• Aucun résultat trouvé

La psychothérapie en Suisse romande. Un regard en arrière, une projection vers l'avant

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La psychothérapie en Suisse romande. Un regard en arrière, une projection vers l'avant"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

La psychothérapie en Suisse romande. Un regard en arrière, une projection vers l'avant

POMINI, Valentino, DE ROTEN, Yves, FAVEZ, Nicolas

POMINI, Valentino, DE ROTEN, Yves, FAVEZ, Nicolas. La psychothérapie en Suisse romande.

Un regard en arrière, une projection vers l'avant. Psychoscope , 2012, vol. 33, no. 8/9, p. 14-17

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31255

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

14 14

Un regard en arrière, une projection vers l'avant

La psychothérapie en Suisse romande

Les auteurs Valentino Pomini, Yves de Roten et Nicolas Favez dressent le bilan de l'évolution de la psychothérapie en Suisse romande au cours des 25 derni- ères années. Ils expliquent notamment comment s'est construite la place d'une part des psychologues dans le champ de la psychothérapie, d'autre part celle des différents courants en psychothéra- pie, jusqu'au développement d'une col- laboration qui tend vers la maturité.

L’article montre que l’évolution de la psychothérapie en Suisse romande au cours des 25 dernières années a été marquée par la fin d’un double monopole: celui de la psychanalyse, celui des psychiatres par rapport aux psychologues, en particulier dans la pratique de la psy- chothérapie au sein des institutions psychiatriques et de santé publique. Les auteurs soulignent le développe- ment de la recherche dans la formation et la pratique en psychothérapie, avec une implication de plus en plus importante des universités romandes (Lausanne, Genè- ve et Fribourg). La fondation de l’Institut de Psycho- thérapie à Lausanne constitue un événement important dans cette histoire récente.

La psychothérapie est une des voies sinon la voie privi- légiée du psychologue clinicien. L’offre en matière de formation postgrade sanctionne d’ailleurs sans appel la prédominance de cette option par rapport aux autres ti- tres de spécialisation reconnus actuellement par la FSP.

On dénombre sur le site internet de la FSP une qua- rantaine de cursus en psychothérapie pour onze cursus dans d’autres domaines. La nouvelle ordonnance sur les professions relevant du domaine de la psychologie liste quant à elle 62 demandes d’accréditation provi- soire pour le titre postgrade fédéral de spécialisation en psychothérapie, dont douze en Suisse romande.

La mise en œuvre de la nouvelle loi sur les professions de la psychologie (LPsy) pourrait entraîner ces prochai- nes années en Suisse des modifications notables, en

particulier dans le paysage de la psychothérapie. Désor- mais les enjeux relatifs à la pratique de cette dernière ont pris une importance et une tournure nouvelles: la loi offre aux psychologues une visibilité et une légitimi- té renforcées vis-à-vis de la population, souvent peu au fait des distinctions par exemple entre psychologues, psychiatres et psychothérapeutes. C’est sans doute là le tournant le plus marquant des 25 dernières années pour la psychothérapie en Suisse.

La psychothérapie romande d’hier à aujourd’hui De la fin des années septante aux années nonante, la psychothérapie en Suisse romande a été marquée par deux éléments: la prédominance de la psychanalyse et la mainmise des psychiatres, en particulier au sein des services publics (la pratique privée, elle, restait acces- sible aux psychologues, mais sans le remboursement par l’assurance maladie de base). La crainte de voir la psychothérapie échapper aux médecins avait con- duit le professeur Schneider, directeur de la policli- nique psychiatrique universitaire de Lausanne, à me- ner dès 1952 une guerre victorieuse pour affaiblir la position des psychologues dans ce domaine et donner le monopole de la psychothérapie aux psychiatres. Les psychologues s’étaient alors vus relégués dans les insti- tutions à des tâches d’investigation et de testing, com- me le relatent Despland et Pomini en 2011.

Toutefois, au cours des vingt dernières années, les psy- chologues cliniciens purent progressivement échapper à ces seules tâches et réinvestir le champ de la psycho- thérapie au sein des institutions psychiatriques. Paral- lèlement, l’approche psychanalytique laissa peu à peu la place à d’autres orientations, en particulier celles sys- témiques et cognitivo-comportementales. Une forme de démocratisation de l’activité psychothérapeutique était en marche, marquée par le partage entre professi- onnels – médecins et psychologues – de la pratique du champ commun de la psychothérapie, et par une pré- sence plus visible d’orientations variées dans l’offre des traitements.

La formation en psychothérapie se structura davanta- ge pour aboutir à des cursus satisfaisant aux exigen- ces d’un titre de spécialisation FSP. En Suisse roman-

(3)

15

Photo: Exemple

de le premier cursus validé par la FSP fut celui de l’Association Suisse en Psychothérapie Centrée sur la personne (1998), puis vinrent la formation en psycho- thérapie psychanalytique de l’Institut Charles Bau- douin à Genève (2005), celle de l’Arc Jurassien en Psy- chothérapie Psychanalytique (2006), la formation en TCC de l’Association Suisse de Psychothérapie Cogni- tive (2007). Les six ou sept autres cursus suisses ro- mands sont plus récents: ils datent en majorité de 2010 et 2011. Les psychothérapeutes de Suisse romande for- més au cours de ces 25 dernières années ont donc sur- tout suivi des trajectoires individualisées, qui ressem- blaient davantage à un parcours du combattant qu’à la poursuite d’une formation postuniversitaire aux balises bien établies et à l’encadrement rassurant, comme c’est le cas par exemple des médecins.

En même temps, si l’obtention d’un titre de spéciali- sation représentait une nécessité pour le psychologue qui se destinait à pratiquer la psychothérapie en cabi- net privé, le titre n’était le plus souvent pas requis pour poursuivre une carrière institutionnelle. La révision des articles 2 et 3 de l’OPAS en 2006, ainsi que la révisi- on du système de tarification des prestations médicales TARMED a changé la donne avec des exigences ac- crues en matière de contrôle et de critères pour le rem- boursement des psychothérapies, dont les psychothéra- pies déléguées. Ceci agita les milieux psychiatriques soudain inquiets à l’idée que les prestations de leurs psychothérapeutes psychologues n’allaient peut-être plus être remboursées. La psychothérapie pratiquée dans les institutions publiques romandes venait d’entrer dans des préoccupations économiques dont elle avait été jusque-là en grande partie épargnée. Les psycho- logues psychothérapeutes furent fermement invités à obtenir leur titre dans les meilleurs délais.

Un institut universitaire de psychothérapie

Dans cette histoire, les départements, instituts et facul- tés de psychologie des universités romandes commenc- èrent à jouer un rôle de plus en plus marqué. Fribourg, qui avait été jusque-là active en psychologie clinique surtout au niveau germanophone, se dota d’un master en psychologie clinique et de la santé de langue fran- çaise, avec un fort accent sur l’orientation centrée sur la personne et la TCC, et accueillit l’Institut de recherche et de conseil dans le domaine de la famille, où l’on pou- vait trouver de la recherche et de l’enseignement autour de méthodes d’intervention cognitives et comportemen- tales pour les couples et les familles. Genève continu- ait à promouvoir une psychologie clinique et psycho- thérapeutique de pointe, avec de nombreux projets de recherche dans les domaines de la neuropsychologie, de la psychopathologie cognitive et des approches in- terpersonnelles. Lausanne s’orientait plutôt vers l’étude

(4)

16

comparative des approches psychothérapeutiques sur le plan de leurs fondements anthropologiques et les visi- ons de l’Homme qu’elles véhiculent.

En 1998 le département de psychiatrie lausannois in- augura l’Institut Universitaire de Psychothérapie (IUP), premier institut de ce type en Suisse romande. Cet acte concrétisait une politique très favorable à la psycho- thérapie dans un domaine – la psychiatrie – où neu- rosciences et biologie tendent à imposer leur loi. Di- rigé depuis 2002 par Jean-Nicolas Despland, l’IUP est structuré autour de deux unités de recherche (le Centre de Recherche en Psychothérapie et le Centre d’Étude de la Famille), et trois unités d’enseignement des psychothérapies psychanalytiques, cognitives-com- portementales et systémiques. Outre sa particularité de faire coexister et de soutenir trois approches dans leur implantation clinique, l’IUP a engagé ses forces dans toute une série d’activités académiques, condui- sant à l’émergence d’un pôle lausannois de compéten- ces dans des domaines comme l’alliance thérapeutique, l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience de nouvelles formes manualisées de psychothérapies, ou le dévelop- pement d’outils et de méthodes pour décoder et com- prendre les processus psychothérapeutiques, quelle que soit l’orientation, comme l'expliquent de Roten et Ambresin en 2011. L’IUP a participé à l’évolution de la psychothérapie suisse romande en montrant l’exemple d’une collaboration sereine entre psychologues et psychiatres, et en stimulant entre thérapeutes issus d’écoles différentes un dialogue ouvert et constructif, centré sur les préoccupations scientifiques, politiques et économiques actuelles.

Visions d’avenir

Ce dialogue n’a toutefois été possible qu’à travers la dif- fusion progressive des connaissances issues du champ de la recherche empirique en psychothérapie. Ces con- naissances nous conduisent à considérer que l’enjeu actuel n’est plus de comparer différentes approches les unes avec les autres, mais plutôt comme l'explique Norcross en 2011 de comprendre l’articulation des élé- ments techniques et relationnels qui concourent à la réussite ou à l’échec des traitements, ceci quelle que soit l’orientation thérapeutique, c’est-à-dire d’adopter une perspective appelée «evidence-based responsiven- ess». Le développement actuel d’approches dites in- tégratives illustre ce changement vers une approche transversale et basée sur les facteurs communs aux ap- proches thérapeutiques.

Il est certain que si le psychologue psychothérapeute a gagné en reconnaissance publique, c’est aussi selon Kazdin en 2008 grâce à la recherche, et la reconnais- sance effective de sa capacité à conduire des études sci- entifiques rigoureuses. En Suisse, cette reconnaissance

sera prochainement traduite dans les faits par l’entrée en vigueur de la LPsy qui promeut un psychologue dont les compétences lui permettent non seulement de pra- tiquer la psychothérapie en bonne et due forme, mais aussi de l’évaluer et de la développer scientifiquement.

A notre avis, trois éléments clés au moins concourront à la poursuite de l’évolution actuelle: premièrement une formation de qualité, empiriquement soutenue par la recherche dans ce domaine, où une réflexion approfon- die devra être menée pour chaque étape de la formati- on dans la carrière d’un psychothérapeute (formation de base, spécialisation et formation continue). Deuxi- èmement la poursuite des efforts de recherche, afin de faire évoluer vers « l’evidence-based responsiveness » les critères actuels de définition des traitements empi- riquement fondés, pour donner aux thérapeutes les clés leur permettant de proposer des traitements individu- alisés, composés des ingrédients efficaces pour un in- dividu dans son environnement et son contexte socio- historique propres. Enfin troisièmement une politique professionnelle cohérente, permettant de légitimer la présence des psychologues aussi bien de par leur for- mation académique solide en psychologie que par leurs compétences scientifiques.

Abandonner la part scientifique de l’identité du psycho- logue psychothérapeute, au profit d’une identité de sim- ple praticien, comporterait à notre avis le risque de se faire dépasser de toutes parts: par des psychiatres déjà légitimés qui pourraient craindre la concurrence des psychologues, par d’autres professionnels paramédicaux venant occuper le terrain de la pratique, à moindre coût, et par des chercheurs estimant que la recherche en psychothérapie s’avère trop peu rentable.

Le bilan somme toute positif de l’évolution de la psy- chothérapie en Suisse romande au cours du dernier quart de siècle ne doit donc pas nous faire oublier que les défis à relever pour l’avenir restent encore nom- breux, que l’effort ne doit pas être relâché, ne serait-ce que pour maintenir une activité psychothérapeutique rigoureuse et contribuer à l’amélioration des traite- ments. Grâce à cet effort le psychologue est devenu et pourra demeurer l’acteur d’une pratique clinique réflé- chie avec méthode, consciente de ses limites et capab- le de se corriger et de s’améliorer. C’est ce que nous de- mande la loi, il n’appartient qu’à nous de la concrétiser.

Une nouvelle étape va maintenant être franchie avec l’entrée en vigueur de la LPsy. Celle-ci constitue une nouvelle avancée qu’il s’agira de traduire: dans le do- maine de la formation, où se pose en particulier la question des contenus à enseigner dans les différen- tes étapes menant à une carrière de psychothérapeu- te (formation prégraduée, postgrade et continue); dans le domaine de la recherche, qu’il s’agit de développer et mieux intégrer à la formation et à la pratique; dans la

(5)

17 17 politique professionnelle enfin, pour défendre le psy-

chologue comme acteur majeur et incontournable de la pratique, de la formation et de la recherche en psycho- thérapie.

Valentino Pomini Yves de Roten Nicolas Favez

Bibliographie

de Roten, Y., & Ambresin, G. (2011). La recherche en psy- chothérapie. In P. Guex & J. Gasser (Eds.), Pour une psy- chiatrie scientifique et humaniste (pp. 229–233). Chêne- Bourg: Georg Editeur.

Despland, J.-N., & Pomini, V. (2011). Psychiatre et psy- chothérapeute FMH : quel avenir? In P. Guex & J. Gasser (Eds.), Pour une psychiatrie scientifique et humaniste (pp.

261–279). Chêne-Bourg: Georg Editeur.

Kazdin, A.E. (2008). Evidence-based treatment and practi- ce. New opportunities to bridge clinical research and practice, enhance the knowledge base, and improve pa- tient care. American Psychologist, 63(3), 146–159. DOI:

10.1037/0003-066X.63.3.146

Norcross, J. C. (2011). Psychotherapy Relationships That Work: Evidence-based responsiveness. Oxford: Oxford University Press.

Les auteurs

Valentino Pomini est professeur en psychologie clinique à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne.

Yves de Roten est Privat-Docent et Maître d’Enseigne- ment et de Recherche à l’Université de Lausanne et pro- fesseur auxiliaire à l’université McGill de Montréal, Ca- nada. Il est le responsable de la recherche à l’Institut Universitaire de Psychothérapie.

Nicolas Favez est professeur de psychologie clinique à la Section de Psychologie de l’Université de Genève.

Contact

Valention Pomini, Institut de psychologie, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne, Quartier de Dorigny, bâtiment Anthropole, 1015 Lau- sanne.

valentino.pomini@unil.ch

Yves de Roten, Département de psychiatrie, Centre hos- pitalier universitaire et université de Lausanne. Institut universitaire de psychothérapie. Av. de Morges 10, 1004 Lausanne.

yves.von-roten@chuv.ch

Nicolas Favez, Unité de psychologie clinique des relations interpersonnelles, Facultés de psychologie et des sci- ences de l’éducation, Université de Genève, Uni Mail, 40 Boulevard du Pont-d’Arve, 1211 Genève.

nicolas.favez@unige.ch Résumé

L’article montre que l’évolution de la psychothérapie en Suisse romande au cours des 25 dernières années a été marquée par la fin d’un double monopole : celui de la psychanalyse, celui des psychiatres par rapport aux psychologues, en particulier dans la pratique de la psy- chothérapie au sein des institutions psychiatriques et de santé publique. Les auteurs soulignent le développement de la recherche dans la formation et la pratique en psy- chothérapie, avec une implication de plus en plus impor- tante des universités romandes (Lausanne, Genève et

Références

Documents relatifs

La Suisse romande productrice de syllabaires.

obtenir des indicateurs quantitatifs et/ou qualitatifs permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production et de réception de ces

Ce qui frappe dans les origines de la SHSR, c'est qu'elles sont particulièrement précoces si nous les comparons aux dates de création des autres sociétés d'histoire; la SHSR est

En introduction aux résultats – publiés en français, italien et allemand – de la première enquête nationale sur l’animation socioculturelle enfance et jeu- nesse en Suisse,

Contrairement aux dispositifs de médiation urbaine qui essaiment depuis 2011 sous l’impulsion des politiques communales, le TSHM s’est d’abord développé en Suisse romande à

BabelDr est un système innovant de traduction automatique et fiable du discours médical vers les langues minoritaires, dont la langue des signes, qui représente une

Le texte est en effet au cœur des préoccupations des didacticiens du français et sa prise en compte – ou non – dans les prescriptions officielles nous semble à même de

Cet article a pour objectif de retracer l’histoire d’un exercice scolaire constitutif de la discipline français, la dissertation, dans les gymnases de Suisse romande entre la fin