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Influence de la fragmentation forestière sur la régénération des espèces arborées dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire

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(1)

Thesis

Reference

Influence de la fragmentation forestière sur la régénération des espèces arborées dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire

MARTIN, Pascal

Abstract

En Côte d'Ivoire la forêt tropicale humide est progressivement remplacée par un paysage agricole au sein duquel subsistent une multitude de fragments de la forêt originelle. Ces fragments sont de véritables refuges pour les espèces qui composent la forêt primaire. A partir d'une série temporelle d'images satellites nous avons retracé l'historique de cette déforestation sur une période de trente années. Les fragments sont ainsi caractérisés spatio-temporellement (durée d'isolation, surface, distance à la forêt continue, forme…). Par un échantillonnage stratifié nous avons étudié l'influence de ces facteurs sur la régénération des espèces arborées. Il apparaît que les fragments, même de faible surface, conservent une forte résilience de leur composition végétale originelle et sont de véritables sources de graines pour la dispersion et le maintien des espèces forestières dans cette région. Nos conclusions sont à fortiori valables pour l'ensemble des régions tropicales d'Afrique de l'Ouest.

MARTIN, Pascal. Influence de la fragmentation forestière sur la régénération des espèces arborées dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2008, no. Sc. 3989

URN : urn:nbn:ch:unige-84679

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:8467

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8467

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UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DES SCIENCES

Département de botanique et Prof. R. Spichiger

de biologie végétale Dr. L. Gautier

Influence de la fragmentation forestière sur la régénération des espèces arborées

dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire

Thèse

Présentée à la Faculté des Sciences de l’Université de Genève Pour obtenir le grade de Docteur ès sciences, mention biologique

Par

Martin Pascal Jules André

France

Thèse N° 3989

Genève

Atelier d’impression ReproMail

2010

(3)
(4)
(5)

Table des Matières :

Remerciements : ...v

Résumé : ... vii

Abstract :... iix

1. Introduction ...1

1.1. Présentation et historique du projet « Fragmentation forestière dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire »...5

1.2. Etat des connaissances...8

1.2.1. La déforestation...8

1.2.2. La fragmentation forestière ...15

1.2.3. Vulnérabilité et extinction...26

1.2.4. La régénération...31

1.3. Hypothèses et objectifs...44

2. Présentation de la zone d’étude ...47

2.1. Les facteurs physiques...47

2.1.1. Situation géographique...47

2.1.2. Conditions climatiques...49

2.1.3. Géologie, topographie, pédologie, hydrologie ...51

2.2. Les facteurs biologiques...52

2.2.1. Flore et végétation...52

2.3. Les facteurs humains...56

2.3.1. Données démographiques et histoire du peuplement...56

2.3.2. Déforestation, activités agricoles et pression de chasse...56

2.3.3. Travaux scientifiques, institutions et projets de conservation dans la zone d’étude...59

3. Matériel et méthodes...60

3.1. Télédétection et spatialisation des données...60

3.2. Choix des échantillons...64

3.2.1. Les caractéristiques spatio-temporelles des fragments forestiers ...64

3.2.2. La définition du protocole d’échantillonnage ...65

3.3. Récolte des données de terrain...67

3.3.1. Les individus inventoriés ...67

3.3.2. Les méthodes d’inventaires...69

3.4. Utilisation des données de terrain...75

3.4.1. Les données d’abondance ...75

3.4.2. Les données spécifiques ...75

3.5. Paramètres de la structure forestière...82

3.6. Outils statistiques...83

3.6.1. Moyenne, variance et tests associés ...83

(6)

3.6.2. L’indice de Horn... 84

3.6.3. Le test de corrélation Z de Mantel... 84

3.6.4. Les analyses de variance à un et deux facteurs, Anovas ... 84

3.6.5. Les analyses de covariance, Ancovas... 86

3.6.6. Les régressions linéaires simples... 86

3.6.7. Les régressions en modèles additifs généralisés, GAM ... 87

3.6.8. Les méthodes multidimensionnelles, ACP et CCA... 88

3.6.9. Les logiciels utilisés... 89

3.7. Tableau croisé hypothèses-données-méthodes... 90

4. Résultats ... 92

4.1. Caractéristiques floristiques de la régénération... 92

4.2. Variabilité de la zone d’étude... 95

4.2.1. Au niveau des massifs forestiers ... 95

4.2.2. Au niveau des fragments forestiers ... 95

4.2.3. Discussion... 97

4.3. Influence de la fragmentation sur l’abondance de la régénération des placettes... 99

4.3.1. Présentation des données ... 99

4.3.2. Comparaisons avec la forêt continue... 100

4.3.3. Relations avec les paramètres de structure ... 102

4.3.4. Influence des niveaux d’isolation ... 105

4.3.5. Analyses avec les valeurs réelles des facteurs... 112

4.3.6. Analyse en modèle additifs généralisés (GAM)... 115

4.3.7. Discussion... 118

4.4. Influence de la fragmentation sur l’abondance des sub-adultes de la bande de comptage... 122

4.4.1. Présentation des données ... 122

4.4.2. Comparaison avec la forêt continue ... 123

4.4.3. Relations avec les paramètres de structure ... 124

4.4.4. Influence des niveaux d’isolation ... 126

4.4.5. Analyse avec les valeurs réelles des facteurs ... 128

4.4.6. Analyse en modèle additifs généralisés (GAM)... 130

4.4.7. Discussion... 133

4.5. La diversité de la régénération... 136

4.5.1. Présentation des données ... 136

4.5.2. Comparaisons avec la forêt continue... 137

4.5.3. Relations avec les paramètres de structure ... 140

4.5.4. Influence des niveaux d’isolation ... 142

4.5.5. Analyses avec les valeurs réelles des facteurs... 146

4.5.6. Analyse en modèle additifs généralisés (GAM)... 148

4.5.7. Discussion... 152

4.6. Les stratégies écologiques de la régénération... 155

4.6.1. Présentation des données ... 155

4.6.2. Comparaisons avec la forêt continue... 156

4.6.3. Relations avec les paramètres de structure ... 160

4.6.4. Influence des niveaux d’isolation ... 163

(7)

4.6.5. Analyses avec les valeurs réelles des facteurs ...168

4.6.6. Analyse en modèle additifs généralisés (GAM) ...170

4.6.7. Discussion ...173

4.7. Les modes de dispersion de la régénération...176

4.7.1. Présentation des données...176

4.7.2. Comparaisons avec la forêt continue ...177

4.7.3. Analyse en modèle additifs généralisés (GAM) ...181

4.7.4. Discussion ...186

4.8. Analyse multidimensionnelle des variables biologiques et des variables de l’isolation... ...190

4.8.1. Analyse en Composantes Principales de l’ensemble des variables ...190

4.8.2. Analyse Canoniques des Correspondances des variables biologiques vis-à-vis des variables de l’isolation et de la structure...196

4.8.3. Discussion ...199

4.9. Analyse multidimensionnelle des données floristiques de la régénération...201

4.9.1. Analyse en Composantes Principales de la distribution des espèces de régénération ...201

4.9.2. Analyse Canoniques des Correspondances de la distribution des espèces vis-à-vis des variables de l’isolation et de la structure...203

4.9.3. Analyse canonique des correspondances des espèces les plus abondantes dans la régénération 205 4.9.4. Discussion ...208

4.10. Comparaisons floristiques de la régénération entre les fragments forestiers et la forêt continue 210 4.10.1. Evolution démographique des espèces dominantes de la régénération ...210

4.10.2. Evolution démographique de l’ensemble des espèces de régénération dans les fragments forestiers ...213

4.10.3. Discussion ...220

4.11. Comparaisons des inventaires des fragments forestiers de moins de 4 ha et des bandes de comptage de régénération...222

4.11.1. Présentation des données...222

4.11.2. Relations de densité dépendance...225

4.11.3. Influence de la fragmentation et apport de graines ...228

4.11.4. Discussion ...233

5. Conclusion et perspectives...236

5.1. Caractéristiques floristiques de la zone d’étude...236

5.2. Les différences entres forêt continue et fragments forestiers...237

5.3. Influence des facteurs d’isolation...241

5.4. Les échanges de graines et les espèces menacées...245

5.5. Synthèse...246

5.6. Perspectives et recommandations...247

Bibliographie ...249

A n n e x e s ...270

(8)

Annexe 1 : Liste des espèces récoltées et incorporées aux herbiers de Genève et du CSRS. ... 271

Annexe 2 : Liste des espèces citées dans le texte. ... 272

Annexe 3 : Liste des Sub-adultes de la régénération avec leur famille, abréviations, type biologique (me=mésophanérophyte et mg=mégaphynérophytes), leur stratégie écologique (Pio = Pionnier, Hel = Héliophile et Scia = Sciaphile) et leur mode de dispersion. ... 275

Annexe 4: Description des fragments forestiers où ont été effectué les relevés. ... 279

Annexe 5 : Matrice de dissimilarité floristique de Horn des 47 fragments. Les valeurs > à 0,9 sont en gras... 285

Annexe 6 : Présentation des données des placettes de régénération de 4 m2, les * signalent les sites témoins, en italique les valeurs minimales et en gras les maximales. ... 286

Annexe 7 : Anovas à deux facteurs, sur les effectifs des Plantules, Pousses et Sub-adultes des placettes de 4m2 de régénération. ... 287

Annexe 8: Présentation des inventaires de Sub-adultes des bandes de comptage et des placeaux de 100 m2, les * signalent les sites témoins... 291

Annexe 9 : Anovas à 2 facteurs des effectifs de Sub-adultes dans les placeaux de 100m2 de régénération. ... 292

Annexe 10 : Anovas à 2 facteurs des données de richesse, diversité H et régularité EH des Sub-adultes dans les placeaux de 100m2 de régénération. ... 295

Annexe 11 : Anovas à 2 facteurs des stratégies écologiques des Sub-adultes dans les placeaux de 100m2 de régénération. ... 298

Annexe 12 : Liste des abbréviations utilisées dans le texte... 302

Annexe 13: Liste des figures. ... 303

Annexe 14 : Liste des tableaux... 305

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier le Professeur Rodolphe Spichiger pour avoir accepter d’encadrer ce travail de doctorat et pour m’avoir accueilli au sein des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJBG). Je le remercie vivement pour la confiance qu’il y a bien voulu m’accorder ainsi que pour ses conseils et son soutien durant toutes ces années.

Je remercie particulièrement le Dr. Laurent Gautier qui a supervisé depuis décembre 2000 la mise en œuvre du projet. Ses conseils, ses encouragements et son aide m’ont été indispensables pour mener à bien ce travail.

Je remercie le Dr. Patrick Mordelet du Centre d’Etudes Spatiales de la BIOsphère de Toulouse et le Dr. Jean-Pierre Sorg de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich pour avoir bien voulu m’offrir de leur temps afin de juger ce travail.

Mes remerciements vont au Dr. Pierre-André Loizeau, Directeur des CJBG, qui m’a permis de terminer mon doctorat au sein de son institution.

Un remerciement tout particulier à Adama Bakayoko de l’Université de Abobo-Adjamé de Côte d’Ivoire ainsi qu’à sa famille. Bak mon Kojo tu m’as appris tant de choses, tu m’as ouvert les portes de ta maison et sans toi cette thèse n’aurait pas été possible.

Toutes mes pensées vont à Thibaut Gla de Djiloubaye qui nous a assisté avec efficacité et bonne humeur durant les travaux de terrain. Guide, interprète et ami infatigable tu m’a fait découvrir et aimer ta région. Thibaut tu nous as quitté trop tôt, ce travail t’est dédicacé.

Je remercie vivement le Dr. Cyrille Chatelain qui a toujours été disponible pour la bonne marche du projet fragmentation forestière. Un grand merci pour les conseils, les remarques, la relecture, les dessins, les bases de données et tout le reste…

Je suis très reconnaissant au Dr. Olivier Girardin et au Dr. Guéladio Cissé, ex et actuel Directeur du Centre Suisse de Recherches Scientifiques en Côte d’Ivoire, pour leur soutien durant les années où j’ai travaillé en Côte d’Ivoire.

Je remercie particulièrement le Fond National Suisse pour la Recherche Scientifique qui a financé le projet « Fragmentation Forestière dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire ».

Je remercie la Dr. Yamama Naciri qui a bien voulu nous guider lors du choix initial des méthodes d’analyses et pour sa disponibilité à répondre à nos questions.

Je tiens à remercier trois autres collègues (ex)doctorants des CJBG qui m’ont aidé pour la réflexion, la mise en oeuvre des analyses et la rédaction. Ce sont : Louis Nusbaumer mon professeur de Rinorea, le Dr. Nicolas Wyler pour les outils d’analyses et le partage de son expérience, le Dr. Romain Mayor pour les discussion statistiques et l’écologie.

Un grand merci au Dr. Anthony Lehmann de l’Université de Genève et du GRID qui m’a converti et formé aux analyses de GAM.

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Un remerciement spécial au Dr. Fred Stauffer qui m’a fait confiance pour intégrer le projet LAPI et m’a ainsi permis de terminer mon doctorat tout en apprenant beaucoup à son contact.

Je tiens maintenant à remercier toutes les personnes qui ont contribuées d’une manière ou d’une autre à la réalisation de cette étude en Côte d’Ivoire : Henri Téré, Mamidou Koné, Inza Koné, Bertin Akpatou, Brama Koné, Dao Daouda, Andres Tschannen, François Kouamé, Charles, Juliette, Amandine, Dao Daouda tennis, André Rubin, Chimène Assi Kaudjis, Issouf Bamba, Virginie Amicha, Aïssatou Cissé, Abdoulaye Tall, Roger Kpon, Victor Kohi, Ahmet et Youl du 17, Yves et Moussa, Danico, Rachel Gla, Dougouné Saturnin, Désiré, les tanties de la cuisine du CSRS, Oumarou gardien, Oumarou Porgo, Gabriel Akounian, Mahamadou Traoré, Pierre Coulin,… et un grand pardon à ceux que j’oublie ici mais qui sont dans mes pensées.

Je n’oublie évidement pas tous les collègues et amis des CJBG, merci à vous : Mathieu Perret, Daniel Jeanmonod, Alain Chautems, Denise Gautier, Patrick Perret, Felipe Castaño, Patrick Ranirison, Mélanie Fournier, Micheline Wenger, Raoul Palese, Anne Giddey, Manuel Faustino, Murielle Figeat, Danielle Fisher Huelin, Sylvie Dunant, Paola Barlier, Anne Dos Ghali, Sofia Caetano, Angela Wangeler, Enrico Corbetta, Marc Ottone, Nathalie Rasolofo, Monica Soloaga, Nicolas Fumeaux, Fernand Jacquemoud, Catherine Lambelet, Christine Habaschi, Christine Vaz, Maha Zein, Frédéric Bieri, Robert Braito, Florian Gay, Camille Truong, Philippe Clerc, Jean-François Manen, Michelle Price, Beat Bäumler, Cyrille Latour, Magali Stitelmann, Patrick Bungener, Pierre Boillat, André Schlüssel, Gabrielle Barriera, Véronique Compagnon, Florence Büholzer, Carlo Muller, Fabienne Hecquet, Patricia Lepori, Sharareh Salmanmanesh, la famille Berron et tous les autres.

Merci à tous mes amis qui ont eu la politesse d’arrêter de me demander quand est-ce que je finirai ma thèse. Merci à vous tous pour tous ces bons moments passés ensemble et pour tout ce qui reste à venir.

Un grand merci à toute ma famille et à ma belle famille qui m’ont aidé et encouragé à poursuivre dans cette voie. Vous m’avez apporté amour, joie, réconfort et motivation.

Mon remerciement le plus important est pour toi Nana qui donne du sens à ma vie depuis plus de 10 ans. Merci d’avoir supporté les absences et les passages difficiles. Merci de m’avoir encouragé et soutenu sans retenue. Merci pour tout l’amour que tu me donnes chaque jour. Et enfin merci à celui ou celle qui viendra bientôt.

(11)

Résumé :

Dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire la déforestation a entraîné une forte réduction du couvert forestier durant les 30 dernières années. Un travail préliminaire de télédétection, à partir d’une série temporelle de 5 images à haute résolution (Landsat et Spot) entre 1974 et 2000, a permis de retracer précisément l’histoire du couvert forestier dans la zone d’étude. Le paysage du domaine rural consiste actuellement en une mosaïque de forêts-cultures-jachères. Ces fragments de la forêt dense humide originelle sont des refuges pour les nombreuses espèces animales et végétales de la région. La pression actuelle sur les formations forestières dans le Sud-Ouest Ivoirien menace la pérennité de ces fragments et des espèces qu’ils abritent. Afin de prédire l’évolution de ces formations forestières il est nécessaire de s’intéresser au potentiel actuel de régénération des espèces végétales.

Dans la zone d’étude, de grands blocs forestiers existent encore, dont le célèbre Parc National de Taï (PNT) et les Forêts Classées du Cavally et de la Goin-Débé. Ces vastes étendues de forêts primaires constituent des sites témoins idéaux pour évaluer les modifications floristiques et structurelles qui s’opèrent dans les fragments forestiers.

Au delà d’une simple comparaison entre fragments forestiers et massifs témoins, nous avons voulu tester l’influence sur la régénération des espèces arborées de l’intensité de l’isolation des fragments, approchée par leurs caractéristiques spatiales et temporelles (surface, durée d’isolation, distance aux massifs…).

Notre méthodologie est basée sur des relevés où nous recensons séparément trois stades de croissance : Plantules, Pousses et Sub-adultes qui permettent de suivre les principales étapes de la régénération. Nous disposons de données d’abondance des trois stades de croissance dans 920 placettes de 4 m2 réparties dans 46 fragments forestiers. Nous disposons également de 793 placeaux de 100 m2 d’inventaires botaniques des individus sub-adultes et adultes répartis dans 53 fragments forestiers. De plus, 26 fragments forestiers de moins de 4 ha ont fait l’objet d’un recensement exhaustif de tous les individus adultes.

Du point de vue de la densité des individus de régénération, les fragments forestiers présentent une forte stimulation pour les plantules et les sub-adultes comparativement à la forêt continue. Les facteurs de l’isolation, particulièrement la durée d’isolation et la surface des fragments, affectent fortement les densités de régénération. Dans les fragments forestiers, les perturbations (ouverture de la canopée par exemple) favorisent le passage du stade pousse au stade sub-adultes et concourent donc à stimuler la dynamique du peuplement de régénération.

La densité des individus arborés sub-adultes est plus élevée dans les fragments (1'732 individus à l’hectare) que dans les massifs témoins (1'357 individus à l’hectare). Cette stimulation est très marquée dans les fragments isolés récemment, dans les fragments de faible surface et dans les fragments fortement digités (présentant un fort taux de contact avec la matrice extra-forestière). La richesse spécifique et la diversité de la régénération sont également plus importantes dans les fragments forestiers. La fragmentation agit comme des perturbations stochastiques de l’écosystème et permet à un plus grand nombre d’espèces de coexister simultanément en limitant les phénomènes de compétition pour la lumière et en multipliant le nombre de micro-sites dans le sous-bois forestier.

En nous intéressant à l’affinité écologique des espèces de régénération il est apparu que les pionniers et héliophiles sont responsables de l’augmentation de densité et de richesse dans les fragments forestiers. La régénération des sciaphiles est proportionnellement inhibée dans ces fragments. Une érosion progressive du potentiel de régénération des fragments apparaît avec la durée de l’isolation. Au sein des fragments de faible surface cette érosion est accentuée. De la même manière, dans les fragments fortement digités, la proportion de pionniers est très élevée. La présence des pionniers est également liée aux perturbations locales de la structure végétale (trouées) alors que l’implantation des espèces héliophiles est plus générale au phénomène d’isolation.

(12)

La modification de l’affinité écologique du pool de régénération s’accompagne d’une augmentation des espèces présentant une dispersion aérienne (anémochores et ornithocores) alors que la dispersion par les mammifères est en recul.

Les analyses menées sur l’abondance des espèces sub-adultes ont montré que de nombreuses espèces dominantes dans la régénération des témoins (Diospyros mannii, Drypetes aylmeri et Trichoscypha lucens en particulier) ont perdu leur avantage compétitif dans les fragments.

Parallèlement, certaines espèces (Bussea occidentalis, Dialium aubrevillei, Dacryodes klaineana, Lovoa trichilioides, Pycnanthus angolensis…) deviennent très abondantes dans la régénération des fragments. De manière générale, un remplacement progressif de la composition de la régénération s’opère dans les fragments ce qui va modifier profondément le peuplement futur de ces derniers éléments forestiers du domaine rural.

L’étude de la composition floristique totale menée dans les fragments de moins de 4 ha a mis en évidence une série d’espèces pour lesquelles la régénération est très compromise. Il est également apparu dans ces petits fragments que des apports de graines sont possibles, ce qui est un facteur positif pour le maintien de la diversité forestière du domaine rural.

Globalement notre étude décrit et analyse les principaux effets de l’isolation spatiale et temporelle sur la régénération des espèces arborées dans un paysages fortement anthropisé. Nos résultats sont directement extrapolables aux autres régions de forêt tropicale d’Afrique de l’Ouest et pour une grande partie aux écosystèmes forestiers tropicaux mondiaux. Ce type d’étude qui se base sur le peuplement du futur doit permettre de mieux comprendre les modifications des écosystèmes et aider à une meilleure conservation de ces refuges de la biodiversité.

(13)

Abstract :

In South-western Ivory Coast deforestation has lead to a strong reduction of forest cover during the last three decade. A preliminary remote sensing study, based on a temporal succession of 5 high resolution scenes between 1974 and 2000, allow us to explain the historical evolution of forest cover in the study area. Presently the rural landscape is a mosaic of forests, crops, and fallows. The forest fragments are the last remnants of tropical rain forest and are considered as refuges for many species.

Human pressure threatens these forest fragments and their species. In order to predict their evolution it is necessary to address the regeneration potential of the forest tree species.

In the study area some large pristine forests are preserved like the famous Taï National Park (TNP) and the Forêts Classées du Cavally and de la Goin-Débé. They are particularly useful, as control, to compare and assess the floristic and structural modifications occurring in the fragments.

Beyond a simple comparison of forest fragments vs. continuous forest, our aim was to test the influence of the intensity of isolation (approached by several spatio-temporal characteristics of the fragments, like surface, duration of isolation, distance to continuous forest) on tree species regeneration.

We based our methodology on regeneration samplings in which three growth stages are differentiated: seedlings, saplings and early recruits, in order to represent the major steps of the regeneration process. In 920 samples of 4 m2 distributed in 46 forest fragments, all three stages are censed. For early recruits and adults, 793 botanical inventories of 100 m2 distributed in 53 forest fragments have been carried out. Moreover, a complete adult’s census has been conducted in 26 forest fragments less than 4 ha.

Comparing to the continuous forest, the forest fragment’s regeneration density show a strong stimulation for the seedling and early recruits. The isolation factors, particularly the isolation duration and surface of the fragment, strongly affect the regeneration densities. In forest fragments, perturbations (for example gaps) promote the transition between saplings and early recruits and therefore stimulate the regeneration dynamics.

The density of early recruits is higher in fragments (1’732 stems per ha) than in control forest (1’357 stems per ha). This stimulation is particularly strong in young forest fragments, in fragments of low surface as well as in highly digitated forests (with a high proportion of surface under edge effect).

The taxonomic richness and diversity of the regeneration pool are also significantly higher in forest fragments. The fragmentation processes can be assimilated to stochastic disturbances of the ecosystem and allows a higher number of species to coexist simultaneously by limiting the light competition regulation and by increasing the availability of regeneration niches.

Focusing on ecological affinity of tree regeneration species we highlight that pioneer and non- pioneer-light-demander species explain the increase of density and diversity of regeneration in forest fragments. Simultaneously shade tolerant species are inhibited in the fragments. A progressive erosion of the regeneration potential is linked with the duration of isolation. Within low-surface fragments this erosion is stronger. Accordingly, in highly digitated forests fragments, the pioneers proportion is very high. The presence of pioneers is also linked to local perturbations of the vegetation structure (gap), while the implantation of non-pioneers-light-demander species is a more general phenomenon during isolation.

The change in ecological affinity of the regeneration pool is linked with an increase of species presenting aerial dispersion (anemochory and ornithocory) while the mammals dispersion is reduced.

The analyses conducted on early recruits species abundance showed that many dominant species in control forest regeneration (especially Diospyros mannii, Drypetes aylmeri and Trichoscypha lucens) have lost their competitive advantage in fragments. Meanwhile, other species (Bussea

(14)

occidentalis, Dialium aubrevillei, Dacryodes klaineana, Lovoa trichilioides, Pycnanthus angolensis…) become very abundant in fragments. Generally, a gradual replacement of the floristic composition of the regeneration pool occurs in the fragments. Such change will drastically alter the future composition of the remaining forests of the rural landscape.

The study of adult’s composition in the fragments less than 4 ha has highlighted a number of species for which regeneration is threatened. It has also revealed that extra-fragments seeds dispersion events are likely to occur, even in these small fragments, which is a positive factor to maintain the rural forest diversity.

Our study describes and analyzes the main effects of spatial and temporal isolation on the regeneration of tree species in a heavily anthropic landscape. Our results can be extrapolated to other rainforest areas in West Africa and, to a large extent, to worldwide tropical forest ecosystems. This kind of study based on the future tree population, improve our understanding of the changes in ecosystems and bring key elements for conservation of these invaluable refuges of biodiversity.

(15)

1. Introduction

Dans les régions intertropicales la déforestation s’est considérablement accrue ces dernières décennies et s’est donc progressivement affirmée comme l’une des préoccupations majeures de la communauté scientifique ainsi que du grand public. La disparition des forêts tropicales est alarmante car ces régions, qui représentent moins de 7% des terres émergées, abritent plus de 50% de l’ensemble de la biodiversité de notre planète. Actuellement, l’extinction des espèces s’opère à une vitesse incroyablement plus élevée que durant les périodes préhumaines, de 10 à 1000 fois plus d’après Dirzo

& Raven (2003). La disparition des forêts tropicales joue également un rôle essentiel dans les changements climatiques globaux (Houghton 1991 ; Laurance 1998 ; Pielke et al. 2002) via le cycle de libération et de fixation du dioxyde de carbone.

Les principales causes de la déforestation sont l’exploitation des ressources forestières, la forte croissance démographique qui entraîne un besoin accru en surfaces pour les cultures vivrières et les cultures de rentes (café, cacao, banane, hévéa, huile de palme, etc.). En Afrique, la Côte d’Ivoire présente le deuxième taux annuel de déforestation le plus élevé avec 1,1 à 2,9% (Achard et al. 2002).

Ce phénomène s’avère particulièrement marqué depuis l’indépendance de 1960. En effet, plus de 80%

des surfaces forestières ont été converties en cultures entre 1969 et 1993 (Chatelain et al. 2004).

En Afrique, dans la grande majorité des cas, la déforestation ne consiste pas, comme souvent dans le bassin amazonien, en un front homogène qui avance sur la forêt mais en un morcellement progressif du couvert. Ce mode de déforestation, principalement à vocation agricole, conduit progressivement à la création d’une mosaïque de forêts-cultures-jachères très caractéristique des paysages africains. La forêt, initialement continue, se transforme alors en une multitude d’îlots. En Côte d’Ivoire, Chatelain (com. pers.) estime que les fragments de moins de 10 hectares représentaient en 2000 près de 30% de la surface forestière totale.

Le phénomène de fragmentation est actuellement l’un des thèmes les plus étudiés en écologie.

En 2007, plus de 2'500 études scientifiques portant sur les effets de la fragmentation des habitats avaient été publiées. La fragmentation des écosystèmes est un champ de recherche très vaste qui varie selon l’échelle spatiale et temporelle de référence mais aussi en fonction des organismes que l’on étudie.

La fragmentation se caractérise par deux processus majeurs qui sont la perte d’habitats viables pour les populations animales et végétales ainsi que l’isolation spatiale des habitats restants. Les conséquences pour les espèces peuvent être positives (augmentation de l’abondance de certaines espèces) ou négatives telles que la dégradation des conditions environnementales, l’invasions d’espèces, la disparition des flux de gènes et l’extinction des espèces vulnérables. D’autres facteurs affectent la réponse des populations dans les sites fragmentés tels que l’organisation du paysage, la fréquence et l’intensité des perturbations ainsi que la durée de l’isolation.

Si de nombreuses études ont pu mettre en avant les changements qui surviennent dans la communauté végétale durant les premières années de l’isolation (Bender et al. 1998 ; Bierregaard Jr. et al. 1992b ; Ferraz et al. 2003 ; Jacquemyn et al. 2001 ; Kellman 1996 ; Laurance et al. 2002), les effets à long terme de la fragmentation forestière sont encore peu connus (Corlett & Turner 1997 ; Turner et al.

1996). Parallèlement, la dynamique de régénération dans les fragments forestiers (Benitez-Malvido 1998 ; Laurance et al. 1998a ; Viana et al. 1997) demeure peu étudiée alors que la composition et la distribution de la régénération sont pourtant les composantes visibles les plus appropriées pour déterminer l’évolution future des populations. En effet, la majorité des études sur les fragments forestiers se sont intéressées à l’impact des lisières (Lovejoy et al. 1986 ; Malcolm 1994 ; Williams- Linera 1990 ; Williams-Linera et al. 1998), à la mortalité des arbres (D'Angelo et al. 2004 ; Laurance et al. 2000 ; Mesquita et al. 1999) ou à la régénération d’une seule espèce (Bruna 2002 ; Carabelli et al. 2006 ; Cramer et al. 2007). Une série d’expériences sur les effets de la fragmentation forestière

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existe à Manaus au Brésil sous l’appellation Biological Dynamics of Forest Fragment Project (BDFFP). Ce projet, initié en 1979, se base sur une série de 12 fragments forestiers de 1, 10 et 100 hectares isolés par des coupes à blanc. Ces études disposent de recensement de la faune et de la flore avant l’isolation ce qui leur permet de suivre les changements physiques et écologiques liés à la fragmentation. Leurs résultats, plus de 500 publications, sont de grande importance pour comprendre l’influence de certains aspects de la fragmentation (effet de lisière, changements microclimatiques, flux de gènes, mortalité des grands arbres, invasion d’espèces…). Cependant, comme ces sites d’étude sont de forme carrée et protégés des pressions anthropiques ils ne sont pas représentatifs de l’immense majorité des fragments qui existent dans les régions tropicales. En effet, l’organisation des fragments dans le paysage, leurs échanges avec la matrice environnante et surtout l’influence de l’homme après l’isolation restent quasiment inconnues de la communauté scientifique. Parallèlement, peu de travaux concernent l’influence de la fragmentation sur l’ensemble de la régénération pour les aspects de l’abondance, de la diversité, de la composition floristique, de l’évolution des stratégies écologiques ou des échanges avec la matrice extra-forestière.

Le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire est une région de forêt dense humide sempervirente où subsistent de vastes blocs forestiers protégés (Parc National de Taï et Réserve de faune du N’Zo) ou classés (Forêt du Cavally, Forêt de la Goin-Débé). Cette région abrite les derniers grands blocs des forêts de Haute Guinée. Ces forêts sont caractérisées par une haute biodiversité et par un grand nombre d’espèces animales et végétales endémiques. Le Parc National de Taï est d’ailleurs inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1982.

Dans cette région, la déforestation est relativement récente et a pu être suivie sur la base d’une série temporelle d’images satellitales à haute résolution (Bakayoko et al. 2002 ; Chatelain et al. 1995 ; Chatelain et al. 2004). De nombreux fragments forestiers subsistent dans la mosaïque forêts-cultures- jachères du domaine rural et constituent alors de véritables refuges pour les espèces. Les fragments constituent également des sources de graines pour la recolonisation forestière ou des stepping stones pour les flux de gènes entre les grandes aires protégées via des phénomènes de connexion. De plus, l’existence d’îlots forestiers à proximité des populations riveraines permet de limiter les prélèvements illégaux dans les zones protégées. Les fragments constituent en effet des sources d’approvisionnement en produits forestiers (alimentation, bois de chauffe, artisanat, médecine traditionnelle, construction, fibres, usages symboliques, cueillette à but commercial…) indispensables pour les populations locales. Une étude (Martin et al., in prep) menée dans 58 fragments forestiers, du domaine rural de la zone de Taï-Zagné, a montré que 56% des espèces et 81% des individus présentent au moins une utilisation par les populations rurales. Plus de 70% des prélèvements de ces produits peuvent entraîner la mort des individus concernés (de façon directe ou indirecte en favorisant les attaques des pathogènes). Ces pressions anthropiques sont donc importantes pour estimer les risques de vulnérabilité et d’extinction des espèces.

Ainsi, les îlots forestiers, et les espèces qu’ils abritent, sont directement menacées par l’extension de la déforestation. Les fragments sont soumis aux perturbations physiques et biotiques liées à l’isolation mais également à toutes les perturbations d’origine anthropique.

Ces reliques de la forêt naturelle constituent des sites privilégiés pour les études sur l’influence de la fragmentation en condition réelle et pour l’appréciation des risques d’extinction des espèces. La connaissance de l’historique de la fragmentation et la proximité des zones protégées permet d’identifier et de retracer les changements survenus dans les fragments.

Il est alors apparu urgent de caractériser les fragments forestiers et de savoir si la régénération des espèces de forêt naturelle est toujours fonctionnelle dans les fragments forestiers afin de fournir des arguments scientifiques complets aux autorités en charge de l’aménagement et de la conservation

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des ressources naturelles. Ces raisons ont permis la mise en place du projet “Fragmentation forestière dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire” où s’intègre le document présenté ici.

Dans notre travail nous proposons une étude complète de l’influence des facteurs de l’isolation spatio-temporelle sur la régénération des espèces arborées. Afin de cerner les différentes influences de la fragmentation cette étude porte sur différents aspects :

- la quantité de régénération à différents stades de croissance dans le sous-bois, - la richesse taxonomique et la diversité de la régénération,

- la distribution des individus et des espèces en fonction des stratégies écologiques, - la distribution des individus et des espèces en fonction des modes de dispersion, - les possibilités d’apport de graines exogènes dans les fragments forestiers, - les risques d’extinction pour les espèces.

Ces caractéristiques biologiques de la régénération sont confrontées à des descripteurs physiques et temporels de la fragmentation mais également à des descripteurs de la structure forestière :

- la surface des fragments, - la durée d’isolation,

- la distance aux grands massifs témoins, - le périmètre des fragments,

- le degré de réticulation des fragments,

- la proximité des autres zones forestières (fragments et massifs continus), - la hauteur de la canopée et sa variation,

- le nombre des trouées dans la canopée,

- un modèle structural représentant la pénétration de la lumière dans le sous-bois.

Les comparaisons des données biologiques de la régénération avec les descripteurs de la fragmentation et de la structure forestière doivent nous permettre de savoir si la régénération des espèces de forêt primaire est effective dans les fragments forestiers. En nous intéressant à la régénération nous cherchons à savoir comment va évoluer la composition floristique des fragments.

Parallèlement nous voulons mettre en avant l’influence des facteurs d’isolation sur les différentes composantes de la régénération afin de dégager des tendances générales applicables à d’autres régions que celle de notre cadre d’étude.

Le document présenté ici est découpé en plusieurs parties qui sont :

- Un état des connaissances sur la déforestation, la fragmentation, la vulnérabilité des populations et la régénération, partie 1.2.

- Une présentation des hypothèses de notre travail, partie 1.3.

- Une description de la zone d’étude, partie 2.

- La présentation de nos données et des méthodes d’analyses retenues, partie 3.

- Les chapitres résultats, partie 4, avec des discussions pour chacun des aspects traités.

- Une conclusion synthétisant les principaux résultats de notre étude, partie 5.

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Nous proposons à la fin du document une série de données annexes dont les plus utiles pour la lecture du document sont :

- Un index des espèces citées dans le texte est placé dans l’Annexe 2, p. 272

- Une liste des espèces rencontrées dans la régénération, avec leurs caractéristiques biologiques, est donnée dans l’Annexe 3, p. 275

- Les abréviations utilisées dans le texte sont données dans l’Annexe 12, p. 302

- La liste des figures et des tableaux sont données dans les annexes 13 et 14, p 303 et p. 305

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1.1. Présentation et historique du projet « Fragmentation forestière dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire »

La thèse présentée ici s’inscrit dans un projet de recherche plus général soutenu par le Fond National Suisse pour la Recherche Scientifique (FNRS). Ce projet « Forest Fragmentation in SouthWestern Ivory Coast » (subside N° 31-59469.99) a été initié par le Dr. Laurent Gautier en tant que premier requérant en 1999. Ce projet, en partenariat entre l’Université de Genève et l’Université de Cocody-Abidjan, s’appuie sur les infrastructures que sont les Conservatoire et Jardin Botaniques de la Ville de Genève (CJB), le laboratoire de botanique de l’Université de Cocody à Abidjan et le Centre Suisse de Recherche Scientifique en Côte d’Ivoire (CSRS). Un premier projet en 1994 avait permis d’acquérir les images satellitales et de réaliser des missions de terrain pour vérifier la qualité du traitement de télédétection.

Le projet vise à mieux comprendre l’influence de la fragmentation forestière à plusieurs niveaux. Les trois principaux thèmes de recherches doivent fournir une vision d’ensemble des modifications liées à la fragmentation forestière. Le projet se découpe de la sorte :

- L’historique de la déforestation dans la zone d’étude à partir d’une série d’images satellitales (1974 et 2002). Cette étape menée aux CJB par Cyrille Chatelain a permis de retracer l’évolution du couvert forestier et d’identifier les caractéristiques spatio-temporelles des fragments forestiers.

- L’influence de l’isolation sur la structure forestière et la composition floristique des fragments.

Cette partie a fait l’objet d’un travail de doctorat par un étudiant ivoirien Adama Bakayoko intitulé : « Influence de la fragmentation forestière sur la composition floristique et la structure végétale dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire » et soutenu à Abidjan en 2005.

- L’influence de la fragmentation forestière sur la régénération des espèces arborées. Ce thème est présenté ici.

Le choix de la Côte d’Ivoire comme cadre du projet repose sur une longue tradition de recherche en coopération liant les CJB, le CSRS et l’Université de Cocody à Abidjan. Depuis plus de 30 ans, de nombreuses thèses et diplômes de l’Université de Genève ont ainsi été effectués en Côte d’Ivoire.

Parallèlement, plusieurs étudiants de l’Université de Cocody ont été encadrés par des membres des CJB dans le cadre de travaux en partenariat. Cette coopération scientifique entre Genève et l’Université de Cocody est principalement orientée sur les recherches en botanique et en écologie.

La présence du Centre Suisse de Recherches Scientifiques à Adiopodoumé en Côte d’Ivoire facilite depuis plus de 55 ans la coopération entre les deux pays. Ce centre dispose de compétences, d’infrastructures et de moyens matériels qui facilitent les projets menés en partenariat dans des axes de recherche définis (sécurité alimentaire, environnement urbain, parasitoses humaines et vétérinaires, milieu naturel et biodiversité). Les CJB, principalement impliqués dans l’axe de recherche « milieu naturel et biodiversité » sont par ailleurs impliqués dans le maintien d’un herbier au CSRS qui permet aux différents chercheurs (botanistes et ethnobotanistes, zoologistes, agronomes, pédologues) de déterminer les échantillons et de déposer leurs récoltes dans un site accessible à tous.

Nous présentons un bref historique du déroulement du travail de doctorat :

- Décembre 2000: Début de l’étude, choix des sites d’inventaire sur la base des travaux réalisés précédemment par le Dr. Cyrille Chatelain de cartographie des fragments forestiers dans la zone d’étude.

- Janvier à Septembre 2001: première saison de terrain : repérage de fragments forestiers en accord avec la cartographie précédemment citée, mise en œuvre du travail botanique de terrain (relevé

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linéaire, bande de comptage, placette de régénération, inventaires exhaustifs…), formation à la reconnaissance de la flore ivoirienne et vérifications à l’herbier du CSRS.

- Octobre 2001 à Janvier 2002 : à Genève, recherches bibliographiques, saisie des données, apprentissage des méthodes d’analyses statistiques, vérification d’échantillons botaniques.

- Janvier à Septembre 2002 : seconde saison de mesures, travail botanique de terrain, encadrement et suivi de deux étudiants diplômants de l’Université de Cocody-Abidjan, départ anticipé fin septembre 2002 par suite d’incidents politiques et militaires en Côte d’Ivoire.

- Octobre 2002 à Octobre 2003 : à Genève, détermination et validation des collections botaniques, saisie des récoltes fertiles et des données de terrain, séjour étudiant ivoirien, début d’analyse partielle.

- Novembre 2003 à Janvier 2004 : Séjour en Côte d’Ivoire afin de récupérer une partie des données nécessaires aux analyses.

- 2004 : séjour de l’étudiant ivoirien à Genève, stage de foresterie tropicale à Cargèse, rédaction d’un article, analyses statistiques des données, travail bibliographique, début de rédaction de la thèse.

- 2005 et 2006 : fin du financement, travail ponctuel sur le doctorat, participation aux Journées d’Ecologie Fonctionnelle 2005, préparation d’articles (ethnobotanique, végétation mondiale, mycorhizes), diverses périodes de travail "alimentaire". Présentation du travail de doctorat de Bakayoko Adama sur la structure et la composition floristique des fragments (04/2005).

- Février 2007 à maintenant : reprise et finalisation du travail d’analyse et de rédaction du doctorat.

Les troubles politiques et militaires survenus en Côte d’Ivoire en septembre 2002 ont interrompu le travail de terrain. Des missions d’inventaires devaient avoir lieu jusqu’à fin 2002 dans les forêts témoins (Parc National de Taï, Forêts Classées du Cavally et de la Goin-Débé) et dans des fragments forestiers. Durant l’année 2003 l’équipe du projet a attendu une amélioration des conditions de sécurité dans l’espoir de terminer ces mesures de terrain. Fin 2003, l’équipe s’est résolue à mener le travail d’analyse sans les données manquantes. Le nombre de relevés botaniques de régénération dans les forêts continues aurait dû être de 12 à 16 afin d’être représentatif. Pour les raisons mentionnées, nous ne disposons malheureusement que de 4 relevés auxquels nous avons ajouté par la suite deux inventaires réalisés en 1999 par Cyrille Chatelain et Henri Téré. De la même manière, nous n’avons pu réaliser que 47 inventaires dans des fragments forestiers entre janvier 2001 et septembre 2002 alors que le projet en envisageait environ 60. Ces événements ont ainsi pénalisé la qualité des résultats en limitant nos comparaisons avec les données des forêts témoins et en déséquilibrant le protocole d’analyse.

Les séjours en Côte d’Ivoire ont permis de récolter du matériel botanique. La liste des récoltes fertiles effectuées par le collectif : Bakayoko, A & Martin, P. est donnée dans l’Annexe 1. Les récoltes, comprenant entre 2 et 6 parts, sont déposées dans les institutions suivantes : Herbier des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (G), Herbier du CSRS, le Centre National de Floristique de Côte d’Ivoire (UCJ), l’Herbier du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris (P), Herbier de Kew (K), Herbier du Missouri Botanical Garden (MO) et Herbier de l’Université Agronomique de Wageningen (WAG).

Les mémoires suivants ont été réalisés dans le cadre du projet :

Assi-Kaudjis, C., 2004. Comparaison de la régénération de quatre espèces arborescentes dans les fragments forestiers de la région de Taï-Zagné (Ouest de la Côte d'Ivoire). DEA option botanique, Université de Cocody-Abidjan, Côte d'Ivoire, 53 p.

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Bakayoko, A., 2005. Influence de la fragmentation forestière sur la composition floristique et la structure végétale dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire. Thèse de Doctorat, Université de Cocody-Abidjan, Côte d'Ivoire, 231 p.

Bamba, I., 2004. Etude comparative de deux grands fragments forestiers, entre Zagné et Taï, au Sud- Ouest de la Côte d'Ivoire. DEA, option botanique, Université de Cocody Abidjan, Côte d'Ivoire, 57 p.

Les publications suivantes ont pu être réalisées :

Bakayoko, A., Martin, P., Gautier, L., Chatelain, C. & Traoré, D. 2002. Fragmentation forestière au Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire: Approche satellitaire et résultats préliminaires. Bioterre, Rev.Inter.Sci.de la Vie et de la Terre, N° Spécial: Actes du colloque international «La recherche en partenariat pour un développement durable en Afrique de l'Ouest» Centre Suisse, 27-29 Août 2001, Abidjan, pp. 71-85.

Bakayoko, A., Martin, P., Gautier, L., Chatelain, C., Traoré, D. & Spichiger, R. 2004. Etude comparative des massifs forestiers entourant la zone de Taï à Zagné (sud-ouest de la Côte d'Ivoire). Candollea 59: 191-229.

Chatelain, C., Gautier, L. & Spichiger, R. 1995. A recent history of forest fragmentation in southwestern Ivory Coast. Biodiversity and Conservation 5: 37-53.

Chatelain, C., Dao, H., Gautier, L. & Spichiger, R. 2004. Forest cover changes in Côte d'Ivoire and Upper Guinea. In: Poorter, L., Bongers, F., Kouamé, F. N'. & Hawthorne, W. D. (eds.) Biodiversity of West African Forests, an ecological atlas of woody plant species, pp. 15-32.

CAB International, Wageningen, Netherlands.

Chatelain C., Gautier L. and R. Spichiger, 2005. Forest fragmentation in southwestern Côte d’Ivoire.

One Planet Many People: Atlas of Our Changing Environment. pp: 188-189. United Nations Environment Programme, Nairobi, Kenya.

Martin P., Bakayoko A., Gautier L., Chatelain C. et R. Spichiger. 2005. Régénération des espèces arborées dans les fragments forestiers du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire. Poster présenté lors des VIIèmes Journées d’Ecologie Fonctionnelle, 8 au 10 mars 2005, Super Besse, France.

Les publications suivantes sont en préparation :

Bakayoko A., Martin P., Gautier L., Chatelain C. and Traoré. Floristic differences between remnant and continuous forests in South Western Côte d'Ivoire.

Chatelain C., Bakayoko A., Martin P. and L. Gautier. Monitoring tropical forest fragmentation in the Zagné-Taï area (West of Taï National Park, Côte d'Ivoire).

Martin P., Bakayoko A., Koné M., Chatelain C., Gautier L. and Spichiger R. Traditional plant use in South-western rain forest of Côte d’Ivoire. (in prep for Economic Botany)

Martin P., Gautier L., Bakayoko A., Chatelain C. and Spichiger R. Socio-economic value of forest fragments in South-western Côte d’Ivoire and implications for their conservation. (in prep for Biodiversity and Conservation)

Martin P., Bakayoko A., Chatelain C., Gautier L. and Spichiger R. Forest fragmentation and vegetation structure changes: consequences for recruitment of sub and canopy trees in southwestern Côte d’Ivoire.

Martin P., Bakayoko A., Chatelain C., Gautier L. and Spichiger R. Functional changes in forest fragments regeneration and the future of West African rainforest.

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1.2. Etat des connaissances

Nous allons présenter dans les parties ci-dessous un aperçu bibliographique des relations entre la déforestation, la fragmentation, la vulnérabilité des populations et la régénération des espèces végétales. Ceci afin de permettre au lecteur d’avoir un aperçu des connaissances existantes et des principaux enjeux qui interviennent dans notre réflexion.

1.2.1. La déforestation

Avant de s’intéresser à la fragmentation forestière et à son influence sur la régénération il est important de revenir sur sa cause principale qu’est la déforestation. Ainsi, nous discuterons de ce thème dans l’ordre suivant : l’ampleur de la déforestation, ses causes puis ses conséquences.

1.2.1.1. Importance du phénomène

La déforestation, au sens strict du terme, a débuté il y a plus de 8’000 ans avec l’apparition de l’agriculture. Depuis l’homme n’a cessé de réduire les surfaces de forêt au profit de l’agriculture, de l’élevage ainsi que pour assurer ses besoins croissants en bois de construction et de chauffage. La révolution industrielle en Europe a grandement accentué ce phénomène pour couvrir les besoins en combustibles pour les fonderies et l’industrie. Déjà entre 1850 et 1980, 15 % des forêts du monde ont été défrichées. La dernière moitié du XXe siècle se caractérise par une très forte exploitation des territoires couverts par les forêts à travers le monde et principalement dans la zone inter-tropicale.

Actuellement il est délicat d’avancer avec certitudes des taux de déforestation à une échelle mondiale car la définition même des types de dégradation des formations forestières peut prêter à discussion. Les principales catégories forestières généralement reconnues sont les forêts intactes, les forêts fragmentées, les forêts ouvertes, les plantations et les recrus forestiers.

Les données les plus souvent citées sont celles de la FAO (Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture). Leurs bilans regroupent toutes les données nationales disponibles, souvent extrapolées d’année en année, par rapport à des indicateurs établis par des experts. Ainsi, la FAO a estimé que, pour la période allant de 1980 à 1990, le rythme de déforestation se chiffrait à 15,5 millions d´hectares par an pour le cumul des surfaces de l’Afrique, de l’Amérique tropicale, et de l’Asie. Une extrapolation de ces valeurs aboutit pour la période 1990-1995 à un taux de déforestation annuel de 13,7 millions d´hectares. Au total, au cours de cette période de 15 ans, ce seraient environ 230 millions d´hectares de forêt tropicale qui auraient disparu. Pour mettre ce chiffre en perspective, 230 millions d´hectares représentent un territoire plus étendu que celui qu´occupent le Mexique ou l´Indonésie. Le Tableau 1 ci-dessous présente les valeurs des surfaces tropicales déforestées entre 1980 et 1995.

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Tableau 1: Surfaces des forêts tropicales et taux de déforestation, source (FAO 1995 ; FAO 1997), données en millions d’hectares.

Région considérée

Total forêts en 1980

Total forêts en 1990

Total forêts en 1995

Déforestation de 1980 à 1995

Taux annuel en

% sur la base 1980

Afrique 290 242 223,6 66,4 1,526

Amérique du

Sud et Centrale 826 753 737 89 0,718

Asie et

Océanie 334 287 258,6 75,4 1,505

Total forêts

tropicales 1’450 1’282 1’219,2 230,8 1,061

Nous constatons que l’Amérique du Sud est le continent où la déforestation est la plus importante en termes de surface perdue. Par contre, l’Afrique est, avec une moyenne de 1,52% par an, le continent où le taux de déforestation est le plus élevé en proportion des surfaces restantes en 1980.

D’autres travaux plus récents (Achard et al. 2002 ; Malingreau et al. 1995 ; Mayaux et al. 1998) se sont basée sur des données satellitales et des sites de référence distribués dans les principales régions de forêt tropicales. Leur comptabilisation de changements des surfaces forestières aboutit à des valeurs inférieures de 23 % par rapport à celles généralement acceptés de la FAO et met en avant de grandes disparités aux niveaux nationales. La Côte d’Ivoire (1,1 à 2,9 %) et Madagascar (1,4 à 4,7

%) apparaissent malheureusement comme les deux pays d’Afrique où les taux de déforestation annuels entre 1990 et 1997 sont les plus élevés. Les estimations des surfaces déforestées à travers le monde varient d’une part à cause des méthodes de calcul et de validation utilisées et, d’autres part, à cause des définitions des catégories forestières et de la prise en compte ou non des fragments forestiers.

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Photo 1 : Déforestation récente dans la région de Taï par défrichement puis mise à feu.

Photo 2 : Exploitation forestière dans la Forêt Classée du Cavally.

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1.2.1.2. Les causes de la déforestation

La FAO, toujours en 1997, rapporte que la réduction du territoire couvert par les forêts entre 1980 et 1990 en Afrique est largement due au fait qu´elles sont défrichées pour laisser place à de petites exploitations agricoles ainsi qu´à des cultures et à des pâturages permanents. A cela s´ajoute le ramassage du bois de chauffage, cause d´une dégradation lente et progressive. On suppose que les pressions exercées par la population rurale sont le principal facteur de ces changements. Par contre, en Amérique latine, les agents en seraient davantage l’orientation vers l´agriculture ainsi que l´élevage extensif permanent. En Asie, la situation est plus complexe car liée à de grands programmes de colonisation, à une récolte intensive de bois d´œuvre, à l´expansion de l´agriculture commerciale et à l´empiétement continu de terres boisées par l'agriculture itinérante. Le Tableau 2 ci-dessous présente, de façon non exhaustive, les principaux agents de la déforestation dans les régions tropicales.

Tableau 2 : Les principaux agents de la déforestation, compilation de littérature et FAO 1997.

Agents Liens avec la déforestation

Agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis

- défrichent la forêt pour faire place à des cultures de subsistance et marchandes (appoint);

Agriculteurs commerciaux

- défrichent la forêt pour planter des cultures marchandes à une échelle commerciale et déplacent parfois des agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis qui, ensuite, s'installent sur les terrains forestiers;

Grands éleveurs

- défrichent la forêt pour créer des pâturages et déplacent parfois des agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis qui, ensuite, s'installent sur les terrains forestiers;

Propriétaires de troupeaux de bétail - la multiplication des troupeaux de bétail peut entraîner la déforestation;

Exploitants forestiers

- récoltent du bois d’œuvre à l'échelle commerciale, les pistes d'exploitation sont des voies d'accès pour d'autres utilisateurs des terres;

Planteurs d'arbres à l'échelle commerciale

- défrichent principalement des jachères forestières ou des forêts précédemment exploitées pour créer des plantations fournissant de la fibre de pâte à papier, des palmeraies, de l’hévéaculture…;

Collecteurs de bois de chauffage, charbonniers

- une intensification de la collecte de bois de chauffage et de ses dérivés peut favoriser la déforestation;

Compagnies minières et pétrolières

- les routes et les pistes utilisées pour l'exploration sismique rendent les terres accessibles à d'autres utilisateurs, déforestation localisée liée à leurs activités;

Planificateurs de peuplements - relocalisation de certaines populations qui s'installent ensuite dans la forêt;

Entrepreneurs de travaux d'infrastructure

- la construction de routes et d'autoroutes traversant des régions boisées donne un nouvel accès à d'autres utilisateurs; l'inondation de terres suite à la construction de barrages hydroélectriques.

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Cependant, dénoncer un ou des responsables de la déforestation s’avère moins important que de connaître les raisons qui animent ce phénomène. Nous pouvons définir la déforestation comme le résultat de l'interaction des facteurs environnementaux, sociaux, économiques, culturels et politiques agissant dans une région donnée. L’intensité de ces facteurs varie de décennie en décennie et de pays en pays. Il est donc dangereux de généraliser. Source de richesse pour certains, elle est pour d'autres source de misère et entraîne presque toujours de sérieuses conséquences pour l'environnement.

Les facteurs favorisants la déforestation sont principalement la très forte progression démographique qui caractérise les zones tropicales ainsi que la pauvreté qu’on y observe (Laurance 1999 ; Van Soest 1998).

La population mondiale croît actuellement au rythme de 1 milliard de nouveaux individus par décennie. Au cours de la dernière moitié du XXe siècle, la population de notre planète a plus que doublé en passant de 2’500 millions à 6’000 millions d’individus (W.R.I. 1994). La croissance démographique est particulièrement forte dans les pays en voie de développement, ceux là même qui sont le moins bien équipés pour y faire face. Presque tous les 3,4 milliards de nouveaux individus qui viendront peupler notre planète d'ici l'année 2050 naîtront dans les pays en développement (Simons 1998) - 3,4 milliards d'individus de plus qui auront besoin de nourriture, d'énergie, d'un logement, d'eau, de bois, de papier et de tous les autres biens et services qui nous sont fournis par les forêts.

Environ 4,5 milliards de personnes, c'est-à-dire 75 % de la population mondiale, habitent dans les pays en voie de développement, et 1 milliard d'entre elles vivent dans une extrême pauvreté (Koop &

Tole 2001). La plupart de ces pays se trouvent sous les tropiques, où la déforestation est un problème grave. De plus, on estime que 2,8 milliards de personnes vivent dans des régions rurales et dépendent de l'agriculture pour satisfaire leurs besoins essentiels. On ne connaît pas exactement le nombre de personnes qui assurent leur subsistance en défrichant les forêts pour y planter des cultures de subsistance, mais le chiffre le plus généralement accepté est d’au moins 500 millions, soit une personne sur douze à l'échelle planétaire.

Le second facteur favorisant la déforestation est la pauvreté, notamment dans les régions rurales.

Les personnes vivant dans ces conditions n’ont souvent d’autre alternative que d’exploiter la forêt comme solution à court terme de leurs problèmes. Les faibles revenus par rapport aux besoins empêchent les investissements ce qui rend le travail peu productif. La faible productivité du travail se traduit par de faibles revenus pour les agriculteurs, renforçant ainsi le cycle vicieux de la pauvreté (Kahn & McDonald 1997).

D’autres facteurs d’ordre macro-économiques et politiques influencent également les taux de déforestation dans les pays en voie de développement. Nous pourrions citer :

- Les avantages fiscaux accordés dans de nombreux pays pauvres aux industries et aux grandes exploitations agricoles de pâte à papier, hévéaculture, plantations….

- Le soutien par certains organismes mondiaux tels le FMI (Fond Monétaire International) de projets à court terme visant à l’exploitation forestière, l’expansion agricole ou le pâturage, dans le but de produire rapidement des valeurs et non d’assurer leur pérennité.

- La dépendance des petits agriculteurs face aux prix des principales cultures de rente (café, cacao..) destinées à l’exportation. Cela les oblige souvent à réserver les meilleures terres pour ces cultures et à déplacer les cultures vivrières sur les terres pauvres de forêt.

- Le poids des dettes publiques contractées par les pays en voie de développement les empêchent d’investir dans des programmes d’éducation ou de conservation. Cela incite souvent ces pays à engager des programmes d’exploitation accélérés de leur capital forestier.

- La faiblesse des politiques et des institutions publiques contribue à la déforestation, d’une part par le manque ou l’incapacité à définir et gérer des programmes à long terme de valorisation des ressources forestières, d’autre part par les permis d’exploitation « achetées » par les exploitants forestiers privés auprès des gestionnaires officiels.

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- Plus récemment, la hausse des prix des produits pétroliers et l’engouement de certains pays pour la production d’agro-carburants s’accompagnent d’une intensification de la déforestation (par exemple en Indonésie via le palmier à huile ou au Brésil via le soja).

Face à la multitude des facteurs responsables de la déforestation on se rend compte qu’il ne peut exister de solution à court terme et que le phénomène va continuer encore longtemps.

1.2.1.3. Les conséquences de la déforestation

En plus de la disparition des espèces et des écosystèmes, la déforestation s’accompagne toujours de profondes modifications de l’environnement. Ces modifications varient en fonction du mode de déforestation (coupe sélective, coupe rase, culture sur brûlis, élevage…). Nous allons présenter rapidement les principaux impacts de la déforestation sur les sols et les conditions climatiques.

Au niveau des sols on assiste à une rapide perte des propriétés physiques et chimiques. Il faut savoir que les sols forestiers tropicaux sont quasiment tous des paléosols en équilibre avec la végétation qu’ils supportent et ce indépendamment des propriétés de la roche mère. Une des caractéristiques de ces sols est que les minéraux et le carbone organique sont majoritairement stockés par la végétation ; à l’inverse des régions tempérées où ces éléments sont principalement contenus dans le sol. Conjointement à cela, la décomposition de la matière organique est très rapide et compense la faible fertilité apparente. L’interface d’échanges avec la végétation se réalise dans la partie superficielle des sols. Les principaux effets de la déforestation sont alors :

o un compactage du sol qui limite souvent la végétation possible à quelques espèces rudérales ; o un lessivage intense des minéraux qui stérilise le sol ;

o une susceptibilité élevée à l’érosion qui peu conduire à des catastrophes lors des épisodes pluvieux intenses ;

o la modification des populations bactériennes, de la microflore et des invertébrés du sol, seuls agents capables d’assurer la dégradation de la matière organique et l’aération du sol.

La suppression de la végétation portée par les sols tropicaux modifie donc complètement leur fonctionnement et leurs propriétés. Cette fragilité accentue en retour le problème de déforestation car la perte des qualités des sols entraîne en quelques années une production insuffisante pour les cultures ou les pâturages. Cela conduit à la mise en jachère de ces terrains et à l’ouverture d’une nouvelle portion de forêt pour assurer les besoins de l’agriculture. La durée de mise en jachère nécessaire au plein recouvrement des propriétés du sol varie en fonction des pratiques culturales mais s’étend généralement sur une longue période (Floret & Pontanier 1993), qui est de moins en moins réalisée au vu de l’augmentation démographique.

Au niveau climatique la déforestation entraîne de profonds changements sur le cycle du carbone et sur le bilan radiatif via l’effet de serre. Les formations forestières retiennent une partie importante du carbone organique et participent activement à la fixation CO2 atmosphérique en circulation par la productivité primaire nette (Malhi & Grace 2000). Les feux de forêts, via l’agriculture sur brûlis, libèrent une grande quantité du carbone fixé et diminuent les capacités d’absorption de ces formations végétales (Houghton 1991 ; Laurance & Delamonica 1998 ; Nepstad et al. 1999). Les activités humaines depuis 1860 ont entraîné, via l’utilisation des énergies fossiles et la déforestation, une augmentation de la concentration du CO2 atmosphérique de l’ordre de 1% par an (Hulme et al. 1999).

Le dioxyde de carbone étant un gaz à effet de serre, sa libération participe au réchauffement climatique constaté (Fearnside 2000 ; Fearnside 2001 ; Hulme et al. 1999). La déforestation des

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régions tropicales serait responsable de 20 à 30 % des émissions de gaz à effets de serre (Kremen et al.

2000). On estime de plus que les modifications du cycle du carbone vont s’accentuer car une grande partie des forêts tropicales n’assurent plus efficacement leur rôle de puits de carbone (Phillips et al.

1998). D’autres travaux ont révélé que la déforestation entraîne une réduction des précipitations. La suppression du couvert végétal s’accompagne d’une augmentation de l’albédo des sols induisant régionalement une augmentation des températures et une réduction des précipitations (Vitousek et al.

1997). Une étude menée à l’échelle mondiale (New et al. 2001) sur un vaste lot de données climatiques a révélé, mais sans chercher une corrélation avec la déforestation, une réduction significative des pluviométries pour les zones situées entre 0 et 20 degrés de latitude Nord, principalement en Afrique tropicale. Cette réduction, en moyenne de 6,28 mm par décade entre 1901 et 1998 est attribuable aux valeurs de pluviométrie observées depuis la moitié des années 1950. Ces modifications des conditions climatiques peuvent également avoir des conséquences sur les espèces, les populations et les écosystèmes.

Pour conclure cette partie nous pouvons dire que l’ensemble du problème de la déforestation (extinction d’espèces, pertes d’écosystèmes, dégradation des sols, changements climatiques) est complexe et qu’il n’y a pas de solutions apparentes simples. Une chose cependant est sure : sans une action commune et concertée entre les pays riches et les pays en voie de développement la majorité des forêts tropicales risquent de disparaître durant notre propre intervalle de vie. L’ensemble de ces menaces doit faire réagir rapidement les décideurs politiques en vue d’une meilleure conservation des écosystèmes forestiers tropicaux. L’étude de la fragmentation forestière est un aspect important de la lutte contre la déforestation car les fragments forestiers sont dans de nombreuses régions tropicales les derniers refuges pour la biodiversité.

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