• Aucun résultat trouvé

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Section 1. Une prolifération de normes concertées

B. Les résolutions à portée générale

Le Conseil de sécurité a adopté aussi des résolutions à portée plus générale en matière d’ADM, intitulées « Non-prolifération des armes de destruction massive » dont notamment la Résolution 1540 (2004) du 28 avril 2004 et les résolutions 1673 (2006) du 27 avril 2006, 1810 (2008) du 25 avril 2008 , 1977 (2011) du 20 avril 2011, 2055 (2012) du 29 juin 2012, et 2325 (2016) du 15 décembre 2016, dans la suite de la résolution 1540 (2004).

La Résolution 1540 (2004) en particulier oblige les États à mettre en place des systèmes de contrôle efficaces afin d’éviter que les ADM et les biens connexes soient utilisées à des fins de prolifération ou de terrorisme. Cette résolution vise à empêcher les acteurs non- étatiques de se procurer des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs, mettre au point ces armes et vecteurs, se livrer à leur trafic ou en faire usage. La Résolution 1540 (2004) comporte trois obligations principales à la charge des États :

- s’abstenir d’« apporter un appui, quelle qu’en soit la forme, à des acteurs non extatiques qui tenteraient de mettre au point, de se procurer, de fabriquer, de posséder, de transporter, de transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs » (paragraphe opératif 1) ;

- adapter leur cadre législatif de manière à interdire à tout acteur non étatique de fabriquer, se procurer, mettre au point, posséder, transporter, transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs, réprimant toutes les tentatives de l’une quelconque de ces activités, le fait d’y participer en tant que complice et le fait d’y fournir assistance ou de la financer (paragraphe opératif 2) ; - Mette en place des dispositifs internes de contrôle destinés à prévenir la prolifération

des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou de leurs vecteurs, y compris en mettant en place des dispositifs de contrôle appropriés pour les éléments connexes,

notamment : en sécurisant le stockage et le transport ; en contrôlant les frontières ; en mettant en place des mesures interne de contrôle pour l’exportation, le transit, le transbordement de ces biens et des contrôles portant sur la fourniture de fonds ou de services – financement ou transport, par exemple – se rapportant aux opérations d’exportation ou de transbordement qui contribueraient à la prolifération, et mettant en place des dispositifs de contrôle des utilisateurs finaux; instituant et appliquant des sanctions pénales ou civiles appropriées aux infractions à ces législations et réglementations de contrôle des exportations » (paragraphe opératif 3).

Par l’effet de cette résolution tous les États membres de l’ONU sont ainsi contraints d’adopter au niveau de leur législation interne des systèmes de contrôle couvrant l’exportation, l’importation, le transit et le transbordement de vecteurs et de BTDU susceptibles d’être employés à des fins de prolifération. Dans ce but, le paragraphe opératif 6 de la Résolution souligne aussi (bien qu’elle ne soit pas une obligation) « l’utilité, aux fins de l’application de la présente résolution, de listes de contrôle nationales bien tenues, et demande à tous les États Membres de s’employer dès que possible, si nécessaire, à établir de telles listes ».

La Résolution prévoit en effet, outre aux obligations susmentionnés des mesures non obligatoires tels qu’un appel à la coopération internationale, (§ 8) ou à l’assistance dans la mise en œuvre de la résolution, (en termes de technologie juridique, d’expertise pratique ou de ressources) (§7).

Or, si la Résolution 1540 (2004) a pour but d’étendre le contrôle des ADM à tous les États et donc uniformiser le droit elle suscite aussi certains problèmes en termes de fragmentation. Le professeur Serge SUR231 souligne ainsi que certains points de la résolution soulèvent des problèmes de définition ou d’identification précise (les acteurs non étatiques, les ADM et leurs vecteurs, le terrorisme, l’Initiative de sécurité contre la prolifération notamment).

En premier lieu, les acteurs non étatiques, vraie cible de la résolution, ne sont pas précisément définis. La définition donnée par la résolution, « personne ou entité qui, n’agissant pas sous l’autorité légale d’un État, mène des activités tombant sous le coup de la présente résolution»,

231

S. SUR, «La Résolution 1540 du Conseil de sécurité (28 avril 2004) entre la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme et les acteurs non étatiques », Revue Générale de Droit International Public, 2004, n° 4, p. 855-882.

ne permet pas d’en cerner précisément la notion, dont la charge revient donc aux législateurs nationaux. Sont aussi exclues les entreprises ou les prestataires de services qui forcement ont à un certain stade des opérations clandestines un lien de complicité avec les acteurs non étatiques. En réalité, ce sont les États en premier lieu qui sont visés, car la prolifération est très improbable sans leur complicité directe ou indirecte.

Dans cette résolution, les ADM ne sont pas davantage définies que dans le droit international général. Elles sont juste nommées au sens des conventions en vigueur (CAC ; CABT ; TNP), permettant d’écarter, selon le souhait de la France, les armes radiologiques. La définition des vecteurs (missiles, fusées et autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires, chimiques ou biologiques et spécialement conçus pour cet usage) ne prend pas en considération les aéronefs, pourtant capables de transporter et livrer des charges nucléaires, chimiques et biologiques. Les « éléments connexes », définis comme les « matières, équipements et technologies couverts par les traités et arrangements multilatéraux pertinents, ou figurant sur les listes de contrôle nationales, susceptibles d’être utilisés aux fins de la conception, de la mise au point, de la fabrication ou de l’utilisation d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs », ne peuvent pas être déterminés précisément car les listes de contrôle nationales peuvent ne pas coïncider. On ne saurait non plus étendre la définition contenue dans les traités pertinents aux États non parties. L’absence dans la résolution de la possibilité des inspections des navires suspects en haute mer, un des aspects de l’ISP pourtant évoqué de manière sibylline dans le préambule de la Résolution, constitue également une lacune, due à l’opposition de nombreux États, en particulier la Chine. Le droit de la mer ne permet pas ces inspections en dehors des navires arborant son pavillon et la quête d’efficacité aurait voulu que la résolution établisse un tel droit d’inspection dérogatoire232.

En dépit de ses failles, la Résolution 1540 (2004) s’avère être un instrument novateur dans la stratégie internationale en matière d’ADM qui était jusqu’alors le fruit de négociations conventionnelles.