• Aucun résultat trouvé

Géographie humaine et méthodes d'analyse

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Géographie humaine et méthodes d'analyse"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Géographie humaine et méthodes d'analyse

RAFFESTIN, Claude

RAFFESTIN, Claude. Géographie humaine et méthodes d'analyse. Le Globe , 1971, no. 111, p.

53-64

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4287

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

GÉOGRAPHIE HUMAINE ET MÉTHODES D'ANALYSE

PAR

Claude RAFFESTIN '

Professeur

La crise épistémologique, et par conséquent méthodologique, que traverse la géographie humaine, transparaît déjà dans la difficulté de nommer les orientations actuelles. Faut-il, comme les Anglo-saxons, parler de « géographie quantitative », ou comme les Français, de «nouvelle géographie»? Ce problème, anodin en apparence, dépasse pourtant la simple querelle de mots dans la mesure où l'expression géographie quantitative exprime surtout un effort de quantification, de mathématisation appliqué à une conception classique de la géographie, alors que celle de nouvelle géographie implique la remise en cause des modèles d'explication classiques et éventuellement leur dépassement. La géographie quantitative peut effectivement s'entendre comme une géographie traditionnelle qui a vulgarisé la mesure, la découverte de cette dernière par les géographes étant ancienne, alors que la nouvelle géographie s'inscrit, à notre avis, dans une autre perspective caractérisée par la recherche de nouvelles hypothèses et de nouveaux concepts. Néanmoins, ces deux démarches nous semblent complé- mentaires en ce sens que si la nouvelle géographie s'entend comme une tentative pour redéfinir et préciser un ensemble de concepts fondamentaux d'une part, et promouvoir de nouveaux modèles d'explication d'autre part, elle a absolument besoin des instruments mis à disposition par la géographie quantitative. Mais dans la mesure où celle-ci émerge à peine, du moins pour certaines écoles, celle-là est prématurée. Mais comme cela arrive souvent, le mot précède la chose. La différence, toutefois, d'avec la géographie classique, résultera dans le fait que, pour cette dernière, les modèles d'explication sont implicites, généralement pas formulés d'une manière théorique et purement qualitatifs. Dans la géographie classique, on agit, en effet, comme si le modèle était parfaitement connu. Dès lors, le problème de la recherche se ramène à une collecte

(3)

et à une analyse des données puis à une synthèse selon des concepts dont la combinaison devrait avoir la vertu de conduire à une image, à un modèle réduit de la réalité. Malheureusement, on constate de plus en plus qu'entre cette image et la réalité il peut y avoir un décalage considérable que les méthodes traditionnelles sont impuissantes à combler. C'est d'ailleurs là que réside le nœud de la crise épistémologique de la géographie humaine. S'il est hors de propos de faire, dans le cadre de cet article, l'analyse de cette question, on peut malgré tout avancer que cette situation est la conséquence, essentiellement, de l'utilisation de concepts purement qualitatifs qui véhiculent parfois encore un déterminisme résiduel.

Un exemple illustrera plus précisément notre pensée. Dans l'ouvrage de R. Froment et F.J. Gay qui utilisent les méthodes traditionnelles, on peut lire, parmi d'autres, la phrase suivante: « Genève vend de la matière grise. Mais, manquant de place, elle doit faire travailler à façon à l'extérieur, c'est-à-dire en France » 1. Cette explication est inexacte mais son inexactitude est méthodologiquement inté- ressante et c'est pourquoi nous l'avons choisie pour notre démons- tration 2. Si l'on essaie de dégager le modèle verbal, implicite dans l'explication précitée, on découvre qu'il est basé sur une série d'implications logiques formelles que nous appellerons réflexes géographiques. Les données du raisonnement sont les suivantes:

Genève manque de place et de ressources pour promouvoir des industries mais néanmoins c'est une ville industrielle; par ailleurs Genève est considérée comme une ville internationale, une place bancaire et à certains égards comme un centre de recherche donc cela implique qu'elle vende de la« matière grise » et qu'elle développe ses installations industrielles là où résident les facteurs de production nécessaires, c'est-à-dire en France. L'inconvénient c'est que ce modèle explicatif ne cadre pas avec la réalité qui est très différente.

S'il est exact qu'un petit nombre d'entreprises industrielles gene- voises entretiennent des relations avec la région française, il s'agit d'une infime minorité et par conséquent il serait totalement erroné de généraliser cette explication à laquelle on peut reprocher deux choses: d'avoir été bâtie sur des informations insuffisantes et

1 R. FROMENT, F. J. GAY, l'Europe occidentale d'économie libérale. Paris 1970, p. 99.

2 Une étude (à paraître) de l'Institut de Géographie de Genève montrera le caractère erroné de cette affirmation.

(4)

d'avoir complètement ignoré le rôle inhibant de la frontière. La probabilité de ce modèle est donc faible. C'est d'ailleurs la faiblesse de beaucoup d'explications générales de la géographie classique qui travaille uniquement, ou presque, dans le qualitatif. On ne sait pas où se place l'affirmation entre 0 qui représenterait une probabilité nulle et 1 qui représenterait la certitude absolue. L'affirmation de nos deux auteurs, sous sa forme verbale, tendrait à indiquer qu'on se trouve au-delà de 0,5. En réalité, on se situe bien en deçà de ce seuil, d'où la faible valeur de ce modèle explicatif. Même une analyse médiocre mais permettant une certaine mesure du phéno- mène étudié est supérieure à une analyse purement qualitative résultant de déductions hasardeuses. En première approximation, on peut prétendre que la quantification en géographie devrait avoir pour but de se situer sur cet axe qui va de 0 à 1. La géographie classique se trouverait ainsi épurée de jugements hâtifs dont les conséquences peuvent être coûteuses à un moment où la géographie cherche à devenir opératoire. C'est pourquoi nous pensons que la nouvelle géographie n'émergera qu'au moment où les modèles proposés par la géographie classique auront été vérifiés par la géographie quantitative. De plus, cette nouvelle géographie ne peut pas exister tant qu'elle ne dispose pas d'une armature théorique et d'une problématique renouvelée de l'espace. Cela ne peut se faire qu'au prix d'une élimination des réflexes géographiques et d'une remise en cause de certaines « orthodoxies » arbitraires.

Dans les lignes qui précèdent, nous avons utilisé l'expression de

« modèle » qui prend de plus en plus d'importance dans les sciences humaines et nous voudrions consacrer quelques remarques à cette notion avant d'aborder le problème des moyens et des méthodes applicables en géographie humaine.

LES MODELES

Ce sont les géographes Anglo-saxons qui ont fourni, ces dernières années, le plus clair de nos connaissances quant aux modèles.

Sensu lato, le modèle peut être défini comme une théorie, une loi, une hypothèse ou une idée structurée 1. Il peut être également une relation, une équation ou une synthèse de données. Ainsi, l'expli-

1 Richard J. CHORLEY,Peter HAGGETT,Models in Geography, London 1967, p. 21.

(5)

cation fournie plus haut pour illustrer notre introduction pourrait être, malgré ses insuffisances, qualifiée de modèle. Ce qui nous paraît plus important encore c'est l'absence de rupture entre la géographie traditionnelle et la géographie quantitative qui somme toute ne cherche, au départ, qu'à rendre explicite ce qui ne l'est pas. En effet, les géographes ont toujours manié des modèles dès l'instant où ils ont décomposé la réalité complexe en une série de systèmes plus facilement maniables. Cela revient à dire que pour parvenir à un modèle, il faut négliger tout un ensemble de faits qui ne sont pas en soi inintéressants mais qui n'apportent pas de lumière particulière sur la structure profonde du phénomène étudié.

Nous pouvons retenir la définition suivante du modèle: «A model is thus a simplified structuring of reality which presents supposedly significant features or relationships in a generalized form. Models are highly subjective approximations in that they do not include AOL associated observations or measurements but as such they are valuable in obscuring incidental détail and in allowing fundamental aspects of reality to appear » 1. Le modèle est donc tout à la fois une réduction et une simplification de la réalité et il implique, comme cela découle de la définition de Chorley et Haggett, une sélection de l'information, un rejet de l'accidentel et du « pitto- resque » dont s'est nourri longtemps la géographie classique. Ne serait-ce pas un moyen de surmonter le vieux débat entre géographie idiographique et géographie nomothétique? En effet, s'il n'y a pas deux phénomènes géographiques absolument semblables dans la réalité, ils peuvent pourtant n'en pas moins relever d'une même structure, d'un même modèle fondamental. Songeons, par exemple, aux problèmes des migrations. Sans doute, les migrations inter- urbaines ont toutes des « colorations » différentes mais on peut supposer qu'elles sont fonction de la population des villes considérées et de la distance qui sépare ces dernières. C'est dans cette perspec- tive que David Harvey propose un modèle élémentaire qui deman- derait naturellement à être testé et vérifié :

iMj représente le volume de migration de la ville jà la ville i.

Pj est la population de la ville j. dij est la distance séparant la

Richard J. CHORLEY,Peter HAGGETT,op. cit. p. 22.

(6)

ville i de la ville j et b est un exposant 1. On peut, naturellement, perfectionner ce modèle en introduisant d'autres variables telles que le revenu ou des différences de revenu par habitant entre les villes. Dans l'hypothèse où de semblables modèles se vérifient, on peut dégager des règles valables pour un ensemble de migrations inter-urbaines et chercher à élaborer une théorie précise. '■

Chorley et Haggett ont dégagé les différentes fonctions des modèles 2. Nous en retiendrons trois qui nous semblent les plus essentielles: visualiser une réalité complexe, fournir un cadre à l'intérieur duquel l'information peut être définie, collectée et ordon- née et apporter des matériaux en vue de la construction de théories et de lois. On peut donc mesurer, ici, l'apport considérable des modèles pour la nouvelle géographie qui reste à faire. Deux voies sont à explorer par le géographe qui cherche des modèles expli- catifs: la première est celle de l'induction et la seconde celle de la déduction. La géographie classique s'est surtout engagée dans la voie inductive bien que depuis une dizaine d'années certains, tel Claval, explorent la voie déductive. Ces deux formes de raisonne- ment donnent naissance à deux grands ensembles de modèles:

les modèles a posteriori et les modèles a priori3. Dans le premier cas, on part d'observations empiriques dont on cherche à extraire un certain nombre de régularités. L'étape suivante consiste à proposer, pour les expliquer, une théorie qui peut être représentée par un modèle. Ainsi, comme l'écrit Harvey: « In this case the model is developped in order to represent the theory »4. Le rôle d'un semblable modèle est de permettre un maniement plus aisé de relations et de faciliter une série de testages. Dans le second cas, celui des modèles a priori, une formulation théorique antérieure est appliquée à une réalité. Relativement à ce type de démarche, Harvey écrit: « In other words we begin with the calculus and then seek to identify a domain of objects and events to which it can be applied »5. Selon Harvey, les modèles peuvent être « over-identified»

c'est-à-dire qu'il existe plus d'une interprétation théorique. Ils peuvent être « unidentified » c'est-à-dire qu'indépendamment des

1 David HARVEY,Explanation in Geography, Lobdon 1969, p. 143.

2 R. J. GHORLEY,P. HAGGETT,op. cit. p. 24.

3 Cf. David HARVEY,op. cit., pp. 32-36 et pp. 151-154.

4 Ibid., p. 151.

5 David HARVEY,op. cil. p. 153.

(7)

résultats excellents qu'ils peuvent donner, il est impossible de leur trouver une interprétation théorique précise. Enfin, ils peuvent être

« identifled » en ce sens qu'ils ne donnent naissance qu'à une seule interprétation théorique. Ce dernier cas est évidemment le plus souhaitable mais il n'est pas très courant en géographie 1.

C'est certainement du côté des modèles a priori que la géographie peut faire des progrès considérables, autrement dit en s'engageant dans la voie déductive. Mais pour y parvenir, il convient de connaître puis de maîtriser un certain nombre de moyens et de méthodes.

MOYENS ET METHODES D'ANALYSE

Notre intention n'est pas de donner ici une description précise des moyens et méthodes d'analyse utilisables en géographie humaine mais seulement de faire des suggestions afin d'inciter à faire des expériences qui constitueront un matériel de recherche comparatif.

C'est au prix de cet effort que les descriptions singulières de la géographie classique pourront être dépassées.

En matière de moyens, il est évident qu'actuellement la pierre angulaire est constituée par l'ordinateur que le géographe peut utiliser dans trois directions principales: les triages, les cartes et les calculs. L'ordinateur donne la possibilité d'analyser rapidement des séries énormes de données qui peuvent être croisées les unes avec les autres. De plus, si cela s'avère absolument nécessaire, on peut prati- quer une analyse exhaustive de toute une population. Mais, à cet égard, on notera que les méthodes d'échantillonnage sont devenues suffisamment précises pour éviter de recourir à cette solution extrême. La géographie classique s'est longtemps méfiée des son- dages dans l'exacte mesure où, ignorante des méthodes statistiques, elle les maniait avec difficulté. Cela ne signifie pas non plus que le géographe actuel doive absolument maîtriser ces méthodes mais dans la perspective d'un travail d'équipe il doit s'entourer des conseils d'un statisticien.

Une fois que les données de la population globale, ou d'une partie de celle-ci, sont sur fiches ou sur bandes, l'ordinateur autorise toutes

1 Ibid., p. 159.

(8)

sortes d'hypothèses qui peuvent être vérifiées rapidement et surtout sans manipulations fastidieuses. Sans ordinateur, le géographe est condamné à faire des choix, souvent douloureux, en fonction d'un temps précieux. Dans ce cas, on pourrait définir l'ordinateur comme un multiplicateur de temps. Nous citerons une analyse faite à l'Institut de Géographie de Genève grâce à l'ordinateur, celle rela- tive aux mouvements pendulaires entre Genève et la région fran- çaise. L'ordinateur a ainsi permis de traiter toute la population frontalière, ce qui représente environ 250.000 données codées et perforées. Si pour l'instant il s'agit de triages, nous disposons maintenant d'un matériel à partir duquel des calculs et des modèles peuvent être envisagés. De même, il ne s'agit pas encore, au sens strict du terme, de géographie quantitative mais tout de même d'une analyse qui a essayé de dépasser le système des appréciations qualitatives de caractère intuitif. Grâce à l'ordinateur, la descrip- tion est enrichie et les jugements purement qualitatifs évités.

Relativement aux cartes, l'ordinateur permet de construire des anamorphoses géographiques extrêmement précieuses dans plusieurs branches de la géographie humaine, qu'il s'agisse de la géographie de la population, de la géographie agraire, de la géographie urbaine ou de la géographie économique. Ces anamorphoses faites à l'ordi- nateur sont avant tout des moyens de recherche et accessoirement des moyens de présentation.

Les calculs, enfin, nous introduisent réellement dans la géogra- phie quantitative. L'ordinateur est ici indispensable pour les longs calculs de corrélation ou pour l'analyse factorielle. De même, certains calculs simples mais intéressant de nombreuses aires géographiques peuvent être programmés avantageusement sur l'ordinateur.

Mais l'ordinateur n'est pas une fin en soi et s'il aide à mieux connaître les multiples données de la réalité géographique, sa valorisation complète dépend de l'armature théorique des utili- sateurs. L'ordinateur, et ce sera là notre conclusion quant à l'emploi de ce moyen, ne peut pas pallier les insuffisances théoriques, il peut même, au contraire, les rendre plus visibles.

Dans les méthodes d'analyse, nous distinguerons, pour la commodité de l'exposé, mais avec une part d'arbitraire, trois domaines: celui des méthodes graphiques, celui des méthodes statis- tiques et celui des méthodes mathématiques. Nous sommes parfai-

(9)

tement conscients que plusieurs des méthodes que nous allons citer n'ont rien de profondément original ni non plus rien de très nouveau.

Pourquoi en parler alors? Tout simplement parce que nous consta- tons paradoxalement que si ces méthodes sont parfaitement connues et maîtrisées, elles sont encore peu employées dans la géographie française. En d'autres termes, ces méthodes demeurent en attente et ne dépassent pas le niveau de l'exercice ou de la curiosité, d'où leur absence dans beaucoup d'ouvrages récents auxquels elles apporteraient une contribution de valeur. On peut utiliser ces méthodes de multiples façons, comme supports, comme enrichissements ou comme moyens d'amorcer véritablement la nouvelle géographie. Par cette dernière éventualité, nous bouclons le cercle amorcé dans l'introduction. L'utilisation de ces méthodes doit se faire par étapes et nous souhaitons, en effet, non par crainte d'une rupture avec la tradition, mais pour sauver ce qui peut l'être dans la géographie classique, que la première étape soit consacrée à des travaux de testage et de vérification.

Les méthodes géographiques fournissent tout à la fois un ensemble de procédés d'analyse et de présentation des résultats.

Notre éducation ayant négligé l'expression géographique, les géo- graphes, pendant longtemps, ont été abandonnés à leur seule inspiration. Heureusement, depuis quelques années plusieurs ouvrages fondamentaux ont paru sur le sujet, comblant avec bonheur beaucoup de lacunes 1. Ces ouvrages ont contribué à fournir une théorie, ou une esquisse de théorie, de l'analyse géogra- phique. Dans son travail quotidien, le géographe est confronté avec toute une série de problèmes dont beaucoup peuvent recevoir une solution graphique. Il peut s'agir de problèmes de croissance, de concentration, de décalage ou de classification. A chacun d'eux correspondent des graphiques appropriés. Les problèmes de crois- sance, qu'ils soient démographiques ou économiques, sont analy- sables à l'aide de graphiques semi-logarithmiques qui facilitent la visualisation des rythmes beaucoup mieux et beaucoup plus précisément que les graphiques cartésiens classiques.

En géographie économique, particulièrement en matière indus- trielle, le géographe souhaite souvent mesurer le degré de concen-

1 On pourra consulter, entre autres, avec profit les deux ouvrages suivants : Jacques BERTIN,La sémiologie graphique, Paris 1967 et W. WITT,Thematische Kartographie, Hanovre 1970.

(10)

tration d'un ensemble d'entreprises. La solution de ce problème est fournie par la courbe de Lorenz qui permet de calculer un indice de concentration. La concentration est d'autant plus forte que l'indice se rapproche de 1. Outre cet indice, la concentration est visualisée, relativement, par l'éloignement de la courbe de la diagonale du carré construit pour le calcul. On dispose donc 'avec cette méthode tout à la fois d'un graphique et d'un indice. Les indices comparés d'un même secteur industriel pour des aires ou des régions géographiques différentes conduisent à des observations intéressantes, susceptibles d'amorcer des recherches sur le compor- tement et l'écologie des industries d'une part et sur le rôle éventuel de l'espace quant à la structure industrielle d'autre part.

Le géographe rencontre également souvent des phénomènes à caractère saisonnier qui l'obligent à trouver une représentation adéquate pour faire ressortir les décalages. Que l'on songe en parti- culier aux échanges de certains pays à structure économique essentiellement agricole. On observe alors des décalages mensuels entre les exportations et les importations. On utilise dans ce cas les diagrammes polaires à douze branches correspondant aux différents mois et on affecte à chacune de ces branches une valeur en chiffres absolus ou en pourcentages. On relie ensuite les segments obtenus et cela détermine un polygone. La superposition des deux polygones, importations et exportations par exemple, facilite gran- dement l'analyse des décalages.

Beaucoup de problèmes de classification, enfin, peuvent être résolus par des graphiques. Ainsi le graphique triangulaire, peu utilisé par les géographes français mais courant chez les géographes allemands, offre la possibilité de classer des aires géographiques en fonction de trois variables. Par exemple, un ensemble de communes peut être classé en fonction des secteurs économiques ou en fonction de trois grandes catégories d'âge. Ces classements sont très utiles ensuite pour la construction de cartes thématiques. L'arbre dicho- tomique, emprunté à la théorie des ensembles, facilite la détermi- nation de tous les sous-ensembles d'un ensemble E de « éléments.

Un ensemble de 3 éléments donnera 23 sous-ensembles facilement identifiables sur le graphique.

Il existe, naturellement, quantité d'autres méthodes graphiques mais, comme nous l'avons dit précédemment, notre choix se veut incitateur et divulgateur et en aucune manière exhaustif.

(11)

Relativement aux méthodes statistiques, on constate que là encore ce sont les Anglo-saxons qui ont fait le plus gros effort de recherche et de vulgarisation. Plusieurs ouvrages mettent à la portée des géographes un arsenal de méthodes très intéressantes 1. La statistique descriptive mise à part, dont, néanmoins, de nom- breux procédés sont nécessaires au géographe pour traiter des séries et même résoudre certains problèmes simples de localisation, on citera les calculs de corrélation. Les problèmes de corrélation sont innombrables en géographie humaine, qu'il s'agisse de la relation entre l'altitude et telle production agricole ou de la relation entre le développement de deux activités industrielles. Dans la géographie classique, la plupart du temps, ces corrélations sont saisies intuitivement et certaines d'entre elles n'ont qu'une faible signification mais malgré cela elles continuent à être véhiculées.

Le calcul de la corrélation permet de saisir par la mesure la valeur de telle ou telle relation. Plusieurs méthodes de calcul coexistent mais nous allons en choisir une simple et rapide. Il s'agit de celle du coefficient par rang ou encore méthode de Spearman. Le coef- ficient n'est pas calculé sur les valeurs elles-mêmes mais sur leur rang respectif après classement par ordre de grandeur. Le coefficient de corrélation par rang rs est donné par la formule suivante:

Dans cette formule, d représente la différence des rangs entre les deux séries de valeurs et n le nombre de paires de rangs. Le coeffi- cient est donc compris entre +1 et —1. Ainsi la corrélation peut être parfaite et positive avec +1 ou parfaite et négative avec —1.

Là encore, il n'est pas suffisant de savoir calculer la corrélation, il faut tester sa signification et il faut surtout que le géographe soit capable d'expliquer rationnellement la relation qu'il a mise en évidence par le calcul. Ces relations sont fréquemment complexes et leur explication induit de nouvelles recherches.

L'analyse factorielle est une autre méthode, plus élaborée et aussi très à la mode, qui tente de rendre compte, quantitativement, des relations pouvant exister entre les caractéristiques d'aires

1 On consultera avec profit S. GREGORY, Statistical Methods and the Geographer, London 1968 et Leslie J. KING,Statistical Analysis in Geography, Englewood Cliffs, N.J. 1969.

(12)

géographiques, par exemple. Ce type d'analyse cherche, en effet, à identifier les caractères que les variables ont en commun et qui résultent de leurs interactions et de leurs interrelations 1. L'ana- lyse factorielle exige une série d'étapes depuis le choix des aires et des variables jusqu'au calcul, en passant par l'arrangement dans une matrice. Il est évident que l'ordinateur est absolument indispensable car la dépense en temps de calcul est grande. La géographie classique ne peut espérer obtenir une telle finesse d'analyse par les moyens traditionnels. Il serait très intéressant de mener sur le même thème deux analyses parallèles, l'une selon les méthodes classiques et l'autre selon les méthodes quantitatives.

La comparaison des résultats, selon diverses perspectives, ne man- querait pas d'être passionnante. Peut-être serait-ce là un moyen utile pour redéfinir et vérifier certains concepts traditionnels. Les méthodes mathématiques applicables à la géographie humaine ne sont pas moins nombreuses, ni moins intéressantes. Nous en retien- drons deux. D'abord le calcul matriciel qui trouve des applications en géographie économique et en géographie de la circulation.

Ainsi, pour calculer les tonnages de deux ou plusieurs produits, transportés de lieux différents par plusieurs moyens de transport, le calcul matriciel est indispensable 2. De même l'analyse des flux de transport dans une ville entre lieux de résidence et lieux de travail recourt au calcul matriciel. On devine que ce qui fait le succès de ces méthodes c'est leur caractère immédiatement opéra- toire pour l'aménagement du territoire. La géographie appliquée ne peut manquer de développer ces méthodes dont le danger, évidem- ment, résulte d'un emploi mécanique non corrigé par une problé- matique de l'espace.

Des mathématiques modernes, de la théorie des ensembles en particulier, on peut tirer plusieurs choses, ainsi, par exemple, de la théorie des graphes. Dans son petit ouvrage, A. Kaufmann explique : « La théorie des graphes n'est pas autre chose que le domaine de la théorie des ensembles qui concerne les relations binaires d'un ensemble avec lui-même, l'ensemble étant dénom- brable » 3. Cette théorie devrait permettre de renouveler l'analyse de

1 Cf. GOLE et KING,Quantitative Geography, London 1969, p. 153 et ss.

2 Ibid., p. 69.

3 A. KAUFMANN,Des points et des flèches... la théorie des graphes, Paris 1968 p. 1.

(13)

la géographie des transports encore très descriptive. On trouvera une quantité d'exemples chez Haggett et Chorley 1. La théorie des graphes peut également être employée en géographie politique et pour résoudre des problèmes de localisation. Il est peu vraisem- blable que ces analyses graphiques puissent être conduites par un géographe seul. En effet, la complexité même de la théorie des graphes, très riche en termes spécifiques, postule un travail d'équipe.

CONCLUSION

La crise actuelle de la géographie humaine ne vient pas comme certains le pensent de son insertion manquée dans l'action quoti- dienne, c'est-à-dire de son insuffisante participation à des applica- tions au niveau de l'organisation spatiale mais bien au contraire de ses méthodes. Dans le diagnostic du mal, on risque effectivement de prendre l'effet pour la cause. Si la géographie est peu mise à contribution sur un plan pratique c'est tout simplement que ses méthodes ne sont pas suffisamment opératoires en ce sens que la quantification en est absente. On ne peut plus se contenter, sur le plan de l'action pratique, de jugements qui ne soient pas fondés sur une série de mesures qui constituent un garde-fou contre les interprétations gratuites ou trop peu significatives. Nous ne sommes pas fétichiste et le quantitatif ne représente rien pour nous sans le complément qualitatif. La nouvelle géographie devra assurer la circulation incessante entre ces deux pôles, le quantitatif et le qualitatif, pour réaliser des progrès. La révolution quantitative en géographie humaine apportera peu de choses si elle ne se double pas d'une profonde réflexion épistémologique qui, seule, permettra de situer exactement les résultats dans un contexte général.

1 Peter HAGGETT,Richard J. GHORLEY,Network Analysis in Geography, London 1969, pp. 32-35.

Références

Documents relatifs

A l'ère de la radio, de la télévision, du cinéma, des journaux à grande diffusion, nous pensons que l'ensei- gnement de la géographie ne doit plus être

Et sachant que si celui qui a perdu 2 jeux gagnait 2 autres jeux contre son compagnon, ils n'auraient pas gagné l'un sur l'autre quoi que ce soit, supposons maintenant que le

est un invariant intégral pour toute courbe fermée, Pintégrale prise pour la valeur ty le long du contour fermé composé des arcs TQ et P^ décrits en marchant toujours dans le même

Nous avons démontré ailleurs (Moeschler, 1965) que cette façon d'esti- mer une divergence ne pouvait être utilisée dans bonnombre de cas oîr une telle estimation eût

Les cas 1i et 2i sont impossibles car les triangles ABD et ACD ne peuvent être tous deux de sommet D puisque dans l’un au moins des deux triangles l’angle en D est obtus. On note r,

Pour répondre aux patrons, dans le triangle rectangle ABC, la hauteur BH issue de B le partage en deux triangles AHB et BHC rectangles semblables

On doit donc avoir 13 premiers distincts (ou une de leurs puissances), dont on prend les 13 qui minimisent l'écart entre le plus petit et le

• Principe 2 : La définition de conflit d’intérêts et la méthode de gestion doivent être observées par tous les membres d’un groupe chargé d’élaborer des