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Comprendre la continuité d'un processus collectif d'innovation avec une théorie du véhicule : application au cas d'un projet collaboratif européen.

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00448758

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00448758

Submitted on 20 Jan 2010

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Comprendre la continuité d’un processus collectif d’innovation avec une théorie du véhicule : application

au cas d’un projet collaboratif européen.

Guillaume Pérocheau

To cite this version:

Guillaume Pérocheau. Comprendre la continuité d’un processus collectif d’innovation avec une théorie

du véhicule : application au cas d’un projet collaboratif européen.. Gestion et management. Université

de la Méditerranée - Aix-Marseille II, 2009. Français. �tel-00448758�

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UNIVERSITE AIX-MARSEILLE II - DE LA MEDITERRANEE UFR DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

ECOLE DOCTORALE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION D'AIX MARSEILLE LEST

LABORATOIRE D'ECONOMIE ET DE SOCIOLOGIE DU TRAVAIL THESE

Pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de Gestion Mention : Management Stratégique

Présentée et soutenue publiquement par

Guillaume Pérocheau

le 17 Novembre 2009

COMPRENDRE LA CONTINUITÉ

D'UN PROCESSUS COLLECTIF D'INNOVATION AVEC UNE THÉORIE DU VÉHICULE :

APPLICATION AU CAS D'UN PROJET COLLABORATIF EUROPÉEN

JURY

Directeur de Thèse Mme Ariel MENDEZ

Professeure à l’Université de la Méditerranée

Rapporteurs Mme Caroline MOTHE

Professeure à l’Université de Savoie M. Benoit WEIL

Professeur à l'Ecole des Mines ParisTech

Suffragants Mme Valérie CHANAL

Professeure à l’Université Grenoble 2 - P. Mendès France M. Gilles GUIEU

Professeur à l'Université de la Méditerranée

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Remerciements

Je remercie Gaëlle pour son amour et sa confiance, et nos filles, Lorette et Salomé, leur joie et la fierté qu'elles me donnent. Je remercie également mes parents, la douceur et la force de Gilbert, la créativité et l'énergie de Martine. Je remercie Marion ma soeur, dont le courage est une source d'inspiration. Je remercie mes aïeux : Armand, Florent, Denise, Marie-Joseph, leur humilité et leur bonté me guident.

Je remercie Ariel Mendez, ma directrice de Thèse : son exigence bienveillante m'a forcé à sortir de la facilité. Je remercie également les chercheurs du LEST, avec une pensée toute spéciale pour les membres du séminaire ECI qui m'ont accueilli comme un ami. Je remercie aussi les personnels ad- ministratifs du LEST et les doctorants du LEST. Je remercie Damien Brochier pour le temps passé à me relire, et à me guider.

Je remercie Cédric Brémond et Alexandre Lorenzi de Toplink Innovation pour leur support durant cette recherche et leur amitié. Je remercie tous les membres du projet MEMORY sans qui cette re- cherche eut été impossible. Je remercie les chercheurs de l'équipe Deixis de Sophia-Antipolis de Télécom ParisTech, avec qui j'ai eu la chance de collaborer depuis 2006.

Je remercie également mes amis pour leur soutien durant ces quatres années, les quatre précédentes et les 60 futures : ceux de Hyères, de Vendée, de Nice, du Brésil, de Paris et d'ailleurs. Ils se recon- naîtront, et je les reconnaîtrai toujours.

Je remercie enfin les membres de ce Jury de Thèse de me faire l'honneur de lire ce travail.

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Table des Matières

Chapitre 0. Chapitre Introductif ... 9

PREMIÈRE PARTIE ... 17

Le développement temporel de l'innovation : la question de la continuité du processus Chapitre 1. Objet de cette recherche : le développement temporel d'un processus collectif d'innovation ... 21

(1.1) De quelle innovation parlons nous ? ... 23

(1.2) De la question du projet à celle du processus ... 27

(1.3) De la collaboration aux collectifs ... 37

(1.4) De la marche d'un projet au développement temporel d'un processus ... 46

(1.5) Conclusion ... 51

Chapitre 2. Les Processus Collectifs d'Innovation ... 53

(2.1) Le MIRP : le voyage de l'innovation ... 56

(2.2) La Sociologie de l'Acteur-Réseau (SAR) ... 64

(2.3) La conception innovante ... 77

(2.4) Conclusion ... 90

Chapitre 3. Les collectifs innovants ... 97

(3.1) Réseaux d'individus et innovation ... 100

(3.2) Communautés et innovation ... 107

(3.3) Conclusion ... 117

Chapitre 4. L'analyse processuelle ... 119

(4.1) L'activité et son contexte ... 121

(4.2) Contextualisme et approches processuelles ... 125

(4.3) Du contexte aux ingrédients ... 131

(4.4) Les moteurs d'un processus ... 133

(4.5) Conclusion ... 140

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Chapitre 5. Cadre conceptuel et question de recherche ... 145

(5.1) Question de recherche ... 147

(5.2) Les propositions théoriques ... 150

(5.3) Conclusion ... 153

DEUXIÈME PARTIE ... 157

Une recherche exploratoire hybride Chapitre 6. Méthode et posture de recherche ... 159

(6.1) Une démarche de connaissance pragmatique ... 160

(6.2) L'ancrage terrain de notre projet de recherche ... 165

(6.3) Construction d'une extériorité ... 170

(6.4) Un raisonnement en forme d'enquête ... 175

(6.5) Le dispositif d'observation de MEMORY ... 185

(6.6) Conclusion ... 189

Chapitre 7. Opérationnaliser notre question de recherche ... 191

(7.1) Les ingrédients du processus MEMORY ... 195

(7.2) Description du déroulement temporel du processus collectif d'innovation MEMORY 215 (7.3) Un jeu à trois moteurs et la métaphore de l'exploration ... 230

(7.4) Conclusion ... 235

TROISIÈME PARTIE ... 237

Le cas du processus MEMORY Chapitre 8. Fondations de MEMORY ... 239

(8.1) Le début du processus MEMORY ... 240

(8.2) La Séquence Fondations ... 252

(8.3) La bifurcation PCRD ... 269

Chapitre 9. Du Consortium au Projet MEMORY ... 273

(9.1) La Séquence Consortium ... 274

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(9.2) La Séquence de Latence ... 297

(9.3) La bifurcation Projet MEMORY ... 300

Chapitre 10. Le projet MEMORY de sa préparation aux premiers résultats ... 301

(10.1) Sur le plan cognitif : conjonctions et nouvelles partitions ... 302

(10.2) Le fil des événements ... 306

(10.3) Les ingrédients dans cette Séquence ... 323

(10.4) Le véhicule dans cette séquence ... 340

Chapitre 11. Vers le projet MEMORY V2 ... 341

(11.1) La bifurcation suite au départ d'Hector ... 342

(11.2) La séquence MEMORY V2 ... 347

(11.3) Le véhicule au départ de cette séquence ... 358

Chapitre 12. Les moteurs du processus MEMORY ... 359

(12.1) Des moteurs téléologiques ... 361

(12.2) Les effets contradictoires des moteurs évolutionnistes ... 364

(12.3) Moteurs dialectiques : les couplages multiples des ingrédients ... 369

(12.4) Un jeu à trois moteurs et la métaphore du voyage de Christophe Colomb ... 373

Chapitre 13. Discussion des résultats ... 385

(13.1) Retour sur les propositions théoriques ... 386

(13.2) La théorie du véhicule ... 391

(13.3) Apports théoriques ... 396

Chapitre 14. Conclusions ... 407

(14.1) Enseignements théoriques ... 408

(14.2) Enseignements Managériaux ... 412

Bibliographie ... 421

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Chapitre 0. Chapitre Introductif

Cette thèse est issue d'un processus de connaissance qui commence en 2001, il y a huit ans de cela.

A cette époque, nous sommes un praticien, consultant dans un petit cabinet de conseil en manage- ment de l'innovation. Avec nos collègues, nous accompagnons des industriels et des chercheurs dans le montage et la coordination de projets collaboratifs d'innovation. Les entrepreneurs et les chercheurs que nous rencontrons (qui sont parfois chercheurs et entrepreneurs) s'engagent dans des projets longs, complexes et passionnants. Le plus souvent, nous les suivons pendant plusieurs an- nées avant de voir l'idée de départ se transformer en un objet réel, fonctionnant convenablement, pouvant être pris en main par des utilisateurs. Parfois, aussi, l'histoire s'arrête prématurément. Un fi- nancement n'est pas arrivé à temps, un prototype ne fonctionne pas, un partenaire clef a quitté l'aventure collective : les péripéties et les événements s'accumulent avec le temps, ils viennent nour- rir l'histoire en cours, ils l'achèvent parfois.

Quand en 2005 nous nous engageons dans la rédaction de cette thèse, menée en parallèle de notre activité professionnelle, nous nous concentrons donc sur un questionnement concret, issu de notre expérience de praticien. Cette question, qui n'est pas encore une question scientifique, pourrait se traduire de la façon suivante : "qu'est ce qui fait marcher les projets collaboratifs d'innovation

1

?".

Ce questionnement s'enracine dans notre frustration de consultant : nous accompagnons des inno- vateurs, les aidons à formaliser leurs idées, à les évaluer, nous les aidons à trouver des partenaires, à répondre à des appels d'offre, à gérer des projets complexes, à trouver des débouchés pour leurs produits. Certains projets "marchent". D'une part, ils fonctionnent au jour le jour, ils produisent des résultats, ils règlent des problèmes. D'autre part ils durent, ils s'inscrivent dans le temps, assurent une continuité malgré les crises ou les périodes de stagnation apparentes. Et puis, d'autres projets ne marchent tout simplement pas : la coopération y est faible, conflictuelle, ou alors ces projets s'éteignent soudain, incapables de surmonter les épreuves de la réalité. Pourquoi certains projets

"marchent" quand d'autres s'éteignent ? En 2005, nous n'avons pas d'explication formelle à cette question. En tant que praticien, nous n'avons pas non plus de méthode spécifique pour accompagner de tels projets, et nous nous contentons le plus souvent d'adapter les règles classiques de gestion de

1. Nous parlerons aussi de PCI pour Projets Collaboratifs d'Innovation

(11)

projet, en tentant d'y injecter un peu de souplesse. L'exercice de notre métier s'appuie principale- ment sur un ensemble de savoirs opérationnels, d'intuitions, d'exemples, de bonnes pratiques, et il doit beaucoup aussi à notre connaissance empirique des institutions de l'innovation, une connais- sance concrète des rouages des financements, des appuis aux innovateurs et à leurs projets. Au dé- but de cette thèse, nous avons donc la conviction que l'on peut et que l'on doit mieux comprendre la marche de tels projets si l'on veut mieux accompagner et soutenir cette marche.

Pour explorer cette question, nous nous appuyons dans cette thèse sur l'étude empirique du proces- sus MEMORY, un processus qui nous est familier, puisque nous avons participé directement à ce- lui-ci de 2003 à 2007. Ce processus est un matériau d'observation très représentatif du problème ex- posé plus haut : le processus a commencé lors d'un programme de recherche franco-belge fin 2001, il se poursuit dans un laboratoire en PACA, puis dans une Start-up d'Aix en Provence à partir de 2003 et continue sa marche au sein d'un consortium de huit organisations réparties dans quatre pays européens de 2005 à 2008. Le processus "marche", il converge peu à peu vers la fabrication d'un prototype, il agrège de nouveaux partenaires, des brevets sont déposés, des expériences menées. Et ce processus cumule les épreuves au cours du temps : une installation essentielle est démontée, un partenaire historique dépose le bilan, des expériences aboutissent à des résultats décevants. Pour- tant, le processus MEMORY continue, il se perpétue dans le temps, il crée des connaissances, fait évoluer un concept, attire de nouveaux partenaires.

Le processus MEMORY a comme objectif de concevoir un nouveau type de mémoires informa- tiques : des mémoires eMRAM. Ces mémoires cumuleront les avantages des mémoire vives (ra- pides en écriture et en lecture) et ceux des mémoires mortes (elles conservent les informations, même lorsqu'elles ne sont plus alimentées). Notre participation à ce processus, avant et pendant la rédaction de cette thèse, nous a permis d'avoir un accès privilégié à un cas que nous décrivons de l'intérieur, sur une période de quatre années. C'est à partir de ce matériau que les concepts présentés dans ce travail ont émergé et c'est sur ce matériau que la thèse du véhicule a émergé.

Mais cette thèse doit également beaucoup à l'exploration théorique menée durant ces quatre der-

nières années, et à l'encadrement académique dont nous avons bénéficié en tant que doctorant au

Laboratoire d'Economie et de Sociologie du Travail (LEST) à Aix en Provence. Notre recherche

utilise des concepts issus de trois champs particuliers : les théories portant sur le processus d'inno-

vation, la littérature portant sur les collectifs innovants (qu'ils soient vu comme des réseaux ou des

communautés) et des recherches récentes portant sur l'analyse des processus en sciences sociales.

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En particulier, nous avons eu la chance de participer de façon régulière à un séminaire scientifique pluridisciplinaire portant sur l'analyse des processus en sciences sociales (séminaire ECI du LEST).

La thèse présentée ici doit beaucoup aux apports théoriques et méthodologiques de ce séminaire.

Dans cette démarche d'exploration hybride, à la fois théorique et empirique, observations sur le ter- rain et exploration de la littérature se sont alimentés dans un processus constant de raisonnement.

Cependant, pour plus de clarté, les éléments théoriques et les éléments empiriques sont regroupés dans des parties distinctes.

La première partie de cette thèse fait donc le point sur les théories que nous avons mobilisées au cours de ce travail de recherche. Cette littérature est regroupée en quatre chapitres distincts, ce qui permet d'aller de la question de départ à un objet de recherche (CH1) que l'on peut situer à la croi- sée de trois champs scientifiques. Ces champs sont explorés séparément dans les trois chapitres sui- vants : les processus d'innovation (CH2), les collectifs innovants (CH3) et l'analyse processuelle (CH4). Cela nous permet de problématiser notre recherche et de faire des propositions de recherche (CH5). Pour restaurer l'importance du dialogue terrain / littérature mené durant cette recherche, les exemple donnés dans cette partie sont souvent issus du cas MEMORY lui même : cela permettra au lecteur de se familiariser avec ce processus collectif d'innovation que nous décrivons dans la deuxième partie.

Dans le premier chapitre, il est rappelé que la question concrète "qu'est-ce qui fait marcher un

projet collaboratif d'innovation" ne constitue pas une question de recherche à part entière. Mais à

partir de cette question, on peut se replacer dans un cadre plus général abordé de différentes ma-

nières dans la littérature. Il faut rappeler, pour commencer, que l'innovation est par définition un

processus, qui voit s'engager dans le temps de multiples acteurs. Le projet d'innovation n'est qu'un

moment et une modalité d'action dans un processus d'innovation. Ensuite, on remarque que les

projets collaboratifs posent nécessairement la question de l'action collective : les collectifs d'indivi-

dus, leurs répartitions, leurs rôles dans de tels processus sont donc essentiels. Enfin, la "marche" de

ces projets peut être vue de deux façons différentes : il y a la question de la coordination de l'activi-

té, souvent abordée. Et il y a la question de la continuité de cette activité, thème plus rarement traité

et qui sera au centre du travail présenté ici. Ce recadrage permet donc, à l'issue de ce chapitre 1, de

délimiter un objet de recherche, qui est celui du développement temporel des processus collectifs

d'innovation.

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Dans le deuxième chapitre 2, différents corpus de plusieurs disciplines sont abordés (et en particu- lier la Sociologie de l'Acteur Réseau, la théorie CK de la conception, les travaux du Minnesota In- novation Research Program). Cette approche pluridisciplinaire a l'avantage d'éclairer de façon com- plémentaire l'objet de recherche. Une certaine vision des processus collectifs d'innovation se dessine alors : un processus collectif d'innovation est en grande partie imprévisible, il possède un versant social et un versant cognitif inextricablement liés, et il engage dans le temps des acteurs multiples et divers.

Nous analysons aussi l'apport essentiel des travaux portant sur les collectifs d'individus dans le cha- pitre 3. Malgré le fait que les théories portant sur les processus d'innovation affirment que ce pro- cessus est collectif, il font peu souvent référence aux concepts liés aux réseaux d'innovateurs ou aux communautés. Or, il est essentiel de comprendre la structure de ces collectifs, leurs généalogie, leur transformation et leurs apport tout au long du processus collectif d'innovation.

Le chapitre 4 s'inspire directement des travaux menés au LEST dans le cadre du séminaire ECI sur les processus. En effet, nous avons constaté que la littérature portant sur les processus d'innovation utilise peu les concepts spécifiques à l'analyse processuelle, alors que cet apport est essentiel. Pour comprendre un processus, il faut prendre en compte un contexte large, qui change dans le temps : un processus peut alors être relié à de très nombreux éléments répartis sur diverses échelles d'ana- lyse. Dans ce vaste réservoir, pourtant, certains éléments sont plus prégnants que d'autres. Ils sont mobilisés et assemblés dans le cours du processus. Ce sont des ingrédients. Au cours du processus, l'assemblage de ces ingrédients évolue, sous l'effet de principes génératifs du changement qualifiés de moteurs du processus. Ce chapitre nous fournit donc un ensemble de concepts, une "grammaire", qui va compléter notre cadre conceptuel.

Dans le chapitre 5, nous rapprochons les apports des trois chapitres précédents. Nous pouvons re-

formuler notre questionnement et proposer la question de recherche suivante : "comment expliquer

la continuité du raisonnement de conception, malgré la transformation du réseau socio-tech-

nique dans un processus collectif d'innovation ?" Pour répondre à cette question, nous proposons

le concept du véhicule, c'est à dire l'existence d'un assemblage d'ingrédients sociaux portant le pro-

cessus au cours du temps. Cette thèse, construite au cours de notre exploration empirique, sera pré-

cisée plus tard. Mais elle s'appuie sur trois propositions théoriques, déduites de la littérature que

nous avons abordée et que nous détaillons ici.

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Le concept du véhicule n'est apparu qu'après plusieurs mois d'exploration, après que diverses hypo- thèses sur la "marche des PCI" ont été réfutées. Ce concept a été abduit après plusieurs cycles de raisonnement, puis il a été affiné grâce à une mise en forme de notre matériel empirique. La deuxième partie de cette thèse est consacrée à présenter cette démarche de recherche.

Dans le chapitre 6, nous décrivons donc notre méthode de recherche, fondée sur une participation observante dans le processus MEMORY. Nous discutons en particulier de ce statut particulier d'ac- teur / chercheur, qui nécessite de construire une extériorité par rapport à la situation vécue. Nous décrivons aussi quelles abductions nous ont mené par étapes successives au concept du véhicule, et rappelons le rôle des observations empiriques et des apports théoriques pour progresser dans ce qui pourrait être comparé à une véritable enquête. L'ensemble de cette démarche de connaissance peut être qualifiée de pragmatique et s'appuie sur une vision de la réalité inspirée du réalisme critique.

Le chapitre 7 explique comment nous avons traité notre matériel empirique, afin de rendre intelli- gible le développement du processus collectif MEMORY. Nous expliquons donc comment, en pro- cédant à un codage informatique de nos données, nous avons peu à peu isolé sept catégories dis- tinctes d'ingrédients utilisés au cours du processus. Ensuite, grâce à la théorie CK de la conception, nous avons pu retracer le cheminement du processus sur son versant cognitif. Enfin, en procédant à un découpage temporel du processus, nous avons pu décrire les grandes séquences du processus MEMORY et y isoler les moment clé, les moments de changements intenses que l'on nomme des bifurcations.

La troisième partie de cette thèse est construite de façon chronologique. Elle permet de faire le ré- cit du processus MEMORY, de suivre son évolution - et sa continuité - de Février 2003 à Dé- cembre 2006. Chaque chapitre est consacré à un segment temporel particulier du processus. Dans chaque chapitre, on retrace le cheminement cognitif du processus en utilisant la théorie CK de la conception. Ensuite, après avoir exposé le fil des événements, on décrit les principaux ingrédients utilisés dans le segment temporel en question. Ensuite, on montre comment le véhicule de ce seg- ment temporel a été mobilisé dans l'activité collective de conception. Cela nous permet de suivre l'évolution du véhicule tout au long du processus (ce qui change dans ce véhicule et ce qui de- meure), et de montrer l'imbrication entre les versants sociaux et cognitifs du processus.

Le chapitre 8 revient sur les fondations de ce processus, ou comment un concept de mémoire ima-

giné par un chercheur russe devient un brevet déposé par un laboratoire français, porté par une

Start-up à Aix en Provence. A ce stade de MEMORY, le concept est encore peu détaillé et il pose

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de nombreuses questions de recherche. Le véhicule qui porte ce processus est relativement "léger", et permet à un collectif de quelques personnes de commencer à concevoir une mémoire informa- tique d'un nouveau genre.

Le chapitre 9 relate comment un consortium d'organisations se constitue en 2004 autour de ce projet, en réponse à un appel d'offre de la Commission Européenne. Le concept MEMORY est enri- chi, il est expansé, on décrit des assemblages de matériaux candidats pour servir de base à la construction d'un futur prototype. Le véhicule s'élargit donc, et de nombreux ingrédients viennent s'assembler au noyau présent dans la séquence précédente. Pourtant, le processus semble s'arrêter durant 5 mois, et entre dans une période de latence. C'est le temps qu'il faut pour que la proposition de projet soit évaluée par la Commission Européenne. Si sur le plan cognitif, le processus évolue peu durant ce suspens, des ingrédients importants du véhicule évoluent, disparaissent, se lient différemment.

Le projet MEMORY ne commence qu'à partir de mars 2005 : Le projet est retenu et sera financé sur trois ans. Dans le chapitre 10, nous montrons comment le concept évolue à nouveau, comment il est décrit avec plus de partitions. Les concepteurs, désormais plus nombreux, proposent diverses pistes pour les matériaux candidats, pour leurs modes de dépôt, pour la conception des prototypes de mémoire, etc. Les tâches de recherche sont lancées, et de nouvelles connaissances apparaissent.

Avec le financement de ce consortium, le véhicule s'est institutionnalisé, les ingrédients sont stabili- sés et couplés plus fortement entre eux.

Le chapitre 11 commence sur plusieurs coups de théâtre : les premiers échantillons de test ont des résultats décevants, et un porteur historique du processus quitte le projet. Pourtant, le processus continue. Après une bifurcation, il s'engage dans une nouvelle séquence de conception. Sur le plan cognitif, il y a eu des conjonctions, des concepts ont acquis un statut. Les concepteurs se consacrent donc à d'autres hypothèses, et de nouveaux prototypes sont programmés. Le véhicule perdure mal- gré ces crises : avec son institutionnalisation, il a résisté au départ d'ingrédients qui étaient essen- tiels en début de processus. Il a désormais les ingrédients nécessaires pour continuer l'effort de conception en cours.

Le but du chapitre 12 est de relire cette étude de cas afin de comprendre la logique de développe- ment du processus MEMORY. Nous utilisons pour cela les notions de moteurs. Nous constatons que, au cours du processus, trois moteurs transforment le véhicule et agissent de façon combinée.

Pour mieux illustrer ce jeu à trois moteurs, nous utilisons la métaphore du voyage de Christophe

Colomb vers les Indes.

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Dans le chapitre 13 nous rapprochons les observations empiriques menées sur le cas MEMORY avec les propositions théoriques issues de la littérature. Cela nous permet non seulement de les confirmer, mais aussi de les enrichir. Nous pouvons alors présenter dans le détail une théorie du vé- hicule, en en discuter la valeur. Notre recherche permet aussi de faire des apports aux courants scientifiques qui nous ont inspiré, et en particulier à la Sociologie de l'Acteur Réseau, à la théorie CK de la conception et à l'analyse processuelle. Nous somme donc en mesure de détailler une théo- rie du véhicule

Le chapitre 14 est la conclusion de cette thèse, qui nous permet de faire le point sur les contribu-

tions théoriques et managériales apportées par notre thèse. Nous proposons en particulier une série

de recommandations, destinées aux institutions chargées de mettre en oeuvre des politiques de sou-

tien à l'innovation, ainsi qu'aux praticiens de l'innovation.

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Première partie

Le développement temporel de l'innovation : la question de la

continuité du processus

Dans cette thèse, nous avons convergé d'une question simple, managériale, ancrée dans une réalité de praticien, au concept du véhicule de l'innovation. Ce concept a certes été échafaudé en partie sur le terrain, de façon inductive. Mais il s'appuie aussi sur divers champs de la recherche et se réfère explicitement à des travaux existants. Cette première partie est consacrée à faire le compte des ap- ports théoriques que nous avons utilisé ici. Elle nous permet aussi de définir notre objet de re- cherche et de préciser quelle est la question de recherche traitée.

Dans un premier chapitre, nous expliquons comment notre question de départ, "qu'est-ce qui fait marcher un processus collectif d'innovation", nous positionne dans un objet de recherche particu- lier. En redéfinissant terme à terme les principaux concepts de cette question (marcher, projet, col- laboratif, innovation), nous pouvons pointer des question souvent traitées par ailleurs, ce qui nous permet de replacer notre travail dans un objet de recherche mieux balisé : celui du développement temporel d'un processus collectif d'innovation. Nous situons cet objet à la croisée de trois champs théoriques revus un à un dans les trois chapitres suivants : les processus d'innovation, les collectifs innovants et l'analyse processuelle.

Dans un deuxième chapitre, nous faisons la revue de trois courants ayant explicitement abordé l'in-

novation à la fois dans sa dimension collective (l'innovation est le fait d'individus nombreux, agis-

sant collectivement) et dans sa dimension temporelle (l'innovation est un processus qui se déroule

dans le temps). Ces courants sont les travaux du MIRP, la Sociologie de l'Acteur Réseau et la théo-

rie CK de la conception. Malgré les nombreuses différences entre ces démarches, une certaine vi-

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sion du processus semble se dégager, et en particulier sur l'imbrication entre une dimension sociale et une dimension cognitive de ce processus.

Dans le chapitre trois, nous faisons une revue des travaux scientifiques portant sur l'analyse des collectifs, vus tantôt comme des réseaux d'individus, et tantôt comme des assemblages de commu- nautés. Le rôle de ces collectifs dans les processus d'innovation est essentiel et a fait l'objet de tra- vaux dont nous devrons tenir compte dans notre analyse : l'innovation est un processus durant lequel des connaissances sont créées, échangées, transformées, et il ne fait plus de doute que la cog- nition est encastrée dans une structure sociale, en particulier dans des collectifs d'individus.

Pour compléter notre cadre conceptuel, nous nous appuyons dans le chapitre quatre sur les travaux récents du LEST portant sur l'analyse des processus en sciences sociales. En effet, bien que la na- ture "processuelle" de l'innovation soit reconnue depuis longtemps, elle n'a pas été souvent analysée avec les outils conceptuels propres aux analyses de processus. Or, un processus d'innovation est avant tout un processus social : il se déroule dans un contexte riche, qui se déploie sur divers ni- veaux d'analyse, non linéaire, il est fait de séquences et son cheminement peut être l'objet de ré- orientations rapides, dites bifurcatives. Ce chapitre nous permet de constituer la grammaire des concepts que nous pourrons utiliser pour décrire l'innovation comme un processus social.

Finalement, le chapitre cinq nous permet situer notre questionnement de départ à la croisée de ces diverses influences, et de le reformuler en des termes issus de la littérature abordée ci-dessus. La question traitée ici est la suivante :

"Comment expliquer la continuité du raisonnement de conception malgré les transformations de l'assemblage des ingrédients mobilisé au cours du processus collectif d'innovation".

Pour traiter de cette question, nous nous appuierons sur trois propositions théoriques issues de la re- vue de littérature présentée dans cette partie. Nous détaillons ici ces propositions.

Graphiquement, la logique de cette première partie peut être présentée comme suit :

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Schéma 1: Représentation graphique de la première partie

CH1 - Objet de recherche : le développement temporel d'un processus collectif d'innovation

Projet => Processus Collaboratif => Collectif Marche => Continuité

CH2

Les processus collectifs d'innovation

Le MIRP

La Sociologie de l'Acteur Réseau La théorie CK de la conception

CH4

L'analyse processuelle CH3

Les collectifs innovants

Contexte et analyse processuelle Du contexte aux ingrédients Les moteurs d'un processus

CH5 - Cadre conceptuel et Question de recherche

Les réseaux Les communautés

Question de recherche Propositions théoriques

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Chapitre 1. Objet de cette recherche : le développement temporel d'un

processus collectif d'innovation

CH1 - Objet de recherche : le développement temporel d'un processus collectif d'innovation

Projet => Processus Collaboratif => Collectif Marche => Continuité

CH2

Les processus collectifs d'innovation

Le MIRP

La Sociologie de l'Acteur Réseau La théorie CK de la conception

CH4 L'analyse processuelle CH3

Les collectifs innovants

Contexte et analyse processuelle Du contexte aux ingrédients Les moteurs d'un processus

CH5 - Cadre conceptuel et Question de recherche Les réseaux

Les communautés

Question de recherche Propositions théoriques

"Qu'est-ce qui fait marcher un projet collaboratif d'innovation ?"

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Cette question concrète est à l'origine du processus débouchant sur la rédaction de cette thèse. Cette question n'est pas un objet de recherche, mais elle est une clef qui permet d'entrer dans plusieurs champs déjà bien balisés par des chercheurs en sciences sociales. Ce premier chapitre est donc con- sacré à replacer la problématique exprimée ci-dessus dans un domaine, un champs d'investigation particulier traité de diverses manières dans la littérature. C'est aussi l'occasion de préciser un certain nombre de termes, de dire quelles sont les définitions retenues.

Pour définir cet objet, on peut prendre mot à mot les termes de la question posée. : "Qu'est-ce qui fait marcher un projet collaboratif d'innovation ?"

L'innovation pour commencer : terme polysémique, traité par de très nombreux champs des sciences sociales, doit être vue autant comme un processus, que comme un résultat de ce processus bien particulier (section 1).

Le projet, quant à lui, est un mode de gestion de l'activité très répandu, souvent imposé aux prati- ciens de l'innovation, mais dont l'adéquation avec le processus d'innovation est de pus en plus sou- vent remise en cause. C'est donc le rôle et la place de la gestion par projet dans le cours d'un pro- cessus d'innovation qui est problématique (section 2).

Le collaboratif est un terme dont il faut se méfier : le collaboratif est à la mode, mais le mot est souvent utilisé dans un sens général, et recouvre des réalités très différentes. Or, on peut distinguer la coopération de la collaboration par exemple. Compte tenu de l'importance des activités cogni- tives dans un processus d'innovation, nous proposons de nous consacrer à la dimension collective et inter-individuelle de l'innovation, sens que nous retenons pour aborder le côté "collaboratif" de l'in- novation (section 3).

Enfin, un "processus qui marche" est un processus qui dure dans le temps, tout en produisant des changements. C'est donc la question de sa continuité dans le temps, malgré les changements, qui nous intéresse ici. Pour comprendre cette continuité, la description des chaînes de cause à effet n'est pas suffisante : il faut décrire et comprendre le développement temporel de ce processus (section 4).

En conclusion on constate qu'un PCI est un moment dans un processus collectif d'innovation, et que

le fonctionnement, la "marche" d'un PCI s'inscrit directement dans le cadre du "développement

temporel du processus collectif d'innovation", ce qui constitue l'objet de notre recherche. Cet

objet est à la croisée des trois champs étudiés dans les trois chapitres suivants.

(24)

Section 1.1 De quelle innovation parlons nous ?

"Mais qu'est-ce qui fait marcher un projet collaboratif d'innovation ?"

Le premier terme que nous allons définir est celui d'innovation. L'innovation a été abordée dans de multiples champs des sciences sociales, et il est ainsi très compliqué d'en donner une seule défini- tion. Pour reprendre l'expression de Le Masson, Weil et Hatchuel (2006), on pourrait voir l'innova- tion au "kaléidoscope des disciplines". Dans ce kaléidoscope, nous allons insister ici sur un double aspect de l'innovation : une innovation est un artefact (ou plusieurs), mais c'est aussi un processus.

Dès les années 1930, Schumpeter a proposé de distinguer 5 types distincts d'innovation :

➢ la fabrication de biens nouveaux (l'iphone de Macintosh ou la voiture à moteur hybride sont des exemples de ce type d'innovation au XXI ème siècle)

➢ l'emploi de nouvelles méthodes de production (le cas de Linux, fabriqué par une communauté de développeurs indépendants pourrait en être un bon exemple contemporain)

➢ l'utilisation de nouvelles matières premières (on pourrait penser par exemple au remplacement du plastique par des matériaux biodégradables dans la fabrication des sacs pour la grande distribution)

➢ l'utilisation d'une nouvelle organisation du travail (la mise en place d'un outil informatisé de gestion de la relation client s'appuie sur une réorganisation de la fonction commerciale de l'entreprise)

➢ la découverte de nouveaux débouchés

Dès cette première typologie, on remarque deux choses : l'innovation ne repose pas nécessairement sur des inventions ou des technologies. De plus, l'innovation porte sur des objets très différents (méthodes de production, produits, matières premières, etc.). Depuis Schumpeter, d'autres typolo- gies sont couramment employées pour décrire divers types d'innovations

1.1.1 Différentes natures d'innovation ?

Classiquement, on distingue trois idéaux types d'innovation :

➢ l'innovation produit, qui consiste à commercialiser un objet nouveau (c'est le cas de la voiture à

moteur hybride);

(25)

➢ l'innovation de procédé, qui consiste à fabriquer un produit existant selon de nouvelles tech- niques (ce sera la cas à chaque fois, par exemple, que l'on automatise en partie une chaîne de fabrication);

➢ l'innovation organisationnelle, qui consiste à modifier l'organisation du travail, sans impliquer des technologies nouvelles (c'est en partie le cas de Linux, qui n'est plus fabriqué par une entre- prise, mais par une communauté de développeurs indépendants).

Mais cette distinction classique est aujourd'hui remise en cause (Mothe, 1997). Prenons le cas emblématique de l'iPhone de Macintosh. Cet objet est un nouveau produit, intégrant une interface graphique et tactile, des fonctions de téléphonie, de lecteur de médias, de navigateur internet et d'or- dinateur portatif qui le distinguent des autres objets existant (ce n'est ni un téléphone, ni un ordina- teur, ni un lecteur de médias). C'est donc une innovation produit. Mais son succès est aussi lié à une innovation organisationnelle, puisqu'il repose sur un accord inédit entre un fabriquant de terminaux électroniques et des compagnies de télécommunication qui distribuent cet objet, ainsi que la mise en place d'un site Internet de distribution de contenus multimédias (Apple Store).

C'est ainsi que Boer et During (Boer and During, 2001) considèrent que toute innovation est en fait une nouvelle combinaison Produit/Marché - Technologie - Organisation, soit une combinaison des trois types d'innovation décrits plus haut. La typologie de base est donc abandonnée peu à peu, chaque catégorie (produit, technologie, processus) devenant une qualité, une dimension de toute innovation.

1.1.2 Différentes intensités d'innovation ?

Qu'y-a-t-il de commun entre un nouveau rasoir à quatre lames (qui se distingue donc des rasoirs à trois ou deux lames) et l'iPhone dont nous venons de parler plus haut, et qui réunit en un seul objet un téléphone, un navigateur Web, un lecteur multimédia et un ordinateur portable ?

Il existe une distinction classique entre l'innovation incrémentale, qui ne fait qu'ajouter une ou quelques caractéristiques à un objet classique (le rasoir), et l'innovation radicale, qui crée un couple produit/marché nouveau, modifie les usages, les équilibres dans un secteur (le iPhone).

Il existe d'autres classifications des innovations selon leur degré de nouveauté, l'impact qu'elle

peuvent avoir sur les marchés, l'effort organisationnel qu'elles nécessitent. On pourrait par exemple

citer la typologie de Abernathy et Clark (Abernathy and Clark, 1988), qui distingue deux axes de

(26)

discrimination de l'innovation : son influence sur les marchés existants, et son lien aux technologies et compétences existantes. En croisant ces deux dimensions, on obtient alors la matrice suivante :

Tableau 1: Quatre types d'innovation d'après Abernathy et Clark (1988) L'innovation repose sur des

technologies et des compé- tences habituelles

L'innovation nécessite des com- pétences et des technologies nouvelles

L'innovation crée un marché

nouveau Innovation de Niche Innovation Architecturale

L'innovation exploite un mar-

ché existant Innovation régulière Innovation Révolutionnaire

L'intérêt de distinguer l'intensité des innovations est de suggérer que, selon le cas, les implications pour la ou les organisations porteuses de ces innovations vont être différentes. Des innovations in- crémentales, ou régulières, ne remettent pas en cause la base de connaissances, de compétences, de technologies maîtrisées par l'entreprise. Tandis que des innovations plus radicales, révolutionnaires, et plus encore architecturales, imposent de remettre en cause de nombreuses habitudes, connais- sances, voies d'accès aux marché, etc.

Derrière ces typologies, se dégage l'idée que l'innovation nécessite souvent la remise en cause des modèles organisationnels, la transformation des connaissances, des métiers, etc. Bref, que l'inno- vation implique des changements. L'innovation n'est pas seulement un résultat classable dans une typologie : c'est aussi un "processus", un phénomène qui se déroule dans le temps.

1.1.3 L'innovation : un processus et un résultat

L'innovation, en tant que substantif, peut désigner en français tantôt un artefact

1

(une organisation, une voiture, un usage, peuvent être des innovations) ou un processus (l'innovation est "le processus consistant à créer" une nouvelle organisation, une nouvelle voiture, un nouvel usage). Cet emploi du mot "innovation" est courant et on le retrouve dans des expressions telles que "projet d'innova-

1. Le terme artefact provient de la locution latine "arte factum", et signifie littéralement "quelque

chose produit par l'homme". Cela permet de distinguer un résultat artificiel, produit par l'homme,

d'un phénomène naturel (d'après le Dictionnaire en ligne du Centre National de Ressources

Textuelles et Lexicales). C'est dans ce sens originel que nous employons ce terme, plus général par

exemple que le terme de "produit".

(27)

tion" ou bien "travailler dans l'innovation" : un ingénieur R&D de chez Renault intervient au cours d'un processus visant la fabrication d'une nouvelle voiture... Mais il ne sera pas livré "dans" la voi- ture résultat de ce processus ! Travailler dans "l'innovation" c'est donc être acteur d'une certaine ca- tégorie de processus.

Les définitions que nous avons abordées jusqu'ici concernaient principalement l'innovation en tant que résultat (le résultat constitue une innovation incrémentale ou radicale, organisationnelle et / ou produit, etc.). Mais le terme "innovation" désigne souvent les processus d'innovation, c'est à dire son déroulement dans le temps. Classiquement, on a souvent décrit l'innovation comme étant un processus linéaire : des connaissances fondamentales sont créées par des scientifiques, dans des la- boratoires, via des activités de recherche. Ces connaissances transitent par des laboratoires de re- cherche appliquée, puis vers des services de développement. Elles servent à mettre en production de nouveaux objets, qui sont alors commercialisés par des services marketing. Cette vision linéaire d'un processus d'innovation est critiquée depuis plusieurs années (Rosenberg and Kline, 1986). Par exemple, dans le Chain Linked Model (ibid) il existe encore des phases typiques dans un processus d'innovation, mais il y a aussi des boucles de rétroaction entre ces phases. De plus, dans ce modèle, les connaissances ne sont pas seulement à l'origine du processus (via la recherche) : à tout moment, et à chaque phase du processus d'innovation, des connaissances et des technologies sont néces- saires. L'innovation, comme processus, n'est donc pas simplement une trajectoire allant des connaissances à des artefacts. C'est un processus non linéaire, pouvant faire des boucles, un proces- sus constamment irrigué de connaissances.

L'innovation dans un "projet collaboratif d'innovation" présente ce double aspect. Bien entendu, un

PCI est dit "d'innovation", parce que le plus souvent il s'est fixé pour objectif de réaliser un ou plu-

sieurs artefacts innovants. Mais un PCI est aussi dit "d'innovation" parce qu'il est une façon d'or-

ganiser l'activité dans le temps, entre individus, de façon à gérer un processus qui permettra de

créer un ou plusieurs artefacts. C'est ce sens là qui nous intéresse dans cette thèse : l'innovation

comme processus, comme phénomène se déployant dans le temps.

(28)

Section 1.2 De la question du projet à celle du processus

"Mais qu'est-ce qui fait marcher un projet collaboratif d'innovation ?"

Les PCI proposent d'organiser le processus d'innovation en mode projet. Dans le cadre des consor- tia formés en réponse aux appels d'offre de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) ou du Plan Cadre de Recherche et Développement (PCRD) par exemple, il est demandé explicitement aux in- dustriels, aux PME, aux laboratoires, de se conformer à une gestion canonique en mode projet.

Quelles sont les caractéristiques de ce mode de gestion ? Est-il compatible avec les caractéristiques des processus d'innovation ?

1.2.1 La gestion de projet

Un projet est une création collective, organisée dans le temps et l'espace, soumise à une triple contrainte (Garel et al., 2003) :

➢ le temps (le projet a un début et une fin programmée)

➢ les ressources (l'activité doit être réalisée avec un montant fini de ressources, qu'elles soient hu- maines, financières ou techniques )

➢ les spécifications techniques (l'activité doit produire un résultat conforme à certains impératifs techniques).

De ce fait, le projet a un certain nombre de caractéristiques (voir encadré suivant).

Selon Garel (Garel, 2003), c'est seulement à partir des années 1950 que des acteurs, des outils et des

pratiques spécifiques à ce mode de gestion se sont érigés en un véritable modèle, justement sous

l'impulsion de grands projets étatiques, tels que ceux liés à la conquête spatiale. Des institutions

telles que le Project Management Institute (le PMI, créé en 1969), ont contribué à mettre au point et

à diffuser des outils spécifiques à la gestion de projets. Cet institut a finalement réuni un véritable

corpus dédié à la gestion de projet : le Project Management Body of Knowledge (PMBOK). Ce

PMBOK inspire aujourd'hui encore des milliers de consultants et d'ingénieurs spécialisés dans la

gestion de projet.

(29)

Encadré 1 : Les caractéristiques d'un projet selon Midler (Midler, 1996) Le projet se définit comme une activité :

1 visant à atteindre un but global en réponse à un besoin exprimé avec plus ou moins de clarté (par exemple, "marcher sur la Lune" est un objectif plus précis que "améliorer les conditions de

travail"). Il y a donc derrière le projet un engagement pour atteindre un résultat pré-défini;

2 spécifique, c'est à dire singulière, non routinière. L'organisation en projet suppose que l'on veut réaliser un objet, un service, une prestation unique, non reproductible;

3 combinatoire, pluridisciplinaire, le projet devant intégrer une grande diversité de contributions.;

4 soumise à l'incertitude, qui par définition est associée à une activité qui va structurer une réalité à venir;

5 s'inscrivant dans une temporalité bornée, irréversible et historique : un projet a un début et une fin annoncée (des bornes). De plus, à mesure de son avancée dans le temps, les décisions

"gèlent" les possibles, rendant les retours en arrière impossibles (irréversibilité), le futur du projet étant alors lié à son passé, aux chemins qui ont été pris (c'est son caractère historique).

6 soumise à des variables exogènes, le projet restant un système ouvert, sensible aux in- fluences des événements et ou des acteurs extérieurs à l'entreprise.

Les fondements de la gestion de projet classique sont les suivants :

➢ un découpage de l'activité en chantiers (ou work packages), ou en tâches distinctives. On uti- lise souvent pour ce faire la méthode du PMBOK : la Work Breakdown Structure (WBS). Chaque chantier étant alors placé sous la responsabilité d'un acteur (individu, équipe, entreprise), se voit allouer des ressources et des objectifs en terme de délais et de résultats. Par exemple, sur un projet informatique, on aura très souvent un chantier "analyse fonctionnelle", chargé de recenser les be- soins des utilisateurs, un chantier "développement", chargé de produire le logiciel, ou encore un chantier "validation", chargé de vérifier que le logiciel développé correspond bien aux spécifica- tions issues du chantier "analyse fonctionnelle";

➢ une planification de l'activité dans le temps : les tâches à réaliser doivent suivre une certaine lo-

gique. Il existe un "chemin critique", pour le projet, qui doit, avant de passer à une phase ulté-

(30)

rieure, clore le chantier précédent. Par exemple, dans le cas des projets informatiques, il est théo- riquement nécessaire de clore les spécifications avant de commencer le développement du logiciel répondant, justement, à ces spécifications (le chantier "développement" suit le chantier "analyse fonctionnelle"). L'outil le plus populaire de la planification projet est le célèbre diagramme de Gantt

1

, qui permet d'avoir une représentation visuelle de l'ordonnancement logique des tâches dans le temps (voir figure suivante);

➢ une organisation du pilotage de l'activité : on met en place une direction du projet, chargée de contrôler l'avancée du projet, de mesurer les écarts entre ce qui avait été planifié et ce qui est réa- lisé, de mettre en place des mesures correctrices, de procéder aux arbitrages, d'allouer des res- sources et de rendre compte de l'avancée du projet à ses commanditaires. On distingue aussi com- munément, la maîtrise d'oeuvre de la maîtrise d'ouvrage. Pour prendre l'exemple du bâtiment, la maîtrise d'ouvrage est représentée par le propriétaire assisté de son architecte, tandis que la maîtrise d'oeuvre est représentée par l'entrepreneur de travaux (en fait, le chef de projet) qui coor- donne l'activité des différents corps de métier participant à la construction de l'édifice.

Schéma 2: Une exemple fictif de Diagramme de Gantt.

1.2.2 La gestion des projets d'innovation

1. le diagramme porte le nom de son inventeur, Henry Laurence Gantt, qui créa cet outil en 1910

(31)

a ) Des méthodologies spécifiques pour les projets d'innovation

Depuis de nombreuses années, certains auteurs pensent que les projets visant à l'élaboration d'objets innovants peuvent être rendus plus efficaces en suivant un certain nombre d'étapes logiques et pré- définies. C'est par exemple le sens du travail de Cooper (Cooper, 1976, Cooper, 1990) qui aboutit à son célèbre Stage Gate Model™, devenu depuis marque déposée et exploité par le cabinet de con- seil Product Development Institute Inc., fondé par Cooper lui-même. Pour améliorer les chances de succès du lancement d'un produit nouveau, Cooper préconise de suivre des phases (Stages) séparées par des ponts (Gates) qui sont l'occasion de faire un certain nombre de choix de type "GO/KILL", c'est à dire de trier parmi les idées proposées au départ. De cette façon, et partant d'un premier

"stock" d'idées, les idées ayant le plus de potentiel sont évaluées, ce qui permet de limiter les inves- tissements en amont, de ne pas lancer des projets sur des idées n'ayant pas de bon potentiels com- merciaux et / ou une bonne faisabilité technique. L'enchaînement de ces phases et ponts est le sui- vant (source : http://www.prod-dev.com/stage-gate.shtml) :

➢ Discovery Stage : phase durant laquelle des idées innovantes sont générées et listées.

➢ Stage 1 - Scoping : une évaluation rapide des idées est réalisée, en fonction de leurs prospec- tives commerciales, de leurs impacts technologiques.

➢ Stage 2 - Build Business Case : La faisabilité technique et commerciale des projets candidats est évaluée de façon plus précise, en particulier en élaborant des ébauches de planification des projets.

➢ Stage 3 - Development : Pour les projets retenus, le plan de développement est détaillé, les étapes de fabrication sont décrites, les budgets sont évalués.

➢ Stage 4 - Testing and Validation : on valide le projet finalement retenu, le processus de produc- tion, les retombées commerciales, les retours des clients potentiels.

➢ Stage 5 - Lancement : la production et la commercialisation du produit nouveau est lancée.

Schéma 3: Le Stage Gate Model™ (source : http://www.prod-dev.com/stage-gate.shtml)

(32)

On est frappé par les similitudes entre ce type de gestion de projet et le modèle linéaire de l'innova- tion. Ici, l'activité est organisée pour parcourir un chemin allant des idées à des objets commerciali- sables. Ainsi, le processus devant suivre un certain nombre de phases connues d'avance, il semble logique d'organiser ce type de travail en mode projet (le découpage en tâches, la planification, sont des éléments clefs de la gestion par projet).

b ) Un modèle défendu par les institutions

Aux Etats-Unis, le succès des méthodes de gestion de projet fut tel que les administrations fédérales ont pris l'habitude d'imposer que les réponses à certains appels d'offre recourent à une présentation projet utilisant des outils comme les WBS ou les GANTT (Garel, 2003).

Ce succès des méthodes de gestion de projet s'est également répandu en Europe, jusqu'au niveau

des institutions en charge de promouvoir l'innovation. Ainsi, la Direction Générale de la Recherche

de la CE, dans ses appels à projets du PCRD, demande explicitement aux consortia répondants de

décrire leurs PCI en utilisant les outils de type PMBOK décrits plus haut. L'encadré ci dessous est

un extrait du document "Guide for Applicants- Collaborative projects" qui est envoyé aux porteurs

de projets collaboratifs désirant soumettre une proposition dans le cadre du 7ème PCRD (nous

avons fait ressortir en gras les termes propres à la gestion de projet que nous avons abordés plus

haut) :

(33)

Encadré 2 : Extrait du Guide pour les projets candidats au 7ème PCRD.

A detailed work plan should be presented, broken down into work packages (WPs) which should follow the logical phases of the implementation of the project, and include consor- tium management and assessment of progress and results. (Please note that your overall ap-

proach to management will be described later, in section 2).

Please present your plans as follows:

i) Describe the overall strategy of the work plan (maximum length: 1 page).

ii) Show the timing of the different WPs and their components (Gantt chart or similar) iii) Provide a detailed work description broken down into work packages:

Work package list (please use table 1.3a);

Deliverables list (please use table 1.3b);

List of milestones (please use table 1.3c);

Description of each work package (please use table 1.3d);

Summary effort table (please use table 1.3e)

iv) Provide a graphical presentation of the components showing their interdependencies (Pert diagram or similar)

v) Describe any significant risks, and associated contingency plans.

Note:

• The number of work packages used must be appropriate to the complexity of the work and the overall value of the proposed project. The planning should be sufficiently detailed to

justify the proposed effort and allow progress monitoring by the Commission.

Au niveau français, si l'on se penche par exemple sur les appels à projets de R&D publiés dans le cadre du dispositif "pôles de compétitivité", on trouve la même orientation, et le même type d'exi- gence pour les projets candidats. Par exemple, dans l'appel publié en Février 2008, on peut lire dans le cahier des charges l'extrait suivant :

"[ ] une description détaillée du projet (30 pages maximum), au format libre, précisant

notamment : [ ] - le contenu détaillé des travaux envisagés sous forme de « fiches de lots » (ou

(34)

équivalent), les responsabilités de chaque partenaire, le déroulement et le phasage des travaux, avec l’identification de points éventuels d’arrêt du programme [ ] "

Les projets collaboratifs d'innovation sélectionnés dans le cadre de ces appels d'offre doivent donc passer sous les fourches caudines des règles de la gestion de projet et présenter leurs travaux selon les règles des WBS, des Gant, de l'organisation en mode projet.

1.2.3 L'innovation est-elle compatible avec la gestion de projet ?

Pourtant, avec des visions moins linéaires du processus d'innovation, les notions traditionnelles de gestion de projet sont remises en cause. En effet, on peut se demander si l'innovation elle-même est un processus suffisamment prédictible et descriptible, pour se plier à l'exercice de découpage et de planification imposé par les projets.

a ) Peut-on planifier l'innovation ?

Le postulat de la gestion par projet est qu'il est possible de décrire avec une certaine précision quel sera le cours à venir du projet (Gantt), quelles seront ses étapes (WBS) et quelles ressources seront nécessaires à la réalisation des tâches ainsi prévues. Latour (Latour, 2003) prend le parfait contre pied de ce postulat en affirmant au contraire que "vouloir gérer une innovation en exigeant de l'in- novateur qu'il puisse dresser une liste complète des éléments dont il doit pouvoir chiffrer les proba- bilités revient à lui demander soit de ne plus innover soit de mentir [ ] Sous prétexte qu'il s'agit d'une innovation et non d'une invention, on croit que le processus de recherche peut passer de la glorieuse incertitude de la science à l'application d'une idée déjà formée dans la réalité [ ] Quant à administrer une innovation en lui demandant de suivre le chemin qu'elle avait prévu à l'avance cela revient à demander aux innovateurs de ne pas innover. " (Latour, 2003 p15).

Pour Latour il y a donc, dans le mode classique de gestion de projet, une réelle incompatibilité avec le déroulement d'un processus d'innovation. D'une part parce qu'il est impossible de connaître l'état futur du monde, donc de planifier l'activité, et d'autre part parce que, suivre un chemin tra- cé d'avance, est fondamentalement contraire à l'idée d'innovation, l'innovation devant au contraire explorer, apprendre chemin faisant, se réorienter en fonction des aléas et des découvertes.

L'innovation n'est pas un processus linéaire, mais plutôt tourbillonnaire. Nous aurons l'occasion de

revenir plus loin sur la vision du processus d'innovation selon la Sociologie de l'Acteur Réseau

(35)

(SAR) introduite par Latour et ses collègues. Mais à ce stade de notre exposé, soulignons que le cheminement de l'innovation, pour certains auteurs, n'est pas nécessairement compatible avec la Gestion de Projet.

b ) Un projet sans objectif ?

Pour d'autres auteurs (Lenfle and Midler, 2003), le débat reste ouvert. Certes, l'innovation remet en cause certains fondements de la gestion de projet classique, comme par exemple :

➢ les projets d'innovation sont souvent ambigus d'un point de vue stratégique, car ils proposent des produire des objets nouveaux, qui viennent modifier l'ordre établi (lorsque la société Apple lance ses premiers lecteurs de mp3 portables, elle ne sait pas qu'elle va contribuer à modifier le secteur de la production musicale dans le monde);

➢ dans l'innovation, il n'y a souvent pas de demande explicite de la part des futurs consomma- teurs. Il est donc difficile de définir une demande ex ante, servant d'objectif stable pour le projet;

➢ de ce fait, il est difficile de définir a priori les résultats du projet, ses livrables;

➢ de plus, les projets d'innovation reposent souvent sur des connaissances nouvelles, non stabili- sées, qui vont être explorées en cours de projet. On a donc du mal à définir les ressources sur lesquelles le projet pourra compter;

➢ enfin, dans l'innovation, l'horizon temporel est contingent. Il est difficile, lorsque l'on se lance dans l'exploration d'un champ nouveau, de déterminer a priori quelles sont les échéances, quels sont les livrables à court terme ou les résultats à plus long terme.

Cependant, si l'on se réfère à présent aux caractéristiques d'un projet selon Midler (Midler, 1996) rappelées dans l'encadré 1, on constate que seule la caractéristique 1 (l'activité projet vise à at- teindre un but global en réponse à un besoin exprimé) est fondamentalement remise en cause par ces remarques. Pour le reste, le mode projet correspond à la nature de l'innovation : le projet d'inno- vation est bel et bien singulier et unique, il combine des contributions pluridisciplinaires, il est sou- mis à l'incertitude, il est soumis à des variables exogènes, etc.

Dans ces conditions, à la différence d'un projet classique de développement, on ne tente pas de

converger vers la réalisation du but défini a priori : "le projet doit être ici compris comme l'organi-

sation de l'exploration d'un nouvel espace de conception dans lequel ni les concepts ni les connais-

sances ne sont clairement définis, dans un cadre temporel lui aussi à préciser" (Lenfle, 2003). De

ce fait, dans un projet d'innovation, les objectifs à atteindre vont se préciser peu à peu.

(36)

c ) Plusieurs sortes de projets : R,D ou Innovation ?

Pour certains auteurs, on peut penser que parmi ce que l'on appelle généralement des "projets d'in- novation", se cachent divers types de projets. La distinction introduite par Lemasson, Weil et Hat- chuel (Le Masson et al., 2006) entre l'innovation, la recherche et le développement (voir encadré ci dessous) est selon nous très utile, car elle nous montre que ces trois termes désignent des activités de nature différente... Et que par conséquent, la gestion par projet est plus ou moins bien adaptée se- lon le processus mené.

Encadré 3 : Les activités de la RID selon Lemasson, Weil et Hatchuel (2006) On passe de la R&D à la RID, en distinguant trois activités définies de la façon suivante :

La Recherche (R) est un processus contrôlé de production de connaissances. Elle s'ap- puie sur des dispositifs techniques et des processus de production servant à renforcer la va- lidité, la robustesse de ses résultats. Elle cherche à répondre à des questions de recherche autonomes, ou issues de concepteurs;

Le Développement (D) est un processus de spécification contrôlée. Il active des compé- tences et des connaissances existantes afin de spécifier un système, qui doit répondre à des critères bien définis et dont la valeur a déjà été clairement conceptualisée, voire évaluée;

L'Innovation est une activité de Conception Innovante (I). Elle a pour mission d'ex- plorer un champ nouveau, de proposer des concepts d'objets ou de services nouveaux, de les étendre, de dialoguer avec la R et le D.

Selon ces auteurs, ces trois types d'activités doivent reposer sur des principes de gestion différents.

La fonction D a pour but la réalisation d'un objectif (la réalisation d'un produit, basée sur un cahier des charges stable), elle s'appuie sur des ressources identifiées (en particulier des connaissances) réunies dans des équipes projet. Son horizon temporel est fixé par les jalons standards du projet.

Bref, un processus de développement se prête parfaitement à une gestion de projet classique, avec planification, lotissement, pilotage, etc.

En revanche, pour des processus de Conception Innovante (I) ou de Recherche (R), il faut adopter

des principes de gestion qui se distinguent en partie de la gestion de projet classique. Empirique-

ment, Aggeri et Segrestin (Aggeri and Segrestin, 2007), grâce à une étude de cas sur le développe-

(37)

ment de la Laguna II par Renault ont d'ailleurs montré que l'application des méthodes récentes de gestion de projets (simulations numériques des prototypes, gestion multi-projets, co-développement avec les fournisseurs) appliquées à des projets visant à mettre au point des objets très innovants pouvaient avoir des effets négatifs sur les résultats obtenus.

La question qui se pose donc aux projets collaboratifs d'innovation est de savoir s'ils correspondent à un processus de type R, D ou I, (voir s'ils sont un assemblage des trois), afin de savoir si oui ou non les méthodes habituelles de gestion de projet peuvent s'appliquer. Ces travaux nous suggèrent aussi que dans des projets où l'activité de conception innovante est importante, il nous faudra trou- ver d'autres moyens de gérer l'activité. Or, les modèles de gestion propres à ce type de processus restent en grande partie à inventer (Weil and Hatchuel, 2003). Les méthodes de gestion de projets d'innovation devraient prendre en compte la nature contingente, exploratoire et imprévisible des processus d'innovation.

A partir de cette réflexion sur le "projet d'innovation", nous pouvons donc opérer un premier glisse-

ment sémantique : questionner un projet d'innovation, c'est aussi questionner la place du projet

dans un processus d'innovation. Le projet n'est qu'un moment de ce processus. Pour comprendre

les difficultés rencontrées par les PCI, et pour comprendre ce qui fait "marcher" ces projets, il nous

faudra aussi comprendre comment fonctionnent les processus d'innovation, comment les projets

d'innovation s'intègrent dans le cours de tels processus. La question est d'autant plus importante que

la plupart des PCI sont construits sur des objectifs innovants, situés au-delà de l'état de l'art. Le plus

souvent, ce ne sont pas de simples projets de développement (D) et ils comportent une part de re-

cherche (R) et de conception innovante (I). Ils s'inscrivent donc dans des processus non linéaires,

complexes, pas aussi prédictibles que la logique "projet" pourrait l'exiger.

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