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Jardiner la ville néolibérale: la fabrique urbaine de la nature

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Jardiner la ville néolibérale: la fabrique urbaine de la nature

ERNWEIN, Marion

Abstract

Cette thèse traite de la nature en ville sous l'angle de sa fabrique, c'est-à-dire de l'agencement d'acteurs, d'outils et de discours qui concourent à la produire tant conceptuellement que matériellement. A travers une démarche ethnographique mobilisant la vidéo comme outil de recherche, elle s'intéresse à la mise en discours et en pratiques des politiques publiques de nature urbaine, et à la construction politique des rapports socionaturels en ville. Sur la base d'enquêtes de terrain menées dans le canton de Genève auprès de jardiniers professionnels et amateurs ainsi que de responsable administratifs, politiques et associatifs, ce travail fait l'hypothèse d'une néolibéralisation de la fabrique urbaine de la nature, et s'interroge sur la construction particulière de la nature qui la sous-tend. Elle ambitionne de comprendre comment les réformes néolibérales urbaines, qui mobilisent de nouveaux outils de gestion des services urbains et redéfinissent les relations entre services municipaux et société civile, construisent leur propre acception de la « bonne » nature. Cette thèse propose donc [...]

ERNWEIN, Marion. Jardiner la ville néolibérale: la fabrique urbaine de la nature . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2015, no. SdS 5

URN : urn:nbn:ch:unige-558182

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:55818

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:55818

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Jardiner la ville néolibérale

La fabrique urbaine de la nature

THÈSE

présentée à la Faculté des Sciences de la société de l’Université de Genève

par

Marion Ernwein

sous la direction de

Prof. Juliet J. Fall

pour l’obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales mention géographie

Membres du jury de thèse :

Mme Isabelle ARPIN, IRSTEA, Grenoble

Mme Béatrice COLLIGNON, Université Bordeaux - Montaigne Mme Bernadette LIZET, Museum National d’Histoire Naturelle, Paris

Mme Joëlle SALOMON CAVIN, Université de Lausanne Mme Anne SGARD, Université de Genève, Présidente du jury

Thèse n° 5

Genève, le 26 février 2015

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La Faculté des sciences de la société, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 26 février 2015

Le doyen

Bernard DEBARBIEUX

Impression d'après le manuscrit de l'auteur

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A mon grand-père Etienne, pour avoir dédié sa vie à la défense des travailleurs.

A Morgan, in a place nearby.

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Résumé  

Cette thèse traite de la nature en ville sous l’angle de sa fabrique. A travers une démarche ethnographique mobilisant la vidéo comme outil de recherche, elle s’intéresse à la mise en discours et en pratiques des politiques publiques de nature urbaine, et à la construction politique des rapports socionaturels en ville.

Elle propose une analyse croisée du jardinage urbain amateur et professionnel, et explore les modes de catégorisation spatiale et végétale mobilisés par ces acteurs.

Sur la base d’enquêtes de terrain dans le canton de Genève (Suisse), ce travail fait l’hypothèse d’une néolibéralisation de la fabrique urbaine de la nature, et s’interroge sur la construction particulière de la nature qui la sous-tend. Elle ambitionne de comprendre comment les réformes néolibérales urbaines, qui mobilisent de nouveaux outils de gestion des services urbains et de nouveaux modes de relation avec la société civile, se rendent opératoires sur la base d’une construction de la nature qui leur est propre. Cette thèse propose donc d’interroger, en partant des discours et pratiques des administrateurs et des jardiniers, la construction du rapport à la matérialité dans ce qui est qualifié comme une régime urbain néolibéral. La thèse forte de ce travail est que c’est la figure du « vivant », et plus particulièrement d’un vivant doté d’agency qui émerge comme incarnation préférentielle de la nature dans ce référentiel. Cette thèse propose donc, in fine, de spécifier les rapports à la matérialité d’un régime urbain en émergence.

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Abstract  

Gardening the neoliberal city: The making of urban nature.

Based on ethnographic fieldwork conducted in the State of Geneva (Switzerland) using video as a research tool, this thesis analyses the discursive and practical construction of urban environmental policies, as well as the political construction of urban socionatural relations. It performs a cross analysis of professional and amateur urban gardening, focusing on the spatial and natural categorization performed by social actors.

This work argues that the making of urban nature is undergoing a neoliberal transition that takes shape in particular governmental reforms that call for the participation and « responsibilization » of citizens and mobilize neomanagerial tools to manage urban services. This thesis participates in the current debate regarding the materiality of an emergent political-economic urban regime by analyzing the specific understanding of nature that is produced by and productive of, urban neoliberal reforms. The strong argument of this work is that the category of « living » nature, and more particularly of a lively, agential nature, emerges and becomes the preferred incarnation of urban nature in neoliberal projects.

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Remerciements  

La thèse est un exercice hautement solitaire mais aussi immanquablement collectif. Un certain nombre de personnes doivent donc être remerciées.

Je souhaite d’abord remercier ma directrice, Juliet Fall, pour avoir toujours cru en moi, et m’avoir exprimé sa confiance en me proposant cette thèse. Un grand merci pour la curiosité intellectuelle que tu m’as transmise et pour ton suivi constant et confiant.

Je remercie également vivement mes jurées, pour avoir pris part dans un délai à la limite de l’irréalisme au jury de cette thèse : ma présidente Anne Sgard, Isabelle Arpin, Béatrice Collignon, Bernadette Lizet et Joëlle Salomon Cavin.

Cette thèse a été réalisée au sein d’une équipe, à géographie variable, mais qui a imprimé sa marque sur ce travail : Juliet Fall, Joëlle Salomon Cavin, Jean Ruegg, Frédéric Giraut, Gwenaëlle Ramelet puis Simon Gaberell, ont influencé chacun à leur manière mon travail à différents moments au sein du projet

« NaVille – les Natures de la Ville », financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).

Paul Arnould, Bernadette Lizet et Olivier Graefe ont eu des influences décisives sur l’orientation de mon travail et plus généralement de ma pensée. Merci pour votre exigence et vos encouragements. « Une bonne thèse est une thèse qui avance », est un conseil avisé que j’ai tâché de suivre. Les cours d’Yvon Le Caro à Rennes et de Bernard Debarbieux à Genève ont aussi posé de solides fondations. Mes discussions avec Nicole Mathieu et Jean-Noël Consalès ont apporté de l’eau au moulin.

De très belles rencontres filmiques ont également jalonné ma thèse. Je remercie Nicolas Senn, Nirina Imbach, Florian Geyer et Benoit Raoulx pour nos échanges, qu’ils soient techniques, pratiques, théoriques ou amicaux.

Mais cette thèse a surtout été réalisée grâce à et avec tous les jardiniers qui m’ont offert un peu de leur temps, qui ont accepté ma présence parfois encombrante, mes questions incessantes, et ma caméra. Je remercie donc très chaleureusement Bernard, Céline, Cyril, Emily, Johan, Lauriane, Marc, Mélanie, Stéphane et Yoann au SEV de Thônex ; Christian, Daniel, Eddie, François,

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Jonas, Magali, Marco, Mickaël, Patrick, Raymond, Romain et les autres au SEV de Vernier ; Aurélie, Corinne, Daniel, Géraldine, Guillaume, les deux Jérôme, Nicolas, Roland, Sophie, Valérie et Yvan au SEVE de Genève ; André F, André H, Claude, Corinne, Jorge, Lucidio, Manuel, Mehdi, Patrick, Richard et Victor au potager urbain de Thônex ; Béatrice, Cicero, François, Madeleine et Marie-Jo au plantage des Libellules ; Alberto, Alexis, Cristina, Estelle, Emily, Loyse, Mayla, Raphaël, Robert et Simon à AOC. Merci surtout à Patrick, Jean-Marc et Olivier L. qui m’ont ouvert très grand les portes de leur équipe et accueillie chaleureusement.

De nombreuses autres personnes m’ont apporté leur témoignage et leur contribution à travers des entretiens ou des rencontres : Emmanuel Ansaldi, Thierry Apothéloz, Denis Astier, Jean-Théodore Bieri, Claudia Bogenmann, Francesca Cauvin, Pierre Chappuis, Séverine Evequoz, Hélène Gaillard, Denise Gautier, Pierre-Antoine Gobet, Eric Grosjean, Nicolas Kunzler, Anthony Leclerc, Matthias, Gaétan Morel, Daniel Oertli, John Pellaz, Maryse Rochette, Pascal Uehlinger, Bertrand Von Arx et Fabien Wegmuller. Qu’ils soient sincèrement remerciés.

Cette thèse a été réalisée dans des conditions particulièrement confortables au département de géographie et environnement de l’Unige. Merci à tous ceux et celles qui y ont contribué. Au sein du département, je remercie mes collègues et amis pour leur proximité, pour nos échanges et pour tous les bons moments qui auront jalonné cette thèse. Merci à Jean-François pour avoir toujours le bon mot d’encouragement, à Simon pour m’avoir servi de phare pendant la fin de thèse, mais aussi à Benjamin, Cristina, Estelle, Irène, Jean-Baptiste, Jörg, Lionel, Mari, Maria Luisa, Mathieu, Raphaël, Sandrine et Véro, pour tous les bons moments ! Merci à Muriel pour ton amitié.

J’ai eu le plaisir d’enseigner tout au long de cette recherche, et mes étudiants m’ont souvent, à leur insu, donné de belles idées auxquelles je me suis obstinément accrochée. Merci à eux.

La CUSO fait partie de ces lieux qui forgent une manière d’être avec la recherche, tant par le contenu des échanges et des formations, que par les rencontres humaines qui s’y nouent. J’y remercie en particulier Isabelle dont l’innovation méthodologique m’inspire, Géraldine pour sa passion des mots et son amour de la philosophie.

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Mes deux séjours à Cerisy sont parmi les souvenirs les plus marquant de mes années de thèse. J’ai une pensée amicale envers les jardiniers du futur, rencontre fertile qui je l’espère portera longtemps ses fruits. Merci à Gilles d’être ce que tu es, je crois en toi, et j’admire ta sensibilité de paysagiste. Merci à Romain, Anne-Cécile, Léa, Suzanne pour nos beaux échanges et pour notre jardin, à Pierre pour ton intransigeance.

De colloque en colloque, j’ai croisé et recroisé la route de jeunes chercheurs admirables : Kenjiro Muramatsu, Paula Nahmias, Sandrine Baudry, Claire Tollis : je suis ravie de vous avoir rencontrés et j’espère que nous continuerons encore longtemps à échanger.

Plusieurs personnes ont fait un travail de fourmi en relisant des parties de ma thèse : un grand merci à Régis, Muriel, Simon, et Claire, de m’avoir accordé du temps et d’avoir supporté mes terribles antépositions et ma montagne de virgules !

Restent les plus importants : un merci n’est pas suffisant pour dire à mes parents toute la reconnaissance que j’ai envers eux, pour m’avoir toujours et immanquablement soutenue dans tous mes choix, parfois égoïstes. Vous êtes parfaits.

Enfin, merci à Régis, pour avoir partagé avec moi toutes ces années pendant lesquelles je suis, nous sommes, devenus géographes, parce que sans toi je n’aurais rien fait de cela. Merci pour ta présence, ton soutien et ta patience, ton amour.

Et puisque les non-humains, ont, dans cette thèse, droit de cité, ces années n’auraient pas eu la même saveur sans Romi, complice à quatre sabots, et mon jardin montagnard. Enfiler ses bottes, toujours…

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Avant-­‐propos  

Cette thèse s’inscrit dans des champs de littérature qui, s’ils donnent une place importante à des philosophes et des sociologues francophones, sont avant tout développés en langue anglaise.

Pour des raisons de cohérence liées au fait d’avoir pratiqué la totalité de mon terrain de recherche en Suisse romande avec des personnes parlant français, ce travail est rédigé en français. Pour ces mêmes raisons de cohérence, le texte comporte de nombreuses citations en anglais, ainsi qu’un certain nombre de termes et de concepts intraduisibles. Plutôt que de dénaturer l’écriture des auteurs anglophones, j’ai en effet choisi de les laisser dans la langue d’origine, afin de restituer toute la richesse des termes.

Un glossaire est à la disposition du lecteur qui serait mal à l’aise avec ces anglicismes.

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Sigles  et  abréviations  

ACL Association des anciens de Châtelaine-Lullier ACP Agriculture contractuelle de proximité

ANT Actor-network theory

AOC Association d’origine collective

CAUE Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement CDB Convention sur la diversité biologique

CFC Certificat fédéral de capacité

CIAM Congrès international d’architecture moderne CJB Conservatoire et jardins botaniques

DEUS Département de l’environnement urbain et de la sécurité DGA Direction générale de l’agriculture

DGNP Direction générale de la nature et du paysage EPFL Ecole polytechnique fédérale de Lausanne FGJF Fédération genevoise des jardins familiaux FNS Fonds national suisse de la recherche scientifique Hepia Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture HETS Haute école du travail social

MCG Mouvement des citoyens genevois NPM New public management

OFEV Office fédéral de l’environnement ONG Organisation non gouvernementale PDC Parti démocrate chrétien

PDC Plan directeur cantonal PLR Parti libéral radical PPP Partenariat public privé PS Parti socialiste

PSD Projet stratégique de développement

PSR ProSpecieRara

RD1 Equipe Rive Droite 1 du Service des espaces verts de la ville de Genève

SEV Service d’espaces verts

SEVE Service des espaces verts de la ville de Genève SPJ Service des parcs et jardins

SPP Service des parcs et promenades STS Science and technology studies

SWPR Schumpetarian workfare postnational regime

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18 TVB Trame verte et bleue

UAC Unité d’action communautaire

USSP Union suisse des services des parcs et promenades VVP Service Voirie – ville propre

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Glossaire  des  expressions  anglophones  

Agency : Capacité d’action distribuée et relationnelle, non limitée par l’intentionnalité, et étendue aux non-humains (voir Latour, 1997 ; Whatmore, 2002).

Allotment gardens : Jardins collectifs, généralement divisés en parcelles.

Equivalent des jardins familiaux.

Benchmarking : Outil de gestion mobilisant des indicateurs de performance référant à un étalon (voir Bruno & Didier, 2013)

Commodification : Processus par lequel un élément est extrait de son contexte pour devenir un bien échangeable. Il passe notamment par un double processus d’individuation permettant de séparer un élément de son contexte en le singularisant, et d’abstraction, permettant de le rendre équivalent à d’autres éléments et donc échangeable. La commodification nécessite également la fixation d’une valeur et la possibilité de privatisation. Elle eut être rapprochée de la notion de marchandisation mais est davantage multidimensionnelle (voir Castree, 2003).

Community gardens: Jardins collectifs, généralement organisés sur un mode communautaire. Equivalent des jardins partagés.

Empowerment : Processus d’acquisition d’une capacité d’action libératoire.

Flanking mechanisms : mécanismes sociaux de rattrapage, visant à prendre le relais de services publics privatisés (voir Jessop, 2002).

Focus groups: Entretien collectifs, mobilisant fréquemment un support comme base d’échanges.

Grassroots : Une activité mise en œuvre par des collectifs non gouvernementaux. Equivalent de bottom-tup.

Political economy : Analyse régulationniste des dimensions politiques de l’économie. Souvent d’obédience marxienne.

Neocommunitarianism : Prise en charge par des organisations de la société civile de domaines relevant jusqu’ici de l’action publique (voir Jessop, 2002).

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Neocorporatism : Prise en charge par le secteur privé de domaine relevant jusqu’ici de l’action publique (voir Jessop, 2002).

Neostatism : Adoption par les institutions publiques de modes de faire inspirés des entreprises (voir Jessop, 2002).

New public management : Abrégé NPM, désigne l’adoption d’outils néomanagériaux dans l’administration publique.

Politics of scale : Analyse des enjeux liés au cadrage scalaire discursif et pratique des activités sociales (voir Cox, 1998).

Rescaling : Processus dans le cadre duquel des acteurs transforment le cadrage scalaire de leur discours ou de leur pratique.

Roll-back : Retrait de l’Etat qui diminue ses investissements dans les services publics. Réfère, chez Peck et Tickell (2002), au cas particulier de la Grande- Bretagne de Thatcher. Equivalent à la dérégulation.

Roll-out : Rerégulation des formes de gouvernement étatiques, passant par des reconfigurations du rapport entre secteur public, secteur privé et tiers-secteur notamment (voir Peck & Tickell, 2002)

Shutdown : Réfère à la fermeture temporaire des services publics fédéraux aux Etats-Unis en 2013.

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Table  des  illustrations  

Figure 1 : Localisation des cas d'études ... 179

 

Figure 2 : Capture d'écran du film "Végétaliser Thônex" (Ernwein, 2013) ... 242

 

Figure 3 : Capture d'écran du film "Vernier, ville verte?" (Ernwein, 2013) ... 245

 

Figure 4 : Capture d'écran du film "Être jardiniers : Enjeux végétaux,

enjeux humains" (Ernwein, 2014) ... 250

 

Figure 5 : Capture d'écran du film "Relations jardinières au potager urbain de Thônex" (Ernwein, 2013) ... 253

 

Figure 6 : La barre d'immeuble des Libellules en arrière-plan du jardin

(Ernwein, 2013) ... 255

 

Figure 7 : Le Parc Beaulieu ... 257

 

Figure 8 : L'espace du Collectif Beaulieu ... 258

 

Figure 9 : Bombes à graines (Ernwein, 2012) ... 259

 

Figure 10 : Tags en mousse (Ernwein, 2012) ... 259

 

Figure 11 : Critères d'entretien pour le code 1 (Jardins structurés très

fleuris) (Ville de Rennes, 2008) ... 270

 

Figure 12 : Classification des surfaces herbeuses dans l'entretien

différencié (Ville de Lausanne, 2005) ... 272

 

Figure 13 : Critère "écologie", entretien différencié (Ville de Lausanne,

2005) ... 273

 

Figure 14 : Urbanature, un partenariat public-privé. Source : urbanature.ch ... 321

 

Figure 15 : Loi pour la sauvegarde et le développement des jardins

familiaux (M240) ... 345

 

Figure 16 : Captures d'écran - Nouveau fleurissement au SEVE de

Genève (Ernwein, 2014) ... 389

 

Figure 17 : Captures d'écran - rapport à la mauvaise herbe (Ernwein,

2013) ... 405

 

Figure 18 : Régions biogéographiques utilisées par la DGNP pour définir l'aire de provenance des plantes pouvant être utilisées dans

les mélanges labellisés DGNP. Source : DGNP, nd. ... 415

 

Figure 19 : Captures d'écran - La plante vivante en société (Ernwein,

2014) ... 418

 

Figure 20 : Illustration du mélange "Spring Meadow" dans le catalogue de Green Pflanzenhandel ... 435

 

Figure 21 : Captures d'écran - Marché aux plantons ProSpecieRara

(Ernwein, 2013) ... 436

 

Figure 22 : Encart "Tomates libres pour tous", stadt-tomaten.ch ... 445

 

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Figure 23 : Diffusion de l'entretien différencié dans le canton de Genève et sa région ... 459

 

Figure 24 : Logo des potagers urbains d'Equiterre ... 462

 

Figure 25 : Circulation des modèles de jardinage collectif urbain ... 468

 

Figure 26 : Sachet de boules de graines distribué lors de l'inauguration

d'Urbanature en juin 2014 ... 474

 

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Tableaux    

Tableau 1 : Logique de choix des cas d’études ... 178

 

Tableau 2 : Trois ordres de motivation pour utiliser la vidéo ... 209 Tableau 3 : Les colloques fondateurs de l'entretien différencié (Aggeri,

2004 ; Le Crenn-Brulon, 2010) ... 266 Tableau 4 : Evolution des dépenses, SEVE Genève. Source : Budgets

prévisionnels par politique publique, Ville de Genève ... 299 Tableau 5 : Evolution des effectifs du SEVE Genève. Source : Budgets

prévisionnels par politique publique, Ville de Genève ... 299 Tableau 6 : Composition du comité de pilotage d’Urbanature ... 308 Tableau 7 : Les potagers urbains réalisés par Equiterre ... 345 Tableau 8 : Coût de mise en place des plantages et potagers urbains ... 372 Tableau 9 : Associations membres du Collectif Beaulieu en 2014 ... 479

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25 Sommaire

Résumé ... 7

 

Abstract ... 9

 

Remerciements ... 11

 

Avant-propos ... 15

 

Sigles et abréviations ... 17

 

Glossaire des expressions anglophones ... 19

 

Table des illustrations ... 21

 

Tableaux ... 23

 

INTRODUCTION ... 31

 

1.

 

Penser la nature dans la ville ... 33

 

1.1.

 

Les parcs publics pour structurer la ville et la société ... 33

 

1.2.

 

Aménagements et modes de gestion en mutation ... 35

 

1.3.

 

Quand la nature surgit hors des parcs ... 38

 

2.

 

Penser la nature de la ville ... 43

 

2.1.

 

Comprendre la ville… ... 43

 

2.2.

 

… Pour comprendre sa nature (et vice-versa) ... 45

 

3.

 

Démarche de recherche ... 47

 

3.1.

 

Questions de recherche ... 47

 

3.2.

 

Hypothèses principales ... 49

 

3.3.

 

Singularités de cette thèse ... 50

 

4.

 

Structure de la thèse ... 52

 

CHAPITRE 1:PENSER LA FABRIQUE DE LA NATURE ... 55

 

1.

 

La nature dénaturée : penser la construction de la nature ... 56

 

1.1.

 

Représentations de la nature ... 57

 

1.2.

 

Construction sociale de la nature ... 61

 

1.3.

 

Production de la nature ... 64

 

2.

 

La société désocialisée, les objets resocialisés : Approches

postconstructivistes ... 67

 

2.1.

 

Du diagnostic du Grand Partage aux réseaux et aux hybrides ... 69

 

2.2.

 

Plus-qu’humain mais pas trop ... 76

 

3.

 

La fabrique de la nature et des sujets ... 79

 

3.1.

 

Fabriquer de l’action publique ... 80

 

3.2.

 

Fabriquer de la nature ... 84

 

3.3.

 

Fabriquer des sujets par la nature ... 86

 

4.

 

Conclusion du chapitre 1 ... 98

 

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26

CHAPITRE 2 :LA NEOLIBERALISATION EN PRATIQUES ... 101

 

1.

 

Une histoire des libéralismes ... 103

 

1.1.

 

Libéralisme et néolibéralisme ... 103

 

1.2.

 

Le néolibéralisme, une nouvelle étape du capitalisme ... 106

 

1.3.

 

Du néolibéralisme aux néolibéralismes ... 109

 

2.

 

La fabrique néolibérale de l’action publique ... 118

 

2.1.

 

Le néolibéralisme et ses discours ... 119

 

2.2.

 

Le néolibéralisme dans l’Etat : gouverner les gouvernants ... 120

 

2.3.

 

De nouveaux partenariats gouvernementaux ... 127

 

2.4.

 

Vers une société « active » ... 132

 

2.5.

 

La production de nouvelles subjectivités : vers l’homo oeconomicus ... 135

 

3.

 

La nature en ville au croisement des néolibéralismes ... 140

 

3.1.

 

La ville objet privilégié du néolibéralisme ... 140

 

3.2.

 

Natures néolibérales ... 147

 

3.3.

 

Natures urbaines néolibérales? ... 155

 

4.

 

Comment, pourquoi, parler de néolibéralisme en Suisse et à Genève ? ... 163

 

4.1.

 

Quelques précisions sur la structure institutionnelle suisse et genevoise ... 163

 

4.2.

 

Politiques néolibérales version Suisse ... 165

 

4.3.

 

Genève, néolibérale ? ... 167

 

5.

 

Conclusion du chapitre 2 ... 168

 

POSITIONNEMENT ET HYPOTHESES DE TRAVAIL ... 171

 

CHAPITRE 3 :UNE DEMARCHE ETHNOGRAPHIQUE ... 175

 

1.

 

Travailler par études de cas ... 175

 

1.1.

 

Pourquoi des cas ? ... 175

 

1.2.

 

Penser et sélectionner les cas ... 176

 

1.3.

 

Dimension heuristique de l’approche par des collectifs ... 179

 

2.

 

Une recherche ethnographique ... 181

 

2.1.

 

Pratiquer l’entretien ethnographique ... 181

 

2.2.

 

Pratiquer l’observation / participante filmante ... 186

 

2.3.

 

Pratiquer l’entretien collectif ... 189

 

2.4.

 

Les enjeux à considérer ... 192

 

2.5.

 

La vidéo-élicitation collective, un focus group particulier ... 194

 

3.

 

Traiter ses « données » ... 196

 

3.1.

 

Penser la parole de l’interviewé et du chercheur ... 197

 

3.2.

 

Traiter et analyser entretiens et observations : enjeux pratiques et éthiques .. 198

 

3.3.

 

Terrain, analyse, théorie : entre induction et déduction ... 203

 

4.

 

Conclusion du chapitre 3 ... 205

 

(28)

27

CHAPITRE 4 :RECHERCHER A TRAVERS LA VIDEO ... 207

 

1.

 

En introduction : devenir vidéaste ... 207

 

2.

 

Penser et mobiliser la vidéo en sciences sociales ... 210

 

2.1.

 

De l’objet à l’outil ... 210

 

2.2.

 

Documentaire, film de recherche ou cinéma scientifique ? ... 212

 

2.3.

 

Positionnement ... 215

 

3.

 

Regard apprenant, regard observant ... 216

 

3.1.

 

Le regard, le réel, le visible ... 216

 

3.2.

 

Un regard apprenant – effets d’accentuation et de focalisation ... 217

 

3.3.

 

Filmer pour observer ... 218

 

4.

 

La vidéo comme médiateur dans une observation participante réflexive ... 219

 

4.1.

 

Une recherche réflexive ? ... 220

 

4.2.

 

Penser la vidéo comme médiateur ... 224

 

5.

 

La vidéo en pratique : éthique, traitement, écriture ... 228

 

5.1.

 

L’éthique de la relation audiovisuelle ... 228

 

5.2.

 

Ecrire avec la vidéo: analyser, assembler, montrer ... 234

 

6.

 

Conclusion du chapitre 4 ... 237

 

INTERLUDE :RENCONTRE AVEC LES JARDINIERS ... 239

 

1.

 

Le Service des espaces verts de la commune de Thônex ... 239

 

1.1.

 

La commune ... 239

 

1.2.

 

Le service des espaces verts ... 240

 

1.3.

 

Pratiques caractéristiques ... 241

 

2.

 

Le service des espaces verts de la commune de Vernier ... 242

 

2.1.

 

La commune ... 243

 

2.2.

 

Le service des espaces verts ... 244

 

2.3.

 

Pratiques caractéristiques ... 244

 

3.

 

Le Service des Espaces Verts de la Ville de Genève ... 246

 

3.1.

 

La commune ... 246

 

3.2.

 

Le service des espaces verts ... 247

 

3.3.

 

L’équipe RD1 ... 248

 

3.4.

 

Principaux enjeux ... 248

 

4.

 

Le potager urbain de Thônex ... 250

 

4.1.

 

Equiterre ... 251

 

4.2.

 

Le potager ... 251

 

5.

 

Le plantage des libellules ... 254

 

6.

 

Les guérillas jardinières à Genève ... 256

 

6.1.

 

La guérilla jardinière en ses multiples projets ... 258

 

6.2.

 

Des collectifs à géométrie variable ... 260

 

(29)

28

CHAPITRE 5 :L’ENTRETIEN DIFFERENCIE AU CŒUR DE LA REFORME

NEOMANAGERIALE D’UN SERVICE PUBLIC URBAIN ... 263

 

1.

 

L’entretien différencié, nouveau modèle de gestion des espaces verts ... 264

 

1.1.

 

Un brin d’histoire ... 265

 

1.2.

 

Le cas Suisse ... 267

 

1.3.

 

Principes ... 269

 

2.

 

Vers une néo-taylorisation du travail jardinier ? ... 277

 

2.1.

 

Rationalisation du travail ... 279

 

2.2.

 

Vers une spécialisation… ... 285

 

2.3.

 

… Ou une parcellisation ? ... 289

 

2.4.

 

Identités professionnelles : questions d’image et de visibilité ... 291

 

3.

 

Néolibéralisation de la nature urbaine et New Public Management ... 298

 

3.1.

 

Différemment ou moins ? La quête de l’efficience. ... 298

 

3.2.

 

Vers l’adoption d’outils et de dispositifs néomanagériaux ... 303

 

3.3.

 

De la péréquation à la stimulation de pôles compétitifs ... 324

 

4.

 

Conclusion du chapitre 5 ... 330

 

CHAPITRE 6 :L’HABITANT DE L’USAGER AU JARDINIER ... 333

 

1.

 

Les usages habitants sous le regard des jardiniers ... 334

 

1.1.

 

Explosion de la fréquentation ... 336

 

1.2.

 

Complexification du public ... 338

 

1.3.

 

Complexification des pratiques ... 340

 

2.

 

Jardiner en ville : vers de nouveaux espaces ... 342

 

2.1.

 

Du jardin familial périurbain au jardin potager en pied d’immeuble ... 343

 

2.2.

 

Les jardins collectifs urbains à Genève : projets et acteurs ... 346

 

2.3.

 

Une demande habitante ? ... 348

 

2.4.

 

Vers de nouvelles politiques de jardinage urbain ... 350

 

3.

 

Une ville jardinée par ses habitants ? ... 361

 

3.1.

 

Les arguments d’une prise en charge des espaces publics végétalisés par les habitants ... 361

 

3.2.

 

Vers des dispositifs d’entretien des espaces verts par la population ... 370

 

4.

 

Conclusion du chapitre 6 ... 382

 

CHAPITRE 7 :NEOLIBERALISATION ET RECATEGORISATION DE LA NATURE :

LA FIGURE DU VIVANT ... 385

 

1.

 

La figure du vivant : de l’expérience du vivant à la néolibéralisation ... 387

 

1.1.

 

Ce que le vivant n’est pas ... 390

 

1.2.

 

Les dimensions du vivant ... 392

 

1.3.

 

De la figure au mode de catégorisation ... 397

 

1.4.

 

Le vivant néolibéral, ou comment la catégorie fonde le projet ... 401

 

2.

 

Le vivant, toujours désiré ? ... 404

 

2.1.

 

Recatégorisations : la mauvaise herbe, catégorie frontière ... 405

 

(30)

29

2.2.

 

Le vivant inacceptable ... 411

 

2.3.

 

La plante vivante en société ... 418

 

3.

 

Le vivant contre la néolibéralisation de la nature ... 429

 

3.1.

 

Les jardiniers face au marché floristique ... 429

 

3.2.

 

Les plantes « anciennes » contre les grands semenciers ... 436

 

4.

 

Conclusion du chapitre 7 ... 451

 

CHAPITRE 8 :LA FABRIQUE URBAINE DE LA NATURE : ENTRE NEGOCIATIONS LOCALES ET CIRCULATIONS GLOBALES ... 453

 

1.

 

De l’usage des modèles : de l’exploration à la légitimation ... 454

 

1.1.

 

La gestion différenciée des espaces verts : un mode de faire qui circule ... 454

 

1.2.

 

Le citadin-jardinier : un modèle de subjectivité en circulation ... 461

 

2.

 

Faire modèle : jeux d’influences ... 469

 

2.1.

 

Recruter le politique pour son projet ... 470

 

2.2.

 

Le modèle et sa réception ... 472

 

3.

 

La rencontre des modèles : confrontation et négociations ... 475

 

3.1.

 

Les modèles et leur public ... 477

 

3.2.

 

Des références socio-spatiales en concurrence ... 479

 

4.

 

Conclusion du chapitre 8 ... 483

 

CONCLUSION ... 487

 

1.

 

Des constats aux postures de recherche ... 487

 

1.1.

 

Changer de cadrage ... 488

 

1.2.

 

Décrire, analyser, théoriser ... 489

 

2.

 

Logique de la recherche ... 491

 

2.1.

 

Questions de recherche ... 491

 

2.2.

 

Un concept et une thèse ... 492

 

2.3.

 

Hypothèses ... 493

 

3.

 

Principaux résultats ... 494

 

4.

 

Discussion ... 502

 

4.1.

 

La fertilité des liens ... 502

 

4.2.

 

N’y a-t-il de politique que néolibérale ? ... 502

 

4.3.

 

Conduites et contre-conduites ... 504

 

4.4.

 

Apports théoriques ... 504

 

4.5.

 

Apports et limites de la méthodologie ... 506

 

5.

 

Et maintenant ? ... 507

 

BIBLIOGRAPHIE ... 509

 

FILMOGRAPHIE ... 541

 

ANNEXES ... 543

(31)

30

(32)

31

Introduction  

« Hier, des habitants et des agents des services des espaces verts ont tenté, chacun de leur côté, de végétaliser le béton de nos villes. Comment concevoir la ville de demain autrement ? Élaborons ensemble la charte d’une ville jardinée pour une vie sociale plus humaine, pour une sécurité alimentaire apaisée et un rapport quotidien à la nature. La ville de demain sera jardinée et potagère. Elle sera élaborée, réalisée et gérée en synergie entre les agents de la collectivité et les citoyens. Pourquoi, comment ? »

Le 12 octobre 2012, à Strasbourg, dans le cadre du colloque « Villes jardinées et initiatives citoyennes », une cinquantaine de représentants de services municipaux d’espaces verts et d’associations de jardins collectifs rédigent et signent ensemble la « Déclaration des droits universels à la ville jardinée ».

L’extrait ci-dessus est le texte d’invitation à cet exercice collectif. La déclaration appelle les collectivités à reconnaître et à prendre en compte la demande habitante à pouvoir s’approprier et transformer son espace de vie à travers le végétal.

***

Le 16 avril 2013, lors d’une réunion interne du Service des espaces verts de la commune de Vernier, les employés sont informés de la mise en place d’un nouveau mode de fonctionnement interne : le service disposant d’un nouveau centre horticole lui permettant de cultiver une variété importante de plantes, ce n’est désormais plus l’équipe de production qui met à disposition des équipes de terrain des plantes avec lesquelles créer des massifs, mais les jardiniers de l’équipe de fleurissement qui doivent, en suivant un protocole précis, passer la commande plusieurs mois à l’avance afin de disposer de la bonne plante, pour le bon massif, au bon moment.

***

Depuis 2012, 23 postes de jardiniers du Service des espaces verts de la ville de Genève (SEVE) sont progressivement transférés au Service Voirie – Ville propre (VVP), qui gère le ramassage des déchets, dans le but de permettre aux jardiniers de se recentrer sur leurs tâches de métier plutôt que de s’occuper du nettoyage des parcs et pelouses, qui occupait jusqu’alors une partie de leur temps de travail.

(33)

32

Présentés ainsi, chacun de ces événements paraît singulier et difficilement comparable aux autres. Mais une autre lecture, plus attentive à la portée du changement opéré par chacun de ces événements, permet de saisir leurs points de rencontre. Voici donc ces trois vignettes reformulées :

Le 12 octobre 2012, à Strasbourg, se reconnaissant dans un appel à faire en sorte que la ville de demain soit « gérée en synergie entre les agents de la collectivité et les citoyens » une cinquantaine de représentants de services d’espaces verts et d’associations de jardins collectifs rédigent et signent ensemble la « Déclaration des droits universels à la ville jardinée ».

Reconnaissant la légitimité des citadins à vouloir agir collectivement sur leur cadre de vie, ce texte invite les collectivités à coproduire les espaces verts urbains avec les citoyens. Le principe du partenariat public-privé avec le secteur associatif dans le domaine des espaces verts urbains semble donc admis et revendiqué, à la fois par les associations et par les agents publics1.

***

Le 16 avril 2013, une réunion interne du service des espaces verts de la commune de Vernier met en place un nouveau mode de fonctionnement interne : désormais, les employés du secteur fleurissement doivent passer commande au secteur production comme ils le feraient avec une entreprise extérieure. Selon les responsables, c’est un moyen de former les apprentis à la vente et au fonctionnement des entreprises – auprès desquelles ils auront à postuler à l’issue de leur apprentissage –, tout en améliorant l’efficacité interne en s’inspirant des pratiques du privé.

***

En mars 2014, les jardiniers du Service des espaces verts de la ville de Genève attirent l’attention des médias locaux : en grève, ils manifestent contre les réductions d’effectifs dans le service, liés notamment au transfert de 23 postes vers le Service Voirie – Ville propre, et dénoncent la politique du nouveau magistrat en charge des espaces verts.

Aucune de ces deux lectures n’est purement factuelle, chacune porte en elle un un regard analytique sur les trois situations. Formulés de cette seconde manière, ces trois micro-événements semblent plus proches qu’ils n’y paraissaient au premier abord. Réduction d’effectifs, mise en place de simili- marchés et partenariats public-privé sont en effet souvent mobilisés conjointement, et sont parmi les incarnations les plus fréquentes des politiques

1 La déclaration n’est pas un texte contraignant, c’est un engagement de principe, ce qui ne lui ôte pas pour autant sa portée symbolique.

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qualifiées de néolibérales, consistant à introduire dans des domaines jusqu’ici dépourvus de ces logiques des principes de dérégulation étatique et de re- régulation par le marché, de concurrence et de commodification (Brenner &

Theodore, 2002b ; Foucault, 2004a ; Harvey, 2005). Mis ensemble, ces trois événements évoquent donc une possible évolution dans la fabrique urbaine de nature2. Pour pouvoir comprendre les enjeux de cette conjonction et la spécificité de ce qui pourrait être une évolution néolibérale de la fabrique urbaine de nature, il est nécessaire de passer par un bref compte rendu historique des politiques et des modes de fabrication de la nature en ville. Je commence par évoquer l’évolution de la place et de la spatialité attribuées à la nature en ville, puis j’interroge les rapports entre évolution du concept de ville et du concept de nature, avant de préciser mon positionnement et ma démarche de recherche.

1. Penser  la  nature  dans  la  ville  

Comme le note Martin Vanier,

« Les sciences de la ville, qu’elles soient sociales ou dites de l’ingénieur, ont longtemps considéré la nature comme ontologiquement hors champ, et il est probable que les sciences de la vie et de la terre se sont comportées symétriquement. Ce faisant, les scientifiques ont nourri des discours d’opposition radicale entre ville et nature, les uns au nom du triomphe de la technique et de la modernité dont la ville est la matrice, sur la nature enfin domptée, les autres au nom de la catastrophe pertinemment engagée pour les mêmes raisons » (Vanier, 2003, p. 87)

Lorsque les géographes et sociologues ont commencé, d’après Vanier dans les années 1970, à s’intéresser à cette question apparemment contradictoire, c’est d’abord sur les espaces de nature aménagée qu’ils se sont penchés. Incarné alors dans les parcs, jardins, squares et autres espaces verts, le végétal est présenté comme un des outils de l’urbanisme moderne.

1.1. Les  parcs  publics  pour  structurer  la  ville  et  la  société  

Comme le rapporte Carré (2000), avant la période moderne3, la ville n’est pas dépourvue de parcs et jardins, mais ils n’ont pas le statut d’espace public.

Rattachés à des demeures seigneuriales ou à des édifices religieux, ils sont à

2 Expression désignant, nous le verrons, les procédés, discours et arrangements d’acteurs entrant en jeu dans la production de la nature urbaine par l’action publique.

3 Il ne revient pas à cette thèse de s’appesantir sur les découpages historiques. Je propose donc au lecteur de se contenter de suivre Foucault (1966) qui situe la rupture moderne au début du 19e siècle.

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l’époque médiévale des lieux fermés et réservés. La ville classique introduit des jardins à accès semi public. La promenade, le square, ou encore ce que les anglais nomment « pleasure gardens » en sont les incarnations. Relevant souvent d’un foncier privé, et caractérisés par un principe marchand s’illustrant par une entrée payante, ils sont fréquentés par une foule diverse quoique plutôt aisée de citadins. Peu végétalisés, ils ont une fonction de loisir et de distinction, plus qu’une fonction paysagère. C’est au 19e siècle que le jardin paysager, végétalisé, quitte les grands domaines privés et arrive en ville sous les traits du parc public, mobilisé comme un outil d’amélioration des conditions de vie de la ville industrielle (Carré, 2000).

Malgré l’absence de parcs publics, la ville emprunte dès l’époque classique certaines de ses formes à l’art des jardins (Claval, 2011), avant de les concevoir, à partir du 19e siècle, comme des éléments structurants de l’urbanisme, qui « tissent la cohérence urbaine » (Donadieu, 1999, p. 12). Le plan Alphand à Paris, ou les parkways d’Olmsted aux USA en sont des exemples (Décarie, 2002), que Jean-Claude Nicolas Forestier théorise dans son ouvrage Grandes villes et système des parcs, publié en 1908. L’hygiénisme joue un rôle majeur dans cette récente attribution d’un rôle structurant aux parcs.

Fondé sur les principes de la circulation de l’air, de la pénétration de la lumière, et de l’ouverture de l’espace, ce mouvement conduit à de grandes percées urbaines et à un remodelage global de la ville mobilisant nettement les vastes espaces ouverts végétalisés (voir Choay, 1965). Mobilisés pour structurer la ville, les parcs le sont aussi pour structurer la société. Carré note une

« moralisation » du jardin au 19e siècle en Grande-Bretagne :

« Au XVIIIe siècle, le jardin public urbain avait rarement été associé à l'idée de progrès, mais bien plutôt à celle de la démoralisation de la ville. En le mettant au service d'une volonté politique réformatrice, les Victoriens réussirent du moins à re-moraliser le jardin urbain » (Carré, 2000, p. 200).

Cette « remoralisation » opère selon des critères politiques et sociaux propres à l’époque. Bergues montre que le développement des parcs urbains dans la France napoléonienne s’inscrit dans une idéologie nationale :

« Soucieux de faire de la France une nation moderne, Napoléon III engage un ensemble de spécialistes pour l’aménagement de Paris, la création de grands parcs urbains et la multiplication des squares, en vue notamment de l’éducation et de la moralisation des populations modestes. »(Bergues, 2010, p. 649)

Quant à Gabriel (2011), s’intéressant à l’aménagement de parcs dans la ville de Philadelphie au 19e siècle, il montre que ceux-ci sont utilisés par les pouvoirs publics pour façonner le comportement des ouvriers. Les règles d’usage de ces

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espaces végétalisés urbains visaient à les défaire d’un rapport de subsistance à la nature, consistant à prélever des fruits, des champignons, de la glace, ou encore à pratiquer la pêche et le petit braconnage. Les parcs urbains établissent une distinction entre ces pratiques associées à la campagne, et les pratiques capitalistes urbaines de consommation (Gabriel, 2011). A la même période, par ailleurs, se développent un certain nombre de théories urbanistiques que Choay (1965) qualifie d’utopiques, dont certaines mobilisent activement les espaces végétalisés comme outil d’action pour changer la société. Les cités-jardins d’Howard en sont un des exemples les plus aboutis.

1.2. Aménagements  et  modes  de  gestion  en  mutation  

Bien que les parcs et jardins aient focalisé l’attention de nombreux chercheurs, la nature urbaine s’est incarnée, au fil du 20e siècle, dans d’autres motifs spatiaux et végétaux.

Les parcs, jardins et promenades connaissent leur heure de gloire simultanément à la professionnalisation de l’horticulture au début du 19e siècle, lorsque d’anciens jardiniers des maisons bourgeoises deviennent des entrepreneurs et mettent sur pieds une nouvelle économie de la fleur, rapidement internationalisée (Bergues, 2010, p. 650). Créées au 19e siècle, les prestigieuses sociétés horticoles diffusent un savoir-faire professionnel et un modèle végétal horticole, à travers des publications, de nombreuses expositions horticoles, ainsi que l’aménagement, en ville, de jardins des plantes, qui, contrairement aux jardins botaniques savants et alors réservés aux élites, s’ouvrent à un public large et non connaisseur (Cueille, 2003). L’émergence du jardin public s’accompagne alors de l’importation en ville de modèles paysagers (Carré, 2000) et d’un mode de végétalisation floral :

« Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, parmi la floraison de jardins publics dans la capitale et dans toutes grandes villes de France, sont ainsi créés de nombreux jardins des plantes. Jusqu’ici, les fleurs étaient le plus souvent cultivées dans les jardins bouquetiers et potagers et n’avaient guère leur place dans les parcs et jardins paysagers » (Cueille, 2003, p. 138).

Si le 19e et le début du 20e siècle sont présentés comme une période relativement homogène en termes d’aménagements végétalisés en ville, les années 1960, elles, sont données à voir comme un moment de rupture. Cette période d’après-guerre conjugue urgence de la reconstruction matérielle et politique des villes européennes, et volonté de rupture pour s’assurer de ne pas reproduire les schémas passés. Elle se caractérise par la diffusion d’une pratique aménagiste fonctionnaliste, inspirée par les théories de Le Corbusier et

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des Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM). Le fonctionnalisme attribue à chaque espace urbain une fonction première qui doit guider son aménagement : travail, circulation, logement ou loisir. Dans la Charte d’Athènes, Le Corbusier classe les « surfaces vertes » dans la fonction loisirs. C’est sous ce terme générique qu’il désigne les espaces végétalisés urbains. Ceux de la périphérie des villes, eux, bénéficient de plus de précisions :

« Il ne s’agit plus ici des simples pelouses, plus ou moins plantées d’arbres, entourant la maison, mais de véritables prairies, de forêts, de plages naturelles ou artificielles constituant une immense réserve, soigneusement protégée » (Le Corbusier, 1971, p. 62)

Le qualificatif « vert » va être largement repris et adopté pour désigner les espaces urbains végétalisés, à travers l’expression d’ « espace vert ». Celle-ci se rend à partir des années 1960 incontournable, par son insertion dans la règlementation urbanistique française en 1961 (Lofti et al., 2012), et par la création de services communaux d’espaces verts (Le Crenn-Brulon, 2010).

Jusqu’ici, ce type de service spécialisé est surtout existant dans les capitales, où il porte généralement le nom de service des parcs et promenades4. Les espaces verts des années 1960 et des décennies suivantes prennent forme dans la pelouse. Celle-ci ne naît pas à ce moment-là5, mais se retrouve pour la première fois comme l’attribut unique et essentiel d’un type d’espace aménagé – la seule présence d’une pelouse permettant de qualifier un espace de « vert ». Cette forme « simplifiée à l’extrême », selon Auricoste, montre qu’ « on se préoccupait moins de la nature que des moyens d'atteindre la société idéale » (Auricoste, 2003, p. 27).

La plante horticole reste de rigueur pendant cette période des espaces verts, mais elle se transforme. Alors qu’en 1900 le catalogue des plantes horticoles commercialisées compte, selon Bergues (2010), plus de trois cents espèces florales différentes dont chacune est composée de trois à quatre variétés, la tendance s’inverse au 20e siècle, puisque le nombre d’espèces commercialisées diminue drastiquement, alors que le nombre de variétés de chacune explose :

« En 1998, cinq espèces de fleurs coupées (gerbera, rose, alstroesmeria, glaïeul, chrysanthème) représentent plus de 77 % du total de la production ; cinq autres (lis, tulipe, muflier, œillet, freesia) 22 %, et donc seulement 10 % pour les dix-sept dernières » (Bergues, 2010, p. 650)

4 Comme à Paris où le Service des promenades et plantations est créé dans les années 1850 (Santini, 2013).

5 En effet, elle constitue dès le 18e siècle un motif pastoral se retrouvant dans les jardins à l’anglaise, représentant, pour les classes supérieures, une société apaisée, par la mise en scène d’une campagne idyllique débarrassée de ses paysans (Auricoste, 2003).

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Cette évolution n’est pas spécifique aux fleurs coupées données ci-dessus en exemple, mais concerne toute la palette végétale. L’uniformité du gazon et l’amenuisement spéciel de la palette végétale horticole, couplés dans certains cas à un entretien que certains qualifient de négligent (Auricoste, 2003) entrainent des critiques. Pour Sansot (2003), monotones et réduisant la polychromie de la ville à une couleur, les espaces verts marquent une régression par rapport au jardin public. Quant à certains directeurs d’espaces verts, c’est moins l’espace vert comme figure urbanistique qu’ils renient que l’héritage horticole. Cité par Aggeri, Jean le Rudulier, ancien directeur du service des espaces verts de la ville de Rennes considère que :

« L’entretien traditionnel ‘tiré au cordeau’ est un héritage horticole issu d’un choix historique lié à l’art des jardins. Il conduit malheureusement à une banalisation et une pauvreté en matière d’espèces végétales avec comme seuls représentants des végétaux horticoles » (Le Rudulier cité par Aggeri 2004, p.101)

Ces critiques rencontrent dans les années 1980 et 1990 une botanique et une écologie urbaines naissantes, et un concept de biodiversité urbaine en construction (dont rend compte Clergeau, 2011). D’un espace hors nature, voire contre nature, la ville devient, pour les botanistes, un espace tissé de nature, et pour les écologues, à la fois un des noyaux d’une matrice écologique régionale qui la comprend, et elle-même une matrice composée de noyaux et de corridors (voir Liénard & Clergeau, 2011). Cette conjonction de nouveaux regards sur la nature urbaine fait émerger une nouvelle notion, et un nouvel outil de planification, celui de Trame verte et bleue (TVB) – décliné en anglais sous les termes de greenway ou de green infrastructure. Cette expression désigne « un outil d’aménagement du territoire comprenant des taches d’habitat et des corridors écologiques les reliant ou servant d’espaces tampons. Ces espaces de naturalité doivent permettre les flux d’espèces animales et végétales » (Arrif et al., 2011, p. 2). Elle marque une évolution dans la planification des espaces naturels en ville, en prévoyant leur connexion et leur articulation dans une matrice, ainsi que l’articulation de la ville avec son écosystème environnant par le biais de corridors écologiques.

Parallèlement, et à l’échelle cette fois non de la planification urbaine mais de la gestion des espaces végétalisés par les services administratifs les ayant en charge, émergent de nouveaux modes de faire. Désignés par le vocable d’entretien différencié, ils procèdent à la fois à la diversification de l’aménagement et du mode de végétalisation des espaces verts et à la réorganisation du travail jardinier et du mode d’entretien des espaces. La spatialité des espaces verts ne change pas fondamentalement, mais la logique

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qui préside à leur aménagement et leur gestion, si : référentiels « champêtres » ou « sauvages » (Aggeri, 2004) voire esthétique de la « friche paysagée » (Lizet, 2010), pratiques d’entretien plus extensives (Le Crenn-Brulon 2010 ; Menozzi 2007), et nouvelles manières d’être-avec les non-humains (Tollis, 2012) mettent en évidence la diversification tant des motifs végétaux que des pratiques qui leur sont liées.

Toutefois, ces évolutions n’empêchent pas le « vert » de rester prégnant dans les représentations et dans les appellations. Que l’on songe à la trame verte et bleue, ou à l’entretien différencié des espaces verts, les documents de planification et les outils de gestion semblent peiner à se défaire de la représentation de la nature urbaine comme aplat de couleur « verte » :

« Des expressions telles que "trame verte, coulées vertes, préverdissement" tendent à surdéterminer les documents et les discours sur la ville, et les cartes ont depuis quelque temps adopté comme teinte dominante ce vert ambiant. » (Calenge, 1997, p. 13)

Par ailleurs, en dépit de la portée du changement que mettent en évidence certains, pour Calenge, le principe fondamental reste inchangé : les parcs et espaces verts sont au principe de tous les nouveaux modes de faire, consistant à en changer l’entretien ou à les connecter :

« Le principe de verdissement retenu à Tours est, comme à Rennes et dans bien d’autres cas, celui de la « trame verte », c’est à dire de la quasi création graphique d’un objet constitué de l’ensemble, jusqu’ici sans unité, a priori hétéroclite, de tout ce qui peut être requalifié de « vert », « naturel », « éco- logique », « environnemental », « paysager »... L’important est que l’ensemble fasse réseau, ou plus exactement tissu, ce que le vocable de « trame

» traduit et trahit » (Calenge, 1997, p. 14)

Contrairement aux postures adoptées par Auricoste ou Calenge, cette thèse ne porte pas sur le bien-fondé ou non de continuer à utiliser des appellations référant au « vert ». Il pourra par contre être envisagé de se demander ce que permet, ou non, cette dénomination aux acteurs qui la mobilisent, et à ceux qui la critiquent.

1.3. Quand  la  nature  surgit  hors  des  parcs  

Bien que la ville ait pendant longtemps été présentée comme un artifice humain par excellence, elle est toujours matérielle, et sa matérialité échappe en partie au contrôle des humains. Les non-humains organiques ou inorganiques, qui en sont des constituants intrinsèques, apparaissent désormais aussi en être des acteurs. C’est dans les années 1990 et surtout 2000 que cette nature jusqu’ici

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invisible a pris de l’importance dans la recherche urbaine. Cet intérêt soudain des chercheurs relevant des sciences sociales et des études urbaines pour la nature ordinaire et spontanée des villes n’est pas sans lien avec la publicisation des travaux de champs disciplinaires relevant des sciences de la vie. La botanique urbaine, marginale au sein de la botanique durant le 20e siècle, se rend publique à partir de la fin des années 1990, à travers des colloques (Lizet et al., 1997) et des programmes de science citoyenne – tel que le programme

« Sauvages de ma rue »6 – dont des travaux universitaires commencent à rendre compte (Legrand, 2013 ; Martin et al., 2014). Ces chercheurs font donc apparaître au grand jour l’existence d’une faune et d’une flore spontanées riches dans les milieux urbains, et notamment dans les espaces en friche jusqu’ici regardés d’un mauvais œil. La présence non planifiée de non-humains dans les milieux urbains, thématique jusqu’ici inexistante dans la recherche urbaine, est alors problématisée par des chercheurs en sciences sociales, se demandant comment, par leur présence, ils participent à construire la ville en se jouant des délimitations humaines (Hinchliffe et al., 2005 ; Hinchliffe & Whatmore, 2006).

L’autre versant de la nature ordinaire des villes qui s’est simultanément rendu visible est celui de la nature produite hors de toute politique, par des citadins ordinaires. Bairoch (1985) met déjà en évidence le fait qu’au Moyen-âge, les citadins trouvent leur moyen de subsistance en jardinant juste à la sortie des villes. Lorsque Gabriel (2011) montre que les pouvoirs publics urbains du 19e siècle mettent en œuvre des politiques pour que les habitants cessent de prélever de la nourriture dans les parcs, cela souligne le fait que c’était jusqu’alors une pratique existante. Quant à la période contemporaine, elle ne déroge pas à l’existence de pratiques de subsistance et de production d’une nature urbaine populaire. En France, les travaux de Weber (1998, 1996) et de Dubost (1997) sur cette nature populaire, ordinaire, loin des grands parcs urbains, ont porté sur les jardins des zones pavillonnaires et les jardins ouvriers de la périphérie urbaine, relevant le fait que cette nature potagère ait souvent été reléguée à des espaces particuliers et peu visibles (Consales, 2000).

Aujourd’hui, certaines de ces pratiques se rendent visibles par leur appropriation, souvent éphémère, d’espaces centraux des villes et par leur capacité à mobiliser les médias et les réseaux sociaux. Comme l’a montré la citation introductive à cette thèse, les services d’espaces verts ne peuvent ignorer aujourd’hui leur existence. Alors que les jardins familiaux, anciennement jardins ouvriers, existent dans la plupart des pays européens depuis le 19e siècle, ils ont été relativement peu étudiés (pour un aperçu des travaux

6 http://sauvagesdemarue.mnhn.fr/

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existants, voir Cérézuelle, 2003 ; Consales, 2000 ; Frauenfelder et al., 2011a, 2011b ; Guyon, 2008 ; Weber, 1998, 1996). Leur histoire est maintenant bien connue, mais les pratiques contemporaines s’y déroulant et leurs manière de s’intégrer aux projets urbains et de négocier avec l’émergence de nouveaux modèles de jardinage, moins (à l’exception de Frauenfelder et al., 2014). En revanche, une autre catégorie de jardins a attiré l’attention des chercheurs durant ces quinze dernières années : la vaste et hétéroclite catégorie des jardins collectifs. L’intérêt pour ces jardins a émergé dans la littérature scientifique de manière quasi-concomitante dans l’ensemble des pays occidentaux. Ils font, sous le nom de community gardens, l’objet de nombreuses publications focalisées sur les Etats-Unis (Baudry, 2011 ; Drake, 2014 ; Ghose &

Pettygrove, 2014a, 2014b ; Kurtz, 2001 ; Paddeu, 2012 ; Pudup, 2008 ; Schmelzkopf, 1995 ; Smith & Kurtz, 2003), sous le noms de jardins collectifs, l’objet d’attention au Canada (Boulianne, 2001 ; Bouvier-Daclon & Sénécal, 2001 ; Wegmuller & Duchemin, 2010), et sous celui de jardins partagés, l’objet de recherche en France (D’Andrea & Tozzi, 2014 ; Demailly, 2014 ; Den Hartigh, 2013 ; Nahmias & Hellier, 2012 ; Scheromm, 2013 ; Tozzi & D’Andrea, 2014).

En Suisse, peu de travaux existent sur le sujet, si ce n’est la dernière recherche de Frauenfelder et al. (2014). Dans l’ensemble de ces cas, les jardins collectifs se donnent à voir sur le mode de la rupture avec les expériences passées de jardins urbains : jardins de crise et de guerre aux Etats-Unis (Lawson, 2004), jardins communautaires au Canada, allotment gardens en Grande-Bretagne, jardins familiaux en France (Guyon, 2004) et en Suisse (Frauenfelder et al., 2014). Bien que les contextes nationaux soient différents, ces jardins collectifs contemporains partagent généralement un caractère intraurbain, une organisation en principe non institutionnelle, et, en principe encore, une organisation rompant avec la subdivision en parcelles individuelles des jardins familiaux/communautaires/allotments. Mais, ainsi que nous le verrons avec le cas genevois, la réalité est plus compliquée, et les différences entre jardins collectifs et jardins familiaux relèvent souvent plus du discours que de la pratique.

A côté de ces formes bien identifiables et spatialisées de jardins collectifs urbains, d’autres pratiques jardinières sont plus éphémères et mouvantes. On pensera en particulier à la guérilla jardinière, terme que j’utilise ici au sens large pour désigner tout acte de jardinage effectué, en principe, dans un lieu quel qu’il soit en l’absence d’autorisation7. Ce type de pratique prend évidemment des formes et des significations multiples, mais elle paraît assez homogène pour qu’un champ de littérature ait commencé à émerger à son sujet (Adams &

7 Nous préciserons davantage ce que recouvre cette pratique à travers l’analyse d’un cas genevois.

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