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La contribution de l'économie évolutive dans la problématique du développement durable

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

La contribution de l'économie évolutive dans la problématique du développement durable

VAN GRIETHUYSEN, Pascal Philippe

Abstract

Ce travail vise à démontrer l'importance d'aborder l'enjeu de la soutenabilité à travers une perspective économique évolutive, apte à rendre compte des interactions complexes entre les processus économiques et leur contexte éco-social. Transdisciplinaire, il se déroule en trois étapes : (1) une réflexion, sur la base d'un panorama des concepts évolutifs proposés en physique, dans les sciences du vivant et dans les sciences de la complexité, sur la nature ontologique et les implications épistémologiques d'une approche évolutive de la science ; (2) l'élaboration, à partir des contributions économiques proposées par différents courants de la pensée économique, d'une interprétation contemporaine de l'économie évolutive ; (3) la démonstration du potentiel heuristique de l'économie évolutive aussi bien pour diagnostiquer l'impasse du développement mondial, dont la dépendance envers l'énergie fossile et des modalités de gouvernance capitalistes freine la réorientation requise, que pour élaborer des stratégies de transition vers un mode de développement soutenable.

VAN GRIETHUYSEN, Pascal Philippe. La contribution de l'économie évolutive dans la problématique du développement durable. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2002, no.

SES 534

URN : urn:nbn:ch:unige-173124

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:17312

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17312

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LA CONTRIBUTION DE L'ÉCONOMIE ÉVOLUTIVE DANS LA PROBLÉMATIQUE

DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Thèse présentée à la Faculté des sciences économiques et sociales de l'Université de Genève

par Pascal van GRIETHUYSEN

pour l'obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales mention économie politique

Membres du jury de thèse :

MM. Beat Bürgenmeier, professeur, Genève, directeur de thèse Yves Flückiger, professeur, Genève

William Ossipow, professeur, Genève, président du jury Rolf Steppacher, chargé de cours, IUED, Genève

Thèse no 534 Genève, 2002

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La Faculté des sciences économiques et sociales, sur préavis du jury, a autorisé l'impression de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s'y trouvent énoncées et qui n'engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 8 octobre 2002

Le doyen Pierre ALLAN

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A v a n t - p r o p o s e t r e m e r c i e m e n t s

" Si le Ghana est pauvre, c'est parce que l'épargne intérieure brute est insuffisante ! "

Cette phrase, affirmée sans ambages lors d'un cours sur l'économie du développement, a heurté ma sensibilité d'étudiant alors que je m'efforçais de comprendre les tenants et aboutissants de "la reine des sciences" : l'économie. Déjà alerté par les hypothèses restrictives caractérisant l'homo oeconomicus, je découvris à quel point la projection sans discernement sur la réalité d'un modèle théorique pouvait conduire à des jugements partiels et partiaux. Je commençais seulement à percevoir à quel point la théorie économique traditionnelle était fermée à ce que le bon sens a toujours considéré comme une évidence : les activités économiques sont indissociables du contexte écologique et social qui les abritent. Plus tard, je découvris que non content de négliger ce contexte et ne voir la réalité qu'au travers d'un modèle dont la pertinence était discutable, certains économistes avaient la fâcheuse tendance à vouloir remanier la réalité de manière à ce qu'elle ressemble à ce modèle.

Ce trouble n'a cessé de m'habiter tout au long de mes études, jusqu'à ma rencontre avec Rolf Steppacher, qui m'ouvrit de nouvelles perspectives : "la théorie économique ne se limite pas à l'équilibre général; de grand esprits, et parmi eux d'illustres économistes, ont proposé d'autres représentations de l'économie; il suffit de les étudier...". C'est en substance le message que me transmit Rolf Steppacher, à qui je dois d'avoir enfin trouvé une voie de recherche. Celle-ci s'est avérée longue et difficile. Elle s'est surtout révélée passionnante. Qu'il en soit ici de tout cœur remercié !

J'avais trouvé un sujet de thèse, il me fallait un directeur ! Je me suis alors rendu compte à quel point entreprendre une recherche atypique relevait du tour de force dans le monde académique suisse des années 1990. Après des mois passés à justifier auprès d'économistes sceptiques l'intérêt d'une approche évolutive de l'économie, j'ai enfin rencontré quelqu'un disposé à m'écouter. Le Professeur Beat Bürgenmeier m'a non seulement écouté, il m'a encouragé. Surtout, par la confiance qu'il m'a accordée en acceptant de diriger mon travail, il m'a redonné confiance. Je tiens à exprimer ici toute ma gratitude au Professeur Bürgenmeier pour son ouverture d'esprit, sa direction fine et ferme, ses encouragements répétés et la confiance sans faille qu'il m'a manifestée tout au long de ces années. Puisse la qualité de mon travail être à la hauteur de ses attentes ! L'économie évolutive n'étant décidément pas un sujet ancré dans les mœurs universitaires romandes, c'est à St. Gall que j'ai eu la chance de collaborer avec le Professeur Kurt Dopfer, unique enseignant –avec Rolf Steppacher– d'économie évolutive en Suisse. Avec lui, j'ai appris à prendre au sérieux la complexité du champ d'étude dans lequel je me lançais. A ses côtés, je me suis rendu compte de la multitude des recherches qu'il m'était nécessaire d'entreprendre. Et c'est avec un profond respect que je remercie Kurt Dopfer de m'avoir rendu conscient de l'ampleur de la tâche qui m'attendait.

Ces dernières années n'ont pas toujours été faciles : plongé dans mes livres, et souvent perdu dans les méandres de la dynamique évolutive, j'ai quelque peu perdu le contact avec les membres de ma famille et mes amis. Je profite de ces lignes pour m'en excuser et les remercier de leur fidélité. Je remercie mes parents qui m'ont de tout temps encouragé dans mon entreprise, et qui m'ont transmis les valeurs sans lesquelles toute recherche scientifique se réduirait à une collecte de mesures. Je remercie également mes amis pour leur soutien et l'intérêt qu'ils ont régulièrement manifesté pour mon travail. Un remerciement tout particulier à mes amis et collègues Jacques Grinevald, Frédéric Varone, Stéphane Nahrath et Gabriel Baumgartner, ainsi qu'à ma sœur Marie-Anne, pour le temps et la passion qu'ils ont mis à lire et discuter mon travail.

Mon épouse a été la première à souffrir de mon manque de disponibilité, suivie en cela par nos deux enfants dont la venue a précédé l'aboutissement de mon travail. C'est du fonds de mon cœur que je lui dis ici mon infinie gratitude pour sa patience, son soutien, et son amour. Et c'est à elle que je dédie mon travail.

Lausanne et Genève, juin 2002

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Table des matières

Introduction générale _______________________________________ 1 Le contexte _________________________________________________________________ 1 L'approche__________________________________________________________________ 5 La démarche ________________________________________________________________ 6 Partie I Les fondements d'une approche évolutive _____________ 11 1 L'approche évolutive : un programme de recherche ________ 13 1.1 Faire face à la complexité________________________________________________ 13 1.2 Une approche pluridisciplinaire et interdisciplinaire _________________________ 15 1.3 Analogie et métaphore __________________________________________________ 16 1.4 Heuristique et abduction ________________________________________________ 17 1.5 Une approche intégrative … _____________________________________________ 19 1.5.1 Une vision évolutive du monde _________________________________________ 20 1.5.2 Temporalité et continuité : l'hypothèse évolutive ___________________________ 21 1.6 … et non réductionniste_________________________________________________ 23 1.7 Un programme de recherche _____________________________________________ 24 1.8 Limites et dangers de l'approche évolutive _________________________________ 27 2 Evolution et physique__________________________________ 29

2.1 La mécanique classique et le déterminisme ________________________________ 29 2.2 La dégradation irréversible de la thermodynamique classique_________________ 30 2.3 Le dépassement de la physique newtonienne_______________________________ 33 2.4 Le désordre créateur de la thermodynamique non linéaire ____________________ 35 2.4.1 La thermodynamique linéaire des systèmes proches de l'équilibre ______________ 36 2.4.2 La thermodynamique non linéaire des systèmes loin de l'équilibre ______________ 37 2.4.3 Les structures dissipatives _____________________________________________ 38 2.4.4 Le comportement dynamique des structures dissipatives _____________________ 40 2.5 Quels enseignements tirer de la thermodynamique ? ________________________ 42 2.5.1 La nécessaire prise en compte de l'irréversibilité____________________________ 42 2.5.2 La nécessaire intégration de l'indéterminisme ______________________________ 44 2.5.2.1 Lois individuelles et description probabiliste __________________________ 44 2.5.2.2 Comportement non linéaire et chaos déterministe ______________________ 46 2.5.3 Le potentiel évolutif de la matière _______________________________________ 47 2.6 Conclusion____________________________________________________________ 49

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3 Evolution et sciences du vivant _________________________ 53 3.1 L'évolution biologique : un fait scientifique _________________________________53 3.2 Les théories biologiques de l'évolution ____________________________________55 3.2.1 Le lamarckisme______________________________________________________55 3.2.2 Le Darwinisme ______________________________________________________57 3.2.3 Variété, mutation et nouveauté __________________________________________58 3.2.4 La génétique des populations ___________________________________________60 3.2.5 La théorie synthétique de l'évolution _____________________________________62 3.3 Quelques remises en question théoriques __________________________________63 3.3.1 La théorie ponctualiste ________________________________________________63 3.3.2 La théorie de l'épigenèse_______________________________________________64 3.3.3 Les développements évolutifs de la synthèse néo-darwinienne _________________68 3.4 Evolution et écologie____________________________________________________70 3.4.1 L'approche dialectique ________________________________________________70 3.4.2 L'écologie __________________________________________________________72 3.4.3 Relations interspécifiques, adaptation et sélection réciproques _________________73 3.4.4 Une coévolution partiellement complexifiante______________________________74 3.4.5 Les relations avec le milieu physico-chimique ______________________________76 3.4.6 Ecologie globale et Biosphère __________________________________________77 3.5 Quels enseignements tirer des sciences du vivant ? _________________________81 4 L'évolution : un concept intégrateur ? ____________________ 85

4.1 L'approche systémique, une représentation synchronique de l'évolution ________86 4.1.1 Définitions et buts de l'approche systémique _______________________________86 4.1.2 Approche systémique et complexité ______________________________________88 4.1.3 Approche systémique et globalité________________________________________88 4.1.4 Relations système-environnement _______________________________________89 4.1.5 Approche systémique et organisation _____________________________________92 4.1.6 Approche systémique et hiérarchie_______________________________________93 4.1.7 Dépasser l'approche systémique _________________________________________94 4.2 L'approche émergentiste ________________________________________________97 4.2.1 L'émergence, une tendance naturelle _____________________________________97 4.2.2 L'émergence d'une hiérarchie structurelle _________________________________98 4.2.3 Emergence, palier d'intégration et nouveauté _______________________________99 4.2.4 Emergence et évolution complexifiante __________________________________101 4.2.5 Emergence et contrainte collective ______________________________________103 4.2.6 Contrainte collective et autonomie individuelle ____________________________104 4.2.7 L'émergence d'une hiérarchie de contrôle_________________________________106 4.2.8 Contrôle et simplification fonctionnelle __________________________________108 4.3 La dynamique évolutive ________________________________________________108 4.3.1 Auto-organisation ___________________________________________________109 4.3.2 Convergence _______________________________________________________111 4.3.3 Emergence ________________________________________________________111 4.3.4 Le cycle évolutif ____________________________________________________112 4.3.5 L'hypothèse évolutionniste : le continuum de l'évolution_____________________116 4.4 Vers une définition de l'approche évolutive ________________________________119 4.4.1 L'irréversibilité, source d'une double tendance_____________________________119 4.4.2 Deux tendances antagonistes et complémentaires __________________________120 4.4.3 La nature dialectique de l'approche évolutive _____________________________122 4.4.4 L'approche évolutive : une théorie unificatrice ? ___________________________125 4.5 Conclusion ___________________________________________________________127

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Partie II Une approche évolutive de l'économie _______________ 131 5 Approche évolutive et socio-culture _____________________ 135 5.1 L'évolutionnisme de Herbert Spencer ____________________________________ 135

5.1.1 Une approche "évolutive" … __________________________________________ 136 5.1.2 … mais réductionniste _______________________________________________ 137 5.1.3 Le darwinisme social ________________________________________________ 138 5.2 L'approche pragmatique _______________________________________________ 139 5.2.1 Communication et nouveauté__________________________________________ 140 5.2.2 Potentiel et actualisation _____________________________________________ 141 5.2.3 Milieux, dialectique et rôle de l'action ___________________________________ 142 5.2.4 L'approche pragmatique de l'évolution culturelle __________________________ 143 5.2.5 Langage, symbolique et savoir collectif__________________________________ 144 5.2.6 Evolution et contrôle ________________________________________________ 145 5.3 Les spécificités de l'évolution culturelle __________________________________ 145 5.3.1 Le potentiel particulier de l'être humain__________________________________ 146 5.3.2 Instincts limités et potentiel d'apprentissage ______________________________ 147 5.3.3 Pensée associative, système symbolique et action intentionnelle ______________ 148 5.3.4 Culture et évolution : le processus d'enculturation _________________________ 151 5.3.5 Groupes socioculturels et asymétries ____________________________________ 153 5.4 Technique et évolution technologique ____________________________________ 154 5.4.1 Un nouveau type de relations avec le milieu naturel ________________________ 154 5.4.2 De nouveaux types de relations sociales _________________________________ 156 5.4.2.1 L'usage et le contrôle des outils ___________________________________ 157 5.4.2.2 Produits collectifs et organisation sociale ___________________________ 158 5.4.3 Asymétries technologiques et organisation élitiste _________________________ 160

6 Des tendances évolutives : à quel point ? ________________ 165 6.1 L'émergence de l'économie évolutive_____________________________________ 165 6.2 Main invisible et ordre spontané : de Mandeville à Hayek ____________________ 168 6.2.1 L'ordre spontané des classiques ________________________________________ 169 6.2.2 La tradition autrichienne _____________________________________________ 171 6.2.2.1 L'émergence organique de Karl Menger_____________________________ 171 6.2.2.2 L'évolution de Friedrich von Hayek ________________________________ 175 6.2.3 Ordre spontané et approche évolutive ___________________________________ 179 6.2.4 Ordre spontané et métaphore mécaniste : le courant néoclassique _____________ 181 6.2.5 L'interprétation néoclassique des concepts évolutifs ________________________ 184 6.2.5.1 Évolution et marginalisme________________________________________ 184 6.2.5.2 Sociobiologie et réductionnisme néoclassique ________________________ 187 6.2.5.3 Dépasser la méthodologie néoclassique _____________________________ 189 6.3 Marshall et Schumpeter, deux tentatives différentes, deux destins comparables 191 6.3.1 L'approche gradualiste de Marshall _____________________________________ 192 6.3.1.1 Le projet de Marshall ___________________________________________ 192 6.3.1.2 Un projet ambivalent ____________________________________________ 194 6.3.1.3 Un projet abandonné____________________________________________ 195 6.3.1.4 L'héritage de Marshall __________________________________________ 196 6.3.1.5 Les rétroactions positives en économie ______________________________ 196 6.3.1.6 Conséquences des rétroactions positives_____________________________ 197 6.3.2 Schumpeter et le changement endogène _________________________________ 200 6.3.2.1 L'influence de Marx _____________________________________________ 200 6.3.2.2 L'influence de Marx sur Schumpeter ________________________________ 201 6.3.2.3 L'état stationnaire ______________________________________________ 203 6.3.2.4 Entrepreneur et innovation _______________________________________ 203 6.3.2.5 Sélection et adoption ____________________________________________ 204

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6.3.2.6 Imitation et diffusion ____________________________________________205 6.3.2.7 Retour à l'état stationnaire________________________________________205 6.3.2.8 Les cycles économiques __________________________________________206 6.3.2.9 L'approche ponctualiste de la destruction créatrice ____________________207 6.3.2.10Le chaînon manquant____________________________________________208 6.3.2.11L'héritage de Schumpeter_________________________________________211 6.3.2.12Conclusion ____________________________________________________212 6.4 La tendance institutionnaliste ___________________________________________215 6.4.1 Le programme de Veblen ____________________________________________216 6.4.1.1 Une théorie économique évolutive __________________________________218 6.4.1.2 Une approche multidimensionnelle du comportement économique_________219 6.4.1.3 Une théorie de l'instinct __________________________________________221 6.4.1.4 Une théorie des institutions _______________________________________222 6.4.2 La synthèse de Commons _____________________________________________225 6.4.2.1 Le processus évolutif du changement institutionnel_____________________228 6.4.2.2 La variation spontanée des comportements individuels__________________229 6.4.2.3 La sélection artificielle___________________________________________230 6.4.2.4 L'ajustement du contexte institutionnel comme source de nouvelles variations

individuelles ___________________________________________________232 6.4.2.5 Quels enseignements tirer de l'approche de Commons __________________233 6.4.3 Quels enseignements tirer de l'approche institutionnaliste ____________________235 6.4.3.1 Une approche non réductionniste et dialectique _______________________235 6.4.3.2 Une reconnaissance explicite du contrôle ____________________________237 6.4.3.3 Pouvoir et économie : à la redécouverte de l'économie politique __________238 6.5 Conclusion ___________________________________________________________240 Partie III Une approche économique évolutive du développement

durable ________________________________________ 245 7 Une interprétation évolutive du développement mondial ___ 247 7.1 Une représentation évolutive du développement économique ________________249

7.1.1 L'illusion d'un système économique clos _________________________________249 7.1.1.1 Une tradition dans l'histoire de la pensée économique __________________249 7.1.1.2 La clôture opérationnelle _________________________________________251 7.1.1.3 Les systèmes autopoiétiques_______________________________________252 7.1.1.4 Conséquences possibles de la clôture d'un système ouvert _______________253 7.1.1.5 Clôture opérationnelle et sphère marchande__________________________254 7.1.1.6 La réduction du système économique à la sphère des activités marchandes__255 7.1.2 Les multiples dimensions des activités économiques ________________________257 7.1.2.1 L'ouverture du système économique ________________________________258 7.1.2.2 Les relations entre l'économie et son contexte écologique _______________259 7.1.2.3 Les relations entre l'économie et son contexte culturel __________________265 7.1.3 Le processus de développement économique______________________________270 7.2 Les spécificités du mode de développement occidental _____________________273 7.2.1 La propriété, fondement institutionnel du développement capitaliste ___________273

7.2.1.1 Possession exclusive et propriété : les deux potentialités d'une économie de propriété______________________________________________________274 7.2.1.2 Economie de propriété et relation de crédit___________________________278 7.2.1.3 Transfert de sécurité et création monétaire : l'argent comme titre anonyme de

propriété______________________________________________________279 7.2.1.4 Monnaie et standard d'évaluation __________________________________281 7.2.1.5 Solvabilité, marché et compétition __________________________________282 7.2.1.6 La pression temporelle de l'intérêt__________________________________284 7.2.1.7 La dynamique expansive de l'économie de propriété____________________285 7.2.1.8 Les avantages économiques de l'économie de propriété _________________287 7.2.1.9 Économie de propriété et dynamique évolutive ________________________288

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7.2.2 Les combustibles fossiles, moteur du développement industriel _______________ 291 7.2.2.1 Enclosures, exclusion et inégalités sociales __________________________ 291 7.2.2.2 Technologie industrielle et combustibles fossiles ______________________ 294 7.2.2.3 Les caractéristiques économiques des combustibles fossiles _____________ 295 7.2.3 Le développement occidental moderne, rencontre de la pression capitaliste et de la

puissance industrielle ________________________________________________ 297 7.3 L'itinéraire de dépendance du développement occidental____________________ 297 7.3.1 L'expansion planétaire du mode de développement occidental ________________ 298 7.3.2 Les conséquences de l'expansion planétaire du mode de développement occidental303 7.3.2.1 L'émergence de la finance globale _________________________________ 303 7.3.2.2 L'économie mondiale sous pression ________________________________ 304 7.3.2.3 L'accroissement des inégalités sociales______________________________ 307 7.3.2.4 La dégradation croissante des "fonctions" naturelles___________________ 309 7.3.2.5 Inégalités et dégradation de l'environnement : une relation circulaire et

cumulative ____________________________________________________ 311 7.3.3 Un itinéraire de développement dans l'impasse ____________________________ 314

8 Une réflexion évolutive sur le développement durable______ 319 8.1 Le développement durable : une notion volontairement floue ? _______________ 319 8.2 D'un objectif unique à une hiérarchie d'objectifs ___________________________ 327 8.3 Comment assurer la reproduction de la Biosphère ? ________________________ 330 8.3.1 L'état stationnaire ___________________________________________________ 331 8.3.2 Recourir aux ressources renouvelables __________________________________ 334 8.3.3 Réduire le flux entropique du processus économique._______________________ 336 8.4 Les stratégies de transition _____________________________________________ 338 8.4.1 Les contrôles indirects _______________________________________________ 338 8.4.2 Les contrôles directs ________________________________________________ 343 8.4.3 L'approche de l'écologie industrielle ____________________________________ 344 8.5 Quelles alternatives au régime de propriété ? ______________________________ 350 8.5.1 Ressources communes et régimes institutionnels __________________________ 351 8.5.1.1 Le régime communautaire local ___________________________________ 352 8.5.1.2 Les limites des systèmes communautaires locaux ______________________ 356 8.5.1.3 Un régime communautaire à niveaux multiples _______________________ 359 8.5.1.4 Fédéralisme et hiérarchie communautaire ___________________________ 361 8.5.2 Assurer un contexte stable aux activités économiques ______________________ 365 8.5.2.1 Réduire l'instabilité financière internationale_________________________ 367 8.5.2.2 Le micro-crédit, instrument de stabilisation de l'économie locale _________ 372 8.6 Quelques obstacles à la réorientation ____________________________________ 375 Conclusion générale ______________________________________ 381

La contribution de l'économie évolutive dans la problématique du développement durable 383

Le rôle de la théorie économique traditionnelle _________________________________ 388 L'approche évolutive : une approche féconde __________________________________ 391 Bibliographie ______________________________________________ I

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Introduction générale

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Le contexte

Il y a trente ans, en 1972, les Nations Unies organisaient à Stockholm la première conférence internationale sur "l'environnement humain". L'objectif de cette conférence était de mettre au premier plan l'importance de l'environnement terrestre comme milieu vivant des activités humaines, et la nécessité d'intégrer la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes dans la gestion des activités humaines. La question des rapports entre écologie et développement était alors insérée dans l'espoir de l'établissement d'un nouvel ordre économique international qui combinerait une plus grande autonomie des pays encore "sous- développés", la satisfaction des besoins fondamentaux de tous les êtres humains et le respect à long terme des capacités de renouvellement de l'écosystème mondial, ce que les écologistes nommaient la Biosphère1. Cette combinaison de valeurs s'exprima dans la notion d'écodéveloppement, terme qui ne connut d'écho ni dans le monde diplomatique, ni dans les milieux scientifiques et encore moins auprès du grand public. La doctrine de l'écodéveloppement fut défendue par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), créé à la suite de la Conférence de Stockholm, mais pendant les années 1970 seulement, et sans beaucoup d'autorité ou de retentissement.

Vingt ans après Stockholm, les Nations Unies organisèrent à Rio de Janeiro une nouvelle conférence sur l'environnement, en mettant l'accent sur les liens indissociables existant entre les conditions écologiques et le mode de développement socioéconomique. L'ampleur de la manifestation –la plus grande organisée à ce jour par les Nations Unies– était à la hauteur de l'aggravation constatée de l'état de l'environnement. L'apparition de problématiques écologiques globales, comme la diminution de la couche d'ozone stratosphérique ou les menaces de changement climatique planétaire, mettait en évidence la

1 Cf. le numéro spécial du Scientific American, ´The Biosphere´, Septembre 1970.

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nécessité d'envisager des réponses également globales. En outre, la reconnaissance de cette nécessité coïncidait avec une étape charnière du XXe siècle. L'effondrement du Bloc soviétique, l'endettement extrême de nombreux pays du Sud, la dynamique d'expansion du mode de développement capitaliste, tout concordait à envisager une nouvelle manière d'orienter les relations internationales sous l'égide d'un nouveau concept global et fédérateur.

Lorsque, en 1987, le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, présidée par le Premier ministre norvégien Gro Harlem Brundtland, propose le concept de "sustainable development"

(terme que l'on traduira dans ce travail par développement durable), l'adhésion est quasi-unanime. Reposant sur un principe éthique de responsabilité envers les générations futures, le concept semble alors capable d'englober à la fois la protection de l'environnement naturel, l'équité sociale et la satisfaction des besoins économiques des différents acteurs. Le Rapport Brundtland l'associe en effet à l'idée d'une nouvelle "ère de croissance" (sustainable growth) qui en facilite l'adoption par le monde des affaires.

Après trente ans de préoccupation au plus haut niveau sur l'état de l'environnement et la dimension sociale du développement, et malgré la diffusion fulgurante de la notion de développement durable dans les discours des décideurs politiques et économiques, le bilan tant écologique que social est plus qu'inquiétant. Non qu'aucun progrès n'ait été réalisé, mais les quelques avancées semblent avoir été balayées par les dommages nouvellement occasionnés. Globalement, la charge que font peser les activités humaines sur la Biosphère n'a cessé de s'accroître, tandis que le nombre d'exclus de la création de richesses n'a cessé d'augmenter, comme en témoignent les indicateurs écologiques et sociaux diffusés par les organismes spécialisés (Banque Mondiale, PNUE, PNUD, etc.).

Cette situation mondiale est réellement préoccupante : malgré l'urgence du problème et les intentions consignées dans des conventions internationales, la

"communauté internationale" (nous remettrons en question cette terminologie) semble incapable de mettre en place un mode de développement durable, susceptible de conduire à une insertion durable des activités humaines dans l'évolution de la Biosphère.

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Le cas du "changement climatique" illustre de manière exemplaire cette situation d'impasse. Mesurable depuis des décennies, l'action perturbatrice de l'homme sur certains paramètres du système climatique est scientifiquement constatée, même si les conséquences à long terme de cette action perturbatrice font l'objet de controverses. L'hypothèse communément admise par l'expertise scientifique intergouvernementale mise en place en 1988 sous la responsabilité conjointe de l'OMM (Organisation météorologique mondiale) et du PNUE est celle d'un réchauffement global (IPCC, 1990, 1996, 2000). Comme principales conséquences du changement climatique, cette hypothèse envisage une hausse moyenne de la température de l'atmosphère terrestre, une élévation du niveau moyen des mers du globe, des modifications de la circulation océanique et des systèmes météorologiques globaux, ainsi que des bouleversements dans les écosystèmes marins et terrestres. De tels événements affecteraient gravement les sociétés humaines : les conditions d'habitat, d'approvisionnement en eau et en nourriture seraient compromises dans de nombreuses régions du globe, entraînant des migrations massives, accompagnées ou précédées par des épidémies favorisées par un environnement plus chaud et souvent plus humide.

Prenant progressivement conscience de la gravité de la situation, les nations, au travers de leurs délégations, ont signé à Rio la Convention-cadre sur les changements climatiques. La volonté d'agir était manifeste, et sans doute sincère. Quelque cinq ans après cette déclaration d'intention, un accord fragile sur un plan d'action très en deçà des objectifs envisagés à Rio fut signé à Kyoto.

Trois ans plus tard, à la Haye, la sixième Conférence des Parties (COP VI), chargée de définir les modalités de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, s'est soldée par un échec retentissant : faute de consensus sur les principaux objets de négociations, la Conférence a été suspendue. Quelques mois plus tard, en mars 2001, les Etats-Unis annonçaient leur décision de ne pas appliquer le protocole de Kyoto, arguant que celui-ci n'était pas "in the United States' economic best interest."2

Emanant du pays à la fois le plus puissant et le plus gros pollueur du monde, l'argument est révélateur du lien étroit entre les problématiques écologiques et sociales d'une part, et les considérations économiques d'autre part. Or, dans le domaine économique, les indicateurs diffusés par les organismes spécialisés (Banque Mondiale, FMI, OCDE, OMC, BRI, etc.) sont

2 Selon les termes de Ari Fleischer, porte-parole du président G.W. Bush (reproduits dans http ://www.corpwatch.org/news/2001/0077.html).

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globalement positifs. Parallèlement à l'évolution préoccupante des sphères sociale et naturelle, l'évolution des activités économiques mondiales des trente dernières années révèle une tendance positive à la croissance. Les échanges commerciaux, en particulier, n'ont cessé de croître, entraînant une interconnexion des économies nationales. Ce processus d'interconnexion croissante a été à l'origine des termes de mondialisation et de globalisation de l'économie, et a permis une création de richesses considérable. Cette richesse, cependant, ne semble pas pouvoir être affectée à la préservation de l'environnement ou à l'amélioration des conditions sociales, comme en témoigne la justification de la position américaine de renoncer au protocole de Kyoto.

Suite au revirement américain, la "communauté internationale" s'est efforcée de donner suite au protocole de Kyoto. L'accord auquel sont parvenus à Bonn, en juillet 2001, les pays participant à la septième Conférence des parties (COP VII) a certes le grand mérite de montrer une volonté politique de poursuivre les objectifs de Kyoto. Toutefois, suite aux nouvelles concessions sur le plan écologique auxquelles ont consenti les parties, force est de constater que le projet actuel est bien loin des objectifs de la Convention-cadre signée à Rio en 1992. La même année, les parties prenantes se sont réunies à Marrakech (COP VII) et ont envisagé des modalités de mise en œuvre du Protocole reposant sur une vision commerciale de la problématique climatique (création d'un marché de droits à polluer). Nous aurons l'occasion de discuter ce type de propositions.

L'échec latent de la Convention-cadre sur le changement climatique révèle les difficultés de progresser concrètement sur des questions qui concernent les relations entre les sphères économique, sociale et naturelle. En particulier, les questions liées à l'énergie des combustibles fossiles –à la fois moteur de la croissance économique et principale source de pollution atmosphérique– se sont avérées particulièrement délicates. Or nous soutenons que ces relations constituent les fondements du développement socioéconomique. Dès lors, l'impasse à laquelle semble confrontée la "communauté internationale" vis à vis des problématiques écologiques et sociales pourrait bien être ancrée dans les modalités du processus de développement mondial actuel.

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L'approche

Comprendre les raisons pour lesquelles la "communauté internationale", malgré tous les moyens dont elle dispose, apparaît incapable de faire face aux menaces de crises écologiques et sociales constitue l'objectif de notre recherche. Pour y parvenir, nous allons nous intéresser de près au processus de développement socioéconomique. Notre postulat repose sur l'idée que les processus à l'œuvre dans l'évolution des relations socioéconomiques internationales (le "mode développement socioéconomique mondial") n'est généralement pas appréhendé d'une manière adéquate, si bien que les remèdes préconisés aux "maux écologiques et sociaux" ne permettent pas de concrétiser la réorientation nécessaire. Le corollaire de ce postulat est qu'une étude appropriée des caractéristiques du mode de développement socioéconomique mondial devrait fournir des pistes de réflexion permettant, à défaut de fournir des solutions toutes faites, de proposer une interprétation réaliste des origines de la double crise écologique et sociale actuelle.

Pour ce faire, nous proposons de considérer le processus de développement socioéconomique comme un processus d'interactions dynamiques et réciproques entre les sphères économique, sociale et naturelle (les trois sphères étant distinguées à des fins d'analyse selon l'hypothèse que chacune d'elles regroupe un ensemble d'activités ou de processus spécifiques).

Dans une telle approche, le développement apparaît comme un processus multidimensionnel, car il se réalise dans ces trois dimensions simultanément. Le processus est dynamique, puisque c'est dans le temps que les interactions se réalisent; il est également dialectique, car les dimensions économique, sociale et naturelle s'influencent mutuellement.

Notre approche devra dès lors rendre compte à la fois des multiples dimensions des activités économiques, et de la nature à la fois dynamique et dialectique des interactions entre les sphères économique, sociale et naturelle.

Pour cette raison, nous allons renoncer à deux hypothèses sur lesquelles repose l'approche économique traditionnelle : (a) la distinction entre phénomènes économiques et phénomènes non économiques, qui repose sur une vision du système économique comme quasi-indépendant de son contexte écologique et social; (b) le recours à toute hypothèse liée au concept d'équilibre, qui repose sur une vision mécaniste et statique du monde.

Prendre en compte la multidimensionnalité et la complexité des activités économiques nécessite de reconnaître qu'une activité économique, en plus de

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répondre à des incitations spécifiquement économiques (qu'il s'agira d'identifier), constitue également une réalité biophysique (une transformation qualitative d'énergie-matière) et une réalité socioculturelle (la concrétisation d'une action intentionnelle dans un cadre institutionnel déterminé). C'est également reconnaître que les interactions entre les activités économiques et leur contexte éco-social font intervenir des processus dont les rythmes de réalisation sont très différents, passant du quasi-instantané dans le cas de certains flux financiers au temps géologique dans le cas de certains cycles naturels (comme le cycle du carbone).

Afin d'appréhender à la fois le caractère multidimensionnel et la dimension dynamique des activités économiques, nous proposons d'adopter une vision évolutive du monde. Selon une telle vision, le monde, résultant de l'interaction d'innombrables processus de changement, est en évolution permanente, en perpétuel devenir. Afin d'identifier, au sein d'un tel processus global, les caractéristiques spécifiques de processus plus partiels, des frontières spatiales et temporelles devraient être délimitées. Reposant sur une vision évolutive du monde, une analyse évolutive nous paraît constituer un mode de recherche approprié à l'étude du développement socioéconomique et des interactions entre les sphères économique, sociale et naturelle.

La thèse que nous nous proposons de défendre est alors la suivante : étudier le processus de développement socioéconomique selon une approche évolutive devrait nous permettre d'identifier les origines de la crise écologique et sociale actuelle, ainsi que les raisons de l'impasse à laquelle est confrontée la

"communauté internationale". Une telle approche devrait également nous fournir des pistes de réflexion et d'interprétation pour la problématique du développement durable.

La démarche

Afin de mener à bien l'argumentation de cette thèse, il nous faudra passer par un certain nombre d'étapes, la première étant de préciser ce que nous entendons par

"approche évolutive". Dans le cadre de cette introduction, contentons-nous de relever que l'approche évolutive envisage une certaine unité entre les phénomènes. Cette unité repose sur le fait que la dimension temporelle englobe la réalisation successive des phénomènes, et cela même lorsqu'ils sont distincts, leur donnant ainsi un élément de continuité. L'évolution, en tant que concept général destiné à appréhender les phénomènes associés à l'écoulement du temps,

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révèle un élément de continuité dans l'émergence successive de niveaux d'organisation : énergie, matière, vie, socio-culture, apparaissent comme autant d'étapes évolutives dont l'apparition s'est succédée dans le temps. A chaque étape évolutive, de nouvelles propriétés sont apparues, permettant à de nouveaux types d'organisation de se maintenir dans le temps et d'évoluer en parallèle avec les paliers antérieurs.

Selon une approche évolutive, il existerait des principes de réalisation communs aux différents types de phénomènes, principes liés au fait que les phénomènes se réalisent dans le temps. Parallèlement, chaque phénomène associé à une étape évolutive particulière présenterait des caractéristiques spécifiques à cette étape, un mode de fonctionnement propre au niveau d'organisation qu'elle représente. En outre, l'apparition de tout niveau d'organisation affecte le processus d'évolution globale, et constitue ainsi une étape particulière au sein de ce processus.

La vision évolutive du monde se retrouve dans la vision de la science proposée par l'approche évolutive : selon cette approche, la continuité qui existe entre les différents objets d'étude de la science devrait se retrouver dans les disciplines scientifiques. Le cas échéant, cette continuité laisserait entrevoir la possibilité d'une articulation entre les disciplines scientifique au sein d'une théorie générale de la connaissance. Parallèlement, chaque discipline devrait prendre en compte les spécificités de son objet d'étude, si bien que les disciplines elles-mêmes seraient irréductibles les unes aux autres. Dans une telle vision de la science, théorie générale et disciplines spécifiques seraient fondamentalement complémentaires, excluant toute forme de réductionnisme de type monisme méthodologique.

Aussi bien la vision évolutive du monde que la vision de la science associée à l'approche évolutive reposent sur une complémentarité entre principes communs et caractéristiques spécifiques. Cette complémentarité n'est pas sans incidence sur le type de démarche méthodologique adaptée à une approche évolutive. En particulier, afin d'évaluer la valeur heuristique d'une approche évolutive pour l'analyse et la compréhension du développement socioéconomique, il apparaît nécessaire d'identifier à la fois les principes généraux d'une articulation des savoirs scientifiques (théorie générale), et les spécificités d'une approche évolutive de l'économie (théorie spécifique). Cette nécessité nous a amené à entreprendre une démarche en trois étapes (voir Figure 1, p.8).

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FIGURE 1

Représentation schématique de la démarche adoptée

Processus inanimés

Processus vivants Théorie

Générale

Processus socio-culturels 1

2

Etude du développement socio-économique 3

Dans la première partie de notre travail (Partie I, point c de la Figure 1), notre propos est de mettre en évidence les fondements d'une approche évolutive. Afin de prendre en compte aussi bien les composantes générales et les aspects spécifiques de cette approche, nous adopterons une démarche à la fois pluridisciplinaire, en nous inspirant des connaissances sur les processus évolutifs développées dans les sciences naturelles, et transdisciplinaire, en recourant à des concepts intégrateurs issus de l'analyse systémique et des sciences de la complexité.

Dans la seconde partie de notre travail (Partie II, point d de la Figure 1), nous chercherons à déterminer une approche évolutive plus spécifique, adaptée à la prise en compte des processus économiques. Nous nous y efforcerons d'identifier les spécificités de la réalisation des processus évolutifs dans le domaine socioculturel, ce qui nous permettra d'affiner l'approche évolutive en vue de l'étude des processus économiques. Dès lors, nous serons à même de nous intéresser aux différents types d'approches économiques théoriques qui s'appuient, implicitement ou explicitement, sur des principes évolutifs dans leur description des activités économiques. Afin de distinguer parmi ces contributions celles qui nous paraissent les plus fécondes pour l'étude du développement socioéconomique, nous les évaluerons en fonction de la compatibilité des positions proposées avec l'approche évolutive développée en première partie.

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Dans la troisième partie (Partie III, point e de la Figure 1), nous testerons la valeur heuristique de l'approche évolutive pour la compréhension de la problématique du développement durable. Plutôt que d'approfondir la discussion sur le concept de développement durable, concept qui demeure extrêmement flou, nous tenterons d'identifier les spécificités contextuelles du mode de développement mondial actuel. Nous rechercherons celles-ci dans les fondements institutionnels et technologiques du mode de développement occidental. Nous serons alors en mesure de proposer notre interprétation des origines de la crise écologique et sociale actuelle, ainsi que sur les raisons à la fois institutionnelles et technologiques pour lesquelles la "communauté internationale" semble effectivement confrontée à une impasse face au "défi du développement durable". Finalement, à la lumière des enseignements que nous aurons acquis sur les processus évolutifs, nous envisagerons quelques pistes susceptibles de conduire à une réorientation du développement mondial vers un mode "plus durable".

Nous conclurons notre travail par une évaluation de notre thèse. Sur la base d'un bref récapitulatif des principaux points proposés dans notre travail, nous serons à même de juger de la valeur heuristique de l'approche évolutive envers la compréhension de la problématique du développement durable.

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Partie I

Les fondements d'une approche évolutive

"Tout coule, l'homme ne se baigne

jamais deux fois dans le même fleuve "

(Héraclite, VIe - Ve siècle, AD)

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1 L'approche évolutive : un

programme de recherche

1.1 Faire face à la complexité

Dans notre introduction, nous avons proposé d'envisager le processus de développement comme la résultante d'interactions entre les sphères économique, sociale et naturelle. Or, il convient de relever les difficultés auxquelles est confronté l'économiste lorsqu'il étudie les interactions entre les activités humaines et l'environnement naturel. Le récapitulatif qu'en fait Peter Söderbaum (1988:95) nous donne un point de départ :

• les problèmes sont de nature pluridimensionnelle et multidisciplinaire, et non pas unidimensionnels ou limités à une discipline spécifique ;

• les problèmes sont de nature aussi bien non monétaire que monétaire ;

• toute dégradation de ressources non monétaires, comme les êtres humains, les relations sociales, les écosystèmes ou les ressources naturelles, présente souvent un caractère irrévocable ou très difficilement réversible ;

• les ressources non monétaires sont souvent uniques ou extrêmement rares d'un point de vue objectif ou subjectif ;

• les problèmes transcendent souvent les acteurs impliqués par les transactions commerciales de marché et sont susceptibles d'affecter les intérêts d'autres parties, comme les droits de propriété ;

• les problèmes ont souvent une dimension spatiale considérable; ils ne sont pas limités à une commune, une région ou un pays ;

• les problèmes sont multi-sectoriels en ce sens qu'ils ne se limitent pas à un secteur de la société ou de l'économie ;

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• les problèmes sont empreints d'incertitude et engagent des risques (seule une partie de l'incertitude peut être réduite grâce aux efforts de recherche ou grâce à l'acquisition de connaissances) ;

• les problèmes engagent des conflits entre des intérêts et des idéologies différents au sein de la société.

Pour prendre en compte de tels problèmes, l'économiste est confronté à un dilemme méthodologique. Il doit décider si l'appareil théorique développé par sa discipline pour analyser les activités économiques permet une prise en compte adéquate des interactions entre ces activités et leur contexte éco-social, ou si l'élargissement de son objet d'étude aux sphères sociale et naturelle nécessite de sa part une ouverture et une adaptation aux savoirs développés par d'autres disciplines.

Bon nombre d'économistes pensent, à l'instar de Robert Solow, Nobel d'économie en 1978, qui donnait en 1974 à l'une de ses contributions le titre The Economics of Resources or the Resources of Economics, que les concepts et les outils développés par la théorie néoclassique lors de l'analyse des activités économiques au sein de la sphère marchande sont parfaitement à même de traiter les phénomènes dits non marchands3. Dans ce travail de thèse, nous n'allons pas suivre cette voie4. Au contraire, nous allons suivre le conseil prodigué par Henri Bartoli (1991) :

Il faut laisser de côté les satisfaits. Non qu'ils ne méritent pas d'être pris en considération, non qu'ils ne contribuent pas à leur façon à l'avenir de la science économique, mais qui ne procède pas à une mise en question, qui ne doute pas, qui n'écoute pas, ne peut être un artisan plénier de l'avènement d'un nouveau paradigme et du renouvellement aujourd'hui nécessaire. (Bartoli, 1991:76)

Afin de contribuer au renouvellement de la science économique auquel Bartoli fait référence, nous allons nous lancer dans une tentative heuristique d'exploration théorique. Afin de ne pas réduire la complexité des phénomènes en jeu à une analyse strictement économique, nous allons nous intéresser aux savoirs développés dans d'autres disciplines scientifiques. Ainsi que le relève Bartoli (1991) :

3 Pour un exemple récent de cette approche, voir Markandya et al (2002).

4 Nous l'avons exploré ailleurs (Griethuysen, 1991) et conclu qu'elle constituait un cadre d'analyse trop étroit pour une prise en compte substantielle des problématiques écologiques

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La rigueur de l'investigation scientifique exige de l'économiste qu'il refuse toute réduction du multidimensionnel à de l'unidimensionnel, ou du complexe à du simple, à des fins autres que des schématisations provisoires, comme destructrices de ce qu'il prétend saisir, comprendre, expliquer. C'est, tout au contraire, dans la voie difficile de la reconnaissance de la multidimensionnalité et de la complexité corrélative des phénomènes économiques qu'il convient qu'il s'engage, fût-ce longtemps encore d'une démarche hésitante. (Bartoli, 1991:24)

1.2 Une approche pluridisciplinaire et interdisciplinaire

Prendre en compte les interactions entre les sphères économique, humaine et naturelle nécessite de l'économiste qu'il envisage des voies qu'il n'est pas habitué à emprunter. Tout au long de cette étude, des concepts développés dans les sciences naturelles, comme la physique, la chimie, la biologie ou l'écologie, ainsi que dans les sciences sociales, comme l'anthropologie, la sociologie, la psychologie ou l'histoire seront nécessaires à la poursuite de notre réflexion.

Notre démarche va donc nous conduire à interroger le savoir développé dans d'autres disciplines5.

Pourtant la distinction même de ces différentes disciplines scientifiques pose problème. Pour Edgar Morin (1990), cette distinction est la conséquence d'un "paradigme de simplicité"6 qui … " a isolé radicalement les uns des autres les trois grands champs de la connaissance scientifique : la physique, la biologie, la science de l'homme" (Morin, 1990:18)7. Or, les descriptions des processus évolutifs faites par ces "grands champs de la connaissance" dévoilent une certaine unité : elles mettent en évidence des correspondances troublantes, comme si certains principes communs se manifestaient dans des disciplines différentes. Si tel est le cas, il convient alors d'interroger les sciences transversales, comme l'approche systémique (von Bertalanffy, 1968; Le Moigne, 1991) ou les sciences de la complexité (Heylighen, 1989; Lewin, 1993). Dans le cas où une certaine unité était effectivement constatée, il serait également légitime de s'interroger sur l'existence d'une certaine continuité des processus évolutifs dans les différentes étapes de l'évolution (Laszlo, 1987).

5 Face à cette tâche, l'économiste ne serait pas désemparé s'il avait suivi les préceptes de Vilfredo Pareto (1916/1968:1287-8) : "Il faut recourir à d'autres sciences, traiter spécialement du phénomène concret, et non accessoirement à l'occasion d'un problème économique." Cité par Passet (1996a:46).

6 "Le principe de simplicité soit sépare ce qui est lié (disjonction), soit unifie ce qui est divers (réduction)" (Morin, 1990:79).

7 Nous avons choisi d'indiquer en italiques les citations dans le texte et dans les notes. Dans les deux cas, les italiques d'origine sont indiqués en gras italiques et gras.

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Dans tous les cas, il apparaît essentiel pour l'économiste de reconnaître le caractère multidimensionnel de son objet d'étude. C'est pourquoi le dialogue qui doit s'instaurer entre la théorie économique et les autres catégories disciplinaires des sciences naturelles et sociales constitue la première étape d'une approche évolutive. Mais quel dialogue privilégier ? Pour Morin (1991:294), "[i]l faut retrouver le chemin d'une pensée multidimensionnelle, qui, bien sûr, intègre et développe formalisation et quantification, mais ne s'y enferme pas...

L'économique, le psychologique, le démographique, qui correspondent à des catégories disciplinaires spécialisées, sont autant de faces d'une même réalité;

ce sont des aspects qu'il faut évidemment distinguer et traiter comme tels, mais il ne faut pas les isoler et les rendre non communicants. C'est cela l'appel vers la pensée multidimensionnelle".8 Dès lors, nous allons nous intéresser à quelques voies permettant de rendre communicants les divers domaines du savoir humain.

1.3 Analogie et métaphore

L'une des voies fréquemment suivies par les économistes qui proposent une approche évolutive de l'économie repose sur le recours à l'analogie et à la métaphore9. Selon William Kapp (1961:57), cette situation n'est pas surprenante, car "analogical comparisons and the exploration of likenesses are often the only procedures available for deducing tentative conclusions in a new and as yet unexplored field of research."

La plupart des analogies utilisées dans les approches économiques évolutives sont des métaphores (Hodgson, 1993, 1998). Selon Monique Combes (1997:276ss), la métaphore constitue une aide à trois niveaux : elle est utile pour la compréhension d'une situation complexe, pour la recherche de solutions et pour leur appropriation par les différents acteurs. Cependant le recours à la

8 Morin E.(1991), ´De la complexité : complexus´, in F. Fogelman-Soulié (ed.), Les théories de la complexité, autour de l'œuvre d'Henri Atlan, Paris, Seuil. Cité par Bartoli (1991:13).

9 Selon Delattre (1996:262), l'analogie exprime une équivalence partielle : établir une analogie, c'est mettre en correspondance des entités qui demeurent distinctes, mais que l'on considère comme étant équivalentes d'un certain point de vue. L'analogie se situe généralement entre deux extrêmes, l'analogie sémantique, à laquelle est rattachée la notion de métaphore, et l'analogie structurale –complète–, ou isomorphie. La métaphore se rapporte à la mise en correspondance de deux éléments placés dans un environnement défini de manière très globale, alors qu'il y a isomorphie lorsque deux systèmes sont représentés par deux énoncés tout à fait identiques quant à la forme, la seule différence portant sur la

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métaphore n'est pas neutre : la métaphore, comme toute représentation, oriente nos perceptions des enjeux et des problèmes à résoudre (Combes, 1997).

En conséquence, emprunter des concepts définis dans une logique et un contexte particuliers pour les intégrer dans une logique et un contexte différents comporte des risques. Le principal consiste à identifier les logiques et les contextes, et finalement les disciplines elles-mêmes. Ce risque a été bien exprimé en 1952 par André Marchal : "Raisonnant par analogie, les économistes eurent la tentation, sans toujours s'en rendre compte très clairement, d'identifier l'économie politique, d'abord aux sciences physiques et mécaniques, puis aux sciences biologiques ou organiques, jusqu'au jour où l'on s'aperçut que l'économie politique était purement et simplement une science sociale et humaine..."10. Le raisonnement par analogie induit donc un réel risque de réductionnisme dans la mesure où la spécificité des objets d'études est éludée11. C'est pourquoi, une approche évolutive ne peut reposer sur le seul recours aux analogies et aux métaphores. Comme l'annonce Kapp (1961:94), "…

similarities and analogies are dangerous and usually superficial; they may suggest the general direction in which the answer may be found; but the are not necessarily the answer."

1.4 Heuristique et abduction

Recourir à l'analogie ne consiste pas nécessairement à identifier une discipline à une autre. Cette démarche permet de bénéficier de l'expérience et du savoir développés au sein de disciplines différentes et de s'en inspirer pour développer de nouvelles hypothèses, éventuellement plus fructueuses que les précédentes.

Ainsi, selon Geoffrey Hodgson (1995:474ss) la métaphore présente une grande valeur heuristique en tant que source première de la créativité en science. Cette créativité réside, ainsi que Charles Sanders Peirce (1839-1914)12 et Arthur Koestler (1905-1983)13 l'ont avancé, dans la juxtaposition de deux

10 A. Marchal (1952), Méthode scientifique et science économique, Tome II, 21. Cité par Passet (1996a:273).

11 "Once the intellectual operation based upon the analogy is in full swing, it is usually too late to remind oneself of the imperfect character of the original analogy upon which the whole enterprise rests. As a result, it becomes possible to neglect and actually withdraw from investigation those events and processes which do not fit the analogy" (Kapp, 1961:58).

1212 Peirce C.S. (1903), Collected Papers of Charles Sanders Peirce, Volume V, Pragmatism and Pragmatism, Cambridge, Harvard Univ. Press; et (1905), Collected Papers of Charles Sanders Peirce, Volume VII, Science and Philosophy, Cambridge, Harvard Univ. Press.

13 Koestler, A. (1964), The Act of Creation, London, Hutchinson.

Références

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