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L'Extrême-Orient dans les ouvrages de géographie français au siècle des Lumières

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L’Extrême- Orient dans les ouvrages de géographie français au siècle des Lumières

PÉAN Matthieu

2018-2019

Master 1

Pratiques de la Recherche Historique

Sous la direction de Mme SARRAZIN Véronique

Membres du jury QUELLIER Florent SARRAZIN Véronique

Soutenu publiquement le : 18 juin 2019

Image facultative

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Illustration en couverture : « Géographie Universelle » dans LA CROIX, Antoine Phérotée de, Nouvele metode pour aprendre la geographie universele enrichie de cartes, armoiries, figures des nations, & de plusieurs tables cronologiques. Seconde edition, augmentée de plusieurs choses remarquables, & de dix-huit cartes, qui representent les gouvernemens & frontieres de France, Lyon, Rigaud, 1705, T. I (non paginée)

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RE MERCIE ME NTS

Je remercie avant tout ma directrice de mémoire, Véronique Sarrazin, pour son encadrement tout au long de l’année, pour le temps qu’elle a consacré à la relecture de mon mémoire et pour ses précieux conseils

Je désire également remercier ma grand-mère qui m’a donné le livre à l’origine de l’idée de mon mémoire : la Méthode abrégée et facile pour apprendre la géographie de Lenglet Dufresnoy. J’espère par ce mémoire avoir pleinement honoré le cadeau qu’elle m’a fait et je suis ravi d’avoir pu exploiter ce vieux livre aux coins écornés et au papier jauni qui quitta durablement pour la première fois l’armoire dans lequel il était rangé depuis plus de cent cinquante ans.

Je tiens également à témoigner ma gratitude envers mes parents qui financent mes études, Noémie pour sa traduction d’une préface en latin ainsi que Pierre et mon grand-père pour leurs conseils et leur soutien.

Je remercie Marc Paschoud et Victorine Schluck, mes camarades de promotion et mes deux colocataires pour l’ensemble des bons moments passés à travailler ensemble et à rire à côté.

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Sommaire

INTRODUCTION GENERALE

1. Historiographie

2. État des sources

3. Méthode d’exploitation des sources PRESENTATION DE L’ETUDE DE CAS

PREAMBULE : L’EXTREME-ORIENT DANS LES OUVRAGES DE GEOGRAPHIE COURANTS A DESTINATION DU GRAND PUBLIC AU XVIIIE SIECLE

1. « Une géographie livresque » : l’organisation générale des ouvrages de géographie 2. Le plan des ouvrages de géographie, reflet d’une hiérarchie des espaces

3. La part secondaire de l’Asie et de l’Extrême-Orient dans les ouvrages de géographie généraux du XVIIIe siècle

4. La notion « d’Asie » et « d’Extrême-Orient » dans l’esprit des géographes du XVIIIe siècle

CONCLUSION DU PREAMBULE

PREMIERE PARTIE : UN ENVIRONNEMENT QUI N’INTERESSE QUE COMME RESSOURCE POUR LES HOMMES

1. La situation des pays de l’Extrême-Orient, révélatrice du niveau des connaissances des géographes français

1.1. Localisation et étendue connues et incertaines 1.2. Les débats sur l’insularité d’Hokkaidō

2. Le silence des manuels de géographie sur les montagnes et les mers de l’Asie 2.1. Un relief asiatique inexistant ?

2.2. Des mers anonymes

3. L’environnement extrême-oriental ou l’évaluation du potentiel des pays 3.1. Les climats « sains » de l’Extrême-Orient

3.2. L’absence de regard géographique sur les fleuves orientaux

3.3. La faune et la flore asiatique, entre curiosité exotique et intérêt commercial 3.4. Terrains, fertilité et terroir ou l’exploitation du potentiel du pays d’Extrême-Orient CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

DEUXIEME PARTIE : LES PEUPLES DE L’EXTREME-ORIENT ET LEURS CULTURES, ENTRE FASCINATION ET CONDAMNATION

1. Les portraits physiques et psychologiques des orientaux, une vision stéréotypée en évolution

2. Une culture orientale intrigante qui n’égale pas la culture française 2.1. Des langues d’une complexité inutile

2.2. Le statut social des Chinoises et des Indochinoises, un objet de curiosité dans les manuels de géographie

2.3. Des civilisations inégales aux « antipodes moraux » de la civilisation française 3. La place des religions orientales dans une géographie chrétienne moralisatrice 4. La perception occidentale des villes orientales héritée du mythe des cités d’or CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

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TROISIEME PARTIE : LA GEOGRAPHIE POLITIQUE DE L’EXTREME-ORIENT : COMPREHENSION REELLE ET DISCOURS PRETEXTE

1. Les dirigeants de l’Extrême-Orient, des modèles et des repoussoirs 2. Des armées nombreuses mais inefficaces

3. Tous les pays d’Extrême-Orient ont-ils une histoire ? CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE

CONCLUSION GENERALE : L’EXTREME-ORIENT EN SYNTHESE BIBLIOGRAPHIE

1. Ouvrages généraux

2. Histoire de la géographie

3. Perception culturelle de l’Extrême-Orient en France 4. Société et idéologie française du siècle des Lumière 5. Histoire de l’Extrême-Orient

ANNEXES

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Introduction générale

Au XVIIIe siècle, l’Extrême-Orient est devenu un élément notable de la culture matérielle et littéraire des élites française. Depuis le siècle précédent, la Chine est présente dans les salons mondains que l’on décore de porcelaines et de meubles laqués1. Le goût pour l’Extrême-Orient au Siècle des Lumières ne se manifeste pas seulement dans la culture matérielle. Les échos des faits des missionnaires à l’autre bout du monde résonnent en France par le biais des Lettres édifiantes et curieuses. Des notables du XVIIIe siècle cherchent à s’évader et, à une époque où l’utopie et la littérature de voyage sont à la mode, ils trouvent dans la littérature de quoi satisfaire leurs désirs, en particulier avec l’Histoire générale des voyages. Cependant quelle est la frontière entre cet Orient rêvé et la réalité ? Les mythes peuvent prendre racines dans l’Extrême-Orient. On imagine le « bon sauvage » vivant heureux sur les rivages de la Cochinchine. L’image de la Chine idéalisée par les missionnaires gagne des teintes nouvelles dans les écrits des philosophes et des physiocrates qui y voient la société modèle à laquelle ils aspirent. Et ce Dalaï-Lama, souverain mystérieux à la tête d’un État théocratique perdu au-delà de montagnes inaccessibles ne serait-il pas le successeur lointain du fameux Prêtre Jean dont les Européens recherchent le Royaume depuis des siècles ? Si des produits asiatiques font partie du quotidien de certains notables, ce n’est pas pour autant que ces derniers ont une vision précise de l’Extrême-Orient qui n’est pour eux qu’une région très éloignée de la France et des enjeux politiques européens.

La connaissance géographique de l’Extrême-Orient est non seulement secondaire dans l’esprit des contemporains, mais ils ne conçoivent pas cet espace géographique comme tel. Le terme d’Extrême-Orient élaboré au XIXe siècle pour désigner l’Orient le plus lointain est anachronique dans la pensée des Lumières. Les géographes du XVIIIe siècle n’ont pas de termes pour désigner l’espace géographique étudié dans ce mémoire. Dans leur langage,

1. MARX Jacques, « De la Chine à la chinoiserie. Échanges culturels entre la Chine, l'Europe et les Pays-Bas méridionaux (XVIIe-XVIIIe siècles) » dans Revue belge de philologie et d'histoire, T. 85, fasc. 3-4, 2007, pp. 1751- 759

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« Orient2 »désigne un des quatre points cardinaux, celui qui indique la direction d’où le soleil se lève et que nous appelons de nos jours l’Est. Il ne désigne pas un espace géographique contrairement à « Occident3 » qui, à cette époque, peut être employé comme un synonyme d’Europe, le continent où le soleil se couche. Les contemporains du XVIIIe siècle, ne pouvaient donc ni employer, ni concevoir le terme d’Extrême-Orient. Le concept d’« Extrême-Orient4 » est apparu au siècle suivant avec l’expansion coloniale française. Il désigne l’Orient le plus lointain par opposition au Proche-Orient et au Moyen-Orient qui était alors sous domination ottomane. Il s’agit d’une expression strictement européenne, car elle désigne les régions les plus orientales de l’Asie du point de vue européen. Il n’existe donc pas de mot à cette époque englobant l’ensemble de l’espace géographique étudié dans ce mémoire si ce n’est « Asie », mais il s’agit d’un espace bien plus large que celui de cette étude de cas.

L’étude de la vision de cette région dans la pensée des Français du XVIIIe siècle se révèle toutefois intéressante car elle forme un ensemble atypique. L’Extrême-Orient dans ce mémoire doit être considéré dans une définition restreinte excluant les régions sous domination européenne telles que la Sibérie, les Philippines et les Indes néerlandaises qui n’ont pas de gouvernements pleinement autonomes et que les colons européens tentent d’acculturer à la civilisation occidentale. Il ne regroupe ici que les empires et royaumes indépendants : la Chine, le Japon, la Corée, le Tibet et les États de l’actuelle péninsule indochinoise5. En excluant les comptoirs commerciaux, cette région forme un ensemble d’États disparates indépendants de la domination d’une puissance européenne, dans laquelle les peuples sédentarisés ont développé une forme d’organisation politique, ce qui leur vaut de ne pas être considérés comme des sauvages par les Européens. Il s’agit aussi d’une région toujours en grande partie méconnue sur laquelle les Français qui n’ont pas de comptoirs implantés n’ont que très peu d’informations. Contrairement aux autres nations indépendantes telles que la Perse ou l’Empire ottoman sur lesquelles les Européens disposent de plus d’informations, l’Extrême-Orient est toujours relativement inexploré par les

2. DAINVILLE François de, Le langage des géographes, Paris, Éditions A. et J. Picard & Cie, 1964, p. 20 3. Ibid

4. FAURE Guy, Les mots de l’Asie : essai de terminologie géopolitique dans Mots, n°66, 2001, p. 10-11 5. Annexe 1 : Carte politique de l’Extrême-Orient en 1700

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Européens et peu de Français s’y rendent. Ces nombreuses singularités en font un espace à part du reste du monde dans la pensée européenne.

Les rares savoirs transmis sur l’Extrême-Orient d’après les écrits des missionnaires et des marchands sont exploités par les géographes qui s’en servent pour établir leurs cartes et leurs traités. Avec la philosophie des Lumières, l’heure est au rationalisme. Les géographes tentent de faire de leur discipline une science à part entière dotée de méthodes scientifiques et d’une rigueur cartésienne dans la continuité de la fin du siècle précédent. Néanmoins, la géographie reste dépendante des récits de voyages qui ne cessent d’élargir le monde connu et d’apporter un regard nouveau sur des régions lointaines. Les savoirs géographiques sont extraits de ces récits, mis en ordre et épurés des anecdotes dans les livres de géographie. De nouveaux centres d’intérêt émergent également. Grâce au naturalisme, la géographie physique voit le jour dans le sillage des travaux de Buffon et de Buache. De meilleurs relevés permettent aux cartographes de corriger et d’améliorer considérablement le tracé des cartes.

Toutefois, la géographie peine à devenir une science autonome et est encore considérée comme une science annexe de l’histoire qui apporte des éclaircissements6 sur l’espace dans lequel s’inscrivent les évènements.

Dans ce contexte, la géographie n’est pas considérée comme un enseignement prioritaire par rapport à l’histoire. Au début du XVIIIe siècle, la géographie n’est enseignée que par quelques ordres religieux tels que les jésuite et les oratoriens, et reste une matière très secondaire à l’université et au Collège de France7. Sa diffusion se fait par le biais de manuels de géographie, livres en format réduit qui cherchent à transmettre des connaissances essentielles. Sous le nom de Géographie, Méthode ou Description, des ouvrages se diffusent dans le marché du livre français. Dans ces manuels, les descriptions des pays du monde se succèdent les unes à la suite des autres selon un mode d’organisation standardisé. Ces ouvrages étant des synthèses, l’étude de l’Extrême-Orient dans les livres de géographie permet de connaître les connaissances qu’il était jugé essentiel de connaître sur cet espace géographique pour les élites cultivées.

6. NORDMAN Daniel, « La géographie, œil de l'histoire », dans Espaces Temps, n°66-67, 1998, p. 44-54 7. DAINVILLE François de, La géographie des humanistes, Genève, Slatkine Reprints, 2011, p. 493-495

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À travers l’étude des manuels de géographie, ce mémoire étudie quels savoirs sur les pays orientaux intéressaient et étaient jugés bon d’être transmis. Le discours sur l’ensemble de l‘Extrême-Orient est-il similaire pour chaque pays qu’il comporte ou aussi diversifié que cette région compte de d‘États ? Comme ce sont des livres de vulgarisation, ce mémoire analyse la manière dont les connaissances sur l’Extrême-Orient sont transmises. Le jugement porté sur les autres pays de l’Extrême-Orient est-il aussi positif que celui qui est porté sur la Chine ? Et les descriptions de l’Empire du Milieu sont-elles aussi mélioratives que dans les écrits des philosophes ? La géographie étant en évolution au cours du siècle, les livres de géographie sont-ils à jour des dernières découvertes de leur temps ? C’est à ces questionnements que ce mémoire essaye de répondre par le biais des manuels de géographie, ouvrages d’une qualité et d’une renommée variable délaissés des études historiques et géographiques.

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1. Historiographie

L’étude du discours et des connaissances sur l’Extrême-Orient au XVIIIe siècle se trouve à la croisée de plusieurs champs historiographiques : l’historiographie du XVIIIe siècle, de l’histoire du livre, de la perception de l’Orient par l’Occident, et celle de l’histoire de la géographie.

Les manuels de géographie ont été écrits et se sont diffusés au XVIIIe siècle. Le siècle des Lumières est une période d’effervescence intellectuelle, de production d’ouvrages philosophiques et littéraires mais aussi une période de remise en question et de contestation qui fait l’objet de beaucoup de recherches historiques sur les nombreuses questions qu’elle soulève en tant qu’époque de transition politique et idéologique à la fin de la période moderne. Le XVIIIe siècle a été étudié de façon générale ou de façon plus thématique sous l’angle politique, diplomatique, philosophique, religieux, artistique et littéraire dans un cadre national ou dans une perspective européenne.

Le thème qui retiendra ici notre attention est l’histoire du livre, champ historique dans lequel entre l’étude des manuels de géographie en tant que productions imprimées du XVIIIe siècle. Le livre imprimé qui n’était considéré essentiellement que dans sa dimension matérielle par des érudits et des collectionneurs devient un véritable objet d’étude historique au milieu du XXe siècle avec l’École des Annales8. À la suite de L’Apparition du livre (1958) de Henri-Jean Martin et de Lucien Febvre, publication révolutionnaire car abordant le livre imprimé sous son aspect économique et social, le rapport du livre à la société devient le socle d’un nouveau champ d’étude interdisciplinaire diversifié en de nombreuses sous-disciplines thématiques.

Les différentes phases du cycle de communication des productions écrites théorisées par Robert Darnton9, ont été étudiées au XVIIIe siècle, notamment par Daniel Roche qui dans Les Républicains des Lettres : gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle s’intéresse à la transmission des savoirs écrits de la création littéraire à la diffusion et à la réception des

8. BARBIER Frédéric, Histoire du livre en Occident, Paris, Armand Colin, 2012, p. 8

9. DARNTON Robert, « What is the history of books? », dans Cambridge, Daedalus n°111 (3), 1982, p. 65-83

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connaissances, et propose une analyse sociologique des élites lectrices du XVIIIe siècle.

L’histoire du livre en France au XVIIIe siècle est loin d’être un domaine historique exclusivement étudié par les historiens français. Un des principaux centres de publications sur cette thématique est la Voltaire Foundation, institution interdisciplinaire en lien avec l’université d’Oxford dirigeant la plus vaste collection de monographies sur le siècle des Lumières : la Oxford University Studies in the Enlightenment. Cette collection fondée en 1955 par le bibliographe Theodore Basterman, anciennement connue sous le nom de Studies on Voltaire and eighteenth century regroupe aujourd’hui plus de 600 publications dont un des seuls ouvrages sur un auteur d’une des sources étudiées dans le cadre de mémoire : Nicolas Lenglet Dufresnoy and the literary underworld of the ancien régime de Geraldine Sheridan paru en 1989. Le personnage de Nicolas Lenglet Dufresnoy, homme de livre et érudit français, est le seul géographe méthodiste auxquels des publications sont consacrées. Il fut étudié sous l’angle de la biographie par Géraldine Sheridan et dont l’œuvre littéraire a fait l’objet d’une analyse détaillée sous la direction de Claudine Poulouin et de Didier Masseau en 2011 avec Lenglet Dufresnoy entre ombre et Lumière.

Cependant, ce mémoire ne s’intéresse pas à toute la dimension économique et sociale autour des livres de géographie et le cœur de notre étude de cas reste centré sur la construction et l’analyse du contenu des textes sur l’Extrême-Orient avant l’aspect matériel de l’ouvrage. La perception de l’Orient par l’Occident a principalement été abordée sous l’angle des rapports entre ces deux régions, qu’ils soient des échanges culturels et commerciaux ou une compétition allant jusqu’au conflit armé, sur toutes les périodes historiques de l’Antiquité à nos jours dans de très nombreuses publications parfois controversées. La plus célèbre d’entre elles est sans conteste Orientalisme d’Edward Saïd (1978) considéré comme l’ouvrage fondateur des études post-coloniales. Dans cet essai, Saïd analyse le regard que les Occidentaux portent sur l’Orient et démontre que la façon dont nous considérons des peuples étrangers n’est jamais neutre et dépend, comme toujours en histoire, du contexte historique. Ce livre se concentre cependant sur le XIXe et le XXe siècle et, comme pour la majorité des recherches sur les relations entre l’Orient et l’Occident, sur le Proche- Orient. La question des relations entre l’Extrême-Orient et l’Occident au XVIIIe siècle fut largement analysée dans le domaine historique et littéraire par le biais des études sur les relations de voyage (entre autres par le Centre de Recherche sur la Littérature de voyage) et

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par le biais des études sur les écrits des missionnaires ou des philosophes notamment récemment dans des thèses focalisées sur un espace géopolitique comme L'image de l'empire de Chine sous la plume des voyageurs français des XVIIe et XVIIIe siècles (2006) par Zhin Min Bai ou Les représentations de la Chine en France et en Grande Bretagne au XVIIIe siècle par Yan Wang (2015).

Très peu de publications se sont intéressées à la transmission des savoirs encyclopédiques sur l’Extrême-Orient et presque aucun dans son intégralité. Il convient toutefois de mentionner quelques thèses récentes sur des espaces géopolitiques orientaux comme la thèse en lettre de Bruno Dubois intitulée Réalité et imaginaire, le Japon vu par le XVIIIème siècle français soutenue en 2012 dans laquelle l’auteur analyse l’image du Japon dans les écrits du siècle des Lumières avec une insistance sur ceux de Kaempfer, Charlevoix et des philosophes des Lumières ou la thèse en histoire China in European Encyclopaedias (1700- 1850) de Georg Lehner parue en 2011 qui fait état d’une façon exhaustive de l’ensemble des savoirs sur la Chine au XVIIIe siècle dans les encyclopédies anglaises, françaises et allemandes.

Aucune étude n’est pleinement consacrée aux manuels de géographie du XVIIIe siècle.

Seule la Méthode pour étudier la géographie a été examinée par Jean-François Thémines qui met en lumière l’organisation de la Méthode de Lenglet Dufresnoy10. En effet, ces nombreux petits ouvrages n’intéressent guère les géographes et les historiens de la géographie. En histoire de la géographie sur le XVIIIe siècle, plusieurs thèmes sont à l’honneur. Les grandes théories scientifiques du siècle de Lumière et les méthodes scientifiques des géographes ont été observées plus récemment par un collectif sous la direction de Jean-Marc Besse, Hélène Blais et Isabelle Surun11 et par J. Glacken dans son Histoire de la pensée géographique12 mais ce qui reste le plus étudié est la cartographie. La cartographie constitue aussi un objet d’étude à l’honneur, examinée notamment par les nombreux travaux de Monique Pelletier13. Les manuels de géographie ne constituent pas un centre d’intérêt majeur pour des historiens de

10. THÉMINES Jean-François, « Lenglet Dufresnoy géographe ? » dans Lenglet Dufresnoy entre ombre et lumières, POULOIN Claudine, MASSEAU Didier (dir.), Paris, Honoré Champion, n°155, 2011, p. 227-250

11. BESSE Jean-Marc, BLAIS Hélène, SURUN Isabelle (dir.), Naissances de la géographie moderne (1760-1860), Lieux, pratiques et formation des savoirs de l’espace en France, Lyon, ENS éditions, 2010

12. GLACKEN Clarence J., Histoire de la pensée géographique - volume 4 : Culture et environnement au XVIIIe siècle, Paris, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2002

13. http://production-scientifique.bnf.fr/CV/pelletier-monique

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la discipline géographique désireux d’observer la structuration de la géographie en tant que science au XVIIIe siècle, car ces livres qui se veulent des synthèses de connaissances n’ont pas apporté d’élément qui ait permis à la géographie de devenir une discipline scientifique autonome. Les manuels de géographie généraux du XVIIIe siècle sont donc dans l’ombre de l’étude des travaux sur la construction de la géographie en tant que discipline scientifique à part de l’histoire et dans l’ombre des travaux des grands géographes et des cartographes du roi auxquels de nouvelles publications historiques sont régulièrement consacrées.

Seuls les deux historiens qui sont considérés comme des figures incontournables de l’histoire de la géographie française à l’époque moderne ont étudié les manuels de géographie de façon générale et non en se concentrant sur un ouvrage en particulier : François de Dainville et Numa Broc. Ils se connaissaient tous deux et ont écrit chacun une thèse majeure d’histoire de la géographie : La Géographie des humanistes (1963) pour François de Dainville et La Géographie des philosophes (1972) pour Numa Broc qui se veut une suite de la première.

Ce sont les seuls travaux exhaustifs sur l’ensemble des aspects recouverts par la géographie française sur une période de l’Ancien Régime, respectivement les XVI et XVIIe siècles et le XVIIIe siècle, ce qui en fait des ouvrages de référence incontournables pour tout historien de la géographie sur cette période et donc également pour ce mémoire, en particulier La Géographie des philosophes.

François de Dainville et Numa Broc se sont cependant concentrés plus sur la structure et l’organisation du discours des manuels de géographie que sur leur propos en lui-même^, dont ils ne donnent que la teneur générale. Alors que l’essentiel des travaux sur la vision de l’Extrême-Orient en France au XVIIIe siècle se concentre sur les relations de voyages et les écrits des philosophes, ce mémoire propose une étude de la perception de cette région par le biais de ces sources méconnues qui tentent de transmettre non pas un récit sur l’Extrême- Orient mais des connaissances « rationnelles » sur cet espace.

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2. État des sources

Ouvrages de géographie généraux

MARTINEAU DU PLESSIS D., Nouvelle géographie, ou Description exacte de l'univers : tirée des meilleurs auteurs tant anciens que modernes, & principalement de Mre. de l’académie royale des Sciences, de Sanson, de Blaeu, Briet, du Val, Cluvier, Baudrand, & autres. Enrichië d’un très grand-nombre de Cartes, & de figures des nations. Ouvrage très utile à ceux qui veulent avoir une parfaite connoissance de l’Estat present du Monde, & de ses parties, suivant les dernieres découvertes, Amsterdam, G. Gallet, 1700

LA CROIX, Antoine Phérotée de, Nouvele metode pour aprendre la geographie universele enrichie de cartes, armoiries, figures des nations, & de plusieurs tables cronologiques. Seconde edition, augmentée de plusieurs choses remarquables, & de dix-huit cartes, qui representent les gouvernemens & frontieres de France, Lyon, Rigaud, 1705

LENGLET DUFRESNOY Nicolas, Méthode pour étudier la géographie ; dans laquelle on donne une description exacte de l’univers, tirée des meilleurs auteurs et formées sur les observations de Messieurs de l’Académie royale des sciences, avec un discours préliminaire sur l’étude de cette science, & un catalogue des cartes géographiques, des relations, voyages & description les plus necessaires pour la geographie, Paris, C.-E. Hochereau, 1716

BUFFIER Claude, Géographie universele, exposée dans les différentes métodes qui peuvent abréger l'étude & faciliter l'usage de cette sience, avec le secours des vers artificiels, par le P.

Buffier, de la Compagnie de Jesus. Quatrieme Edition, revue corrigée & augmentée des changemens de domination arivés récemment dans les Etats de l’Europe ; 2° d’une préface sur la Métode d’aprendre la Géographie, & sur les livres faits à ce sujet, 3° d’une table des noms de pays en françois & en latin avec leurs dégrés de longitude et de latitude pour les trouver d’un coup sur la carte. Paris, F.-P. Giffart, 1729

LENGLET DUFRESNOY Nicolas, Geographie des enfans, ou Méthode abregée de la géographie.

Divisée par leçons ; avec la liste des cartes nécessaires aux enfans, Paris, Rollin & fils, 1736

PHILIPPE DE PRÉTOT Étienne-André, Essai de géographie pour les commençans, divisé en trois parties, Paris, Thiboust, 1744

HUBNER Johan, La géographie universelle où l’on donne une idée abrégée des quatre parties du monde et des différens lieux qu’elles renferment, Bâle, J.-R. Im-Hoff, 1746

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LENGLET DUFRESNOY Nicolas, Méthode abrégée et facile pour apprendre la géographie où l’on décrit la forme du gouvernement de chaque pays, ses qualités, les mœurs de ses habitans,

& ce qu’il y a de plus remarquable. Avec un abrégé de la sphere, & une table de longitude &

latitudes des principales villes du monde, conforme aux dernieres observations de Messieurs de l’Académie des Sciences, des RR. PP. Jésuites, & autres astronomes. Nouvelle Edition, revûe, corrigée & augmentée, Paris, Despilly, 1751

NICOLLE DE LACROIX Louis-Antoine, Géographie moderne. précédée d’un petit traité de la sphère & du globe : ornée de traits d’histoire naturelle & politique ; & terminée par une Géographie sacrée, & une Géographie Ecclésiastique, où l’on trouve tous les Archevêchés &

Evêchés de l’Eglise catholique, & les principaux des Églises Schismatiques. Avec une table des longitudes & latitudes des principales villes du monde, & une autre des noms de lieux contenus dans cette géographie par M. l’Abbé Nicolle de La Croix, Nouvelle Édition, revue, corrigée, &

considérablement augmentée, Paris, J.-T. Herissant, 1752

VAISSETTE Joseph, Géographie historique, ecclésiastique et civile, ou Description de toutes les parties du globe terrestre, enrichie de cartes géographiques, Paris, Desaint & Saillant, J.-T.

Herissant, J. Barois, 1755

NICOLLE DE LACROIX Louis-Antoine, Géographie moderne. précédée d’un petit traité de la sphère & du globe : ornée de traits d’histoire naturelle & politique ; & terminée par une Géographie sacrée, & une Géographie Ecclésiastique, où l’on trouve tous les Archevêchés &

Evêchés de l’Eglise catholique, & les principaux des Églises Schismatiques. Avec une table des longitudes & latitudes des principales villes du monde, & une autre des noms de lieux contenus dans cette géographie par M. l’Abbé Nicolle de La Croix, Nouvelle Édition, revûe, corrigée, &

considérablement augmentée, Paris, J.-T. Herissant, 1758

NICOLLE DE LACROIX Louis-Antoine, Géographie moderne. précédée d’un petit traité de la sphère & du globe : ornée de traits d’histoire naturelle & politique ; & terminée par une Géographie sacrée, & une Géographie Ecclésiastique, où l’on trouve tous les Archevêchés &

Evêchés de l’Eglise catholique, & les principaux des Églises Schismatiques. Avec une table des longitudes & latitudes des principales villes du monde, & une autre des noms de lieux contenus dans cette géographie par M. l’Abbé Nicolle de La Croix, Nouvelle édition revue par J. L.

Barbeau de la Bruyère, Paris, Deladain, 1773

MENTELLE Edme, Choix de lectures géographiques et historiqes. Présentées dans l’ordre qui a paru le plus propre à faciliter l’étude de la géographie de l’Asie, de l’Afrique & de l’Amérique.

Précédé d’un abrégé de géographie, avec des cartes, Paris, Mentelle, 1783

MENTELLE Edme, La géographie enseignée par une méthode nouvelle, ouvrage destiné aux Écoles centrales avec neuf cartes enluminées par Edme Mentelle, membre de l’Institut national, et professeur aux Écoles centrales du Département de Seine. Troisième édition.

Corrigée et considérablement augmentée, Paris, Edme Mentelle, 1797

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Ouvrages éducatifs pour jeunes filles

FROMAGEOT Pierre, Cours d’études des jeunes demoiselles., ouvrage non moins utile aux jeunes-gens de l’autre sexe, & pouvant servir de complément aux études des collèges ; avec des cartes pour la géographie, & des planches en taille-douce pour le blason, l’astronomie, la physique & l’histoire-naturelle., Paris, P. Vincent, J. Prault, L.-F. Lacombe, 1772-1775

PANCKOUCKE André-Joseph, Les Etudes convenables aux demoiselles, contenant la grammaire, la poésie, la rhétorique, le commerce des lettres, la chronologie, la géographie, l'histoire, la fable héroïque, la fable morale, les règles de la bienséance, et un court traité d'arithmétique, ouvrage destiné aux jeunes pensionnaires des communautés et maisons religieuses, Paris, Tilliard, 1773

Autres sources consultées

CHARLEVOIX Pierre François-Xavier de, Histoire et description générale du Japon où l’on trouvera tout ce qu’on a pu apprendre de la nature & des productions du pays, du caractere &

des coûtumes des habitans, du gouvernement & du commerce, des révolutions arrivées dans l’Empire & dans la Religion ; et l’examen de tous les auteurs qui ont écrit sur le même sujet avec les fastes chronologiques de la découvertes du Nouveau Monde enrichie de figures en taille-douce par le P. de Charlevoix, de la Compagnie de Jésus, 1754

DU HALDE Jean-Baptiste, Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l'Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, Paris, P. G. Le Mercier, 1735

GAUBIL Antoine, Traité de la chronologie chinoise, divisé en trois parties ; par le père Gaubil, missionnaire en Chine, et publié pour servir de suite aux mémoires concernant les Chinois par M. Silvestre de Sacy, Paris, Treuttel et Würtz, 1814

KAEMPFER Engelbert, Histoire naturelle, civile et ecclesiastique de l’Empire du Japon composée en allemand par Engelbert Kæmpfer, docteur en médecine à Lemgow & traduite en françois sur la version angloise de Jean-Gaspar Scheuchzer, membre de la Société roiale, & du College des médecins, à Londres. Ouvrage enrichi de quantité de figures dessinées d’après le naturel par l’auteur même, La Haye, P. Gosse, J. Neaulme, 1729

VOLTAIRE, Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Garnier, 1883

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Il fut dès le départ envisagé de procéder à un traitement sériel pour pouvoir observer les constantes et les variations sur le discours tenu sur l’Extrême-Orient. Comme les ouvrages de géographie français du XVIIIe siècle étaient trop nombreux pour être étudiés dans le cadre d’un Master 1, j’ai procédé à une sélection pour constituer un corpus cohérent dont l’enjeu était de restituer un aperçu qui soit le plus fidèle possible du discours tenu sur l’Extrême- Orient et de son évolution sur la période au sein d’une culture géographique assez large pour non-spécialistes.

J’ai premièrement recensé l’ensemble des ouvrages de géographie français écrits entre 1700 et 1800 qui étaient numérisés et consultables en ligne principalement sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France, mais aussi sur e-rara, la plateforme de mise en ligne des imprimés du XVe au XXe siècle des bibliothèques suisses, ainsi que sur Google Livres, le service de consultation de livres numérisés. À partir de cette liste initiale, j’ai retranché l’ensemble des atlas, de façon à n’étudier que le discours tenu sur l’Extrême-Orient dans les ouvrages de géographie et non la représentation géographique de cet espace. Dans certains atlas, un commentaire accompagne la carte et détaille la région présentée mais ce commentaire seconde la représentation de la carte alors qu’à l’inverse, dans les manuels de géographie c’est la carte qui complète le texte lorsqu’elle est présente.

Une fois cette sélection initiale effectuée, j’ai consulté le contenu des différents ouvrages afin de ne garder que ceux qui développaient un véritable discours sur l’Extrême-Orient. Je n’ai ensuite gardé que les ouvrages de géographie généraux au détriment des quelques livres de géographie centrés uniquement sur l’Asie ou sur une région de l’Extrême-Orient en particulier qui étaient trop peu nombreux, ne permettant pas de faire une étude sérielle et dont le discours beaucoup plus détaillé s’éloignait de celui des ouvrages de vulgarisation. J’ai ajouté deux ouvrages éducatifs généraux destinés aux jeunes filles comportant des cours de géographie au corpus des sources : Cours d’études des jeunes demoiselles (1772-1775) de Pierre Fromageot et Les Études convenables aux demoiselles (1773) d’André-Joseph Panckoucke pour également analyser les savoirs transmis aux jeunes filles sur l’Extrême- Orient et observer les variations au niveau du discours. Dans l’idéal, j’ai toujours recherché à consulter l’édition la plus ancienne qui était disponible pour être au plus près de la pensée de l’auteur, l’écrit étant inscrit dans un contexte et les éditions ultérieures largement tributaires de la première édition. Il restait alors près d’une quinzaine d’ouvrages que je n’ai pas eu le temps de tous analyser avec la même insistance.

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Le XVIIIe siècle s’ouvre avec la Nouvelle géographie ou Description exacte de l’Univers (1700) de D. Martineau du Plessis, auteur méconnu dont on ne sait que peu de choses si ce n’est qu’il s’agit d’un huguenot14 natif de Fontenay-le-Comte, réfugié et installé à Amsterdam où il écrivit sa Géographie15. À bien des égards, cet ouvrage en trois volumes in-12, forme une référence pour tous les géographes du XVIIIe siècle qui s’inspirèrent de sa forme et de son propos qu’ils recopièrent impunément en partie ou dans son intégralité. La Géographie universelle de Martineau du Plessis rencontra dans un premier temps un succès limité en France et resta un ouvrage méconnu dans les dix-sept années qui suivirent sa parution, car l’ouvrage fut imprimé dans une mauvaise qualité et l’auteur était inconnu. C’est Lenglet Dufresnoy, qui en le plagiant quelques années plus tard, lui fit sa réputation en France16.

La Méthode pour étudier la Géographie de l’abbé Nicolas Lenglet Dufresnoy (1674- 1755) rééditée à quatre reprises (1715-1718, 1736, 1742 et 1768), déclinée en format abrégé en 1751 et traduite en allemand, en italien et en anglais17 est probablement l’ouvrage de géographie français le plus célèbre du XVIIIe siècle. Son auteur est une figure complexe et romanesque qui évolua dans l’ombre du siècle des Lumières. À travers ses voyages en Europe, il exerça sous le sacerdoce de nombreuses activités parfois interlopes telle que l’espionnage, mais il s’agit avant tout d’un homme des livres et toute sa vie gravite autour de ce média. Loin de se restreindre à la géographie, cet érudit écrivit aussi des ouvrages littéraires et d’histoire dont une Méthode pour étudier l’histoire, non moins célèbre que son manuel de géographie.

En termes de du contenu, la première édition de la Méthode pour étudier la Géographie n’apporte rien de nouveau par rapport à l’ouvrage de Martineau du Plessis. À sa sortie, Lenglet Dufresnoy fut encensé par la critique du journal Mémoires du Trévoux qui était à l’époque

14. SHERIDAN Géraldine, Lenglet Dufresnoy and the literary underworld of the ancien régime, Oxford, The Voltaire Foundation, 1989, p. 74

15. MARTINEAU DU PLESSIS D., Nouvelle géographie, ou Description exacte de l'univers : tirée des meilleurs auteurs tant anciens que modernes, & principalement de Mre. de l’académie royale des Sciences, de Sanson, de Blaeu, Briet, du Val, Cluvier, Baudrand, & autres. Enrichië d’un très grand-nombre de Cartes, & de figures des nations. Ouvrage très utile à ceux qui veulent avoir une parfaite connoissance de l’Estat present du Monde, & de ses parties, suivant les dernieres découvertes [sic], Amsterdam, G. Gallet, 1700, T. I préface (non paginée) 16. SHERIDAN Géraldine, Lenglet Dufresnoy and the literary underworld of the ancien régime, op. cit., 1989, p.

74

17. THÉMINES J.-F, « Lenglet Dufresnoy géographe ? », op. cit., 2011, p. 227

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tenue par son ami le père René Tournemine18. Après novembre 1717, quand le plagiat fut découvert, Lenglet Dufresnoy eut beau tenter de se défendre par lettre, il fut par la suite considéré comme un copieur et due se résoudre à mentionner le nom de Martineau du Plessis dans les éditions ultérieures. Même s’il affirme avoir procédé à quelques changements, il n’a en réalité fait essentiellement fait que qualifier les protestants d’« hérétiques » pour se distinguer de Martineau du Plessis19 par rapport auquel, son apport majeur est son introduction : un long Discours sur l’étude de la géographie de 136 pages20. Tout au long de sa Méthode, Lenglet Dufresnoy donne les moyens au lecteur qui le souhaite de compléter ses recherches notamment en lui indiquant des cartes et des dictionnaires géographiques qu’il recommande. La Méthode peut se satisfaire d’elle-même ou être complétée. Il s’agit d’un des rares ouvrages de cette époque doté d’un appareil bibliographique renvoyant à d’autres auteurs.

À côté des ouvrages de Lenglet Dufresnoy et de Martineau du Plessis, modèles pour les géographes méthodistes, une autre Méthode s’imposa, non pas comme un modèle mais comme un contre-modèle : la Nouvele Metode pour aprendre la geographie universelle [sic]

en cinq volumes in-12 écrite par Antoine Phérotée de La Croix (vers 1640-1715), un professeur lyonnais de mathématiques et de langue française. Ce manuel dont la seconde édition parue en 1705 est plus célèbre que la première de 1690 est chargée de fautes et d’erreurs ce qui en fait le livre de géographie le plus décrié de son siècle. Les principaux auteurs du siècle affirment dans leur préface ne pas avoir suivi cette « compilation très imparfaite21 » pour s’en démarquer.

Le milieu du XVIIIe siècle est marqué par la parution d’ouvrages plus denses et plus complets que ceux du début du siècle dont ils s’inspirent. Ils sont aussi plus complets sur

18. SHERIDAN Géraldine, Lenglet Dufresnoy and the literary underworld of the ancien régime, op. cit., 1989, p.

75

19. Ibid, p. 74

20. LENGLET DUFRESNOY Nicolas, Méthode pour étudier la géographie ; dans laquelle on donne une description exacte de l’univers, tirée des meilleurs auteurs et formées sur les observations de Messieurs de l’Académie royale des sciences, avec un discours préliminaire sur l’étude de cette science, & un catalogue des cartes géographiques, des relations, voyages & description les plus necessaires pour la geographie, Paris, C.-É. Hochereau, 1716, T. I p.

I-CXXXVI

21. Ibid, T. I p. XXI

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20

l’Extrême-Orient, bénéficiant de plusieurs parutions récentes comme la Description de la Chine de Du Halde et l’Histoire naturelle, civile et ecclésiastique de l'Empire du Japon de Kaempfer22.

Ce tournant est initié en 1746 par la parution en français en quatre volumes in-8 de la Géographie universelle de Johan Hubner (1668-1731), un professeur d’histoire et de géographie au lycée de Hambourg23. Le grand succès de cet ouvrage initialement paru en 1719 dans le monde germanique motiva le libraire-éditeur suisse Jean-Rodolphe Im-Hoff à en traduire la septième édition allemande en français24. Il garantit que le livre a été traduit le plus fidèlement possible et que quelques augmentations ont été opérées pour compléter sur les régions où l’auteur s’était montré le plus lacunaire mais il ne précise pas lesquelles25. Ces modifications ont au moins été faites à partir de Lenglet Dufresnoy qui est fréquemment cité dans le corps de texte (« suivant l’abbé Langlet »). Il est également très probable que des changements aient été opérés dans l’édition française sur les passages concernant la religion réformée car Hubner était protestant. Certains toponymes n’ont pas été traduits de l’allemand, en particulier ceux des pays les plus lointains. Dans son contenu, cet ouvrage qui s’appuie sur des sources allemandes expose des anecdotes différentes des autres manuels de géographie de son temps. Selon Voltaire, la Géographie Universelle d’Hubner était l’ouvrage de géographie le plus commun d’Europe, avec lequel on apprenait aux enfants la géographie de la Rhénanie à la Moscovie26. Cependant, pour le philosophe des Lumières, il s’agit d’un catalogue d’erreurs et il s’estime heureux de voir que « malgré tant d’absurdités, la géographie se perfectionne sensiblement dans notre siècle27 ».

La Géographie moderne de l’abbé Louis-Antoine Nicolle de Lacroix (1704-1760) est le manuel de géographie qui rencontra le plus grand succès de tout le XVIIIe siècle. Il fut réédité successivement en 1748, 1752 et 1758 du vivant de son auteur, et après la mort de celui-ci,

22. Voir p. 36

23. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb123667535

24. HUBNER Johan, La géographie universelle où l’on donne une idée abrégée des quatre parties du monde et des différens lieux qu’elles renferment [sic], Bâle, J.-R. Im-Hoff, 1746, préface

25. Ibid

26. VOLTAIRE, Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Garnier, 1883, T. I p. 254 27. Ibid, 1883, T. I p. 254-256

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21

encore 11 fois entre 1761 et 183028, soit quatorze fois ! Sa qualité reconnue et son petit format (deux volumes in-12) ont fait son succès. Le souhait de l’abbé Nicolle de Lacroix était de composer une géographie qui restitue l’image la plus fidèle du monde contemporain29. Les principales actualisations concernent les dernières découvertes en Amérique30. Néanmoins, même si les corrections et les ajouts sont notables au fil des éditions, les dernières restent tributaires des premières ce qui limita l’actualisation des connaissances au regard de l’ensemble de l’ouvrage. Il continua d’être mis à jour après la mort de Nicolle de Lacroix notamment par le géographe Jean-Louis Barbeau de la Bruyère (1710-1781). Pour Vaissette, l’abrégé de géographie de Nicolle de La Croix est « sans contredit le meilleur de ceux qui ont été donnés sur la Géographie31 ».

Joseph Vaissette (1785-1756), historien et moine bénédictin français de la congrégation de Saint-Maur, est l’auteur de l’ouvrage de géographie le plus dense du siècle des Lumières : la Géographie historique, ecclésiastique et civile, ou Description de toutes les parties du globe terrestre. Ce manuel très exhaustif est une véritable compilation de tous les ouvrages de géographie de la première moitié du XVIIIe siècle, enrichi par la consultation de cartes et de lectures périphériques ; il est paru à la fois en quatre volumes in-4 et en douze volumes in-12 en 1755. En plus de son exhaustivité, Vaissette, héritier des méthodes d’analyse des documents de Jean Mabillon, se distingue des autres auteurs par sa démarche critique rigoureuse. Cet ouvrage resta cependant méconnu, car il formait à lui seul une véritable collection qui n’était accessible qu’à un public très aisé.

L’Essai de géographie pour les commençans [sic] du géographe Étienne André Philippe, dit Philippe de Prétot (1710-1787) tomba lui aussi dans l’oubli. Derrière un titre très classique, ce petit volume in-8 paru en 1744 est en réalité un ouvrage particulier qui s’attarde sur ce qu’il

28. Après la mort de Nicolle de La Croix, la Géographie moderne fut rééditée en 1761, en 1766, en 1769, en 1773, en 1780, en 1786, en 1800, en 1806, en 1812, en 1817 et en 1830.

29. NICOLLE DE LACROIX Louis-Antoine, Géographie moderne. précédée d’un petit traité de la sphère & du globe : ornée de traits d’histoire naturelle & politique ; & terminée par une Géographie sacrée, & une Géographie Ecclésiastique, où l’on trouve tous les Archevêchés & Evêchés de l’Eglise catholique, & les principaux des Églises Schismatiques. Avec une table des longitudes & latitudes des principales villes du monde, & une autre des noms de lieux contenus dans cette géographie par M. l’Abbé Nicolle de La Croix, Paris, J.-T. Herissant, 1752, T. I p. II 30. BROC Numa, La Géographie des philosophes, géographes et voyageurs français au XVIIIe siècle, Lille, Université de Lille III, 1972, p. 322

31. VAISSETTE Joseph, Géographie historique, ecclésiastique et civile, ou Description de toutes les parties du globe terrestre, enrichie de cartes géographiques, Paris, Desaint & Saillant, J.-T. Herissant, J. Barrois, 1755, T. I p. III

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qualifie de « merveilles » ou « curiosités » naturelles qui occupent une place très importante dans la description des pays européens et sont presque la seule chose qu’il évoque sur les pays de l’Extrême-Orient.

À la fin du XVIIIe siècle, le géographe dont les ouvrages sont les plus populaires est Edme Mentelle (1730-1815). Celui-ci fut sous l’Ancien Régime professeur de géographie à l’Ecole militaire de Paris, puis - à sa formation en 1795 - professeur à l’école centrale du Panthéon (actuel lycée Henry IV)32. Il publia de nombreux ouvrages dont deux, assez singuliers dans leur forme ont été étudiés dans ce mémoire. Le premier d’entre eux, Choix de lecture géographique (1783), a été conçu de façon à se distinguer des autres ouvrages de son temps33. Dans ce manuel, il désire avant tout mettre en avant de nombreuses anecdotes de

« voyageurs ». Il diffère des autres livres de géographie de son temps car il ne reprend pas leur organisation standardisée et n’aborde que la géographie du monde extra-européen car Mentelle jugeait avoir déjà assez traité de l’Europe dans sa Géographie comparée34. En réalité, ce que Mentelle cherche à faire à travers cet ouvrage en six volumes in-8, c’est exprimer ses idées rousseauistes et physiocratiques en prenant prétexte de disserter sur des pays lointains.

Sa description de la Chine, par exemple, n’est pas tirée de récits de voyageurs mais du Despotisme de la Chine de François Quesnay.

Bien que le comte d’Artois ait été le mécène de Mentelle sous l’Ancien Régime, cet ami de Brissot et ce proche de Mirabeau embrassa la Révolution française au côté des girondins35. Il rédige alors un autre manuel de géographie particulier : La géographie enseignée par une méthode nouvelle, petit volume in-12 qui fut fréquemment réédité sous la Révolution et l’Empire (en 1791, 1795, 1797, 1799, 1804 et 1813). Lors de la formation de l’École Normale à Paris, il est chargé de la mise en place du programme de géographie. À la demande du comité d’instruction publique, son ouvrage fut revu pour être diffusé dans les écoles primaires

32. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12001105p

33. MENTELLE Edme, Choix de lectures géographiques et historiqes [sic]. Présentées dans l’ordre qui a paru le plus propre à faciliter l’étude de la géographie de l’Asie, de l’Afrique & de l’Amérique. Précédé d’un abrégé de géographie, avec des cartes, Paris, E. Mentelle, 1783, Élément de géographie p. I-IV

34. Ibid, Élément de géographie p. XII

35. HEFFERNAN Michael « Edme Mentelle’s geographies and the French revolution», LIVINGSTONE David N., WITHERS Charles W. J. (dir), Geography and French Revolution, Chicago, University of Chicago Press, 2005, p.

273-303

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23

républicaines en 179536. Il s’agit aussi d’un manuel plus original dans la mise en forme de son propos. Les connaissances du monde présentées dans l’ouvrage sont organisées par cercles concentriques, le premier étant le département du Cher, le deuxième les départements du centre de la France, le troisième les départements périphériques français, le quatrième l’Europe et le dernier le reste du monde. Il témoigne du recentrement de l’intérêt autour de la France sous la Révolution française. Dans cette géographie révolutionnaire, le reste du monde occupe une place très faible.

Certains manuels grands publics peuvent servir aux enfants, pour lesquels il existe aussi une production spécifique de manuels de géographie. Ils diffèrent des ouvrages de géographie classiques car ils sont divisés en leçons et le propos est rédigé sous forme de questions-réponses, méthode alors courante en vigueur dans les manuels depuis 168437. Leur propos est très allégé et on trouve moins d’anecdotes que dans les autres ouvrages. Ils ne font aussi jamais plus d’un volume in-12.

Les deux méthodes de géographie pour enfants les plus célèbres du XVIIIe siècle sont la Géographie universele, exposée dans les différentes métodes qui peuvent abréger l'étude &

faciliter l'usage de cette sience [sic] de Claude Buffier (1661-1737) et la Géographie des Enfans ou Méthode abrégée pour apprendre la géographie [sic] de Lenglet Dufresnoy rééditées respectivement onze et neuf fois durant tout le XVIIIe siècle. En pédagogue, Buffier est véritablement le seul géographe méthodiste qui disserte de méthode dans son introduction.

Son manuel est l’aboutissement d’une réflexion sur la façon d’enseigner la géographie. Pour lui, il n’est pas question de s’attarder sur trop d’anecdotes historiques ou d’énoncer les bornes qui encadrent les différents pays alors qu’un simple coup d’œil sur une carte peut donner cette information38. Ses questions sont formulées de manière à donner des éléments de

36. Ibid, p. 293

37. TRÉNARD Louis, « Manuels scolaires au XVIIIe siècle et sous la Révolution » dans Revue du Nord, T. 55, n°217, 1973, p. 100

38. BUFFIER Claude, Géographie universele, exposée dans les différentes métodes qui peuvent abréger l'étude &

faciliter l'usage de cette sience, avec le secours des vers artificiels, par le P. Buffier, de la Compagnie de Jesus.

Quatrieme Edition, revue corrigée & augmentée des changemens de domination arivés récemment dans les Etats de l’Europe ; 2° d’une préface sur la Métode d’aprendre la Géographie, & sur les livres faits à ce sujet, 3° d’une table des noms de pays en françois & en latin avec leurs dégrés de longitude et de latitude pour les trouver d’un coup sur la carte [sic], Paris, F.-P. Giffart, 1729, p. VI-VIII

(24)

24

réponses pour faciliter l’apprentissage39. Il utilise les vers comme moyen mnémotechnique et a composé des alexandrins pour faciliter l’apprentissage tels que : « L’Empire de la Chine a pour ville Pékin ; Kanton port fréquenté, puis l’immense Nankin ; la Presqu’île de Corée40 » ou

« Maldives, Ceilan, Sonde & Moluques encor, Philipines, Larons, & Japon vers le Nord41 » sur les îles de l’Asie. Ces moyens « poétiques » ne l’empêchent cependant pas de faire de l’apprentissage des divisions administratives un objectif fondamental, que l’on retrouve aussi avec beaucoup plus d’insistance dans la Géographie des Enfans. Celle-ci est une forme simplifiée de la Méthode pour apprendre la géographie. L’ouvrage est découpé en 48 leçons qui chacune doit occuper une demi-heure selon Lenglet Dufresnoy42. La Géographie des Enfans ne joue pas sur les moyens mnémotechniques comme la Géographie universele. Au contraire, elle insiste surtout sur la nomination et le placement sur la carte des pays, des régions et des grandes villes du monde et devait être plus difficile à mémoriser au vu du grand nombre de nomenclatures à retenir.

La géographie occupe une place secondaire dans les manuels d’éducation généraux pour jeunes filles (16% des Etudes convenables aux demoiselles (1773)43 de Panckoucke et 11% des Cours d’études pour jeunes demoiselles (1772-1775) de Fromageot). La géographie, alors science annexe de l’histoire ne vient que seconder l’apprentissage de cette dernière qui est le savoir fondamental (42% et 89% des mêmes ouvrages). L’éducation des femmes progresse au XVIIIe siècle mais n’a aucune finalité professionnelle44. C’est surtout pour bien paraître en société que la géographie est jugée importante à savoir pour une jeune fille :

« Ces diamans dont vous vous parez, ces étoffes précieuses qui servent à vous vêtir,

& que les négocians vont chercher avec tant de peines au-delà des mers ; ces épiceries qui sont les productions d’un climat éloigné du nôtre, & qui sont chez nous d’un usage journalier ; ces mousselines auxquelles vous ajoûtez, pour les distinguer des nôtres, le nom du pays d’où elles viennent, sont des occasions mille fois répétées

39. Ibid, p. VIII-IX 40. Ibid, p. 304 41. Ibid, p. 298

42. LENGLET DUFRESNOY N., Méthode pour étudier la géographie…, op. cit., 1736, p. IV

43. Annexe 2 : Tableau et graphiques exposant le contenu des Études convenables aux jeunes demoiselles d’André-Joseph Panckoucke (1773 [3 ed.]), ainsi que la part de la description des différentes régions du monde et la part de chaque région de l’Extrême-Orient dans la partie consacrée à la géographie

44. GODINEAU Dominique, Les femmes dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2015, p.

210-215

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25

de parler des pays étrangers ; & il est toujours humiliant ou d’être obligé de se taire par ignorance, ou de faire des questions qui la décélent45 ».

Cependant, les ouvrages de géographie pour jeunes filles ne présentent aucune originalité. L’abbé Pierre Fromageot (1738-1794) consacre le premier des huit tomes de ses Cours d’études pour jeunes demoiselles à la géographie. Ce qu’il expose est pour l’essentiel un plagiat de la Méthode pour étudier la Géographie. La partie sur la géographie dans Les Etudes convenables aux demoiselles d’André-joseph Panckoucke - parues en 1749 et rééditées en 1755, en 1773 et en 1809 - n’est quant à elle qu’un abrégé de géographie.

Bien que le propos de ces ouvrages ait une forme assez semblable, il y a des diversités dans les informations transmises selon les choix personnels des géographes méthodistes même si leur objectif premier à tous reste la transmission de savoirs géographiques généraux.

L’étude de cette diversité d’ouvrages permet d’observer les informations jugées incontournables et, à l’inverse, celles qui ne relèvent que d’un intérêt personnel de l’auteur ou de son accès à une source d’information différente des autres auteurs. Elle permet aussi d’étudier les différentes méthodes de transmission de l’information et leur variation sur le propos des ouvrages. Analyser des sources s’étalant sur l’ensemble du XVIIIe permet également d’analyser les différentes évolutions générales et les points communs des contenus selon les différentes périodes du siècle.

45. FROMAGEOT Pierre, Cours d’études des jeunes demoiselles., ouvrage non moins utile aux jeunes-gens de l’autre sexe, & pouvant servir de complément aux études des collèges ; avec des cartes pour la géographie, & des planches en taille-douce pour le blason, l’astronomie, la physique & l’histoire-naturelle, Paris, P. Vincent, J. Prault, L.-F. Lacombe, 1772-1775, T. I p. 4

(26)

26

3. Méthode d’exploitation des sources

Les ouvrages du corpus de sources ont été exploités selon deux méthodes différentes.

9 ouvrages ont été choisis et fait l’objet d’une analyse détaillée avec une grille de lecture : - Nouvelle géographie, ou Description exacte de l'univers… de Martineau du Plessis

(1700)

- Nouvele metode pour aprendre la geographie universele… de La Croix (1705, 2e édition) - Géographie universele… de Buffier (1729, 4e édition)

- Geographie des enfans… de Lenglet Dufresnoy (1736)

- Essai de géographie pour les commençans… de Philippe de Prétrot (1744) - La géographie universelle… de Hubner (1746)

- Méthode abrégée et facile pour apprendre la géographie… de Lenglet Dufresnoy (1751)46

- Géographie moderne… de Nicolle de Lacroix (consultée dans sa 2e, 4e et 8e éditions parues respectivement en 1752, 1758 et 1773)47

- La géographie enseignée par une méthode nouvelle… de Mentelle (1797, 3e édition)

5 ouvrages ont été consultés sans grille de lecture :

- Méthode pour étudier la géographie… de Lenglet Dufresnoy (1716) - Géographie historique, ecclésiastique et civile… de Vaissette (1755) - Cours d’études des jeunes demoiselles… de Fromageot (1772-1775)

- Les Etudes convenables aux demoiselles… de Panckoucke (1773, 3e édition) - Choix de lectures géographiques… de Mentelle (1783)

Les manuels étudiés à l’aide de la grille de lecture sont ceux dont le retentissement a été le plus grand au cours du XVIIIe siècle, c’est-à-dire les ouvrages régulièrement réédités et qui sont les plus cités par d’autres auteurs. Au-delà de ce critère, ces ouvrages de géographie

46. La Méthode abrégée et facile pour apprendre la géographie est le seul ouvrage qui n’a pas été consulté en ligne mais en version papier. Comme le contenu sur l’Extrême-Orient est exactement le même mot pour mot dans la Méthode pour étudier la géographie que celui de la Nouvelle géographie de Martineau du Plessis, j’ai jugé plus intéressant de consulter les informations qui sont retenues dans une Méthode abrégée par rapport à la version complète.

47. Mes relevés sur l’Extrême-Orient ont été fait à partir de la huitième édition de la Géographie moderne sur laquelle je me suis premièrement basé avant de prendre connaissance et d’accéder à deux éditions plus anciennes. Même si mes notes de bas-de-page renvoient à la huitième édition de la Géographie moderne, j’ai noté et recensé tous les ajouts ultérieurs à la deuxième édition qui sont précisés au moment voulu dans l’étude de cas. Sauf en cas de mention précisant le contraire, les phrases citées se retrouvent dans toutes les éditions de la Géographie moderne entre la deuxième et la huitième édition.

(27)

27

français ont aussi été sélectionnés au sein de ce corpus restreint pour la vision d’ensemble qu’ils offrent de la façon dont était perçu l’Extrême-Orient. Ces manuels recouvrent l’ensemble de la période chronologique étudiée allant de la Nouvelle Géographie ou Description exacte de l’Univers de Martineau du Plessis parue à l’aube du XVIIIe siècle à La géographie enseignée par une méthode nouvelle écrite de Mentelle sous la Révolution française. Cette large période chronologique permet de percevoir l’évolution (ou l’absence d’évolution sur certains points) au cours du siècle.

Ces ouvrages ont aussi l’avantage d’être de qualités diverses. On retrouve dans ce corpus des manuels chargés d’erreurs comme la Nouvele metode pour aprendre la geographie universele [sic] de La Croix, comme d’autres d’une très bonne qualité selon les critères de l’époque à l’exemple de La Géographie moderne de Nicolle de Lacroix. Cela permet d’observer la variation du propos sur l’Extrême-Orient dans les manuels de géographie selon la qualité des ouvrages. Les ouvrages de ce corpus restreint s’adressent aussi à des publics différents : à des enfants avec la Géographie Universelle de Buffier et la Géographie des Enfans de Lenglet Dufresnoy et à des adultes à travers les autres ouvrages. Ce choix a permis d’étudier les informations qui faisaient la qualité ou non d’un ouvrage de géographie au XVIIIe siècle et celles qui étaient transmises en fonction du destinataire du manuel.

La grille de lecture48 qui a servi à analyser méthodiquement les chapitres sur l’Extrême- Orient a été conçue de façon à effectuer un relevé exhaustif de l’ensemble des informations sur ces chapitres. Elle a été élaborée à la suite d’une première lecture des principaux manuels du corpus restreint. Au sein des chapitres sur l’Extrême-Orient, les informations relevées étaient classées en trois catégories : celles relevant de la géographie physique, celles qui appartiennent à la géographie humaine et celles relatives à la géographie politique. Les différentes cases de la grille de lecture étaient complétées au fur et à mesure de la lecture des sources par un relevé général de la teneur du propos ou par des relevés de citations. Les informations relevées étaient ensuite annotées d’une précision mentionnant la longueur qu’elles occupaient (absente, une phrase, plusieurs phrases, un paragraphe ou plus d’une page), si elles étaient décrites ou simplement évoquées, le point de vue avec lequel elles

48. Annexe 3 : Grille de lecture

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