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Oncologie : Article pp.256-257 du Vol.3 n°4 (2009)

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Texte intégral

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Psycho-Oncol. (2009) 3:256-257 DOI 10.1007/s11839-009-0163-8

EXTRAIT DE COMMUNICATION

Aider les adolescents « difficiles » à se confronter au cancer et à eux-mêmes

D. Oppenheim

© Springer-Verlag 2009

Les cancers ne sélectionnent pas les enfants en fonction de leur famille, de leur statut social ou économique, de leur niveau académique, de leurs caractéristiques psychologiques et de celles de leurs proches. C’est pourquoi, les familles des enfants traités pour un cancer constituent un échantillon représentatif de la société française actuelle. Cette société est de plus en plus diversifiée, et les façons de penser la maladie et les traitements et de s’y confronter sont de même très diverses. Les adolescents sont très sensibles à la fragilité de leurs parents (et montrent de même leur propre fragilité, qu’ils essaient souvent de masquer en temps habituel), particulièrement quand ils sont face à une situation difficile comme le cancer. Ils ont une double tâche à accomplir : traverser sans déstabilisation et l’épreuve de la maladie et celle de l’adolescence. Les adolescents, qui sont déjà en souffrance en temps normal, peuvent l’être encore plus quand leurs conditions de vie sont difficiles (« quartiers sensibles » et autres) et plus encore quand ils sont confrontés à une maladie grave. Mais ils peuvent aussi bien, dans ce contexte, constater en eux-mêmes, et parfois aussi en leurs parents ou en leur entourage, des qualités insoupçonnées et changer positivement et durablement leurs références, leurs valeurs, leurs choix de vie. Il faut dans tous les cas se méfier des images stéréotypées et des automatismes de pensée sur les causes des difficultés qu’ils présentent et sur leur avenir.

Ces adolescents « difficiles » peuvent l’être pour de multiples raisons : fragilité ou complexité identitaires et culturelles (eux-mêmes ou leurs parents), marginalisation sociale, difficultés économiques, environnement de (pré) délinquance, séquelles d’histoires familiales difficiles dans lesquelles la mort ou la déstabilisation identitaires ont pu être particulièrement présentes, fragilité de la structure familiale ou de la consistance parentale, échec scolaire, etc.

Ces éléments de fragilité sont ceux sur lesquels nous pouvons agir. Nous pouvons aussi nous appuyer sur les éléments de force qui existent, sous une apparence parfois paradoxale

(révolte, affirmation d’indépendance, non-compliance, qui témoignent autant de leur fragilité que des caractéristiques de l’adolescence, en particulier des turbulences propres à cette période, etc.) : il peut s’agir de la volonté de prendre une revanche (sur l’échec personnel ou parental), du refus de perdre, du désir de vivre, de la peur de la mort, etc. La mort occupe une place particulièrement importante à l’adoles- cence, mais bien souvent sous forme d’imaginaire, de fantasme, de jeu, même quand le jeu est agi en conduites de risque dangereuses. Dans le contexte du cancer, l’adolescent est confronté à la mort « pour de vrai », qui peut être sa propre mort. Cela le pousse à porter un regard plus aigu sur la place de la mort dans sa famille et sur ses conséquences sur ses parents (en particulier dans l’éducation qu’ils lui ont donnée et dans leur relation à lui) ainsi que sur son rapport à la mort.

Les éléments auxquels nous devons être ainsi attentifs pour aider l’adolescent sont nombreux. Il importe d’être attentif au regard qu’il porte sur lui-même (sur sa valeur, ses qualités et ses limites), sur ses parents, sur son histoire personnelle et son histoire familiale, sur sa place et la leur dans cette histoire (qui inclut donc aussi les grands-parents), sur la société dans laquelle il vit (et que représentent les soignants), sur son avenir (physique, affectif et sexuel, parental, social, et pas seulement médical).

Une étude (financée par le GRASSPHO) réalisée l’an dernier (auprès des parents des enfants de moins de 12 ans soignés dans le service), suscite sur ces questions des réflexions intéressantes. Neuf pour cent des enfants sont nés hors de France et 27 % des parents. Quarante-cinq pour cent des parents trouvent la situation (du cancer) difficile, et 34 % très difficile ; 84 % des parents ont connu (eux-mêmes ou leurs parents) des difficultés importantes ou très importantes (socioéconomiques durables, immigration, guerre, accidents et maladies graves, deuils sévères, etc.), qui ont eu, pour 57 % d’entre eux, des conséquences négatives ou très négatives encore actuelles. Ce qui rend pour ces parents la situation actuelle encore plus difficile : pour 40 % d’entre eux, la relation difficile à leurs propres parents (ce qui inclut leur absence–décès ou éloignement géographique–ou leur incompréhension du traitement), le fait de repenser aux D. Oppenheim (*)

Département de pédiatrie, unité de psycho-oncologie, unité Inserm 669, institut Gustave-Roussy, F-94805 Villejuif, France

e-mail : openheim@igr.fr

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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événements du passé (pour 24 %), les difficultés socio- économiques (pour 16 %). On retrouve de façon significative chez ces parents fragiles, et sur lesquels leurs enfants peuvent peu s’appuyer, les éléments suivants : des difficultés socioéconomiques, une relation difficile aux grands-parents de l’enfant, des difficultés familiales (de couple ou avec leurs enfants), le fait de repenser aux événements difficiles du passé, le pessimisme sur l’avenir de l’enfant (et encore plus s’il est né à l’étranger).

Ces éléments devraient nous inciter non pas à une logique de dépistage des parents fragiles sur des critères socio- économiques, mais à être attentifs aux caractéristiques de l’histoire familiale et à leurs conséquences sur les parents et l’enfant, avant la maladie et dans le contexte de la maladie.

Un enfant, et surtout s’il doit se confronter à des difficultés, a en effet besoin de connaître son histoire familiale, non seulement les événements, positifs ou négatifs, qui l’ont marquée mais aussi les conséquences qu’elles ont eues (pas seulement négatives : la résilience existe) ainsi que les valeurs et les références identitaires qui y ont cours. Il a besoin aussi d’en être fier, et fier de ses parents et grands- parents, quels que soient leur statut social, leurs difficultés, leurs limites et leurs insuffisances. Mais aussi que ses parents et ses grands-parents soient confiants dans son devenir et son avenir, quels que soient son désarroi et ses turbulences à un moment donné. Il a besoin aussi de se situer dans cette histoire familiale, dans la continuité et la rupture (et la maladie grave autant que les turbulences de l’adolescence jouent sur ces deux registres). Les éléments qui fragilisent les adolescents et qui peuvent en faire des adolescents

« difficiles » (plus que d’autres confrontés aux difficultés de la vie) se retrouvent ainsi dans le contexte du cancer, d’autant plus accentués. Pour aider ces adolescents, il semble

nécessaire de les aider à situer l’événement cancer dans leur histoire familiale (ce qui implique de la connaître suffisamment), à aider leurs parents à les soutenir (ce qui implique de les aider à porter, à la lumière du présent, un autre regard sur eux-mêmes, sur leurs qualités et leurs limites, sur leur histoire familiale), à dénouer les effets traumatiques des événements passés, à renouer éventuellement la relation à leurs parents. Ainsi, ils peuvent être plus disponibles à se confronter à la maladie de leur enfant et à le soutenir sans être encombrés par le passé, sans le voir à la lumière seule du passé, à envisager positivement son devenir (et pas seulement en ce qui concerne les éléments médicaux).

Les soignants peuvent représenter pour l’adolescent difficile des modèles positifs, à condition qu’ils sachent trouver le juste équilibre entre la fermeté excessive – que leur semblent légitimement exiger les risques de la non- compliance–et le laxisme, entre la proximité et la distance, et sans pour autant apparaître supérieurs aux parents ou en rivalité avec eux, aussi discrédités par l’adolescent que ceux-ci peuvent être. Ils montrent et assument la valeur de leurs choix professionnels, de leur relation à l’adolescent autant qu’à ses parents, leur attitude envers la mort et la vie.

Ils montrent de même leur confiance raisonnable en lui et en ses parents, car une épreuve comme celle de la maladie grave peut remettre en jeu ce qui était figé, peut révéler des qualités insoupçonnées, qui jusqu’alors étaient cachées ou mal utilisées. Pour l’aider à ce que l’expérience du cancer soit un élément positif pour lui et non négatif (ne laisse pas de trace négative mais au contraire contribue à sa traversée authentique de l’adolescence) dans cette période cruciale de son développement, la complémentarité de tous les membres de l’équipe soignante est nécessaire, chacun ayant son rôle spécifique à jouer.

Psycho-Oncol. (2009) 3:256-257 257

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