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LE MARIAGE EN DROIT NATUREL DANS LA PENSÉE D'EMER DE VATTEL

INTRODUCTION

Vattel*, adepte de Wolff dans ses lettres et œuvres philosophiques 1,

se distance de lui en matière juridique, s'affirmant, à l'instar de Bar-beyrac 'face à Grotius, plus ami de la vérité que de l'autorité de son maître. C'est tout particulièrement vrai en matière de Droit du mariage, où sa pensée s'éloigne nettement sur certains points de la pensée

wolf-*

Pour la bibliographie et l'œuvre de Vattel (1714-1767), cf. les études citées d'E. Béguelin et de j.-j. Manz. Rappelons ici qu'Emer de Vattel voit le jour en 1714 à Couvet (Neuchâtel) où son père exerce le saint ministère. Destiné lui-même à la théologie, il commence ses études universitaires à Bâle en 1728.

l~hangeant d'orientation, il les poursuit à Genève, dès 1733, en se vouant à la philosophie et au Droit naturel, vraisemblablement à l'école de Burlamaqui.

C'est alors qu'il s'engage dans la défense de la philosophie de Leibnitz et de Wolff comme en témoignent ses articles dans le Mercure Suisse ( 1737) et sa Défense du système leibnitzien (1714) dédié à Frédéric II, qui venait alors de rappeler Wolff à Halle. En dépit du succès de cet ouvrage, Vattel ne trouve pas à Berlin où il se rend les hautes fonctions auxquelles il aspirait. Il gagne alors Dresde sur l'invitation du comte Henri de Bruhl (1743), puis rentre à Neuchâtel où il attend jusqu'en 1746 de la Cour de Saxe la réponse à ses espérances. Il y travaille parallèlement aux différentes études philosophiques et juridiques de son Loisir philosophique (Dresde 1747), prenant à nouveau position pour Leibnitz et Wolff contre Barbeyrac et Pufendorf dans la question du fondement du Droit naturel et du premier principe de sa force obligatoire.

Retourné à Dresde en 1746 pour y embrasser une carrière diplomatique, il y est nommé Ministre-résident de Frédéric-Auguste, Roi de Pologne et Prince-Electeur de Saxe, auprès de la République de Berne. Ce poste ne le chargeant guère, il ne tarde pas à revenir s'établir à Neuchâtel, où il poursuit son activité littéraire et scientifique publiant successivement Poliergie - ou Mélange de littérature et de poésie - (Amsterdam 1757), son Droit des Gens ou Principes de la Loi naturelle appliqués à la Conduite des Nations et des Souverains (3 volumes, Londres-Neuchâtel 1758), de nouveaux Mélanges de littérature, de morale et de politique (Neuchâtel 1760), enfin ses Questions de Droit naturel et Observations sur le Traité du Droit de la Nature de M. le Baron de Wolff (Berne 1762), véritable petit commentaire du fus Naturae de Christian Wolff. Son Droit des Gens lui assure assez rapidement une solide réputation qui explique son rappel à Dresde et sa promotion au rang de conseiller privé

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fienne, marquant à maints égards, comme dans la problématique de l'égalité des sexes, un recul par rapport aux conquêtes des pionniers de l' Aufklarung et revêtant à d'autres points de vue une étonnante moder-nité, comme dans sa conception psychologique du lien conjugal. Son indépendance se traduit surtout dans son approche de la problématique générale du mariage ; en ce domaine, il ne ménage pas en effet ses critiques à l'égard de Wolff, avec une pertinence qui emporte souvent l'adhésion.

A. Problématique générale

C'est certainement dans les questions relatives à l'origine, à la fina-lité et aux différentes formes du mariage (polygamie, monogamie) que Vattel se montre le plus critique à l'égard de Wolff, en dépit de l'admi-ration qu'il lui voue pour les lumières qu'il a reçues de sa philosophie 2.

Décidé à mettre en relief, selon une méthode analytique dont il n'ignore pas les inconvénients 3 , mais dont il use avec le plus de rigueur possible, les inconséquences et les paralogismes de l'auteur du fus Naturae me-thodo scienfifica pertractatum, il s'en prend en particulier à la doctrine wolffienne des fins du mariage et à celle de la légitimité exclusive de la monogamie.

a) Origine et fins du mariage.

S'il ne disconvient pas avec Wolff que c'est la volonté de Dieu d'as-surer la propagation du genre humain qui est à l'origine du mariage, Vattel conteste cependant la démonstration que Wolff en fait, en lui

du Prince-Electeur de Saxe chargé des affaires étrangères (1760). S'il vit alors la période la plus active de sa vie, sa faible constitution s'en ressent bientôt et il meurt lors d'un de ses séjours de convalescence à Neuchâtel à la fin de 1767.

1 Cf. les Réflexions en réponse aux Remarques du Professeur Bessonnet

( = sur le premier article de la Bibliothèque germanique, tome XXXVI, concer-nant M. Wolff, paru en juillet 1737), in Mercure Suisse, septembre 1737, p. 63 ss ; dans le même sens, voir la Défense du système leibnitzien, Leyde 1741, et !'Essai sur le fondement du Droit naturel et sur le premier Principe de l'obligation où se trouvent tous les hommes d'en observer la loi, in loisir philosophique, Genève 1747, 1, notamment §§ 6-21 avec la référence au principe de perfection que l'on retrouve dans les Réflexions sur le Discours de Rousseau touchant l'origine de l'inégalité parmi les hommes, in Mélanges de littérature, de morale et de politique, Neuchâtel 1760, p. 80. Voir enfin les lettres de Vattel à S. Formey des 27 mars et 12 avril 1747 citées in E. Béguelin, op. cit., n. 144, p, 123 SS.

2 Cf. Questions de Droit naturel et Observations sur le Traité du Droit de la Nature de M. le B. de Wolff, Berne 1762, avertissement p. IV.

3 Op. cil., foc. cit., p. VIII.

assignant pour cause finale la manifestation de la gloire divine 4 • A cette démonstration, qui relève à son sens de la théologie naturelle, il lui préfère une autre démonstration, « plus convenable du point de vue du Droit naturel et qui a le mérite de s'en tenir aux données de la nature». C'est parce que la nature tend à la propagation du genre humain et que Dieu est l'auteur de cette nature que l'on peut à son sens affirmer que Dieu veut la propagation de l'espèce 5• De ce que la Loi de nature exige que les hommes procréent, il ne lui semble pourtant pas possible d'en déduire qu'elle interdise la recherche des plaisirs de l'amour pour une autre fin que la procréation o. S'opposant ici vigoureusement à Wolff, Vattel estime le principe natalitaire qui l'inspire «insoutenable, appliqué aux différents actes de ce commerce charnel d'une vie» 1. C'est pour lui, à juste titre nous semble-t-il, « une pétition de principe de supposer que le seul but de la nature, dans les désirs mutuels qu'elle inspire aux deux sexes et dans ce qui en est l'effet, soit la procréation des enfants » s. On ne saurait en effet inférer ici des conséquences ordi-naires des actions naturelles en ce domaine, qui se résument effective-ment à la propagation, l'obligation pour les hommes de poursuivre cette seule finalité et de rechercher en conséquence à chaque fois la propa-gation de l'espèce. Raisonnant enfin par l'absurde, Vattel démasque le paralogisme de Wolff en affirmant que si l'effet naturel de la conjonction des sexes devait être pris pour fin à l'exclusion de toute autre, il fau-drait à ce compte-là proscrire la promenade parce que les jambes ont été données aux hommes pour vaquer au travail 0.

Mais plus intéressante que cette argumentation par l'absurde appa-raissent les remarques sur lesquelles le savant commentateur neuchâte-lois de Wolff conclut ses Observations en ce domaine et dont il est dif-ficile de contester le bien-fondé. « La propagation est sans doute le grand but que la nature se propose, concède-t-il ainsi, mais la nature, ajoute-t-il, peut bien poursuivre chez l'homme des buts encore différents que le grand but commun aux animaux 10. » Pourquoi n'autoriserait-elle pas des plaisirs innocents comme en d'autres occasions pour l'homme et la femme 11 ? Par ailleurs, notant avec une finesse psychologique toute moderne Je rôle de l'union charnelle dans la sauvegarde du couple, il ajoute que si le plaisir resserre l'unité conjugale, entretenant et

accrois-4 Cf. Wolff, jus nat., VII/II/§ 264.

5 Cf. Vattel, op. cit., ad Vll/11/§ 264.

6 Cf. op. cit., ad VII/II/§ 239.

7 Ibid.

s Ibid. Dans le même sens, cf. les remarques de Luzac quelques années plus tard dans sa traduction française des lnstitutiones /uris Naturae de Wolff, Leyde 1772, ad § 854.

9 Ibid.

10 Ibid.

11 Ibid.

sant la tendresse mutuelle et l'entente nécessaire pour l'éducation des enfants, « on ne doutera pas que la nature ne les incite au plaisir dans la vue d'entretenir des sentiments si convenables » 1 2. Allant plus Join dans ce sens en passant du plan psychologique au plan physiologique, il voit encore une autre raison qui rende légitimes les relations conju-gales en dehors de toute perspective de propagation de l'espèce : c'est la santé des époux, qui requiert des signes de tendresse plus que la pro-création ne Je réclame, « nouvelle raison, précise-t-il explicitement, et nouvelle fin qui légitiment le plaisir condamné par Wolff» rn. Enfin, arguant de la Jicéité du plaisir innocent, reconnu par Wolff lui-même pour autant qu'il ne porte pas préjudice à la poursuite d'une fin que nous impose la loi de la nature, Vattel affirme sans équivoque que si les plaisirs de l'amour ne nuisent pas à la propagation de l'espèce et qu'au lieu de nous rendre incapables ils nous conservent dans cet état, ils ont tous les caractères de la légitimité des plaisirs innocents 14 •

« Bornons-nous à dire, conclut-il, que la propagation de l'espèce étant la fin principale des plaisirs de l'amour, nous n'en devons jamais user d'une manière qui puisse préjudicier à cette grande fin, soit en nous en détournant, soit en nous y rendant moins habiles. Voilà ce me semble tout ce que la loi naturelle prescrit à cet égard ... 15. » C'est assez mon-trer l'originalité de Vattel par rapport aux représentants de l'Ecole du Droit naturel de son temps 16 et même sa modernité par rapport aux débats de notre siècle sur les fins du mariage 17.

b) Définition et nature juridique.

Concevant, nous l'avons relevé, ses Observations sur le grand traité de Wolff «comme un Commentaire destiné à rendre le Traité plus utile», Vattel ne s'arrête pas à la définition wolffienne du mariage

« comme la société conclue entre l'homme et la femme pour la procréa-tion et l'éducaprocréa-tion d'une progéniture » 1 8, dont quelques années plus tard Luzac, le traducteur français des lnstitutiones furis Naturae et Gentium

12 Ibid.

1a Ibid.

14 Ibid.

15 Ibid.

10 Cf. En particulier à propos de !'Ecole allemande notre ouvrage Le mariage dans !'Ecole allemande du Droit naturel moderne au XVIII• siècle, W partie, chapitre IV, § 1, p. 381-382 sur la doctrine des fins du mariage de Wolff et § 2, p. 405-406 sur celle des disciples de Wolff.

17 Cf. P. Adnès, op. cit., p. 119, n. 1, qui rappelle les premières remises en cause marquantes de la doctrine catholique traditionnelle des fins du mariage par H. Doms, Vom Sinn und Zweck der Ehe, eine systematische Studœ, Breslau 1935; trad. fr., Du sens et de la fin du mariage, Paris 1935, et D. von Hilde-brand, Die Ehe, Munich 1928, trad. fr., Le mariage, Paris 1936.

18 fus nat., VII/Il/§ 270.

fera une critique systématique m. Ne remettant pas en question la défi-nition que donne Wolff de la société conjugale, Vattel traite par ailleurs fort sommairement de la nature juridique du mariage à travers ses remarques sur la durée et sur les causes de dissolution de l'union conju-gale. Estimant que le mariage n'est pas naturellement indissoluble et qu'il ne doit durer dans l'état de nature qu'aussi longtemps que l'exige l'éducation des enfants 20, il semble se rattacher à une conception contractualiste de la société conjugale, assez proche de celle de Thoma-sius 21, laissant aux époux le soin de déterminer l'étendue et la durée de leurs droits et de leurs obligations. Mais il ne se prononce pas à vrai dire explicitement à ce sujet, à la différence des autres wolffiens de son temps, tenants de la double nature institutionnelle et contractuelle du mariage 22•

c) Le problème de la polygamie.

C'est dans la problématique de la polygamie et dans la question de la légitimité exclusive de la monogamie que Vattel se distance le plus nettement de Wolff. Il ne s'arrête pas à vrai dire à toutes les formes de polygamie mentionnées par l'auteur du jus Naturae Methodo

scienti-f

ica pertractatum, se concentrant sur la question de la polygynie et n'abordant qu'au passage la communauté des femmes, sans même citer la polyandrie.

En ce qui concerne la communauté des femmes, jugée contraire au Droit naturel par Wolff, Vattel ne considère pas comme déterminant à cet égard l'argument wolffien de la remise en cause de l'éducation des enfants. Il estime en effet parfaitement possible l'instauration de « bons établissements » d'éducation « aux dépens du public » et semble en attendre même de bons effets civiques. « Cette raison ne suffit donc pas, conclut-il, à condamner en général la communauté des femmes. Peut-être en trouverait-on de meilleures dans le désordre, la licence et la

19 Cf. Luzac, Institutions du Droit de la Nature et des Gens, tr. de Wolff, Leyde 1772, ad § 856, notamment 2° : «Il n'est rien dans la définition que l'auteur donne du lien conjugal que l'on ne puisse déduire de celle de Justinien ; et d'un autre côté celle de notre auteur ne me paraît ni assez suffisante, ni assez complète pour en tirer tous les devoirs et tous les droits attachés à ce lien intime.»

20 Cf. Vattel, op. cil., ad VII/II/§ 508.

21 Cf. lnstitutiones jurisprudentiae divinae, III/II/§§ 120-126, Cf. à ce sujet notre travail susmentionné, II• partie, ch. III, § 1, p. 338-339.

22 Cf. très caractéristique à ce propos Schierschmidt, Elementa juris natu-ralis, socialis et gentium, methodo scientifica conscripta, Iéna 1742, sect. 1, cap. 1, § 460, cor. II : « Le mariage doit être compté comme toutes les sociétés au nombre des contrats ; mais comme à la différence des autres contrats de société, il procède de la volonté divine, il faut le considérer également comme une institution. » Dans le même sens voir entre autre Darjes, lnstitutiones jurisprudentiae universalis, Iéna 1764, pars specialis, sect. Ill, cap. Il, § 565.

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corruption qu'une pareille communauté entraînerait après elle 23. » Dans cette critique de la démarche wolffienne, qui ne paraît pas remettre cependant en cause sa conclusion - l'illicéité de la communauté des femmes - Vattel ne semble pas avoir saisi que l'argument décisif de Wolff se situe sur un autre plan que celui de l'éducation des enfants : celui de la contradiction juridique existant entre la communauté des femmes et le type de société que postule la Loi naturelle pour la propa-gation de l'espèce 24. Mais ce n'est pas le fruit d'une négligence incons-ciente : Vattel se refuse en effet à juger avec Wolff que la propagation du genre humain doive se faire par la seule médiation de la société d'un homme et d'une femme. II le montre bien d'ailleurs dans son attitude à l'égard de la polygynie.

Contestant tout d'abord la validité générale de la proposition de Wolff selon laquelle la monogynie serait amplement suffisante pour assurer la propagation de l'espèce, qui ne lui semble fondée que pour l'Europe de son temps 2 5 , le jurisconsulte de Neuchâtel nie que l'illicéité de la polygynie puisse avoir une portée universelle ; il en infère qu'elle ne saurait donc relever de la Loi naturelle 26. Bien plus, il y a des cas pour Vattel, où la pluralité des femmes doit être permise, même si la survie de l'espèce n'est pas en cause, pour des raisons qui tiennent aux divers tempéraments humains. « Il y a des hommes d'un tel tempérament, remarque-t-il ainsi, qu'ils ne sauraient s'abstenir de leur femme pendant tout le temps de sa grossesse. Mais l'auteur (i.e. Wolff) condamne tout acte d'amour conjugal qui n'a pas pour but la propagation. Ne suit-il pas de là qu'en ce cas un homme doit avoir plusieurs femmes, surtout s'il est en état de pourvoir à l'éducation d'un grand nombre d'en-fants? 21 » Il lui semble même que Wolff ait douté de l'universalité de son principe de l'interdiction de la polygynie en posant pour règle expli-cite la prohibition de celle-ci lorsqu'elle tend au seul plaisir ou ne permet pas d'assurer l'éducation des enfants 28 : « Dire que la Loi naturelle interdit la pluralité des femmes dans ce cas, c'est donner à entendre qu'elle ne l'interdit pas à celui qui ne sera ni dans l'un, ni dans l'autre de ces cas. De là on est en droit de conclure que cette même loi per-mettra la pluralité des femmes à tout homme qui aura quelque bonne

23 Cf. Vattel, op. cit., ad VII/II/§ 286.

24 Cf. Wolff, jus nat., VII/II/§ 286.

25 Cf. Vattel, op. cit., ad VII/II/§ 293.

26 Ibid. Avec plus de rigueur logique, Luzac, op. cit., ad § 857, 2°, remarque que même si l'expérience prouvait que la monogynie était suffisante pour conserver l'espèce humaine, « il ne s'ensuivrait pas qu'on ferait mal de la multiplier et de l'augmenter encore davantage ». Le véritable problème est à son sens de savoir si l'illicéité de la polygamie résulte de la définition même du mariage ; cf. op. cit., lac. cit., 3°.

21 Cf. Vattel, op. cit., ad VII/Il/§ 295.

28 Cf. Wolff, op. cit., VII/II/§ 296.

raison d'en épouser plus d'une et qui sera en état de bien élever tous les enfants qu'il pourra avoir d'elles 2 9 , »

Il est enfin erroné pour Vattel d'inférer de ce que la bigamie uni-verselle soit statistiquement impossible la prohibition de celle-ci par le Droit naturel. Reconnaissant l'exactitude des données statistiques rela-tives à l'égale proportion de filles et de garçons de son temps, Vattel remarque en effet avec pertinence : « L'observation est vraie en général, mais la conséquence qu'on en tire n'est pas aussi certaine. La guerre, la navigation, les voyages, etc., font périr un grand nombre d'hommes et en empêche un grand nombre de se marier en sorte que dans bien des pays, on voit quantité de filles qui demeurent inutiles à la propagation, faute de trouver un mari. Si ceux qui se marient les prenaient pour seconde femme, personne n'en souffrirait, et l'Etat se peuplerait davan-tage. Cela soit dit sans préjudice des raisons solides que l'on peut allé-guer contre la pluralité des femmes 3o. »

En fait, par delâ ces réfutations, ce n'est pas tant la défense de la légitimité de la polygamie que Vattel entreprend; car s'il n'est pas convaincu de son illicéité en droit naturel, il admet néanmoins explici-tement « que la pluralité des femmes a toujours plus d'inconvénients à mesure que les hommes s'éloignent davantage de l'innocence et de la simplicité de la vie» a1. Ce à quoi il tend en fait, c'est la démystifica-tion de la légitimité exclusive de la monogamie, que Wolff entend fonder sur la Loi naturelle. Commentant le passage du fus Naturae procla-mant de la conformité de la monogamie aux « données de la nature»

(prima naturae) 32, Vattel ne met en doute pour commencer le bien-fondé, tous les mâles n'étant pas par nature portés à son sens dans le règne animal à demeurer auprès de la femelle, mais seulement ceux dont la présence est nécessaire à l'élevage des petits. Mais c'est surtout l'uni-versalité de la conséquence qu'en prétend tirer Wolff que conteste Vat-tel : « L'instinct naturel porte certains animaux à s'unir seul avec une seule ... Cet instinct et ce que M.W. appelle «prima naturae » varient

(prima naturae) 32, Vattel ne met en doute pour commencer le bien-fondé, tous les mâles n'étant pas par nature portés à son sens dans le règne animal à demeurer auprès de la femelle, mais seulement ceux dont la présence est nécessaire à l'élevage des petits. Mais c'est surtout l'uni-versalité de la conséquence qu'en prétend tirer Wolff que conteste Vat-tel : « L'instinct naturel porte certains animaux à s'unir seul avec une seule ... Cet instinct et ce que M.W. appelle «prima naturae » varient