• Aucun résultat trouvé

Les interactions normatives en matière de régimes de contrôle des exportations d'armement

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les interactions normatives en matière de régimes de contrôle des exportations d'armement"

Copied!
531
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-02518534

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02518534

Submitted on 25 Mar 2020

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Les interactions normatives en matière de régimes de

contrôle des exportations d’armement

Luisella Ramoino

To cite this version:

Luisella Ramoino. Les interactions normatives en matière de régimes de contrôle des exportations d’armement. Droit. Université Côte d’Azur, 2019. Français. �NNT : 2019AZUR0025�. �tel-02518534�

(2)

Les interactions normatives en matière

de régimes de contrôle des

exportations d’armement

Luisella RAMOINO

Laboratoire de Droit international et européen

(LADIE EA 7414)

Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en droit d’Université Côte d’Azur

Dirigée par : Anne MILLET-DEVALLE,

professeure à l’Université Côte d’Azur

Soutenue le : 16/12/2019

Devant le jury, composé de :

Maurizio ARCARI, professeur à l’Université Milano Bicocca

Louis BALMOND, professeur à l’Université Toulon Var

Antonello TANCREDI, professeur à l’Université Côte d’Azur

(3)
(4)

Les interactions normatives en matière de régimes

de contrôle des exportations d’armement

Membres du jury :

Anne MILLET-DEVALLE, professeure à l’Université Côte d’Azur (Directeur de thèse)

Maurizio ARCARI, professeur à l’Université Milano Bicocca (Rapporteur)

Louis BALMOND, professeur à l’Université Toulon Var (Rapporteur)

(5)
(6)

RESUMÉ

Titre : Les interactions normatives en matière de régimes de contrôle des exportations d’armement

Le contrôle des exportations des armes et biens et technologies à double usage revêt dans le contexte géopolitique actuel une importance croissante. L’exportation de ces biens, qui ne cesse d’augmenter depuis quelques décennies, touche en effet à des questions très sensibles d’ordre éthique, économique et stratégique, suscitant une attention médiatique considérable. Le droit qui encadre l’exportation de ces biens doit être, en conséquence, le plus possible cohérent et intelligible pour garantir la sécurité juridique attendue par les États, les citoyens et les entreprises exportatrices.

Pourtant, les normes en matière de contrôle à l’exportation des armes et biens et technologies à double usage ne cessent de se multiplier au niveau international et régional accroissant le risque de conflits normatifs. Des inégalités apparaissent entre les normes internes des États en matière de contrôle en raison de leur appartenance à des régimes distincts d’ordre international et régional et d’une une mise en œuvre divergente des normes internationales en droit interne, posant la question de la cohérence de ce cadre normatif. La prolifération des textes et l’instabilité des règles finissent pour menacer la sécurité juridique, devenant un facteur d’inquiétude et d’incertitude pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le contrôle. Cette thèse se propose alors d’analyser le niveau de cohérence du cadre juridique relatif au contrôle de l’exportation des armes et biens et technologies à double usage par une approche positiviste en deux phases, évaluant dans un premier temps le fractionnement normatif déterminé par la pluralité des normes et régimes en matière de contrôle, puis recherchant les indices d’une harmonisation juridique au sein de cet ensemble. S’appuyant sur les théories relatives aux rapports de systèmes, les éléments de porosité qui peuvent être décelés entre les différents systèmes de droit participant au contrôle des exportations permettent de mettre en exergue des nombreuses interactions normatives, révélatrices d’une dynamique d’harmonisation progressive.

Mots clés : droit international, droit européen, contrôle des exportations, armes, biens et technologies à double usage, rapports de systèmes, interactions normatives, harmonisation du droit, fragmentation du droit, sécurité juridique, régionalisme, régionalisation du droit, internationalisation du droit, pluralisme juridique.

(7)
(8)

ABSTRACT

Title: Norm dynamics in arms export control

Arms, dual-use goods and technologies export control, is assuming growing importance in the current geopolitical context. In fact, the export of these goods, which has been increasing steadily over the past few decades, touches on highly sensitive ethical, economic, and strategic issues, attracting considerable media attention. The law governing the export of these goods must therefore be coherent and so far as possible intelligible in order to guarantee the legal security expected by states, citizens and exporting companies.

Rules in this domain are constantly expanding at the international and regional levels increasing the risk of normative conflicts. Divergences appear between the internal norms of the states due to their belonging to distinct international and regional regimes and to a divergent implementation in domestic law, posing the question of coherence of this normative framework. Hence, the proliferation of texts and the instability of rules threaten the legal security becoming a factor of uncertainty for all the actors involved in control.

This thesis aims to analyse the level of coherence of the legal framework relating to arms, dual-use goods, and technologies export control via a two-phase positivist approach, first examining the normative fragmentation determined by the plurality of control norms and standards, and then studying the legal harmonisation generated by the action of international and regional bodies in this field. This approach, which falls within the theories of the legal systems and legal pluralism, reveals a complex chain of normative interactions capable to highlight the “porosity” of the legal systems. Legal orders, from enclosed “arenas” become a space of encounter with number of normative exchanges, emphasizing the phenomena of “normative circulation”. The approach adopted shows the increasing trend of this legal framework towards progressive harmonization rather than disaggregation.

Keywords: International law, European law, export, arms export control, arms, dual-use goods and technologies, legal systems, normative interactions, harmonisation of international law, fragmentation of international law, regionalization, legal security, legal pluralism, normative circulation, normative interactions.

(9)
(10)

L’Université Côte d’Azur n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions devront être considérées comme propres à leurs auteurs.

(11)
(12)
(13)
(14)

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de thèse, la professeure Anne MILLET-DEVALLE pour sa disponibilité, ses encouragements, ses conseils et son soutien sans faille durant ces années.

Je remercie également le professeur Jean-Christophe MARTIN, directeur de l’Institut du Droit de la Paix et du Développement (IDPD) pour la qualité de la formation que j’ai reçue dans cet Institut. J’associe à ces remerciements le corps enseignant et le personnel administratif de l’IDPD et de la Faculté de Droit.

Mes remerciements vont en particulier au professeur Michel VEUTHEY, vice-président de l’Institut International de Droit Humanitaire de San Remo, pour m’avoir transmis, durant mes stages à l’Institut, sa passion pour ce droit. Je remercie à cette occasion tous les membres de l’Institut International de Droit Humanitaire de San Remo pour leur accueil et leurs enseignements.

Un grand merci à M. Randy RYDELL et Mme Mélanie REGIMBAL, officiers des Nations unies, pour m’avoir inspirée et encouragée dans mon parcours. Ma gratitude va également à toutes les personnes avec qui j’ai eu l’honneur d’échanger au sein de l’UNODA et de l’UNLIREC et qui ont contribué, par leurs remarques et leur expérience, à l’évolution de ma recherche.

Je remercie aussi tout particulièrement les membres du jury, les professeurs Louis BALMOND, Maurizio ARCARI et Antonello TANCREDI de leurs observations et remarques et d’avoir honoré de leur présence la soutenance de cette thèse.

Merci enfin à ma famille, ma mère et Mattia en particulier, Elias et tous mes amis et collègues doctorants du laboratoire LADIE pour leur soutien et leurs conseils tout au long de ces années.

(15)
(16)

« Ce qui domine le paysage juridique actuel, c’est le grand désordre d’un monde tout à la fois fragmenté à l’excès, comme disloqué par une mondialisation anarchique, et trop vite unifié, voire uniformisé, par une intégration hégémonique qui se réalise simultanément dans le silence du marché et le fracas des armes. Ordonner le multiple sans le réduire à l’identique, admettre le pluralisme sans renoncer à un droit commun, à une commune mesure du juste et de l’injuste, peut dès lors sembler un objectif inaccessible, un exercice pratiquement vain. (…) Prendre le pari contraire, pour tenter de dépasser la contradiction au profit d’une conception de l’ordre mondial qui ne soit ni la fusion des divers systèmes de droit, ni leur complète séparation, c’est renoncer tout à la fois à l’utopie de l’unité et à l’illusion de l’autonomie, en acceptant une vision modeste du droit …»1.

Mireille Delmas-Marty

1

(17)
(18)

ABBRÉVIATIONS ET SIGLES

ACP African Caribbean and Pacific Group of States ABM Anti Balistic Missile

ADM Armes de Destruction Massive

AECA Arms Export Control Act (Loi sur l’exportation des armes) AIEA Agence Internationale pour l’Energie Atomique

ALPC Armes Légères et de Petit Calibre AGG Accords de Garanties Généralisées AGNU Assemblée Générale des Nations Unies

Art. Article

ANASE Association des Nations d’Asie du Sud-Est

BASM Bombes à Sous Munitions

BTDU Biens et Technologies à Double Usage

CABT Convention sur les armes biologiques ou à toxines CAC Convention sur les Armes Chimiques

CAN Communauté Andine des Nations

CARICOM Caribbean Community (Communauté des Caraïbes) CCAC Convention sur Certaines Armes Classiques

CCL Commerce Control List (Liste de contrôle du commerce)

CD Conférence du désarmement

CDAA Communauté de Développement de l’Afrique Australe CEDEAO Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest CEEAC Communauté économique des États d’Afrique Centrale CDI Commission du Droit International

CE Communauté Européenne

CICAD Commission Interaméricaine de lutte Contre l'Abus des Drogues CICR Comité International de la Croix Rouge

CIFTA Convention Interaméricaine contre la fabrication illicite et le trafic d’armes à feu

CIJ Cour Internationale de Justice

CJCE Cour de Justice des Communautés européennes CJUE Cour de Justice de l’Union européenne

(19)

COCOM Comité de coordination pour le contrôle multilatérale des exportations stratégiques

CPE Coopération Politique Européenne

CPPMN Convention sur la protection physique des matières nucléaires CSNU Conseil de Sécurité des Nations Unies

DD Droit du Désarmement

DI Droit International

DIH Droit International Humanitaire

DIDH Droit International des Droits de l’Homme

EAA Export Administration Act (Loi sur l'administration des exportations)

EAU Émirats Arabes Unis

EAR Export Administration Regulation (Règlement sur l'administration des exportations)

EDAN États Dotés d'Armes Nucléaires EEAN États Exempts d’Armes Nucléaires

EEI Engin Explosif Improvisé

EIIL État Islamique en Irak et au Levant ENDAN États Non dotés d'Armes Nucléaires

GAEO Groupe Armement de l’Europe Occidentale GEIP Groupe Européen Indépendant des Programmes GFN Groupe des Fournisseurs Nucléaires

HCOC Hague Code of Conduct (Code de Conduite international contre la prolifération des missiles balistiques)

IBM Intercontinental Balistic Missile (Missile Balistique Intercontinental)

IFRI Institut Français des Relations Internationales IMPACS Implementing Agency for Crime and Security INFCIRC Information Circular (Circulaire d’information) IIT Instrument International de Traçage

ISP Initiative de Sécurité contre la Prolifération

ITAR International Traffic in Arms Regulations (Règlement sur le trafic international d'armes)

LCE Liste de contrôle des Exportations

MANPADS Man-Portable Air-Défense Systems (Systèmes de défense aérienne portatifs)

MERCOSUR Mercado Común del Sur (Marché Commun du Sud)

NASA National Aeronautics and Space Administration (Administration nationale de l’Aéronautique et de l’Espace)

(20)

NU Nations Unies

OAEO Organisation Armement de l’Europe Occidentale OEA Organisation des États américains

OIAC Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OSCE Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

PACDS Politique Africaine Commune de Défense et Sécurité

Para. Paragraphe

PESC Politique Européenne de Sécurité Commune PIB Produit Intérieur Brut

PoA Programme of Actions (Programme d’action des Nations Unies visant à prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects)

POLARM Pôle Armement

RECSA Régional Centre on Small Arms (Centre régional sur les armes légères)

Rés. Résolution

RCTM Régime de Contrôle de la Technologie des Missiles RDC République Démocratique du Congo

SADC South African Development Community (Communauté de développement d’Afrique Australe)

SDN Société des Nations

SICA Système d'Intégration Centraméricain

SIPRI Stockholm International Peace and Research Institute SLBM Submarine Launched Ballistic Missile (missile mer-sol

balistique stratégique)

TCA Traité sur le Commerce des Armes

TCE Traité instituant la Communauté Européenne TIC Transferts Intra Communautaires

TICE Traité d'Interdiction Complète des Essais nucléaires TFUE Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne TNP Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires

UA Union Africaine

UE Union Européenne

UEO Union de l’Europe Occidentale

UNODA United Nations Office of Disarmament Affairs (Bureau des affaires de désarmement des Nations unies)

(21)

URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques

USML United States Munitions List (Liste des munitions des États-Unis)

(22)

SOMMAIRE

Partie 1. Le fractionnement des régimes juridiques de contrôle de l’exportation des armes et des biens et technologies à double usage………...61

Titre 1. Un fractionnement déterminé par l’hétérogénéité des sources du droit du contrôle………63

Chapitre 1. La pluralité des normes universelles……… 64 Chapitre 2. L’émergence de droits régionaux………133

Titre 2. Un fractionnement accentué par les régimes de mise en œuvre du droit du contrôle ………... 211 Chapitre 1. Des régimes nationaux de mise en œuvre disparates……….212

Chapitre 2. Des régimes de mise en œuvre poursuivant des objectifs distincts…265

Partie 2. Vers une harmonisation des régimes juridiques de contrôle de l’exportation des armes et des biens et technologies à double usage………...315

Titre 1 L’harmonisation par la régionalisation………318 Chapitre 1. Des processus régionaux en soutien des normes universelles………320 Chapitre 2. Des processus régionaux précurseurs des normes universelles……..383

Titre 2 L’unification par l’internationalisation………399 Chapitre 1. L’unification négociée………401 Chapitre 2. L’unification imposée……….439

(23)
(24)

INTRODUCTION

GÉNÉRALE

Le commerce des armes a toujours fait l’objet de vives controverses. Auparavant réservé aux spécialistes du domaine de l’armement, il fait l’objet aujourd’hui de débats passionnés tant dans la société civile que dans la sphère politique. La raison de cet intérêt est que le commerce des armes touche à des questions très sensibles.

Sa dimension économique le place au cœur des échanges les plus significatifs pour les États : en 2018, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’armement aurait dépassé, selon l’Institut International de Recherche pour la Paix de Stockholm (SIPRI) 2, 1822 milliards de dollars, soit 1637 milliards d’euros, représentant 2.1% du produit intérieur brut mondial (PIB), son niveau le plus élevé depuis la fin de la Guerre froide. Les dépenses totales consacrées à l’achat d’armements ont augmenté pour la deuxième année consécutive en 2018; elles étaient de 2,6% supérieures à celles de 2017 et de 5,4% supérieures à celles de 2009. Les États-Unis, avec 36% du volume total d’exportations, ont été les principaux fournisseur d’armes au monde durant la période 2014-2018, suivis de la Russie, (21%), de la France, (6,8%), de l’Allemagne (6,4%) et de la Chine (5,2%). Pour ces pays, le commerce des armes représente un poids incontestable dans leur économie et une source importante d’emplois.

Les paramètres stratégiques de ce commerce sont aussi cruciaux : le commerce des armes est une manière d’assurer l’autonomie stratégique et la souveraineté des États et est fortement conditionné par les alliances politiques, influençant les équilibres régionaux, voire mondiaux. Les questions éthiques deviennent enfin un déterminant majeur, le commerce des armes soulevant des problématiques humanitaires dont l’importance pour les opinions publiques est croissante, exerçant des pressions en faveur d’évolutions normatives significatives.

I. Le droit du contrôle du commerce des armes, illustration contemporaine des enjeux d’une réglementation ancienne

L’actuel conflit au Yémen a suscité une effervescence tant médiatique que juridique relative à l’ensemble des tensions sous-tendant le(s) droit(s) du commerce des armes. Les

2

STOCKHOLM INTERNATIONAL PEACE RESEARCH INSTITUTE, Yearbook 2018, Armaments, Disarmament and International Security, Oxford University Press, Oxford, 2018.

(25)

ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis (EAU), engagés dans ce conflit dans la coalition en soutien du gouvernement yéménite contre les rebelles chiites houthistes liés à l’Iran, soulèvent des question étiques et juridiques fondamentales, objet de furieux débats impliquant l’ensemble des acteurs des relations internationales.

Ces ventes ont effectivement augmenté considérablement depuis le début du conflit en 2014. Selon le SIPRI 3, sur la période 2013-17, l'Arabie saoudite et les EAU étaient respectivement le 2e et 4e importateurs d'armes au monde. Les exportations vers l'Arabie saoudite sur cette période ont augmenté de 225% (atteignant 18% du total mondial pour une valeur de 75,9 milliards d’euros) et les exportations vers les Émirats ont augmenté de 51% (atteignant 7,4% des importations totales). Les États-Unis ont été les premiers fournisseurs de l’Arabie saoudite avec 61% du total, suivis du Royaume-Uni, (23% du total) et de la France avec 3,6%. Les Etas unis, la France et l'Italie ont été les majeurs fournisseurs des EAU4.

La presse reporte notamment la conclusion par les États-Unis de contrats de vente d'armements pour une valeur de 110 milliards de dollars (98,1 milliards d'euros) à l'Arabie saoudite5. Le Royaume-Uni aurait signé en mars 2018 un protocole d’accord avec ce même pays pour des avions de combat Typhoon et Tornado ainsi que des bombes à guidage de précision, pour une valeur de 3,39 milliards d’euros. En 2016, la France aurait livré à l’Arabie saoudite 276 véhicules blindés de combat, des systèmes d’artillerie de gros calibre et 500 fusils de précision pour plus d’un milliard d’euros. Elle lui aurait aussi accordé des licences d’exportation pour un montant de plus de 19 milliards d’euros correspondant notamment à la fourniture d’armes légères, des munitions, des bombes, des missiles, des roquettes, de véhicules blindés, des agents chimiques, des navires de guerre et des aéronefs.6

Les ventes d’armes italiennes aux Émirats arabes unis seraient aussi passées de 29,3 millions d’euros en 2017 à 220,3 millions d’euros en 2018, selon le rapport officiel présenté au Senat italien en 20197. Les exportations vers l’Arabie saoudite auraient été de 51.902.241 millions d’euros en 2017 et de 13.350.266 millions d’euros en 2018. Parmi ces exportations on compte trois fournitures à l’Arabie saoudite pour de bombes aériennes de type MK80 produites par

3

P. D. WEZEMAN, A. FLEURANT, A. KUIMOVA, N. TIAN and S. T. WEZEMAN, « Trends in international Arms transfers », SIPRI Fact Sheet mars 2018.

4

Les Etas unis ont représenté 58 % des exportations, la France 13% et l’Italie 6,6 %.

5

Le Parisien, «Plus de 380 milliards» de dollars de contrats signés entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, article paru le 20 mai 2017 sur Leparisien.fr., consulté le 20 avril 2018. http://www.leparisien.fr/international/armes-110-milliards-de-dollars-de-contrats-signes-entre-les-etats-unis-et-l-arabie-saoudite-20-05-2017-6967410.php

6

Rapport au Parlement 2017 sur les exportations d’armement de la France, Annexe, p. 54.

7

Senato della Repubblica italiana, Documento LXVII n. 2 XVIII Legislatura, « Relazione sulle operazioni autorizzate e svolte per il controllo dell'esportazione, importazione e transito dei materiali di armamento, relativa all'anno 2018 », http://www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/1113533.pdf

(26)

RWM Italia pour une valeur de 42.139.824 millions d’euros, qui remonteraient à une autorisation délivrée en 2016 pour la fourniture de 19.675 bombes aériennes d’une valeur totale de plus de 411 millions d'euros8.

Ces ventes soulèvent des interrogations quant à leur licéité. Des nombreuses associations de défense des droits de l’homme soutiennent en effet que les armes vendues à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis serviraient à commettre des violations massives des droits de l’homme (DIDH) et du droit international humanitaire (DIH) au Yémen alors que la réglementation des États-Unis, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni, tout comme la réglementation internationale9 et européenne10 interdisent la délivrance de licences d’exportation d’armes s’il existe un « risque avéré » que ces équipements puissent être utilisés pour commettre des violations du DIH et du DIDH.

Les rapports du Groupe d’experts des Nations unies sur le Yémen présentés depuis 201511 confirment effectivement ces violations. Le Rapport final du Groupe d’experts sur le Yémen12

8

Report, « Export Armi 2019: autorizzazioni giù del 50%. Ma le vendite rimangono costanti », http://www.vita.it/it/article/2019/05/13/export-armi-2019-autorizzazioni-giu-del-50-ma-le-vendite-rimangono-cos/151553/.

9

Le Traité sur le commerces des armes (TCA), stipule qu’ « un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » (Article 6.3). « Chaque État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation d’armes classiques relevant de sa compétence et conformément à son dispositif de contrôle national, évalue, de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, notamment de l’information fournie par l’État importateur, si l’exportation de ces armes ou biens contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité́ ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission » (Article 7.1). Si, à l’issue de cette évaluation et après avoir examiné les mesures d’atténuation des risques disponibles, l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives prévues au paragraphe 1, il n’autorise pas l’exportation (Article 7.3).

10

La position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires stipule que chaque État membre de l’UE évalue, au cas par cas, les demandes d’autorisation d’exportation qui lui sont adressées pour des équipements militaires : « Après avoir évalué l’attitude du pays destinataire à l’égard des principes énoncés en la matière dans les instruments du droit humanitaire international, les États membres refusent l’autorisation d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à commettre des violations graves du droit humanitaire international » (Article 2.2). Après examen de « la situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés), les États membres refusent l’autorisation d’exportation de technologie ou d’équipements militaires susceptibles de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d’aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays de destination finale » (Article 2.3). Les États membres tiennent compte, entre autres, des antécédents du pays acheteur dans le respect de ses engagements internationaux, notamment (…) et du droit humanitaire international (Article 2.6). Les autorisations d’exportation ne sont accordées que sur la base d’informations préalables fiables en ce qui concerne l’utilisation finale dans le pays de destination finale (Article 5).

11

Conseil de Sécurité, des Nations Unies, Organes subsidiaires, Rapport final du Groupe d’experts en application du paragraphe 6 de la résolution 2266 (2016), S/2017/81/Corr.1 S/2018/193 ; Rapport final du

(27)

soumis le 9 janvier 2018 au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014), rapporte notamment qu’en 2017, « toutes les parties au conflit se sont livrées à des violations généralisées du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Les frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et l’utilisation sans discernement d’engins explosifs par les forces houthistes et pro-Saleh ont touché de manière disproportionnée la population et les infrastructures civiles pendant la majeure partie de 2017 ». Selon le Groupe d’expert, rien n’indique que l’une quelconque des parties ait pris les mesures qui s’imposaient pour limiter les conséquences désastreuses de ces attaques pour la population civile. Le Gouvernement yéménite, les Émirats arabes unis et les forces houthistes et pro-Saleh se seraient tous rendus responsables d’arrestations et de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d’actes de torture. Les houthistes auraient procédé à des exécutions sommaires, placé des personnes en détention pour des motifs purement politiques ou économiques et systématiquement détruit les maisons de quiconque était perçu par eux comme un ennemi. Ils auraient aussi régulièrement entravé l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire. À la suite du lancement d’un missile contre Riyad, le 4 novembre 2017, la coalition emmenée par l’Arabie saoudite aurait également ordonné la fermeture de toutes les voies d’accès terrestres, maritimes et aériennes au Yémen. Il s’agirait de fait, pour eux, d’une tentative d’utilisation de la menace de la famine comme arme de guerre.

Le rapport du 18 juillet 2017 soumis au Parlement européen sur la mise en œuvre de la Position commune de 200813 indique aussi clairement que « certains transferts d’armements depuis des États membres de l’Union vers des régions et des pays instables et sujets à des crises ont été utilisés dans des conflits armés ou pour conduire une répression interne, (…) et que, dans certains cas, les armements exportés vers certains pays, par exemple l’Arabie saoudite, ont été utilisés pour mener des conflits, tels que celui dont le Yémen est le théâtre; que ces exportations violent manifestement la position commune et mettent ainsi en évidence la nécessité d’un meilleur contrôle et d’une plus grande transparence ».

Des nombreuses interrogations parlementaires sur la légitimité des ces ventes ont été ainsi soulevées notamment au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne ou en France.

Groupe d’experts en application du paragraphe 5 de la résolution 2204 (2015) S/2016/73/Corr.1 S/2018/192 ; Rapport final du Groupe d’experts en application du paragraphe 21(c) de la résolution 2140 (2014) S/2015/125.

12

Conseil de Sécurité des Nations Unies, Organes subsidiaires, Rapport final du Groupe d’experts en application du paragraphe 6 de la résolution 2342 (2017), Doc n° S/2018/68, 28 janvier 2018.

13

Parlement européen, Rapport sur les exportations d’armements: mise en œuvre de la position commune 2008/944/PESC, 18 juillet 2017, DOC n° 2017/2029(INI).

(28)

La commission parlementaire britannique sur le contrôle des exportations d’armes avait recommandé en 2017 la suspension des ventes à l’Arabie saoudite en attendant les conclusions d’une enquête internationale indépendante mais la commission des affaires étrangères a fait dépendre la poursuite de ces exportations de la décision judiciaire dans le dossier soulevé par l’organisation non gouvernementale (ONG) Campagne contre le commerce des armes (CAAT). La CAAT avait en effet demandé un contrôle judiciaire14à la

Haute Cour de Londres visant à faire interdire les transferts d’armes à l’Arabie saoudite. Le 10 février 2017, la Cour concluait que les décisions matérielles prises par le ministère du commerce international accordant les licences d’exportations à l’Arabie saoudite étaient légales et rejetait la demande formulée par la CAAT. La Cour d'appel, saisie par la CAAT, dans son jugement du 20 juin 2019 déclarait toutefois que l’attribution de licences par le gouvernement à l’Arabie saoudite relevait d’une « erreur de droit » sans suspendre pour autant les exportations militaires britanniques à destination de Riyad mais renvoyant la question au Secrétaire d’État pour qu’il la reconsidère conformément à la loi15.

En Italie, la légitimité de ces transferts a été justifiée par le gouvernement au motif que l’Arabie saoudite n'est soumise à aucune restriction du commerce international des armes. Cette position a été confirmée récemment lorsque le Parlement a rejeté deux motions parlementaires demandant l'arrêt des exportations d'armes vers les membres de la coalition. En France, le Parlement n’intervient pas dans les décisions en matière d’exportations d’armement qui dépendent entièrement de la volonté du gouvernement. Pour celui-ci les exportations d'armes françaises vers l’Arabie saoudite sont « étroitement surveillées et conformes aux lois et règlements nationaux »16 et elles sont au contraire « d’un grand intérêt pour la croissance économique et le développement de la base industrielle et technologique de défense de la France »17. Toutefois une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le respect des engagements internationaux au regard des autorisations d’exportations d’armes, munitions, formations, services et assistance accordées aux belligérants du conflit au Yémen, a été déposée à l’Assemblée nationale18.

14

Le contrôle judiciaire est notamment un type de procédure dans laquelle les juges examinent la légalité d'une décision ou d'une mesure prise par un organisme public. Dans ce cas, les juges ont examiné la légalité des décisions prises par le secrétaire d'État chargé du contrôle des exportations.

15

Royal Courts of Justice, [2019] EWCA Civ 1020, https://www.judiciary.uk/wp-content/uploads/2019/06/CAAT-v-Secretary-of-State-and-Others-Open-12-June-2019.pdf

16

Voy: M. BROMLEY, G. MALETTA, « The conflict in Yemen and EU’s arms export controls: Highlighting the flaws in the current regime » SIPRI, Stockholm, 16 mars 2018.

17

Ibid.

18

Assemblée nationale de la France, Proposition de Résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le respect des engagements internationaux de la France au regard des autorisations d’exportations d’armes, munitions, formations, services et assistance accordées ces trois dernières années aux belligérants du

(29)

L’ONG « Action Sécurité Éthique républicaines » a aussi présenté un recours devant le Conseil d’État pour dénoncer l’exportation d’armes françaises à certains pays de la coalition arabe qui violerait selon eux les dispositions du Traité sur le commerce des armes ratifié par la France en 2014.

Le gouvernement allemand a durci en novembre 2018 sa position vis-à-vis de l'Arabie saoudite en gelant toute nouvelle licence d'exportation vers ce pays. En revanche, n'ont pas été interdites les livraisons des matériels qui avaient déjà reçu une autorisation d'exportation. Au Canada, le professeur Daniel Turp tente depuis deux ans de faire annuler par la Cour fédérale le contrat de 15 milliards de dollars qui prévoit l’exportation de blindés du manufacturier ontarien General Dynamics Land Systems en Arabie saoudite. Il se fondait sur la loi sur les licences d’exportation et d’importation de 1985 selon laquelle le ministre, avant d’accorder une licence, « peut prendre en considération » le fait que les marchandises puissent être utilisées dans le but « de nuire à la paix, à la sécurité ou à la stabilité ». La Cour d’appel fédérale a statué, en 2018, que le ministre avait la discrétion d’approuver l’exportation de blindés « nonobstant le risque raisonnable que le matériel exporté soit utilisé contre une population civile ». Un nouveau recours va être déposé sur la base de la nouvelle loi canadienne qui met en œuvre le Traité sur le commerce des armes19.

La situation au Yémen devient ainsi à la fois emblématique de l’imbrication des enjeux politiques, économiques, éthiques et humanitaires en matière de vente d’armes, de l’évolution de la régulation juridique de ce commerce, et des difficultés de sa mise en œuvre.

Les premières tentatives de réguler le commerce des armes sont anciennes, à l’instar des règles gouvernant l’Empire romain, où la production des armes était contrôlée et les lois de l’Empire interdisaient de fournir des armes aux barbares. Au Moyen Age, le Troisième Conseil du Latran20 proscrit la vente des armes et du fer aux Sarazins lors des affrontements entre chrétiens et musulmans sous peine d’excommunication (canon 24). Il s’agissait toutefois d’initiatives exceptionnelles et unilatérales car le commerce des armes était libre et surtout

conflit au Yémen, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 avril 2018. L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (Version consolidée au 7 mai 2018) permet en effet la création de commissions d’enquête garantissant au Parlement d’exercer un contrôle démocratique de l’action du Gouvernement.

19

M. VASTEL, « Blindés vendus à l’Arabie saoudite: Daniel Turp se tourne vers la Cour suprême », article publié le 10 juillet 2018, consulté le 15 juillet 2018. https://www.ledevoir.com/politique/canada/561337/blindes-

vendus-a-l-arabie-saoudite?fbclid=IwAR29w8-geSITu81CJ9bmbZVNrbZtJuYvF_YPW9LdkHYfqU6wDMxDHYIbgSg

20

Le Troisième Conseil du Latran se tint à Rome en mars 1179, à la suite de la paix de Venise conclue entre l'empereur Frédéric Barberousse et la Ligue lombarde fomentée par le pape Alexandre III et donna lieu à 27 canons, dont celui relatif à la vente des armes aux Sarazins.

(30)

très limité. La première initiative multilatérale en matière de commerce d’armement ne date en effet que de la fin du XIXe siècle. Les puissances coloniales se réunirent pour réglementer le commerce des armes à feu et des munitions « au nom du maintien de la paix et de la sécurité nécessaire à la mise en valeur coloniale de l’espace africain »21.

Entre le XVIe et le XIXe siècle en Afrique occidentale, les armes à feu et les munitions, avec l’alcool et d’autres marchandises, servaient de monnaie d’échange pour ce qu’on appelle le commerce triangulaire. Les colons européens achetaient des esclaves noirs avec des armes et des munitions pour les revendre en Amérique en échange d’autres marchandises (café, or, tabac, sucre, coton et cacao). Des quantités exceptionnelles d’armes à feu circulaient alors de manière incontrôlée entre l’Europe et l’Afrique, et le trafic clandestin prit des proportions démesurées malgré les mesures adoptées au niveau des administrations locales. Les armes arrivaient dans le continent africain par les ports de la Côte Est et transitaient vers de multiples destinations par le biais de trafiquants. Le consul général de Grande Bretagne à Zanzibar soutenait qu’en l’espace d’un an, entre 80 000 et 100 000 armes à feu avaient été introduites de cette manière en Afrique22.

L’ « Acte Général de la Conférence de Bruxelles » (aussi nommé Convention de Bruxelles de 1890), signé le 2 juillet 1890 lors de Conférence de Bruxelles, visait alors à mettre un terme à ce vaste trafic d’hommes et d’armes. Les représentants des puissances coloniales, 23 convoqués par Léopold II, roi de Belgique et souverain du Congo, établirent cette convention « animés de la ferme volonté de mettre un terme aux crimes et aux dévastations qu'engendre la traite des esclaves africains, afin de protéger efficacement les populations aborigènes de l'Afrique et d'assurer à ce vaste continent les bienfaits de la paix et de la civilisation ».24

La Convention, entrée en vigueur le 2 avril 1892, fixait, conjointement à de mesures diverses pour combattre la traite25, des mesures restrictives pour le commerce des armes à feu et des munitions dans les territoires coloniaux en Afrique, mesures qui apparaissaient comme un

21

. Voy. : S. SANE, Le contrôle des armes à feu en Afrique occidentale française 1834-1958, Paris, Karthala, 2008, p.51.

22

Ibid.

23

La France, les États-Unis, les Empires d’Allemagne, d’Autriche, d’Hongrie, le Royaume de Belgique, de Danemark, d’Espagne, du Congo, le royaume de la Grande Bretagne, d’Italie, des Pays Bas, l’Empire de Perse, de Russie, l’Empire Ottoman, le Royaume du Luxembourg, du Portugal, de Suède et de la Norvège.

24

Acte Général de la Convention de Bruxelles de 1890, Préambule.

25

On y trouve aussi une règlementation particulière concernant l'immatriculation des navires, l'importation ou la production d'alcools forts, ou la création d'un bureau international maritime à Zanzibar.

(31)

nécessité aux fins mêmes de la Convention. À l’art. 826, il était mis en évidence « le rôle pernicieux et prépondérant des armes à feu dans les opérations de traite et dans les guerres intestines entre tribus indigènes » et « l’impossibilité radicale » de sauvegarder l’existence des populations africaines « si des mesures restrictives du commerce des armes à feu et des munitions ne sont établies ». Il fut alors établie une « interdiction d’importation des armes à feu et spécialement des armes rayées et perfectionnées, ainsi que de la poudre, des balles et des cartouches, (…) dans les territoires compris entre le 20e parallèle nord et le 22e parallèle sud et aboutissant vers l'ouest à l'océan Atlantique, vers l'est à l'océan Indien et ses dépendances, y compris les îles adjacentes au littoral jusqu'à 100 milles marins de la côte ». Les articles de 9 à 14 fixaient un régime de contrôle strict et très méticuleux, surprenant pour l’époque. Des mesures en matière de stockage, de marquage, de traçage, d’établissement de registres, de délivrance de permis, étaient envisagées27. Les gouvernements des puissances

26

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 8 : « L'expérience de toutes les nations qui ont des rapports avec l'Afrique ayant démontré le rôle pernicieux et prépondérant des armes à feu dans les opérations de traite et dans les guerres intestines entre tribus indigènes, et cette même expérience ayant prouvé manifestement que la conservation des populations africaines, dont les Puissances ont la volonté expresse de sauvegarder l'existence, est une impossibilité radicale si des mesures restrictives du commerce des armes à feu et des munitions ne sont établies, les Puissances décident, pour autant que le permet l'état actuel de leurs frontières, que l'importation des armes à feu et spécialement des armes rayées et perfectionnées, ainsi que de la poudre, des balles et des cartouches, est, sauf dans les cas et sous les conditions prévues à l'article suivant, interdite dans les territoires compris entre le 20e parallèle nord et le 22e parallèle sud et aboutissant vers l'ouest à l'océan Atlantique, vers l'est à l'océan Indien et ses dépendances, y compris les îles adjacentes au littoral jusqu'à 100 milles marins de la côte.

27

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 9 « L'introduction des armes à feu et de leurs munitions, lorsqu'il y aura lieu de l'autoriser dans les possessions des Puissances signataires qui exercent des droits de souveraineté ou de protectorat en Afrique, sera réglée, à moins qu'un régime identique ou plus rigoureux n'y soit déjà appliqué, de la manière suivante dans la zone déterminée à l'article 8. Toutes armes à feu importées devront être déposées, aux frais, risques et périls des importateurs, dans un entrepôt public placé sous le contrôle de l'administration de l'État. Aucune sortie d'armes à feu ni de munitions importées ne pourra avoir lieu des entrepôts sans l'autorisation préalable de l'administration. Cette autorisation sera, sauf les cas spécifié ci-après, refusée pour la sortie de toutes armes de précision telles que fusils rayés, à magasin ou se chargeant par la culasse, entières ou en pièces détachées, de leurs cartouches, des capsules ou d'autres munitions destinées à les approvisionner. Dans les ports de mer et sous les conditions offrant les garanties nécessaires, les Gouvernements respectifs pourront admettre aussi les entrepôts particuliers, mais seulement pour la poudre ordinaire et les fusils à silex et à l'exclusion des armes perfectionnées et de leurs munitions. Indépendamment des mesures prises directement par les Gouvernements pour l'armement de la force publique et l'organisation de leur défense, des exceptions pourront être admises, à titre individuel, pour des personnes offrant une garantie suffisante que l'arme et munitions qui leur seraient délivrées ne seront pas données, cédées ou vendues à des tiers, et pour les voyageurs munis d'une déclaration de leur Gouvernement constatant que l'arme et ses munitions sont exclusivement destinées à leur défense personnelle. Toute arme, dans les cas prévus par le paragraphe précédent, sera enregistrée et marquée par l'autorité préposée au contrôle, qui délivrera aux personnes dont il s'agit des permis de port d'armes, indiquant le nom du porteur et l'estampille de laquelle l'arme est marquée. Ces permis, révocables en ças d'abus constaté, ne seront délivrés que pour cinq ans, mais pourront être renouvelés. La règle ci-dessus établie de l'entrée en entrepôt s'appliquera également à la poudre. Ne pourront être retirés des entrepôts pour être mis en vente ce que les fusils à silex non rayés ainsi que les poudres communes dites de traite. À chaque sortie d'armes et de munitions de cette nature destinées à la vente, les autorités locales détermineront les régions où ces armes et munitions pourront être vendues. Les régions atteintes par la traite seront toujours exclues. Les personnes autorisées à faire sortir des armes ou de la poudre des entrepôts s'obligeront à présenter à l'administration, tous les six mois, des listes détaillées indiquant les destinations qu'ont reçues lesdites armes à feu et les poudres déjà vendues ainsi que les quantités qui restent en magasin.

(32)

participantes étaient invités à prendre « toutes les mesures (qu'ils jugeraient) nécessaires pour assurer l'exécution aussi complète que possible des dispositions relatives à l'importation, à la vente et au transport des armes à feu et des munitions, ainsi que pour en empêcher soit l'entrée et la sortie par leurs frontières intérieures, soit le passage vers les régions où sévit la traite »28 (art. 10)29. Ils étaient aussi exhortés à se communiquer « les renseignements relatifs au trafic des armes à feu et des munitions, aux permis accordés ainsi qu'aux mesures de répression appliquées dans leurs territoires respectifs. » (art.11)30 et « à adopter ou à proposer à leurs législatures respectives les mesures nécessaires afin que les contrevenants aux défenses établies par les articles 8 et 9 soient partout punis, ainsi que leurs complices, outre la saisie et la confiscation des armes et munitions prohibées, soit de l'amende, soit de l'emprisonnement, soit de ces deux peines réunies, proportionnellement à l'importance de l'infraction et suivant la gravité de chaque cas » (art. 12)31. Aux termes de l’art. 1332 les Puissances signataires s'engageaient enfin « à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'introduction des armes à feu et des munitions, par leur frontières intérieures, dans les régions de ladite zone, tout au moins celle des armes perfectionnées et des cartouches ».

28

En France, le Décret du 12 février 1892 porte application de l’Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890.

29

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890 Art. 10 « Les Gouvernement prendront toutes les mesures qu'ils jugeront nécessaires pour assurer l'exécution aussi complète que possible des dispositions relatives à l'importation, à la vente et au transport des armes à feu et des munitions, ainsi que pour en empêcher soit l'entrée et la sortie par leurs frontières intérieures, soit le passage vers les régions où sévit la traite. L'autorisation de transit, dans les limites de la zone spécifiée à l'article 8, ne pourra être refusée lorsque les armes et munitions doivent passer à travers le territoire d'une Puissance signataire ou adhérente occupant la côte, vers des territoires à l'intérieur placés sous la souveraineté ou le protectorat d'une autre puissance signataire ou adhérente, à moins que cette dernière puissance n'ait un accès direct à la mer par son propre territoire. Si cet accès était complètement interrompu, l'autorisation de transit ne pourra non plus être refusée. Toute demande de transit doit être accompagnée d'une déclaration émanée du Gouvernement de la Puissance ayant des possessions à l'intérieur, et certifiant que lesdites armes et munitions ne sont pas destinées à la vente, mais à l'usage des autorités de la puissance ou de la force militaire nécessaire pour la protection des stations de missionnaires ou de commerce, ou bien des personnes désignées nominativement dans la déclaration. Toutefois, la puissance territoriale de la côte se réserve le droit d'arrêter, exceptionnellement et provisoirement, le transit des armes de précision et des munitions à travers son territoire si, par suite de troubles à l'intérieur ou d'autres graves dangers, il y avait lieu de craindre que l'envoi des armes et munitions pût compromettre sa propre sûreté.

30

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 11 Les Puissances se communiqueront les renseignements relatifs au trafic des armes à feu et des munitions, aux permis accordés ainsi qu'aux mesures de répression appliquées dans leurs territoires respectifs.

31

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 12 Les Puissances s'engagent à adopter ou à proposer à leurs législatures respectives les mesures nécessaires afin que les contrevenants aux défenses établies par les articles 8 et 9 soient partout punis, ainsi que leurs complices, outre la saisie et la confiscation des armes et munitions prohibées, soit de l'amende, soit de l'emprisonnement, soit de ces deux peines réunies, proportionnellement à l'importance de l'infraction et suivant la gravité de chaque cas.

32

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 13 Les Puissances signataires qui ont en Afrique des possessions en contact avec la zone spécifiée à l'article 8, s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'introduction des armes à feu et des munitions, par leur frontières intérieures, dans les régions de ladite zone, tout au moins celle des armes perfectionnées et des cartouches.

(33)

Le régime ainsi défini fut établi pendant une durée initiale de douze ans, renouvelable pour des périodes de deux ans en deux ans par tacite reconduction (art 14)33.

Malgré l’adoption de cette convention le trafic clandestin d’armes à feu continuait à être alimenté par les limites de ce texte. L’exclusion de l’Afrique du Sud du champ d’application de la convention favorisait une vaste contrebande en ce territoire en direction des zones de prohibition. Des armes sous licences étaient également utilisées comme monnaie d’échange par des fonctionnaires gouvernementaux complaisants. En outre, l’Acte ne s’appliquait qu’aux armes perfectionnées, ce qui excluait certains types de fusils et leurs munitions tels que les fusils à pistons qui n’étaient pas soumis à aucune obligation de licence.

Aucune nouvelle règle sur la circulation des armes ne fut cependant approuvée dans le court terme. Les Conférences de paix de la Haye de 1899 et 1907 produisirent en effet des règles d’interdiction d’emploi pour certaines armes pour des raisons humanitaires, dans une perspective de limitation des armements plutôt que d’encadrement de leur circulation.

Après la guerre 1914-1918, l’Acte général de Bruxelles finit donc par ne plus correspondre aux circonstances nouvelles. Bien que la lutte contre la contrebande des armes à feu et des munitions dans les territoires africains demeurait un problème pour les puissances coloniales, l’urgence principale était de limiter l’armement de l’Allemagne et de soumettre la circulation des armes et des munitions à un contrôle international dans le but d’éviter que les énormes stocks d’armes et de munitions accumulées pendant la guerre ne soient diffusés de manière incontrôlée. Le Traité de Versailles de 1919, qui donnait aussi naissance à la Société de Nations (SDN), fixait alors des limites à l’Allemagne en matière d’armement. Outre la limitation de l’armement de son armée, le traité établissait l’interdiction absolue d’importer en Allemagne « des armes, munitions et matériel de guerre de quelque nature que ce soit » (art. 170)34 « des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières (…) analogues », « du matériel spécialement destiné à la fabrication, à la conservation ou à l'usage

33

Acte Général de la Conférence de Bruxelles de 1890, Art. 14 Le régime stipulé aux articles 8 à 13 inclusivement restera en vigueur pendant douze ans. Dans le cas où aucune des parties contractantes n'aurait, douze mois avant l'expiration de cette période, notifié son intention d'en faire cesser les effets, ni demandé la révision, il continuera de rester obligatoire pendant deux ans, et ainsi de suite, de deux en deux ans.

34

Traité de Versailles de 1919 Article 170 : « L'importation en Allemagne des armes, munitions et matériel de guerre de quelque nature que ce soit, sera strictement prohibée. Il en sera de même de la fabrication et de l'exportation des armes, munitions et matériel de guerre de quelque nature que ce soit, à destination des pays étrangers ».

(34)

desdits produits ou procédés » et « des chars blindés, tanks ou de tout autre engin similaire pouvant servir à des buts de guerre » (art 171).35

L’art 8.1 du Pacte de la SDN établissait par ailleurs, pour des raisons sécuritaires, que « le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l'exécution des obligations internationales imposée par une action commune ». Le Conseil se chargeait ainsi d’établir des plans de réduction des armements tenant compte de la situation géographique et des conditions spéciales de chaque État, dont la limite ne pouvait être dépassée sans le consentement du Conseil (art. 8. 2-3-4).

La SDN se chargeait aussi de la question de la circulation des armes. L’Art. 8.5 du Pacte établissait que : « Considérant que la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre soulève de graves objections, les membres de la Société chargent le Conseil d'aviser aux mesures propres à en éviter les fâcheux effets, en tenant compte des besoins des membres de la Société qui ne peuvent pas fabriquer les munitions et le matériel de guerre nécessaires à leur sûreté ». Au regard de la circulation des armes dans les colonies, l’art. 23.d établissait que les membres de la SDN « chargent la Société du contrôle général du commerce des armes et des munitions avec les pays où le contrôle de ce commerce est indispensable à l'intérêt commun ».

Dans le respect de ce mandat, une conférence fut convenue à Saint-Germain-en-Laye en 1919 dans le but de définir des nouvelles règles de contrôle du commerce international des armes36. La « Convention de Saint-Germain-en-Laye » de 1919 se proposait en effet de remplacer l’Acte de Bruxelles de 1890 devenu obsolète. La Convention, dans une approche très moderne, n’était plus limitée au commerce d’armes à feu en Afrique mais visait le commerce des armes dans le monde entier et prévoyait une liste précise d’armements soumis aux contrôles. Elle fixait une obligation de licence pour les armes exportées et des zones de prohibition d’exportation en Afrique et en Asie où les puissances occidentales possédaient des colonies. Cependant, elle limitait les échanges aux États parties à la Convention ce qui représentait une limite et conduit à son échec. La Convention n’entra jamais en vigueur faute de la ratification des États-Unis. À cet échec succédèrent d’autres tentatives infructueuses en

35

Traité de Versailles de 1919 Article 171: « L'emploi des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues, étant prohibé, la fabrication et l'importation en sont rigoureusement interdites en Allemagne. Il en est de même du matériel spécialement destiné à la fabrication, à la conservation ou à l'usage desdits produits ou procédés. Sont également prohibées la fabrication et l'importation en Allemagne des chars blindés, tanks ou de tout autre engin similaire pouvant servir à des buts de guerre ».

36

M. BREHM, Conventional arms transfert in the light of Humanitarian law and Human rights law, LL.M Thesis in International Humanitarian Law, Genève, Fevrier 2005, p 14.

(35)

192537 et en 193238 toujours du fait de la difficulté de concilier impératifs politiques, économiques et sécuritaires.

Entre les deux guerres, les questions sécuritaires liées à la circulation des armes devenaient de plus en plus cruciales en considération des nouvelles tensions internationales. L’art. 1639 du Pacte de la SDN prévoyait toutefois, dans le cadre de la sécurité collective, la possibilité de recourir à des embargos collectifs contre les membres ayant recours à la guerre

37

Une Conférence sur le commerce international des armes et des munitions se tint à Genève du 4 mai au 17 juin 1925 toujours sous les auspices de la Société des Nations pour les mêmes raisons sécuritaires. Cette Conférence conduisit à l’établissement de la Convention de Genève de 1925 sur le contrôle du commerce international des armes, munitions et instruments de guerre (et du Protocole de Genève de 1925 sur les gaz asphyxiants).

La Convention de Genève prévoyait un système de licences pour les armes exportés et distinguait cinq catégories d’armes : les armes conçues exclusivement pour la guerre sur mer, sur terre et dans l’air (a) ; les armes conçues pour un usage militaire et civil (b); les vaisseaux de guerre et leur armement (c) ; les avions (assemblés ou non) et les moteurs d’avions (d) ; la poudre explosive, les explosifs et les armes non couvertes par les deux premières catégories (e). Une licence d’exportation était requise pour les biens de la première catégorie ; une autorisation gouvernementale délivrée par le pays importateur était aussi requise si les biens étaient exportés à une personne privée. Les biens de la seconde catégorie ne pouvaient être exporté que si accompagnés d’une licence d’exportation mais l’autorisation préalable de l’État importateur n’était pas nécessaire. Les biens de la troisième catégorie devaient faire l’objet d’une publication, si transférés à un autre État, y compris sur l’armement à bord. Pareille publication concernait les biens de la quatrième catégorie pour laquelle il fallait indiquer aussi le pays de destination et la quantité. Les biens de la cinquième catégorie n’étaient pas assujettis à aucune restriction sauf si destinés à certains territoires et zone maritimes en Afrique et en Asie. Le but de cette Convention était d’empêcher le trafic illicite, via un système des licences et des registres. Cependant aucune supervision dans la quantité des armes produites n’était prévue et la Convention n’entra jamais en vigueur

38

Une ultérieure Conférence sur le désarmement fut organisée en 1932 à Genève. Outre le contrôle du transfert et de la fabrication d’armement d’autres questions y furent examinées, parmi lesquelles la limitation des forces armées, la limitation des armements, la limitation des dépenses en armement, la prohibition de la guerre chimique et bactériologique et le désarmement « moral » utile à créer une atmosphère favorable à la solution pacifique des différends. Une certaine convergence de vues fut trouvée sur des nombreuses questions telles que la prohibition de l’usage des armes chimiques et biologiques ou le désarmement moral. Néanmoins pour ce qui est de la fabrication et du transfert d’armement les délégations ne se trouvèrent pas d’accord sur l’établissement d’une limitation dans la production d’armement et sur les caractéristiques d’un éventuel système de licences. La question de l’égalité entre les États producteurs d’armes et les États non producteurs fut aussi abordée sans que les déléguées parviennent à une entente sur la manière d’achever une telle égalité. La Conférence fut enfin suspendue en 1936.

39

Traité de Versailles de 1919, partie I, pacte de la société des nations. Art 16 : Si un membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société. Ceux-ci s'engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l'État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État, membre ou non de la Société. 2. En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers gouvernements intéressés les effectifs militaires, navals ou aériens par lesquels les membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société.

3. Les membres de la Société conviennent, en outre, de se prêter l'un à l'autre un mutuel appui dans l'application des mesures économiques et financières à prendre en vertu du présent article pour réduire au minimum les pertes et les inconvénients qui peuvent en résulter. Ils se prêtent également un mutuel appui pour résister à toute mesure spéciale dirigée contre l'un d'eux par l'État en rupture de pacte. Ils prennent les dispositions nécessaires pour faciliter le passage à travers leur territoire des forces de tout membre de la Société qui participe à une action commune pour faire respecter les engagements de la Société. 4. Peut être exclu de la Société tout membre qui s'est rendu coupable de la violation d'un des engagements résultant du pacte. L'exclusion est prononcée par le vote de tous les autres membres de la Société représentés au Conseil.

(36)

de manière à ne pas alimenter le conflit et rétablir la paix et la sécurité après un acte d’agression : les premiers embargos collectifs sur les armes furent alors adoptés durant les conflits qui opposèrent le Japon à la Mandchourie et à la Chine en 1931 et 1937, et l’Italie à l’Ethiopie en 1935.

Avec la création de l’ONU et la faillite de la SDN, la priorité fut donnée en revanche au désarmement plutôt qu’à la régulation du commerce des armes, qui subit un arrêt. La Charte de l’ONU, contrairement au Pacte de la SDN, ne contient d’ailleurs aucune provision dans ce sens.

Des restrictions furent toutefois imposées au Japon en 1948 par la Commission de l’Extrême Orient (outre le démantèlement total de la force armée et de l’équipement militaire du Japon adopté en 1947, il lui fut interdit l’importation, l’exportation et la production de tout type d’armement, munition et matériel militaire)40 et à l’Allemagne en 1954 par les Accords de Paris (et notamment par Protocole III du traité de Bruxelles modifié)41.

Il se posait également le problème de l’armement nucléaire et des autres armes de destruction massive (ADM). La Guerre froide, qui s’installa très vite après la guerre, avait rompu les équilibres établis auparavant créant des nouvelles exigences en termes de sécurité. Outre une limitation de l’armement nucléaire, la période était marquée par l’urgence de contrôler les exportations d’armements et des biens et technologies à double usage (BTDU) afin de minimiser la menace militaire de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et lutter contre la prolifération des ADM et des vecteurs des pays en voie de développement. Des régimes de fournisseurs furent alors crées dans l’urgence pour des raisons stratégiques et pour faire face aux nouveaux défis en matière de sécurité. Certaines règles en matière de non-prolifération d’armes légères furent aussi convenues, suivies d’une accélération improvise de normes définies dans le cadre du Conseil de sécurité de l’ONU et des organisations régionales.

Le résultat de ce processus historique a été une accumulation chaotique de normes, dans une tentative parfois maladroite de concilier intérêts et impératifs de sécurité et d’humanité, qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours.

40

Ces restrictions furent levées en 1951.

41

Ces accords prévoyaient la pleine souveraineté de l’Allemagne et son adhésion à l’OTAN. Le réarmement allemand était possible mais seulement dans le cadre du commandement intégré de l’OTAN et si l'Allemagne renonçait à produire des armes atomiques, biologiques et chimiques.

(37)

Le domaine du contrôle des exportations d’armes et BTDU connaît en effet aujourd’hui une surabondance de règles juridiques apparemment incohérentes et le cadre normatif des exportations des armes paraît très confus et fragmenté dans ses différentes composantes.

Au niveau du droit international, on observe une pluralité de normes appartenant à des régimes juridiques divers et spéciaux, y compris régionaux. Une analyse des instruments de contrôle permet d’observer des chevauchements au niveau du champ d’application matériel : une même arme peut être soumise à la fois à la logique de l’interdiction et à celle de la retenue. Les armes nucléaires font l’objet par exemple d’un instrument d’interdiction totale et d’un instrument d’interdiction partielle. Des incohérences semblent exister aussi entre les instruments censés réguler les mêmes armes au niveau universel et régional, soulevant des interrogations quant à la coordination et la mise en œuvre intégrée des obligations consacrées par chacun. L’émergence d’un droit régional en la matière a soulevé en effet la possibilité de conflits avec le droit universel, entraînant des incertitudes juridiques et posant la question de la cohérence nécessaire à l’efficacité des contrôles.

Au niveau régional, il existe aussi des variations importantes d’une région à l’autre. L’UE a adopté un cadre régulateur restrictif en matière de contrôle, applicable à tous ses États membres alors que l’Asie, l'Océanie et le Moyen Orient, régions réceptionnaires de plus des deux tiers des armes exportées et théâtre de conflits internes et internationaux, manquent de règles en la matière. Ces divergences se reflètent au niveau des normes internes, où l’on constate des variations très significatives d’un État à l’autre en termes de qualité des procédures et de contenu, et cela indépendamment des quantités échangées. On constate des écarts aussi là où il existe des règles communes, du fait de divergences d’interprétation ou de mise en œuvre. Des variations importantes apparaissent enfin au sein même du droit interne suite à l’introduction de plus en plus fréquente de textes extérieurs.

II. Le droit du contrôle du commerce des armes, une problématique complexe liée au principe de sécurité juridique

Ce constat de la densité et de la diversité des corpus invite alors à s’interroger sur l’ampleur et les facteurs de la fragmentation normative et à déceler des interactions normatives entre les différents niveaux et régimes. Ces interactions permettent en effet d’établir l’existence et la portée de conflits normatifs, mais aussi de déterminer le degré d’harmonisation et de cohérence de ce droit, de mesurer les mouvements qui l’animent, en

Références

Documents relatifs

3 En droit international humanitaire, ce principe existe de manière conventionnelle à l'article 57 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 relatif à

L'interaction entre l'Accord et la nouvelle règle constitucionnelle a été analysée par le Tribunal fédéral dans I'arrêt du 26 novembre20l5a3. Le licige portait sur

<< mesures r~pressives >> au sens de la jurisprudence de la Cour de justice. 5 9 Le ressortissant britannique en cause dans cette affaire s'6tait 6vad6 de

Fabrice Filliez, Libre circulation des personnes et regroupement familial: t propose de la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg par le Tribunal

39 EuGH, Rs.. Damit bleibt die Frage nach dem Verhfiltnis zwischen Doppelbesteuerungs- abkommen und dem FZA. Dazu 5iussert sich Art. Er bestimmt im Wesentlichen, dass die

48 MERZ LAURENT, Le droit de sdjour selon l'ALCP et la jurisprudence d Tribunal fiddral, RDAF 2009 I p.. Le recourant invoque une discrimination i rebours par rapport

Le Tribunal f6d6ral s'est r6fr6 fi l'article 3, paragraphe 6, annexe I, ALCP, selon lequel les enfants d'un ressortissant d'une partie contractante qui exerce ou

Pour le Tribunal f6d6ral, la condition fondamentale pour le maintien du b6- n6fice d'une autorisation d'6tablissement r6side dans l'enracinement dans l'Etat d'activit6 qui