• Aucun résultat trouvé

Oncologie : Article pp.60-61 du Vol.1 n°1 (2007)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Oncologie : Article pp.60-61 du Vol.1 n°1 (2007)"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

LIVRES ET VIDE´OS

Temps et me´decine

Bernard Hoerni

Essai, E´ditions Glyphe, 2005, Collection Les plumes d’Hippocrate, 340 pages, 24 euros

« Autrefois, un me´de- cin e´tait re´pute´ bon si son pronostic se confirmait. Long- temps avant l’e´cho- graphie obste´tricale, l’un d’eux usait d’un stratage`me pour lais- ser croire qu’il savait pre´voir le sexe de l’enfant a` naıˆtre : il annonc¸ait un garc¸on et marquait une fille sur sa fiche qu’il n’exhibait que si sa de´claration orale ne se ve´rifiait pas, pour pre´tendre a` une mau- vaise compre´hension. » Bernard Hoerni pourrait e´crire de nouvelles fables sur la me´decine et les me´decins. E´sope et La Fontaine salueraient leur e´mule, mais c’est plutoˆt de La Bruye`re qu’il s’agit car certains portraits sont aussi piquants que celui du me´decin qui use de sa mauvaise foi et de son autorite´ pour convaincre qu’en toutes circonstances, son diagnostic est sans faille ! Mais, au-dela` des caricatures, l’auteur prend le temps de faire profiter le lecteur de sa vision en perspective du parcours du me´decin. Il s’inspire bien suˆr de sa propre expe´rience, en reconnaissant qu’elle est lie´e a`

l’e´poque qu’il a traverse´. Avec le facteur historique, il montre l’influence du temps sur le me´decin. Celui qui vieillit avec sa patiente`le, celui qui s’adapte aux nouveaux besoins, aux nouvelles techniques, celui qui garde enfin, modeste, les principes de la clinique me´dicale. Que l’on fasse appel a` la vieille filiation des Hippocrates, que l’on re´veille Maimonide ou Ali Ibn Sinaˆ, cite Balint ou Jean Bernard, tous ont transmis l’ide´e d’une base morale et philosophique de la Me´decine. Et meˆme barde´ de diploˆmes, de drogues et d’images, le me´decin ne peut exercer sans cette dimension. Ce livre permet au jeune me´decin de la rechercher, au me´decin aguerri de la retrouver. C’est un livre de chevet, un livre-compagnon pour le me´decin. Il reprend les aphorismes de la me´decine

classique sans pour autant les asse´ner mais au contraire, pour, tranquillement les discuter, les commenter et constater que, malgre´ le temps, ils ont encore droit de cite´. Cependant, ceux qui faisaient la force tranquille d’une me´decine parfois acade´mique sont aujourd’hui malmene´s par le bouleverse- ment des enjeux autour de la sante´. Calmement, Bernard Hoerni les reprend un a` un et montre que le de´roulement du temps pour le me´decin est beaucoup plus philosophique que technique. L’acce´le´ration ne touche au fond que les illusionnistes de la maıˆtrise scientifique. Car le me´decin presse´ se leurre. Pe´dagogue, Bernard Hoerni de´monte un certain nombre de be´vues de la me´decine qui croirait tout maıˆtriser sans prendre en compte l’instant fe´cond ou le point de conjonction qui re´sulte des rencontres du hasard et d’un phe´nome`ne plus annonce´ (une jeune femme consulte et se rend compte que sa me`re a e´te´ traite´e d’un cancer mammaire il y a vingt ans ; une autre, dans le meˆme cas, consulte alors que sa sœur vient de mourir de me´tastases d’un cancer du meˆme type : l’attitude du me´decin change radicalement pour ces deux entretiens). Le moment de la consultation, sa dure´e, ses diffe´rents temps sont de´taille´s et permettent a` ceux dont la pratique intuitive ne cherche pas a` e´tablir de lien the´orique, qu’un minimum de re´flexion se traduit par un enseignement sur la nature des consultations. Les nombreux exemples de Bernard Hoerni nous entraıˆnent au paradoxe : il de´crit plusieurs consultations avec ou sans un malade qui n’a plus aucune chance de gue´rir et un de´lai de survie tre`s limite´.

E´trangement, les malades, leur famille sortent satisfaits des consultations dans lesquelles le me´decin e´coute, reconnaıˆt la demande des uns et des autres, parle de l’absence de recours mais laisse au fond peu de doute sur l’issue fatale. Ce n’est pas seulement le grand professeur qui a doctement donne´

son avis, c’est l’expe´rience, le regard porte´ sur autrui pleinement, l’attention extreˆme a` la situation actuelle, le sentiment du re´el inatteignable mais toujours approche´

patiemment et respectueusement qui ont entraıˆne´ une forme de de´dramatisation et un de´but d’adaptation aux limites de la vie ; « Le courage, ce n’est pas de de´clarer la difficulte´

irre´elle, mais de l’endosser toute vive, positive et tragique, pour la mieux re´soudre. L’ide´e est plus fe´conde que la vie » a e´crit Vladimir Janke´le´vitch. En reconnaissant l’inte´reˆt de la crise, B. Hoerni montre que le me´decin doit avoir un sens aigu de la temporalite´ de la consultation : elle ne survient jamais par hasard, son de´roulement doit eˆtre perc¸u et controˆle´ par le me´decin qui doit laˆcher prise lors de conse´quences majeures. Cependant c’est encore au me´decin de fermer la relation, re´sumer, reprendre, conclure sur ce temps ralenti ou fige´ ou` les conditions de la vie se mettent

Psycho-Oncologie (2007) Nume´ro 1: 60–61

©Springer 2007

DOI 10.1007/s11839-007-0008-2

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

(2)

progressivement entre parenthe`ses. Mais meˆme ici, le me´decin doit laisser la porte entrouverte car subsiste encore un mince espoir : « Un couple a de´ja` eu quatre enfants : le premier est aveugle, le second est mort en bas aˆge, le troisie`me sourd-muet, le quatrie`me tuberculeux. Le pe`re est lui-meˆme syphilitique, la me`re tuberculeuse. Cette dernie`re amorce une cinquie`me grossesse : n’y a-t-il pas assez de raisons pour un avortement the´rapeutique ? Pourtant l’enfant naıˆtra : ce sera Ludwig van Beethoven. » Si la mort est certaine pour tous, elle laisse des re´pits fastueux parfois.

Aucun me´decin ne pourrait pre´tendre les empeˆcher...

Bernard Hoerni conclut sur une me´decine plus ambigue¨

quant a` ses possibilite´s, mais plus e´quilibre´e quant a` la relation me´decin-malade « deux protagonistes, chacun prenant sa part de responsabilite´ dans une entreprise

dangereuse et exaltante ». On repose le livre rasse´re´ne´ par la de´monstration de sagesse de l’ancien pre´sident du Conseil national de l’Ordre des me´decins. Les points essentiels traite´s a` travers une agre´able promenade philoso- phique au cœur des consultations sont de´montre´s : une solide formation classique est ne´cessaire a` la pratique mais aussi a` l’e´thique me´dicale, l’individualisme n’est pas de mise, mais paradoxalement le me´decin est toujours seul lors de la prise de de´cision. La majorite´ des patients a atteint une maturite´ qui permet de´sormais un dialogue responsable, chacun doit veiller au bien commun : la sante´

du groupe.

Marie-Fre´de´rique Bacque´

61

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

Références

Documents relatifs

Résumé Après la mise en place à Abidjan d ’ un centre d ’ écoute téléphonique destiné à soutenir et informer sur le cancer, l ’ association « Aidons les personnes atteintes

Jusque-là, Jocelyne avait cru comme beaucoup d ’ autres que cette association entre l ’ animal marin et le cancer était de l ’ ordre de l ’ imaginaire, une histoire mytho-

Troisie`me e´tage a` droite, l’ascenseur est au fond, souvent en panne (elle e´tait reste´e enferme´e un jour en rentrant de l’e´cole, elle sonnait l’alarme et avait une

La conclusion est tre`s juste : il arrive encore a` Hugo de pleurer, mais apre`s ces phases difficiles, Hugo a compris qu’il pouvait parler de ce qui lui arrivait, le chagrin, les

des contraintes le´gales auxquelles doit se conformer un me´decin « forme´ aux techniques de communication », et au- dela` d’une mode´lisation de l’annonce comme

L’image du corps n’est pas e´quivalente au sche´ma corporel, mais elle se combine avec lui pour de´boucher sur une autre notion qu’est la repre´sentation de soi [4].. Le

« Ce corps, il s’agit de nous apercevoir qu’il ne nous est pas donne´ de fac¸on pure et simple dans notre miroir, que, meˆme dans cette expe´rience du miroir, un moment peut

C’est le temps aussi du de´calage relationnel avec la famille et avec les colle`gues, de´sireux souvent de tourner la page pour des raisons de´fensives e´videntes, tandis que