de !'Ecole allemande une tonalité chrétienne originale, !'Ecole romande du Droit naturel du

XVIII" siècle se caractérise enfin par sa forte perméabilité aux courants philosophiques du siècle. Il ne s'agit pas tant ici de la marque laissée sur les pionniers de !'Ecole romande par les Fondateurs de !'Ecole du Droit naturel moderne - Grotius et Pufendorf, entre autres, dont ils se font les traducteurs et les commentateurs - , que de l'influence exer- cée chez nous au cours du XVIII' siècle par les courants philosophiques d'origine anglaise ou allemande, de l'empirisme lockien et de l'eudémo- nisme thomasien, sensibles d'une part chez un Barbeyrac, d'autre part chez un Burlamaqui, un Porta ou un Pillichody rn, au réalisme méta-

13 Il suffit de songer, à ce propos, à l'importance du formulaire du Consensus adopté par tous les cantons protestants et par l'Eglise réformée des villes alliées à l'exception de Neuchâtel et dont LL.EE. de Berne exigent la signature de tous les professeurs de 1' Académie de Lausanne dès 1675.

Voir à ce sujet Ph. Godet : op. cit., p. 177 et V. Rossel : op. cit., t. 1, p. 517 s. L'imposition du Consensus au dergé et au corps professoral romands ne sera abolie qu'avec le triomphe du libéralisme défendu par le Profes- seur de Genève j.A. Turrettini. Ami de Turrettini, Barbeyrac, quand il sera Hecteur de l'Académie de Lausanne, se refusera à exiger sans restriction des professeurs de l'Académie le serment sur la formule du Consensus. Cf. à ce sujet Ph. Meylan : op. cit., p. 104 s.

14 Cf. la doctrine du fondement de l'obligation de Barbeyrac dans ses Réflexions sur le jugement d'un Anonyme sur l'original de l'Abrégé du De Oflicio de Pufendorf, notamment ad § 12 et § 19 et traduction du Droit de la Nature et des Gens de Pufendorf, II• éd. 1712, préface p. XXXVI et ad l/VI/XII n. 2.

15 D'où les foudres des Encyclopédistes, en particulier de Voltaire, contre de Félice. Ne reculant devant aucun moyen d'intimidation, Voltaire ne s'en prendra pas seulement par la plume à de Félice en épinglant « le moine défroqué ... qui ment effrontément comme un italien qui ne sait pas le français » ; il n'hésite pas en fait à s'adresser à LL.EE. de Berne en 1767 et 1769 pour obtenir la saisie et la répression des publications du savant réfugié italien établi dans l'une des villes les plus industrieuses du pays de Vaud en matière de librairie, Yverdon. Cf. T.R. Castiglione : F.B. de Felice tra Voltaire e Rousseau, in Studi di letteratura, storia e filosofia in onore di Bruno Revel, Firenze 1965, p. 164-165 et 171-172.

16 Sur l'influence lockienne, cf. chez Barbeyrac l'argument, tiré en faveur du Droit naturel, de la critique des idées innées in Préface à la traduction française du Droit de la Nature et des Gens de Pufendorf, p. XXXI-XXXII avec

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physique de Leibnitz et de Wolff, nettement perceptible chez le même Burlamaqui comme chez un Vattel 11, un E. de Beaumont 18 voire un Don Bernai de Quiros 19 • Tributaire des divers courants, si ce n'est des modes philosophiques du siècle, comme l'atteste sa réceptivité à la vogue éphé- mère du wolffisme, !'Ecole romande du Droit naturel se trouve par là partager dans l'histoire culturelle de l'Europe des Lumières la destinée même de la Suisse - « Helvetia mediatrix » 20 - dont témoignent alors des œuvres et des entreprises aussi riches de conséquences que les Let- tres sur les Anglais et les Français de B.L. von Murait 21, la Biblio- thèque italique 22, le Mercure suisse et le journal helvétique de Louis Bourguet 23 •

la citation de !'Epître CXX de Sénèque : Semina nabis scientiae dedit (natura).

Scientiam non dedit. Voir à ce sujet les pénétrantes remarques de Ph. Meylan : op. cit., p. 53 ss. Quant à l'influence de Thomasius sur Burlamaqui, S. Porta et

J.O.

Pillichody, elle affleure dans le rôle que joue le bonheur dans la défmition que les deux premiers donnent du Droit (cf. Principes du Droit naturel, Genève 1747, I/ch. V/§ 10 et Principes du Droit naturel mis à la portée de la généralité des hommes, Ms. T. 1350, Bibl. cant. vaudoise, fol. 1), de même que dans la doctrine des fins du mariage du dernier nommé (Le Droit naturel d'un Père à son Fi:s, Yverdon 1769, 2 vol., t. 2, p. 48).

17 Cf. ].]. Burlamaqui : op. cit., II/ch. V/§§ 5-6 et E. de Vattel : Essai sur le fondement du Droit naturel et sur le premier principe de l'obligation où se trouvent tous les hommes d'en observer les lois, in Loisir philosophique, l, Genève 1747, notamment §§ 6-10 et 29-31.

18 Cf. E. de Beaumont : Principes de philosophie morale, Genève 1754 Dis- cours préliminaire, p. 3 ss., introd. §§ 1 et Ill et ch. l/§§ XVII-XXVIII. '

19 Cf. Don Bernai de Quiros : Elementi del dirilto naturale, Ms. Bibl.

cant. vaudoise, T 77, notamment ch. I, §§ I-VIIl-IX.

20 Sur ce thème voir entre autres F. Ernst : La tradition médiatrice de la Suisse aux XV/li• et X/X• siècles, in Revue de littérature comparée, 1926/6, p. 550 ss, de même que Die Schweiz ais geistige Mittlerin, Zurich 1932.

Voir également H. Thieme : Das Naturrecht und die europiiiscl1e Privat- rechtsgeschichte, Bâle 1947, § VIII, p. 29 ss, et E. Fueter : Gesclzichte der exakten Wissensclzaften in der schiveizerischen Aufkliirung (1680-1780), Diss.

Zurich, Aarau 1941, notamment p. 75.

21 Paru en 1725, «le livre de Murait est le premier en date à critiquer la structure sociale de l'Ancien Régime français, le premier à faire paraître à l'horizon cette île bénie d'où l'on attendra plus tard la sagesse, la guérison et le bonheur», cf. Ernst : La tradition médiatrice de la Suisse, art. cit., p. 559. De Murait est par là le précurseur immédiat des Lettres anglaises ou Lettres ph il osa phiques de Voltaire de 1734.

22 Genève, 1729-1734. Fondée par Louis Bourguet, philosophe et mathéma- ticien huguenot, réfugié à Neuchâtel, la Bibliothèque italique, rédigée par Bourguet, Seigneux de Correvon, Loys de Bochat, Cramer et Calandrini entre autres, était « destinée à vulgariser en Europe centrale les travaux de la science italienne». Cf. à ce propos V. Rossel : op. cit., t. II, p. 60.

23 Fondé en 1732 par Louis Bourguet, encouragé par le relatif succès de la Bibliothèque italique, le Mercure Suisse (Neuchâtel 1732-1784, 158 volumes) avait pour fin la rénovation de la vie intellectuelle en Suisse, voire « la réha- bilitation nationale» (F. Ernst : op. cit., p. 572) par une ouverture à tous les courants de la pensée européenne, dont ses comptes rendus tendent à se faire le reflet. En 1738, le Mercure suisse devait être dédoublé par le journal helvé-

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Plaque tournante de l'Europe, comme l'a remarqué voici plus d'un quart de siècle H. Thieme dans son étude sur le Droit naturel et l'his- toire du Droit privé européen 24, la Suisse romande l'est donc au premier chef par l'intensité de sa vie culturelle, dont les Académies réformées de Lausanne et de Genève, pour ne rien dire des cercles culturels neuchâ- telois, apparaissent les foyers privilégiés.

Il se justifierait sans doute dans cette perspective de distinguer au sein de !'Ecole romande deux, si ce n'est trois traditions : celle de !'Ecole vaudoise d'une part, avec ses professeurs à 1' Académie de Lausanne -·

de Barbeyrac à Vicat - et ses vulgarisateurs - Pillichody et de Félice ; celle de !'Ecole genevoise d'autre part, avec ses professeurs à l' Audi- toire de droit - de Burlamaqui à la dynastie des Cramer - et ses vulgarisateurs - les Beaumont et les Rousseau ; celle enfin des audi- toires neuchâtelois avec Bourguet et Vattel, premiers pionniers d'une

« Académie neuchâteloise » 2 5 en même temps que propagateurs de la pensée philosophique et juridique de Leibnitz et de Wolff en terre romande.

Pour fondée qu'elle puisse paraître sur le plan de la géographie intellectuelle de la Suisse romande au

xvm•

siècle, une telle division ne correspond cependant guère à l'histoire des doctrines. Les clivages les plus intéressants sont ici d'un autre ordre ; ils tiennent à la filiation intellectuelle des principaux représentants de !'Ecole romande et à leur rattachement aux courants dominants de !'Ecole du Droit naturel moderne du Siècle des Lumières.

Dans cette optique, Barbeyrac et Burlamaqui, les deux Fondateurs de !'Ecole romande et ses deux figures les plus marquantes, tributaires des positions philosophiques et juridiques de Pufendorf, voire de Tho- masius, et leurs médiateurs auprès du public lettré de culture française et anglo-saxonne, appartiennent avant tout au courant des Commenta- teurs de Grotius et de Pufendorf, si important en Allemagne à la même époque, tandis que leurs disciples et vulgarisateurs, Vattel en tête jus- qu'à Beaumont et de Félice se définissent au premier chef par rapport aux courants plus récents du leibnitzisme et du rationalisme wolffien, voire de !'Encyclopédie. Plutôt que de suivre deux ou trois traditions locales d'enseignement du Droit naturel, il nous a paru dès lors plus juste de nous attacher successivement dans une première partie à la

tique et se transformer lui-même en 1748 en Nouvelliste Suisse. Les deux publications mensuelles paraîtront jusqu'à la veille de la Révolution. Cf. à ce sujet V. Rossel : op. cit., loc. cit. et E. Béguelin : op. cit., p. 38.

24 H. Thieme : op. cit., lac. cil.

25 Sur la portée de la chaire de Louis Bourguet et les tentatives de Vattel d'obtenir du Roi de Prusse la création d'une Académie à Neuchâtel, cf.

J.J.

Manz : op. cit., p. 23-26, qui renvoie à la « correspondance et autres documents relatifs à l'établissement d'une Académie à Neuchâtel » publiés par L. Béguelin in op. cit., p. 117 ss.

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pensée des Fondateurs de !'Ecole romande, Barbeyrac et Burlamaqui, et dans une deuxième partie à celle de leurs disciples et de leurs vulgari- sateurs à Neuchâtel et dans le Pays de Vaud.

Ayant ainsi délimité le cadre de notre travail et justifié son plan général, il nous reste à en expliquer le thème proprement dit, la division et la méthode.

Si les théories politiques des principaux représentants de !'Ecole romande du Droit naturel - de la doctrine du Contrat social à celle du droit de résistance et de la théorie des libertés individuelles à celle de l'égalité de souveraineté de tous les Etats - ont jusqu'à tout récem- ment retenu de préférence l'attention 26, il n'en va pas de même de leurs thèses concernant les principales institutions du Droit privé, qui sont demeurées dans l'ombre. Parmi elles, il en est pourtant une qui nous semble mériter un intérêt tout particulier, puisqu'elle est à la base de toute société humaine et que son approche subit tout naturellement le contre-coup de toute mutation de la philosophie sociale. Au siècle où

!'Ecole du Droit naturel moderne s'illustre par la vulgarisation du conventionalisme social et par la remise en cause qu'elle implique des fondements de toute autorité politique, il n'est pas indifférent de suivre ce que devient dans la pensée de ses hérauts le mariage et l'autorité maritale. Nous l'avons fait dans un précédent ouvrage pour les prin- cipaux représentants de !'Ecole allemande du Droit naturel moderne au Siècle des Lumières, relevant en conclusion la tendance assez nette qui se fait alors jour vers la contractualisation de l'institution matrimoniale et l'égalité juridique des époux, contre-coup de la doctrine du Contrat social en Droit privé 21. Comme nous le laissions entendre alors 2s, c'est le même travail que nous nous proposons d'entreprendre aujourd'hui pour les représentants de !'Ecole romande, déjà connus pour leurs théo- ries en matière de Droit public et de Droit des gens.

Conformément à la division générale que nous avons adoptée dans notre premier ouvrage, nous étudierons le mariage en Droit naturel suc- cessivement chez les Fondateurs de !'Ecole romande (première partie) et chez leurs disciples et leurs vulgarisateurs (deuxième partie). Dans chacune de ces deux parties, nous nous attacherons à cerner la pensée

26 Cf. le sous-titre explicite de la thèse de

j.J.

Manz : Emer de Vattel.

Versuch einer Würdigung unter besonderer Berücksichtigung der individuellen Freiheit und der souveriinen Gleichlzeit, de même que le titre de la thèse de R.F. Harvey sur Burlamaqui, ci-dessus mentionné, note 3. De manière aussi nette, Ph. Meylan et B. Oagnebin se sont attachés en priorité dans leur t'>tude de la pensée respective de Barbeyrac et de Burlamaqui aux théories politiques plutôt qu'aux thèses plus particulières et fragmentaires de ces auteurs en matière de Droit privé.

21 Cf. notre ouvrage déjà cité Le mariage dans l'Ecole allemande du Droit naturel moderne au XVJII• siècle, Paris 1972, p. 429 ss.

2s Op. cit., p. 6-7.

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des principaux auteurs dans leur approche (A) de la problématique géné- rale de l'institution (origine et fins du mariage, nature juridique et formes de l'institution, polygamie ou monogamie), (B) dans leur concep- tion de sa formation (liberté du mariage, conditions de capacité et empêchements, forme et moment de la conclusion), (C) de ses effets (nature de la société conjugale, droits et devoirs des époux), et (D) de sa dissolution (décès, divorce et secondes noces).

Quant à la méthode que nous avons suivie, visant en dernière analyse à dégager la portée pratique de l'œuvre des principaux représentants de !'Ecole romande du Droit naturel, nous nous en sommes tenu, comme dans notre premier travail 2 9, aux seules sources imprimées - traduc- tions commentées, traités et publications de cours de Droit naturel des auteurs étudiés - , laissant dans l'ombre, souvent en dépit de leur intérêt indéniable pour notre sujet, les œuvres demeurées manuscrites et n'attestant de ce fait, hormis certains cours, guère de diffusion ao.

Enfin, nous avons cherché à donner le plus de place possible aux textes mêmes, de façon à restituer avec te maximum de fidélité, dans te style incomparable qui la caractérise, ta pensée de nos grands théoriciens et jurisconsultes du

xv111•

siècle sur un sujet aujourd'hui plus que jamais d'actualité.

29 Op. cit., p. 10.

ao Les manuscrits des cours donnés dans les Académies de Lausanne et de Genève ne nous ont retenus dans cette perspective que dans la mesure

(1ans laquelle ils avaient été publiés, comme c'est le cas pour ceux de Burla- maqui et de B.Ph. Vicat. Pour ce qui est du texte latin du Commentaire professé à Genève tout à la fin du siècle par J.A. Cramer sur les Eléments du Droit naturel de Burlamaqui, et dont la Bibliothèque publique et universi- taire de Genève détient une copie de 1790-1791 (Ms. cours univ. 230), son caractère tardif - ).A. Cramer n'a enseigné qu'à partir de 1789 - ne nous permettait pas de l'mtégrer dans notre étude.

2

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

L'ÉCOLE ROMANDE DU DROIT NATUREL

Par deux fois, la Suisse romande a joué un rôle de premier plan dans l'histoire de la pensée juridique européenne. Tout d'abord à l'époque de l'humanisme juridique avec l'essor de !'Auditoire genevois de Droit;

ensuite et surtout à l'ère du rationalisme juridique, avec l'épanouisse- ment, sur les bords du Léman comme sur les rives du lac de Neuchâtel, de l'étude du Droit de la Nature et des Gens. Si la première floraison de la science juridique à l'Académie de Calvin apparaît bien illustrée sur le plan européen par les cours et les œuvres d'un Hugues Doneati, d'un François Hotman, d'un jules Pacius de Beriga, d'un Ennemond de Bonnefoy et des deux Godefroy 1, elle est cependant largement éclipsée par l'ampleur et l'éclat du courant de pensée juridique qui, sous l'égide théologique et philosophique du rationalisme, s'épanouira tout au long du

xv111•

siècle en terre romande. Du professorat de jean Bar- beyrac à Lausanne (1711-1717) 2 aux entreprises encyclopédiques de Fortuné-Barthélemy de Félice, le savant prêtre italien établi à Yverdon (1762-1789) a et des cours privés de Louis Bourguet, l'éminent leibnitzien huguenot, professeur de mathématiques et de philosophie à Neuchâtel

1 Cf. Chs. Borgeaud op. cit., p. 123-132 à propos du séjour et de l'en- seignement de Doneau, de Hotman et de Bonnefoy ; p. 277-312 à propos de ceux de Pacius et de Denys Godefroy et p. 368-380 à propos de Jacques Godefroy. Au sujet de l'enseignement de Pacius à Genève, voir en outre notre article : Un adepte de l'humanisme juridique à Genève - fuies Pacius de Beriga et son «De /uris Meihodo » (1597), in Genève et l'Italie, Etudes de philologie et d'histoire, 12, Genève-Paris 1969, p. 113-147. Sur ce premier essor de !'Ecole juridique genevoise, voir enfin F. Elsener, Die Schweizer Nechtsschuten, p. 158-177.

2 Cf. Ph. Meylan, op. cit., p. 69-120, de même que F. Elsener, op. cit., p. 217-224.

a Cf. l'ouvrage fondamental d'E. Maccabez, F.B. de Félice et son « Ency- clopédie » - Yverdon (1770-1780)ë thèse lettres Lausanne, Bâle 1903 en plus de l'étude déjà citée de T.R. astiglione, F.B. de Felice tra Voltaire e Rousseau, in Studi di letieratura, storia e filosofia in onore di Bruno Revel, Florence 1965, p. 155-178.

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(1730-1742)4, aux œuvres d'Emer de Vattel 5, en passant par l'enseigne- ment public de Pierre Mussard (1719-1723) 6 et de Jean-Jacques Burla- maqui à Genève (1723-1739) 1, c'est plus qu'une traditions, une véri- table Ecole de Droit naturel qui se dessine en Suisse romande au Siècle des Lumières. Si l'on s'accorde pour qualifier d' Ecole un mouvement intellectuel attaché à défendre autour d'un ou de plusieurs maîtres un certain nombre de principes et les propageant par la parole ou par l'écrit 9 , il nous paraît difficile, au vu de l'impressionnante continuité de l'enseignement du Droit naturel à Lausanne et à Genève comme de la production littéraire qui s'y rapporte du début à la fin du

xv111•

siècle, de contester l'existence à cette époque d'une Ecole romande du Droit naturel, vouée à la diffusion en terre de culture française des principes de Grotius, de Pufendorf, de Thomasius et de Wolff relatifs aux fonde- ments rationnels du Droit positif, aux règles méthodologiques de leur détermination et à celles de leur formulation. A cet égard, si la fondation en 1661 par l'Electeur palatin en faveur de Pufendorf à l'Université de 'Heidelberg de la première chaire de la nouvelle discipline marque bien le point de départ de !'Ecole allemande du Droit naturel moderne, il est permis de considérer le professorat qu'inaugure en 1711 à !'Académie de Lausanne le premier traducteur français du De jure Naturae et Gen- tium comme la date de naissance de cette Ecole romande 10. Celle-ci

4 Cf. E. Béguelin, op. cit., p. 37 et 74, n. 23 et l'évocation d'H. Perrochon, Un homme du XVIII• siècle : Louis Bourguet, in Vie, Art, Cité, 1951/1, p. 34-38. Une étude systématique reste à faire sur la vie et l'œuvre de cette étonnante figure de la vie intellectuelle romande du Siècle des Lumières, originaire de Nîmes et réfugiée en Suisse à la Révocation de !'Edit de Nantes.

Voir à ce sujet, le Dictionnaire biographique d'A. de Montet, Lausanne 1877- 1878, 1, p. 85 SS et le 01-IBS, Il, p. 275.

5 Cf. l'étude biographique exhaustive déjà citée d'E. Béguelin, ainsi que les contributions plus limitées, relatives à la portée et à la signification de son œuvre dans l'histoire du Droit des Gens, dues à P. Guggenheim, H. Thé- venaz et J.J. Manz, voir note 4 de notre Avant-Propos, ci-dessus p. XI.

o Chs. Borgeaud, op. cit., p. 509-510, ainsi que les indications d' A. de Montet, op. cit., 11, p. 224 et du DHBS, V, p. 65.

7 Cf. Chs. Borgeaud, op. cit., p. 510-520 et B. Gagnebin, op. cit., p. 41-50, de même que F. Elsener, op. cit., p. 182-188.

s Cf. Ph. Meylan, op. cit., p. 185 ss.

9 Cf. la définition élaborée par Erik Wolf, Grotius, Pufendorf, Thomasius, Tubingue l 927, p. 29, qui oppose à juste titre, à propos de Grotius en parti- culier, 1' Ecole, regroupant les disciples amenés à défendre les mêmes thèses, à la légende, dans laquelle prend forme le simple rayonnement personnel.

10 Cf. l'interprétation analogue que donne Ph. Meylan, op. cil., p. 80, de la Leçon inaugurale de Barbeyrac du l 9 mars 1711, à partir du parallèle que trace le nouveau professeur lui-même entre son installation et celle de Pufen- dorf un demi-siècle plus tôt à Heidelberg ; voir l'Oratio inauguralis de digni- tate et ufilitate ]uris ac Historiarum et utriusque disciplinae arnica conjunctione, Lausanne 1711, republiée à Amsterdam, 1711, et Iéna, 1724, ainsi que dans les dernières éditions de la traduction du De ]ure Naturae et Gentium, notam-

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devait prendre forme, d'une part, sur le plan académique avec la conso- lidation de l'enseignement du Droit naturel dans la chaire lausannoise de Droit et d'Histoire de jean Barbeyrac et avec l'instauration dix ans plus tard à la demande des étudiants allemands d'un enseignement ana- logue à l'Académie de Genève 11, d'autre part, sur le plan scientifique, avec l'apparition et l'essor d'une littérature juridique spécifique de thèses, de discours, de traités et de manuels de Droit naturel qui, vulga- risant la littérature de !'Ecole allemande, jettera du même coup les bases d'une doctrine du Droit naturel moderne d'expression française.

La consolidation de l'enseignement du Droit naturel moderne en Suisse romande n'est pas seulement attestée à vrai dire par la conti- nuité des cours qu'assurent, après Barbeyrac, un Charles Loys de Bochat (1718-1740) 12, un Béat-Philippe Vicat (1740-1770) rn, un Abraham Cla-

ment 5• éd., Amsterdam 1734, et 6' éd. Bâle 1750. A relever que, comme l'ont mis en lumière les récentes recherches de S.C. Othmer, Berlin und die Ver- breitung des Naturrechts in Europa - Kultur- und sozialgeschichtliclze Studien zu jean Barbeyracs Pufendorf-Uebersetzungen und eine Analyse seiner Leser- schaft, Berlin 1970, p. 48, si Barbeyrac est bien le premier traducteur français du De jure Naturae et Gentium de Pufendorf, il n'est pas à proprement parler le premier traducteur français du jurisconsulte saxon, puisqu'il a été précédé dans cette voie par son compatriote, le huguenot nîmois Antoine Teissier, comme lui réfugié à Berlin, auquel on doit la première traduction française du De Officia Hominis et Civis, cf. Les Devoirs des Hommes et des Citoyens, suivant la Loi naturelle, Ouvrage composé en Latin par M. de Pufendorf, et mis en Français par Ant. Teissier, Conseiller et Historiograplze de S.S.E. de Brandebourg, Berlin 1696.

n Cf. Chs. Borgeaud, op. cil., p. 509.

12 Cf. Ph. Meylan, op. cit., p. 164-171 et F. ElsenerÊ op. cit., p. 226-229.

Révélatrice de l'orientation qui se fait jour au sein de I' cole du Droit naturel moderne vers l'étude des Droits locaux sous l'impulsion de Thomasius - dont il a été l'élève à Halle entre sa nomination (1718) et son installation dans la chaire de Barbeyrac (1720) - l'œuvre de Lays de Bachat se présente avant tout comme celle d'un historien local et d'un Jurisconsulte soucieux de l'expli- cation des lois indigènes, dans laquelle ses connaissances en matière de Droit naturel jouent un rôle précieux. Cf. non seulement ses Mémoires pour servir û l'histoire du différend entre le Pape et le Canton de Lucerne, de 1727, où il se fait l'avocat de la subordination de l'Eglise au Pouvoir civil - Grotius, Thomasius, Boehmer et Barbeyrac à l'appui - ou ses Ouvrages pour et contre les Services militaires étrangers, de 1738, mais encore ses nombreuses études demeurées manuscrites, comme son Commentaire sur le Plaid général de Lau- sanne (Bibl. cant. vaud. P. 1948, 1955, 1990, 1991) et son Traité des avan- tages de la Réformation par rapport à la société civile. Cf. Ph. Meylan, op. cil., p. 166-167. Sur la vie de Chs. Lays de Bachat, cf. la notice corres- pondante du précieux Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois ù'A, de Montel, Lausanne 1877-1878, Il, p. 74, et le DHBS, IV, p. 558.

1a Cf. Ph. Meylan, op. cil., p. 174-176 et 235-236, repris par F. Elsener, op. cil., p. 231. A relever ici que, d'origine dauphinoise, d'une famille du Refuge devenue bourgeoise d' Aigle en 1715, B.-Ph. Vicat étudiera le Droit à l'Uni- versité de Bâle, où il obtiendra son doctorat avec une thèse de postulando seu de advocatis (1737). Son orientation apparaît sensiblement la même que

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4

vel de Brenles (1770-1771) 14 et un Christian Dapples (1772-1802) 15 à l'Académie de Lausanne ou, après les premiers cours de Pierre Mussard à I' Auditoire de droit de Genève (1719-1723), un Jean-Jacques Burlamaqui (1723-1739) et la dynastie des Cramer - Jean (1723-1747), Jean-Manassé (1757-1789) et Jean-Antoine (1789-1793) - pour ne rien dire de Pierre Lullin (1740-1756), de Pierre Pictet (1747-1756) et de Jean-Jacques Tur- rettini (1756-1783) qui en prendront le relais 16 ; elle transparaît égale- ment à travers toute une série de copies et de manuscrits de cours, publiés ou impubliés, de nos bibliothèques romandes, des cours genevois de

celle de Loys de Bochat, puisque l'essentiel de son œuvre est centré sur l'étude du Droit local, comme le montrent ses Principes du Droit feudal et emphytéotique à l'usage du Pays de Vaud, demeurés manuscrits (Bibl. cant.

vaud. T. 1351), et ses Praelectiones de successione testamentaria ex jure naturali, civili et statutario bernensi de 1748/ et sur l'étude du Droit naturel, comme l'atteste son Traité du Droit nature, publié à Lausanne et Yverdon en 1777. Sur la vie de Vicat, cf. f.our plus de détails le Dictionnaire cité de .Montet à l'article correspondant, 1 , p. 612, et le DHBS, VII, p. 118.

14 Cf. Ph. Meylan op. cit., p. 176. Originaire de Cully, Abraham-Daniel Clavel, seigneur de Brenles, naît en 1717. A l'instar de ses prédécesseurs c'est à l'étranger qu'il ira parfaire sa formation juridique, plus précisément à Marbourg, à l'école du wolffien j.U. Cramer. La thèse qu'il soutiendra à la l'acuité de Droit de Marbourg, De Exemtione Legatorum a Faro criminali eius ad quem missi sunt, sera publiée parmi les œuvres mêmes de Cramer, Opuscula Crameriana, t. 4, Marbourg 1756, p. 548 ss. Quant à son orientation, Clavel de Brenles partage celle de ses prédécesseurs, vouant autant d'attention au Droit local, commme le révèle son Commentaire du Plaid Général de Lau- sanne, resté manuscrit par la volonté de LL.EE. de Berne (Bibl. cant. vaud., Ms. Clavel XXXg9)1 qu'au Droit naturel, ainsi que l'atteste sa leçon inaugurale de 1770, dont la Bibliothèque cantonale vaudoise a conservé une copie manu- scrite (Ms. Clavel XXX15S). Pour la vie d'Abraham Clavel de Brenles, voir le Dictionnaire biographique de Montet à l'article correspondant, I, p. 173, et le DHBS, Il, p. 527.

15 Cf. Ph. Meylan, op. cit., p. 176-177, de même que le Dictionnaire de Montet, I, p. 224 et le DHBS, II, p. 633. Né en 1740 à Lausanne, connu par ses fonctions de justicier de Lausanne pour « la rigueur de son jugement et la solidité de ses connaissances», Christian Dapples succède le 13 février 1772 à Abraham-Daniel Clavel de Brenles dans la chaire de Droit. Elu au Petit Conseil de Lausanne en 1770, il cumulera dès lors ces fonctions, avec l'autorisation expresse de LL. EE. de Berne, et celle de professeur à l' Aca- démie. De fait, Chr. Dapples enseignera jusqu'à sa mort en 1802.

1s Cf. Chs. Borgeaud, op. cit., p. 526-527. Le plus remarquable des collè- gues et successeurs de Burlamaqui est sans doute jean Cramer, qui laisse toute une œuvre de commentateur et d'historien du Droit, en très grande partie manuscrite, comme sa thèse De secundis nuptiis, Genève 1723, centrée sur les conséquences patrimoniales des secondes noces ; il n'y a guère que son commentaire historique des Edits civils qui ait été publié récemment avec une introduction substantielle de O. Partsch, cf. Jean Cramer et son précis de l'histoire du Droit genevois (1761), in Bulletin de la Société d'his- toire et d'archéologie de Genève, t. 13 (1964), p. 13-87, que suit F. Elsener, op. cit., p. 188-192.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Burlamaqui, édités par de Félice à Yverdon 11 et par Seigneux de Corre- von à Lausanne 18, aux commentaires qu'en donnera à la fin du siècle à ses étudiants jean-Antoine Cramer 10, en passant par ceux de Béat-Phi- lippe Vicat et d'Abraham Clavel de Brenles à l'Académie de Lausanne 20.

A cette littérature se rattache étroitement une production littéraire demeu- rée manuscrite et qui comprend notamment les Elementi del diritto natu- rale de Don Hyacinthe Bernai de Quiros, le jésuite italien converti au protestantisme qui enseignera l'histoire et le droit ecclésiastiques de 1752 à 1758 à !'Académie de Lausanne 21, le Droit naturel et les Prin- cipes de Droit naturel mis à la portée de tous les hommes de Samuel Porta (1716-1790), le collaborateur de Seigneux de Correvon et de Clavel de Brenles à la révision du commentaire de Boyve sur le Plaict général de Lausanne 22.

Plus importante se révèle cependant la littérature juridique qui paraît à la même époque et qui témoigne sur le plan scientifique de la vigueur de la nouvelle Ecole de droit naturel d'expression française. Cette litté- rature est tout d'abord illustrée par les grands travaux de traduction que Barbeyrac a repris ou entrepris à Lausanne, soit d'une part la deuxième édition de la traduction du De jure Naturae et Oentium 2a

11 Cf. les Principes du Droit de la Nature et des Gens de /.-/. Burlamaqui avec la Suite du Droit de la Nature qui n'avait point encore paru, le tout considérablement augmenté, 8 vol., Yverdon 1766-1768. Voir à ce sujet B. Gagnebin, op. cit., p. 89.

18 Cf. les Eléments du Droit naturel par M. /.-/. Burlamaqui, ouvrage posthume publié complet pour la première fois, Lausanne 1775. Voir à ce sujet B. Gagnebin, op. cit., p. 90.

19 Cf. la copie manuscrite de 1790-1791 qu'en possède la Bibliothèque publique et universitaire de Genève sous le titre /uris naturalis excerpta, Ms.

Cours univ. 230.

20 Cf. le texte manuscrit que détient la Faculté de Drait de Lausanne du cours de B.-Ph. Vicat sous le titre Abrégé du Droit naturel et la copie que possède la Bibliothèque cantonale vaudoise de la Leçon inaugurale d'Abraham- Daniel Clavel de Brenles, Ms. Clavel XXXga,

21 Cf. le texte manuscrit à la Bibliothèque cantonale vaudoise, 1 vol. in-8°

et 1 vol. in-folio, Ms. T 77. Sur cet étonnant personnage, cf. l'Enciclopedia Universal llustrada Europea-Americana, t. XLVIII, Bilbao-Madrid-Barcelone,

1922, p. 1453.

22 Cf. Le Droit naturel, 1 vol. manuscrit in-folio, Bibl. cant. vaud., Ms.

T 1354a et Principes du Droit naturel mis à la portée de la généralité des hommes, 1 vol. manuscrit in-folio, Bibl. cant. vaud., Ms. T 1350. A relever que Samuel Porta (1716-1790) laisse également un volume manuscrit d'intro- duction au Droit civil, Les Eléments du Droit civil, Ms. T 1354, Bibl. cant.

vaud., ainsi qu'un commentaire

1 rédigé en collaboration avec Abraham-Daniel Clavel de Brenles, du Plaict Genéral de Lausanne, cf . .Ms. Clavel XXXg9, cité ri-dessus n. 14. Sur Samuel Porta, cf. A. de Montet, op. cit., II, p. 325-326 et DHBS, V, p. 325.

23 Cf. la Préface de la deuxième édition de la traduction française du De Ture Naturae et Genfium, Amsterdam 1712, ainsi que les propos de la lettre à Louis Bourguet du 4 décembre 1716, cités ci-dessous n. 30), Bibliothèque de la Ville de Neuchâtel, Ms. 1266.

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6

et les troisième et quatrième éditions de celle du De Officio Hominis et Civis de Pufendorf 24, d'autre part la traduction du De Jure Belli ac Pacis de Grotius 2 5 , Elle englobe aussi les différents opuscules publiés par Barbeyrac et qui reflètent son enseignement et son activité à la tête de l'Académie de Lausanne, de sa Leçon inaugurale de 1711 sur la dignité, l'utilité et l'heureuse liaison du Droit et de l' Histoire 26

à ses Discours aux promotions annuelles du Collège de 1714 à 1716 au sujet de l'utilité des lettres et des sciences par rapport au bien de l'Etat 21, de la permission des lois 28 et du bénéfice des lois 20, en pas- sant par ses Observations sur le Jugement d'un anonyme sur l'original de l'abrégé de Pufendorf dirigées contre Leibnitz ao,

24 Cf. la Préface de la troisième édition de la traduction française du De Officia hominis et civis, Amsterdam 1715, et celle de la quatrième édition, Amsterdam 1718, de même que les propos de la lettre citée à Louis Bourguet.

25 Voir les propos explicites de la lettre à Louis Bourguet du 4 décembre 1716 : «Vous êtes bien obligeant, Monsieur, de vous informer de ma santé et de mes études. La première est assez bonne, Dieu merci ; et les autres vont leur petit train ordinaire. Plus de distractions que je ne voudrois, mais qui, à ce que j'espère, diminueront bientôt, par la fin de mon Rectorat qui s'ap- proche ; et me laisseront un peu plus de temps, pour continuer et achever enfin mon grand ouvrage sur Grotius. Cet Ouvrage est pourtant plus avancé, que je ne l'avois espéré : il y en a près de trois quarts de fait, et si rien d'extraordinaire ne m'arrête, je commence à croire que j'en verrai la fin dans le cours de l'année prochaine. » Cf. dans le même sens Ph. Meylan, op. cit., p. 125, qui s'en réfère aux lettres sensiblement ultérieures de Barbeyrac à J.P. de Crousaz et ].A. Turrettini du 5 août 1719.

20 Cf. l'Oratio inauguralis de Dignitate et Utilitate furis ac Historiarum et utriusque disciplinae arnica conjunctione, Lausanne 1711 ; rééd. in Le Droit de la Nature et les Gens, traduit du latin de Pufendorf, 5• édition, Amsterdam 1735, et 5• édition, Bâle 1750.

27 Discours sur l'utilité des Lettres et des Sciences par rapport au bien de l'Etat, Genève 1714 ; rééd. Amsterdam 1715.

28 Discours sur la Permission des Lois, Genève 1715 ; rééd. in Les Devoirs de l'Homme et du Citoyen, traduit du latin de Pufendorf, 4• éd. Amsterdam 1718.

29 Discours sur le Bénéfice des Lois, Genève 1716 ; rééd. in Les Devoirs de l'Homme et du Citoyen, traduit du latin de Pufendorf, 4• éd. Amsterdam 1718.

so Cf.Les Devoirs de l'Homme et du Citoyen, éd. cit. Amsterdam 1718. Sur la place que prennent ces rééditions avec leurs adjonctions, en particulier celle du Jugement de Leibnitz et des Observations qu'il formule à son encontre, dans l'activité de Barbeyrac à Lausanne, cf. la lettre mentionnée à Louis Bourguet du 4 décembre 1716 : « Il a fallu revoir, pour une nouvelle Edition, trois des volumes que j'ai publiés, savoir, les II. et Ill. volumes de Tillotson ; et !'Abrégé de Pufendorf, des Devoirs de l'Homme et du Citoyen. Le dernier est celui qui m'a le plus occupé ; non que j'y aie fait un fort grand nombre d'additions ou de changements n'y aiant pas encore deux ans que j'en avois publié une troisième Edition, fort retouchée et augmentée : maix j'y ai ajoûté par occasion une Pièce toute nouvelle, qui fera bien quatre ou cmq feuilles (d'imp)ression : C'est un jugement d'un Anonyme sur !'Original de cet Abréf{é, avec d(es) réflexions du Traducteur qui serviront à éclaircir quelques prin- cipes de !'Auteur. Cet Anony(me), que je laisse tel, mais que je connois très bien, c'est M.r. Leibnitz. Son jugement, que j'ai traduit du Latin, est imprimé

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Cette littérature romande de Droit naturel comprend par ailleurs les traités de Burlamaqui - les Principes du Droit naturel de 1747 et les Principes du Droit politique parus après sa mort en 1751 - ainsi que les ouvrages publiés à partir de ses cahiers de cours : la Suite du Droit de la nature imprimée à Yverdon au terme des Principes du Droit dl!

la nature et des gens édités par de Félice entre 1766 et 1768 et les Elé- ments du Droit naturel présentés par Seigneux de Correvon à Lausanne en 1775, auxquels viennent s'ajouter les contributions plus particulières et moins connues du jurisconsulte genevois sur le Droit naturel du mariage, comme sa thèse De matrimonio défendue en 1731 par jean- Robert Tronchin 31 , le futur auteur des Lettres écrites de la campagne et la Lettre écrite à Milord Kilmorey sur le mariage publiée en 1761 par ]. Vernes 32•

Hormis ces œuvres des deux figures de proue de !'Ecole romande du Droit naturel, il faut relever toutes celles de leurs collègues ou dis- ciples plus ou moins obscurs, de la Dissertatio inaugurale de Pierre Mus- sard, De usu et praestantia ]uris naturalis, parue à Genève en 1720 sa, aux Principes de philosophie morale de 1754 d'Etienne Beaumont, le disciple genevois de Burlamaqui 34, et de la dissertation de Louis Bourguet De vero atque genuino ]uris naturalis studii usu de 1718, publiée en

à Helmstadt, en forme de Lettre insérée dans un Programme Académique de M.r.Bohmer, en 1709. je n'en aurois jamais entendu parler, et elle auroit demeuré dans l'obscurité, si I' Auteur lui-même ne l'a voit envoyée à quelcun de ce païs-ci. Il tâche d'y décrier les principes de Pufendorf, qu'il n'entend pas même, comme je le fais voir dans mes réflexions, où je les défens d'une manière plus honnête que celle dont il s'y prend. On y verra entr'autres la question des fondemens du Juste et de !'Injuste assez approfondie et déve- loppée d'une manière bien différente des principes mystérieux de 'ce grand Mathématicien. »

s1 Dissertatio juridica de malrimonio, quam publice submittit Disquisitioni /. Robertus Tronchin, Genève 1731. Le texte en sera repris tel quel par Burla- maqui dans ses cours, comme l'attestent d'une part les copies de cours de ses étudiants parvenues à nous sous le titre d'Abrégé du Droit de la Nature et des Gens (cf. BPU, Genève, Ms. fr. 155, daté de 1721 (?), avec ex libris Bourdillon, Londres 1746, et Ms. fr. 155b, daté de 1743, avec ex libris Sarrasin), d'autre part l'édition qui en est donnée avec les Eléments du Droit naturel, Lausanne 1775, cf. III/XIII/p. 259 ss. A noter que Burlamaqui parlera lai-même dans une de ses lettres, citée par B. Gagnebin, op. cit., p. 67, à propos de la Thèse soutenue par J.R. Tronchin, d'une «de ses thèses de matrimonio ». Ces divers indices, auxquels il faut ajouter la tradition acadé- mique du xvm• siècle, ne nous permettent pas de suivre l'auteur précité, lorsqu'il conteste l'attribution à Burlamaqui de cet ouvrage, cf. op. cit., p. 292.

s2 Cf. ]. Vernes, Choix littéraire, vol. 24, Genève 1760, p. 123-155.

33 Bien que mentionnée par Chs. Borgeaud, op. cit., p. 150, n. 2, et en dépit des recherches de son fils M.-A. Borgeaud, que nous tenons à remercier ici, cette dissertation inaugurale nous est restée inaccessible.

34 E. de Beaumont, Principes de Philosophie morale, Genève 1754.

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1728 par Altmann dans sa Tempe helvetica 35, aux essais de philosophie juridique d'Emer de Vattel sur le Fondement du Droit naturel 86 et sur la Nécessité des lois politiques pour porter la société à sa perfection 37, en passant par son célèbre Droit des gens 3 8 et par son commentaire trop ignoré sur le jus Naturae de Christian Wolff sous le couvert de ses Questions de Droit naturel 09, Enfin, parmi les dernières œuvres de

!'Ecole, comment ne pas signaler le curieux catéchisme du châtelain de Baulmes, jean~Georges Pillichody (1715-1783) au titre symptomatique - le Droit naturel d'un père à son fils 40 - , le Traité du Droit naturel de Béat-Philippe Vicat, le successeur de Loys de Bochat à la chaire de Droit de Lausanne 41 et l'œuvre gigantesque que représentent les quatre volumes des Leçons du Droit de la nature et des gens 42, la grande Ency- clopédie en 58 volumes 43 et le Code de l'humanité 44 de Fortuné-Barthé- lemy de Félice, l'inlassable éditeur et compilateur italien d'Yverdon.

35 Cf. Ludovici Burgueti Nemausensis Dissertatio De vero atque genuino /uris naturalis Studii usu (Neocomi 1718), Bibliothèque de la Ville de Neuchâtel, Ms. 1249, publiée en 1738 seulement par Altmann et Breitinger dans la Tempe Helvetica, t. Ill, sect. 1, p. 9-41.

aa E. de Vattel, Essai sur le fondement du Droit naturel et sur le premier principe de l'obligation où se trouvent tous les hommes d'en observer les loix, in Le Loisir philosophique ou Pièces diverses de Philosophie, de Morale et d'Amusement, Dresde 1747, 1 ,p. 1-70.

37 E. de Vattel, Dissertation sur cette Question : Si la Loi naturelle peut porter la Société à sa perfection, sans le secours des Loix, in Loisir philo- sophique, II, p. 71-94.

38 E. de Vattel, Le Droit des Gens ou Principes de la Loi naturelle appli- qués à la conduite des Nations et des Souverains, Londres-Neuchâtel 1758, 1 vol.

39 E. de Vattel, Questions de Droit naturel et Observations sur le Traité du Droit de la Nature de M. le Baron de Wolf, 1 vol., Berne 1762.

40 j.-0. Pillichody, Le Droit naturel d'un Père à son Fils, 2 vol., Yverdon 1769.

41 B.-Ph. Vicat, Traité du Droit naturel, 4 vol., Lausanne-Yverdon 1777.

42 F.-B. de Félice, Leçons du Droit de la Nature et des gens, 4 vol., Yverdon 1769, rééd. Paris 1770, tirées en fait des Principes du Droit de la Nature et des Gens, 8 vol., Yverdon 1766-1768, publiés d'après les cahiers de cours de Burlamaqui; cf. E. Maccabez, op. cit., p. 13.

43 F.-B. de Félice, Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines, 58 vol., Yverdon 1770-1780. Révision chrétienne de l'ouvrage de Diderot et d'Alembert, !'Encyclopédie du savant converti d'Yverdon n'évitera pas les plagiats, sauf en matière de jurisprudence et d'économie, où de Félice se réservera la rédaction de la plupart des articles et où il excellera dans la compilation des ouvrages de Burlamaqui et de Rousseau. Cf. à ce sujet E. Maccabez, op. cit., p. 25 ss et 52 ss.

44 F.-B. de Félice, Code de l'humanité ou Législation universelle, naturelle, civile et politique, 13 vol.

1 Yverdon 1778. Cet ouvrage reprenant en définitive les principaux articles jundiques de l'Encyclopédie, cf. J.-P. Perret, Les Impri- meries d'Yverdon au XVII• et au XVIII< siècle, thèse lettres, Neuchâtel, Lausanne 1945, p. 193, de même qu'E. Maccabez, op. cit., p. 13, nous nous en tiendrons pour notre étude de la pensée matrimoniale de F.-B. de Félice en priorité aux articles de son Encyclopédie.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

La continuité, l'ampleur et l'unité de cette production littéraire, comme celles de l'enseignement qui la sous-tend, leur concentration sur la tra- duction, le commentaire, la compilation et la vulgarisation en terre de culture française des œuvres des principaux représentants de !'Ecole allemande du Droit naturel moderne, manifestent à l'évidence la réalité de !'Ecole de Droit naturel qui prend son essor entre le Léman et le jura, de la venue de jean Barbeyrac de Berlin à Lausanne à la mort de l'encyclopédiste d'Yverdon, et nous fonde par là même à parler à son propos, hors de toute prétention régionaliste, d'une Ecole romande du Droit naturel. Il ne nous en reste pas moins à préciser et à appro- fondir les traits distinctifs que nous lui avons reconnus et qui lui confè- rent sa physionomie propre, voire une certaine originalité.

La première caractéristique du courant de pensée juridique qui mar- que l'essor intellectuel de la Suisse romande au xvrn• siècle est d'ordre linguistique. Elle tient plus particulièrement à son expression française et ceci à un double point de vue. Si l'installation de Barbeyrac à Lau- sanne marque une étape dans l'histoire de la science juridique sur les bords du Léman, ce n'est pas seulement parce qu'avec lui prend forme dans le monde académique Je premier rejeton d'expression française de !'Ecole du Droit de la nature et des gens, c'est aussi parce que, pour la première fois, se trouve rompue chez nous la tradition de l'enseigne- ment juridique en latin 45. De fait, à partir de Barbeyrac, le recours à la langue vernaculaire s'étendra des Auditoires de nos Académies à la littérature juridique elle-même, illustrant le mouvement général de subs- titution progressive des langues nationales au latin qui caractérise l'évo- lution de la littérature scientifique européenne au Siècle des Lumières 46.

45 Cf. Ph. Meylan, op. cit., p. 77-78 ss.

46 Amorcé en France avec l'instauration par !'Edit de St-Germain (1679) de professeurs royaux de Droit français qui enseigneront dans la langue ver- naculaire et en Allemagne avec le fameux cours de Thomasius Von Nach- ahmung der Franzosen de 1687 à l'Université de Leipzig et surtout avec son lancement de la première revue scientifique de langue allemande, les Deutsche Monatsschriften (cf. M. Fleischmann, Christian Tlzomasius, in Chr. Thomasius, Leben und lebensiverk, Beitrii.ge zur Geschiclzte der Universitii.t Halle-Witten- berg, Halle 1931, p. 19 ss et 24 ss, et F. Battaglia, Cristiana Tlzomasio, Filo- sofo e Giurisfa, Rome 1936, p. 31 ss et 40 ss) cet avènement des langues nationales comme véhicules de la pensée scientifique s'accentue au début du XVIII' siècle avec l'enseignement comme avec l'œuvre de Thomasius et surtout de Christian Wolff, le véritable créateur de la langue philosophique et scien- tifique allemande (cf. P. Piur, Studien zur sprachlichen Würdigung Wolff's, Diss. phil. Halle 1903), dont toute la première partie de l'œuvre a été conçue en allemand, de sa Deutsche logik de 1713 (Vernünftige Gedanken von den /(rii.ften des menschlichen Verstandes, Halle 1713) à sa Deutsclze Physiologie de 1725 (Vernünftige Gedanken von dem Gebrauclze der Thei/e in Mense/zen, Tlzieren und Pflanzen, Francfort-Leipzig 1725), avant d'être transposée et systé- matisée en latin pour les Ecoles européennes restées attachées à la tradition scolastique (cf. M. Wundt, Die deutsche Sclzulphilosoplzie im Zeitalter der Aufklii.rung, Tubingue 1945, p. 183-184). C'est à ce même mouvement que ce rattachent les entreprises de traduction de Grotius, de Pufendorf et de Cum-

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