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UNIVERSITE PARIS VI – PIERRE ET MARIE CURIE UFR SAINT ANTOINE

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UNIVERSITE PARIS VI – PIERRE ET MARIE CURIE UFR SAINT ANTOINE

THESE

Pour obtenir le grade de DOCTEUR EN MEDECINE

Médecine générale

Présentée et soutenue publiquement le 5 Juillet 2006

Par

Mathilde HABERT

Née le 06/08/1973 à Evry (91)

Titre

Aspects spécifiques de la souffrance morale liée aux conditions de travail : enquête en vue d’une réflexion sur

une prise en charge par le médecin généraliste.

Directrice de thèse : Madame le Dr TARAVELLA

JURY :

Monsieur le Professeur FERRERI, président du jury Monsieur le Professeur PERETTI

Monsieur le Professeur CABANE

(2)

REMERCIEMENTS

Je remercie ma Directrice de Thèse, le Docteur Taravella, pour ses précieux conseils et plus particulièrement pour la qualité d’écoute extraordinaire dont elle fait preuve dans l’exercice de son art, qualité dont j’ai été témoin lors de mon stage chez le praticien et qui a donné un souffle nouveau à ma vocation.

Je remercie mon Président de thèse, le Professeur Ferreri et les membres de mon Jury, les Professeurs Peretti et Cabane.

Je remercie infiniment mes parents, pour leur sagesse, la justesse de leurs conseils tout au long de mes études et pour l’équilibre qu’ils m’ont donné.

Je remercie mon frère, Antoine, pour son intelligence, son originalité, son ouverture d’esprit et son aide à la réalisation de mon site web.

Je remercie ma belle-sœ ur, Florence de m’avoir aidée à alléger mes souffrances statistiques !

Je remercie Annabelle, parce que chaque jour, je suis heureuse qu’elle soit avec nous. Je remercie ma co-sœ ur Nadine, car notre amitié m’est indispensable.

Je remercie toute ma famille, grand-mères, grands-pères, oncles, tantes,

cousins, cousines, en espérant pouvoir toujours se réunir comme au bon vieux temps.

Je remercie Claudio, mon carioca, car le monde est pour nous deux un village

ou nous avons fait de notre petite Alice une reine au pays des merveilles.

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TABLE DES MATIERES

1. I NTRODUCTION ...6

2. H ISTORIQUE ...9

3. L E STRESS AU TRAVAIL EST - IL UNE FAUSSE MALADIE OU UN VRAI SYMPTOME EN MEDECINE GENERALE ? ...13

3.1. Qu’est ce que le stress ?...14

3.2.Particularités du stress lié au travail ...18

3.2.1. Une approche à 4 dimensions...18

3.2.2. Deux situations particulières : burnout et harcèlement moral ...20

3.2.3.A t-on besoin d’une certaine dose de stress au travail pour vivre ? ...23

3.3. Les différents aspects rencontrés au cabinet du médecin généraliste...24

3.3.1. Le stress chronique ...24

3.3.2. Le burnout ...25

3.3.3. Le harcèlement moral ...26

3.4. La relation médecin généraliste-malade ...28

3.5. Alors, fausse maladie ou vrai symptôme ? ...30

3.6. Les données de la littérature ...33

3.7. Les différences de prise en charge avec les pays d’Europe du Nord et les pays anglo-saxons ...36

4. M ETHODE ...39

4.1. Elaboration d’un questionnaire...39

4.2. Diffusion du questionnaire ...42

4.3. Les réponses au questionnaire ...43

4.4. Analyse des résultats ...44

4.4.1. Nombre de questionnaires reçus...44

4.4.2. Analyse du profil des médecins...44

4.4.3. Analyse globale de la situation du patient ...52

4.4.4. Repérer la souffrance morale au travail dans ses différents aspects...55

4.4.5. Identifier les causes de la souffrance morale au travail en rapport avec les

conditions de travail ...60

(4)

5. DISCUSSION AUTOUR DES RESULTATS ...72

5.1. Les limites de mon enquête ...72

5.2. Les atouts des médecins généralistes...74

5.2.1. La relation médecin-malade propre à la médecine générale ...74

5.2.2. L’apanage de l’expérience...74

5.2.3. Connaissance de la personnalité de leurs patients ...76

5.3. Leurs points faibles...80

5.3.1. Des idées reçues...80

5.3.2.Le manque de connaissances ...81

5.3.3. Les médecins généralistes ont des difficultés pour évaluer la toxicité du stress professionnel sur la santé de leurs patients...85

5.3.4. Le concept de stress a peu de validité scientifique aux yeux des médecins généralistes ...85

5.4. Les difficultés concrètes rencontrées...88

5.4.1. Les difficultés de prise en charge pluridisciplinaire ...88

5.4.1.1. Avec le médecin du travail ...88

5.4.1.2. Avec les psychothérapies...89

5.4.1.3. Avec les psychiatres ...90

5.4.1.4. Pénurie en consultations spécialisées « souffrance et travail » ...91

5.4.1.5. La difficulté du diagnostic pour le médecin généraliste isolé ...92

5.4.2. Le manque de temps ...92

5.4.3. La pression liée au souci de l’économie des moyens ...93

5.4.4. Les difficultés liées à la patientèle...94

5.4.5. Stress des médecins +++attention au burnout ...95

5.5. Les alternatives possibles ...97

6. REFLEXION POUR UNE PRISE EN CHARGE ADAPTEE AUX MEDECINS GENERALISTES ...101

6.1. FORMATION et INFORMATION ...101

6.1.1. Sensibiliser les futures générations de médecins généralistes...101

6.1.2. Désamorcer les idées reçues ...102

6.1.3. L’empathie et l’écoute des médecins joue un rôle essentiel...102

6.1.3.2. En amont, la prévention : une écoute orientée ...103

6.1.3.3. Pour ce qui est du dépistage ...104

6.1.3.4.Plaquette dans les salles d’attente avec questionnaire type : utile ? ...105

6.2. Si stress, évaluer son mode d’exposition et sa durée pour en mesurer l’impact

probable 106

(5)

6.3. La prise en charge...108

6.3.1. Suite au dépistage d’un stress chronique ...108

6.3.2. Suite au dépistage d’un harcèlement moral ...113

6.3.3. Suite au dépistage d’un épuisement professionnel ...114

6.3.4. Stress, anxiété, dépression : démêler pour mieux traiter ...114

6.4. Pourquoi et comment dynamiser les échanges entre médecins généralistes et médecins du travail ? ...116

6.5. L’arrêt de travail : laisser le choix au médecin généraliste ...118

6.6. CAS CLINIQUES COMMENTES ...119

7. CONCLUSION ...126

8.BIBLIOGRAPHIE...129

9. INDEX ...133

10.ANNEXES ...134

(6)

1. I NTRODUCTION

« Le travail, c’est la santé ». Ce refrain fait partie du passé. La pénibilité au travail a augmenté au cours des vingt dernières années car aux risques anciens se surajoutent des risques nouveaux. En trente ans, il y a eu d’importantes mutations économiques et l’émergence d’une nouvelle logique financière intensifiant le travail malgré une amélioration globale: travail en flux tendus, logique de service, travail dans l’urgence privant l’individu de temps nécessaire à l’élaboration de stratégies de défense, précarisation du travail (intérim, CDD, sous- traitance), individualisation des contrats de travail. Tout cela est à replacer dans un contexte de chômage de masse, d’isolement des salariés et de perte de repères collectifs.

Le rapport européen de 2000 sur les conditions de travail en Europe

(1)

révèle que 60 % des européens estiment que le travail affecte leur santé. 23 % des travailleurs font état d’une fatigue générale. 28% se déclarent stressés par le travail. En France, 8% font état d’absences dues à des problèmes de santé liés au travail au cours des 12 derniers mois et un travailleur sur 10 dit avoir été victime d’intimidations sur son lieu de travail. Il en coûte 20 milliards d' Euros à l'Union Européenne (en temps de travail perdu et en coûts de santé).

La souffrance morale liée aux conditions de travail (en excluant la souffrance liée aux conditions physiques, à la sécurité, au harcèlement sexuel et aux agressions extérieures) a un dénominateur commun : le stress. Un stress néfaste pour la santé apparaît quand l’individu ne ressent pas la capacité de pouvoir faire face à la situation imposée sur son lieu de travail sur une période longue et continue. Ce stress génère, à terme, de l’anxiété, une augmentation des conduites addictives, des dépressions. Il induit ou favorise tout un cortège de maladies psychiques et organiques largement documentées, d’une grande variabilité . Un stress néfaste pour la santé participe notamment au processus d’épuisement professionnel et aux conséquences d’une situation de harcèlement moral.

Certains facteurs de risque de stress au travail sont identifiés, plusieurs

modèles ont été créés et validés pour mettre en avant la conjugaison à haut

(7)

risque de certains facteurs liés aux conditions de travail sur la santé (exemple : modèle de Lazarek).

Le Conseil Economique et Social met l’accent sur le rôle central du Médecin du Travail et la mise en place de stratégies de prévention de la souffrance morale au travail dans les entreprises.

Le Dr Sterdyniak, (président de la Metranep

1

), lors de la journée des 4 Médecines du Travail de Paris du 6 Décembre 2005, insiste sur le fait que la souffrance morale au travail est individuelle mais que les solutions sont collectives. Pourtant, les médecins généralistes subissent de plein fouet toutes les conséquences individuelles de la souffrance morale liée aux conditions de travail.

Dommage, car ils ne sont pas formés pour répondre à ce type de souffrance « de masse » : pas de formation à la Faculté, pas de recommandations de bonne pratique spécifiques, tout au plus quelques formations médicales continues depuis quelques années traitant du sujet.

Il apparaît dans la littérature comme un intervenant « subalterne », à qui l’on confie pourtant des rôles fondamentaux : écoute des patients, identification de la souffrance morale en rapport avec les conditions de travail, prescriptions thérapeutiques et d’arrêts de travail si nécessaire (dans un contexte d’intensification des contrôles des arrêts maladie et de remise en cause du bon usage des psychotropes), mise en œuvre d’une prise en charge interdisciplinaire si besoin tout en sachant qu’il n’existe en France que vingt neufs centres de consultation de pathologies professionnelles, que les psychiatres sont souvent débordés et les psychothérapies coûteuses et non prises en charge, pour la plupart, par la Sécurité Sociale.

Il est le seul acteur de santé qui prend en compte les aspects à la fois

médicaux, mais aussi psychologiques et sociaux (le modèle global, Engel, 1980)

de la personne, tous essentiels pour appréhender la souffrance morale liée aux

conditions de travail. Il peut mettre en avant des signes d'alerte, piocher des

renseignements intimes et instaurer au fil des consultations une relation de

confiance.

(8)

Or, un médecin ne trouve que ce qu'il cherche et qu’il connaît, notamment ce à quoi il va pouvoir apporter des solutions. Il dépend beaucoup de ce qu'est venu chercher le patient aussi.

Alors, qu’en est t-il de ses connaissances et de sa prise en charge ? Est ce, comme je le pense, le fruit d’une méthode empirique ? Est-il le médecin de premier recours qui va, dans la majorité des cas, gérer seul la souffrance de son patient ? Quelle est sa tactique dans la prise en charge du harcèlement moral en particulier ? Quelles solutions propose t-il aux patients en souffrance ? Quels rapports entretient-il avec ses confrères médecins du travail et psychiatres dans la pluridisciplinarité éventuelle de la prise en charge ?

J’estime qu’il est temps de le considérer comme chef de file de la prise en charge de la souffrance morale liée aux conditions de travail . A ce titre, il est nécessaire qu'on s'interroge sur ses possibilités et ses limites, ses difficultés quotidiennes concrètes et sur les moyens dont il pense disposer actuellement.

C’est ce que je me propose d’étudier à l’aide d’une enquête réalisée auprès de

médecins généralistes.

(9)

2. H ISTORIQUE

Alertée comme tout le monde par les médias, confortée de l’importance du sujet par plusieurs cas dans mon entourage proche, j’avais décidé dans un premier temps d’aborder le harcèlement moral au travail.

Ma première lecture, le best-seller de Marie France Hirigoyen (« Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien »)

(2)

m’ouvrait les yeux sur ce sujet « à la mode » et je décidais de la rencontrer. Elle semblait intéressée par ma démarche en tant que médecin généraliste mais elle mettait le doigt sur un autre aspect, plus ambigu : selon elle, le problème n’était pas le concept du harcèlement moral en soi mais plutôt le gouffre à plaintes qu’il était devenu, une sorte de fourre-tout dans lequel tous les problèmes de communication, tous les conflits, tous les problèmes liés à l’organisation au travail trouvaient écho.

Je voulais traiter de l’importance du médecin généraliste dans la prise en charge du harcèlement moral au travail et je me retrouvais avec l’idée que Marie- France Hirigoyen, spécialiste de la question, elle même, était encombrée de plaintes pour harcèlement moral qui n’en étaient pas.

C’est lorsque je suis devenue médecin remplaçant que j’ai compris ou se situait la problématique en ville. Tant de gens stressés, tant de demandes d’arrêts de travail pour surmenage, pour conflit au travail, pour « harcèlement moral ».

Et puis un jour, un jeune homme vient consulter, il allègue une rhinopharyngite en plein été. Il a l’air de se ficher pas mal de sa rhinopharyngite, il a l’air las, il se dit fatigué.

Je l’interroge sur son mode de vie, il me répond qu’il boit une bouteille de vin

tous les soirs en rentrant du travail, que c’est devenu une habitude. Ca n’a pas

l’air de le contrarier, il en rigole presque. C’est pourquoi le médecin paternaliste

surgit en moi, je lui signifie clairement que je trouve son comportement enfantin et

j’en profite pour lui demander si il a une compagne et des activités extra-

professionnelles. Il me répond non puis abrège la consultation et s’en va.

(10)

Je réalise lorsqu’il est parti que j’ai eu un comportement déplacé et que je ne le reverrai probablement jamais.

Une semaine plus tard, le même jeune homme revient en consultation, il a changé totalement d’attitude. Ses traits sont figés, il a l’air amaigri et sans défense. Il m’explique que, comme je le pressentais, ma réaction lors de la précédente consultation et ma « morale » l’ont agacé mais il n’a pu se détacher de l’idée qu’effectivement il buvait, et qu’il ne savait pas pourquoi, ce qui le faisait culpabiliser.

Nous avons alors discuté ensemble afin de comprendre : la famille, les amis, le travail … Le travail : passionnant, gros investissement personnel, un chef admiré comme un père. Pourtant un malaise : une surcharge de travail depuis plusieurs mois, des ordres contradictoires, un chef aux deux visages : parfois méprisant, sec et cassant, parfois chaleureux et le traitant comme un fils, des notes de services de plus en plus fréquentes, le sentiment qu’on vous considère comme un incapable alors que vous êtes quelqu’un de fondamentalement attaché à votre travail. Alors, c’est vrai que quand on rentre du travail, pour oublier les tensions de la journée, on se noie un peu dans l’ivresse. Pour se cacher que ça ne va pas.

J’estimais avoir assez d’éléments pour envisager la mise en place d’un harcèlement moral. Je lançais l’idée au patient, qui parut très surpris (ce qui me conforta encore davantage). Je lui expliquais brièvement en quoi consistait le harcèlement moral. Et tandis que son visage s’illuminait comme à l’annonce d’une révélation, je lui conseillais quelques lectures, et lui prodiguais quelques conseils.

Une dizaine de jours plus tard, il m’appelait en catastrophe, me demandant de

lui fournir un arrêt maladie car il avait quitté brutalement son lieu de travail. Je le

trouve en consultation, agité, cerné, il m’explique qu’il a lu les livres que je lui ai

conseillé , que ça a été une révélation pour lui, qu’il a pu mettre un mot sur ce mal-

être qu’il refusait de regarder en face. Il m’explique que la situation a dégénéré au

travail, qu’on l’accuse par des notes de services de faits qu’il n’a pas commis et

qu’on l’a traité d’incapable, qu’il a tout le monde à dos et qu’il est parti à bout de

nerfs.

(11)

Je réalisais à quel point mon rôle avait été important. Je n’avais pas réellement maîtrisé les évènements, pourtant j’avais eu le mérite de piocher des éléments et de faire réagir mon patient. Je décidais de l’arrêter une semaine sans parvenir à savoir précisément quel motif indiquer. Je me disais que le plus dur restait à venir pour le médecin remplacé qui allait devoir enquêter sur les conditions de travail de ce patient et assurer son suivi. Je réalisais que j’avais avancé un concept de harcèlement moral au patient sans m’être assuré auparavant de sa véracité.

Plus je réfléchissais à la situation professionnelle de ce patient qui m’intéressait beaucoup puisqu’elle rentrait en plein dans le sujet dans mon étude, plus je doutais de mon attitude.

A juste titre : et s’il s’agissait d’un stress professionnel lié à une organisation défaillante ayant pour conséquence une anxiété généralisée se traduisant par une conduite addictive ? Et s’il s’agissait d’une situation d’épuisement professionnel ayant généré, chez ce patient très engagé professionnellement, une bonne dose de cynisme par rapport à son environnement professionnel et par la même des conflits avec ses collaborateurs liés à un désinvestissement émotionnel ? Et si quand bien même il s’agissait d’un processus de harcèlement moral, je n’avais pas cerné quel type de harcèlement moral était mis en place : le harcèlement d’un pervers narcissique, son chef ? Un harcèlement institutionnel lié à une stratégie de gestion de l’ensemble du personnel avec des objectifs irréalisables, rendant mon patient en position de faute permanente et vulnérable aux critiques ? Un harcèlement stratégique pour se débarrasser de ce patient en contournant les procédures légales de licenciement ?

Pourtant, ce patient était en souffrance et d’une manière détournée dans un premier temps puis franchement ouverte devant mon attitude compatissante, il me demandait des conseils pour comprendre cette souffrance sur laquelle il avait besoin qu’on mette des mots. Lourde tâche quand il ne s’agit pas de diagnostiquer une maladie à proprement parler ni de donner le médicament pour la guérir.

Lourde tâche quand on est seul dans son cabinet de ville.

(12)

La solution idéale aurait été de disposer de temps pour interroger longuement le patient, de le faire expertiser par un psychologue spécialisé dans ce type de souffrance, d’entretenir des rapports étroits avec le médecin du travail car lui seul a la capacité d’enquêter directement sur le lieu de travail.

Encore eût-il fallu que le patient accepte de se prêter au jeu de la psychothérapie, qu’il en ait les moyens financiers, que le médecin du travail ait une influence importante dans l’entreprise.

Je pensais que la plupart du temps, les médecins généralistes devaient faire

face, seuls, à la souffrance morale au travail, avec des moyens limités et un

manque de temps.

(13)

3. L E STRESS AU TRAVAIL EST - IL UNE FAUSSE MALADIE OU UN VRAI SYMPTOME EN MEDECINE GENERALE ?

La souffrance morale causée par les facteurs psychosociaux au travail (ensemble des contraintes psychologiques, mentales, relationnelles liées au travail à l’opposé des facteurs physico-chimiques de l’environnement de travail) a un dénominateur commun. Lorsque le concept de souffrance psychologique liée au travail a émergé, un autre concept plutôt abstrait s’est imposé : le stress ou distress.

Du latin « stringere » signifiant serrer, il est utilisé dans le langage courant pour désigner un sentiment d’obligation de répondre à des pressions internes ou extérieures. Les sensations éprouvées sont bien celles d’une pression, d’une tension parfois à la limite du supportable.

C’est une plainte qui recouvre une multitude de situations et un grand panel d’émotions. Seule certitude : derrière cette plainte qui, à priori ne veut ni tout dire, ni rien dire se cache parfois une réelle souffrance psychologique. Banalisé à l’extrême, le terme ne veut plus rien dire pour beaucoup et du coup, même la portée de ses conséquences est banalisée.

Pourtant, le stress a été minutieusement étudié sous tous ses aspects par des scientifiques de différents domaines. Il a désormais une signification précise en physiologie, biologie et psychopathologie. Les recherches continuent : le stress est un concept à multiples facettes en pleine évolution. Le stress causé par des facteurs psychosociaux au travail est intéressant par ses spécificités et par l’ampleur mondiale de ses retombées. Il a été absorbé, depuis les études de Christophe Dejours (« travail, usure mentale »)

(3)

, dans une appellation plus générale : la souffrance morale liée au travail mais il s’agit bien ici de l’œuf et de la poule.

Quelle est la valeur du stress lié au travail en médecine générale ? Est-ce une

fausse maladie ou un vrai symptôme ?

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3.1. Qu’est ce que le stress ?

Nombreux sont les excellents auteurs qui ont élaboré des ouvrages entiers consacrés au stress sous ses différents aspects. Le concept a tellement évolué en 70 ans que lorsqu’on s’intéresse au sujet, il paraît au début difficile de résumer les grands axes de tous les travaux menés.

Je vais tenter de rappeler brièvement les points qui me paraissent essentiels pour la pratique quotidienne du médecin généraliste.

En 1936, Hans Selye

(4)

décrit le « syndrome général d’adaptation » : une réponse stéréotypée du système hormonal en réponse à un agent stressant (menace d’agression extérieure), réponse héritée de nos ancêtres reptiliens pour assurer la survie de l’espèce, mobilisant les forces de l’organisme pour fuir la situation ou pour se battre (issue positive du stress).

Il distingue déjà 3 phases :

 une phase d’alarme avec mobilisation des ressources, libération de catécholamines (adrénaline) et de glucocorticoïdes (cortisol).

 Une phase de résistance avec activation de l’axe corticotrope.

 Une phase d’épuisement avec défaillance des capacités d’adaptation (épuisement des surrénales en glucocorticoïdes)

Il prouve expérimentalement que seul un stress intense et prolongé aboutit à une pathologie d’adaptation et à la maladie.

Dans les années 70, des études internationales en médecine et en psychiatrie permettent de constater des niveaux de stress différents en réponse à un événement de vie stressant, qui sont fonction de facteurs propres au sujet lui même et à son environnement. Le contrôle que le sujet exerce sur les évènements stressants apparaît comme un élément important.

Les techniques modernes d’imagerie cérébrale utilisées en neurosciences ont

permis de mettre en évidence que la réponse physiologique à un événement

stressant implique à la fois le cerveau, le système nerveux sympathique, le

(15)

système neuroendocrinien hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien et le système immunitaire, d’ou sa grande variabilité.

Il apparaît que les influences du stress sur la santé dépendent des stratégies d’ajustement de l’individu, elles mêmes conditionnées par la représentation de la situation et des possibilités d’action sur celle-ci.

Richard Lazarus (psychologue américain)

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, en 1984, redonne au stress sa composante émotionnelle en identifiant deux processus de la réponse au stress : l’évaluation et le coping ( stratégie d’adaptation).

L’évaluation primaire (automatique et instantanée) et l’évaluation secondaire (inventaire des ressources que possède le sujet pour faire face) vont générer une émotion qui peut influencer à son tour les évaluations.

Le coping centré sur le problème consiste à rechercher la meilleure solution au problème, à faire des efforts de diplomatie, à rechercher du soutien social.

Le coping centré sur l’émotion est scindé en deux : d’un côté les stratégies dites fonctionnelles qui sont qualifiées de positives, de l’autre les stratégies dites disfonctionnelles, lesquelles auront des conséquences néfastes sur la santé du sujet .

Stratégies fonctionnelles Stratégies disfonctionnelles Acceptation de la crise

Restitution du problème dans son contexte Recherche de support social

Partage des émotions négatives

Résolution des problèmes (solutions alternatives, réponses actives)

Auto-contrôle

Déni de l’événement Mise à distance Evasion

Evitement

Fuite (sommeil,

médicaments)

Répression des émotions négatives

Isolement

Plusieurs émotions liées à la réaction au stress apparaissent avoir un effet

(16)

EVALUATION

1) PRIMAIRE (stress perçu)

- La situation comporte-elle un enjeu pour moi ? - Si oui, est-ce : une perte ? une menace ? un défi ? 2) SECONDAIRE (contrôle perçu)

- Que puis-je faire ?

- M’est-il possible de changer quelque chose à la situation compte-tenu de mes ressources ?

ABOUTIT A DES STRATEGIES D’ADAPTATION (COPING) - centrées sur le problème

- centrées sur l’émotion

La théorie de la conservation des ressources est élaborée par Hobfoll

(6)

(1989 et 2001). C’est une évaluation plus sociale du stress, mettant en avant que les évaluations du stress ne sont pas le résultat de particularités individuelles mais de processus collectifs; les membres d’une même collectivité produiront les mêmes évaluations et les mêmes réponses face à une menace.

Le postulat de cette théorie, c’est que les individus sont motivés à obtenir, maintenir, protéger et développer ce qu’ils valorisent, c’est à dire leurs ressources.

Les ressources sont de nature diverse. En occident, Hobfoll en a dénombré 74 (annexe 7) , qui vont de la possession d’un objet ( bijoux, voiture, vêtement …) à des caractéristiques personnelles (sens de l’humour, auto-discipline, qualifications

…) en passant par des conditions sociales (emploi stable, rôle de leader, santé de

la famille, des amis, vie de couple heureuse …), ou des éléments favorisant le

dynamisme (connaissances, soutien de ses collègues, endurance…). Elles

(17)

paraissent liées entre elles donc un gain dans une catégorie aura des répercussions positives dans d’autres catégories et vice-versa.

Selon Hobfoll, le stress apparaît dans 3 situations :

 quand les ressources des individus sont menacées

 quand les ressources des individus sont effectivement perdues

 quand les individus investissent des ressources et ne reçoivent pas les retours prévus.

Pour la théorie de la conservation des ressources, l’analyse du stress et du coping ne doit pas se limiter aux réponses actives qui font suite à une menace ou une perte de ressources. Elle doit inclure le coping pro-actif, c’est à dire le fait que les individus se fixent des objectifs destinés à faire face aux futures menaces. Les individus font face de manière pro-active de 3 façons

(6)

:

 en s’efforçant d’acquérir et de maintenir leurs réservoirs de ressources

 en agissant dès qu’apparaissent les premiers signes d’un problème

 en cherchant à occuper des positions qui s’ajustent à leurs ressources ou qui les placent, eux, leurs familles ou leur groupe social dans une situation profitable.

Pour le médecin généraliste, il conviendrait donc d’analyser les ressources de son patient au fil des consultations pour évaluer préventivement sa capacité à gérer en amont (coping pro-actif) et en aval (stratégie d’adaptation centrée sur le problème ou sur l’émotion) le stress perçu. Ces éléments lui permettraient d’apprécier plus finement les répercussions individuelles du stress lié au travail.

En effet, par exemple, la théorie de la conservation des ressources est utile pour

appréhender le concept d’épuisement professionnel car les ressources

disponibles et les stratégies de coping qui lui sont associées l’influencent

(« Epuisement professionnel et burnout » , Didier Truchot)

(7)

(18)

3.2.Particularités du stress lié au travail 3.2.1. Une approche à 4 dimensions

Karasek (1979)

(8)

, chercheur américain, a proposé un modèle pour montrer comment les effets des appréciations du milieu du travail d’un individu interagissent avec les exigences professionnelles. Ils causent un stress entraînant des effets nuisibles sur la santé tant physique que psychologique. Il y a deux dimensions dans l’environnement de travail qui interagissent et peuvent induire un stress :

 les exigences professionnelles (charge de travail et contraintes de temps élevées)

 la latitude décisionnelle : c’est la capacité du travailleur de maîtriser son cadre de travail et de pouvoir y exercer une influence, d’utiliser ses compétences de manière créative, de prendre des décisions (utilisation de ses compétences, autorité de décision).

Johnson (1989) développe cette théorie et introduit la notion selon laquelle la qualité du soutien social (de la hiérarchie, des collègues) sur le lieu de travail peut servir de tampon, avoir une influence protectrice contre les effets nuisibles sur la santé .

Ainsi, il est implicite que des demandes professionnelles élevées, une latitude professionnelle restreinte et des tensions sociales créent une association possiblement très néfaste quant aux effets sur la santé. Ces facteurs peuvent faire partie intégrante de l’organisation du travail ou ils peuvent être prépondérants dans l’ambiance de contrôle au sein du travail.

DEMANDE PSYCHOLOGIQUE

LATITUDE DECISIONNELLE

Faible Elevée

Faible Elevée

"Travail passif" "Travail surchargé"

"Travail détendu" "Travail dynamique"

Schéma de Karasek

(19)

Or, le travail s’inscrit dans un contexte à la fois social, organisationnel et économique.

Actuellement le contexte social est caractérisé par une montée de l’individualisme, par l’effritement des réseaux sociaux et par l’absence de repères individuels et collectifs. L’individu se retrouve donc sans point d’ancrage pour baliser sa vie et donner du sens à son existence. Or, le travail représente un de ces points d’ancrage permettant à l’individu de se définir et d’établir ses références personnelles. Il intervient dans le processus de formation de l’identité et dans la démarche d’actualisation de soi. C’est pourquoi, le besoin de reconnaissance au travail est essentiel et de plus en plus important.

Le modèle du déséquilibre efforts/récompenses de Siegrist

(9)

:

Ce modèle, développé par l'équipe de Siegrist en Allemagne, à partir de 1986, est aussi basé sur le modèle de Karasek. Il est souvent utilisé dans les études épidémiologiques du stress au travail. Selon Siegrist, l'état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre les efforts qu'une personne consent à fournir dans son travail et les récompenses qu'elle en reçoit en retour.

Dans ce modèle, deux types d'efforts sont considérés :

- Les efforts extrinsèques correspondent aux exigences psychologiques développées dans le modèle de Karasek (contraintes de temps, interruptions, responsabilités, heures supplémentaires, charge physique, augmentation de la demande).

- Les efforts intrinsèques représentent des facettes de la personnalité (besoin d'approbation, compétitivité et hostilité latente, impatience et irritabilité

disproportionnées, incapacité à s'éloigner du travail)

Les récompenses peuvent être de trois sortes : les gains monétaires (salaires,

primes, etc.), l'estime reçue de la part des collègues et des supérieurs et le degré

de contrôle sur son statut professionnel (perspectives de promotion, sécurité de

l'emploi, …).

(20)

Le contexte organisationnel dans le monde du travail a subi plusieurs transformations au cours des dernières décennies avec la venue de nouvelles technologies, la montée du capitalisme, la mondialisation et la concurrence internationale. Ces mutations ont contribué à l’émergence d’une culture organisationnelle fondée sur la performance ou l’organisation du travail, la cadence et la définition des professions ont été modifiées.

On constate également l’accroissement du sentiment d’insécurité généré par l’instabilité des organisations et la menace perpétuelle de la perte d’emploi. Le contexte économique oblige les travailleurs à se soumettre à des exigences et des contraintes, à fournir des efforts supplémentaires pour exécuter des tâches qui se complexifient et qui se modernisent sans cesse.

On comprend dès lors pourquoi toutes les conditions sont réunies pour que le travail soit un cadre propice au développement d’un stress chronique : une situation stressante liée à l’organisation du travail, qui perdure dans le temps, avec une possibilité de fuite limitée à nulle liée à l’insécurité de l’emploi.

3. 2.2. Deux situations particulières : burnout et harcèlement moral

Ce stress d’origine multifactorielle peut, parfois, s’inscrire dans des situations, qui, par leur nature même, ont fait l’objet d’études particulières. Les symptômes qu’ils génèrent, pris séparément ne sont pas spécifiques. Mais un ensemble de symptômes associé à une situation peut être révélateur. La connaissance de ces formes particulières de souffrance morale liée au travail est essentielle pour un médecin généraliste car la prise en charge qui en résulte devrait certainement être spécifique.

L’épuisement professionnel ou burnout :

L’épuisement professionnel a été initialement étudié chez les travailleurs dont

l’activité implique un engagement relationnel comme les professions médicales,

les enseignants . Mais les connaissances accumulées depuis les premiers travaux

de Maslash en 1976, montrent que le burnout peut frapper n’importe quelle

(21)

catégorie professionnelle. Il est consécutif à un stress professionnel chronique lié aux conditions de travail..

En 1981, Maslash et Jackson mettent en avant les 3 dimensions du burnout

(10)

:

l’épuisement émotionnel : renvoie à l’assèchement des ressources émotionnelles, à la perte de motivation . L’épuisement émotionnel est souvent lié à la dépression et au stress.

La dépersonnalisation : renvoie au développement d’attitudes impersonnelles, détachées, négatives, cyniques envers les personnes dont on s’occupe. Il s’agit d’une stratégie destinée à faire face à l’épuisement des ressources internes en mettant à distance les bénéficiaires de l’aide ou en rendant leurs demandes illégitimes.

La réduction de l’accomplissement personnel : dévalorisation de son travail et de ses compétences, la croyance que les objectifs ne sont pas atteints, la diminution de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité.

Le burnout apparaît comme un processus (Schaufeli et Enzmann

(11)

) : « Le burnout débute avec des tensions qui résultent de l’écart entre les attentes, les intentions, les efforts, les idéaux de l’individu et les exigences de la rude réalité quotidienne. Les stress qui résultent d’un tel déséquilibre se développent graduellement. Ils peuvent être ressentis consciemment par l’individu ou rester ignorés pendant une longue période. La manière avec laquelle l’individu fait face à ces stress est cruciale pour le développement du burnout. »

Il existe au moins 3 formes de burnout selon Farber

(12)

:

 le burnout « épuisement » dans lequel l’individu soit abandonne, soit fait parfaitement son travail, mais se trouve confronté à trop de stress et à trop peu de gratifications

 le burnout « classique ». L’individu travaille de plus en plus dur, jusqu’à l’épuisement, à la poursuite de gratifications ou d’accomplissement afin de compenser l’étendue du stress ressenti

 Le burnout lié non pas à des tensions excessives mais à des conditions de

travail monotones et peu stimulantes.

(22)

Le burnout se mesure grâce à une échelle standardisée validée nommée le MBI (annexe 1)

Il est constitué d’affirmations renvoyant au travail et suivies d’une échelle en 7 points (de 0=jamais à 6=tous les jours), évaluant la fréquence à laquelle la personne a ressenti l’expérience, l’émotion ou le sentiment en question. Le MBI était à l’origine composé de 4 sous-échelles : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation, l’accomplissement personnel et l’implication. Le dernier point a été enlevé dans la nouvelle version présentée en 1986. On distingue à l’heure actuelle trois versions différentes du MBI, la version originale, le MBI-Human Services Survey (MBI-HSS), destinée aux professionnels des services d’aide, sa variante le MBI-Educators Survey (MBI-ES) qui s’adresse aux enseignants, et le MBI-General Survey, que toute personne peut remplir.

Ce qui est intéressant, c’est que ce questionnaire ne vient pas d’une élaboration théorique validée empiriquement mais elle vient elle-même de travaux empiriques. Il me semble que ce questionnaire serait très utile aux médecins généralistes. Il est rapide à remplir et assez facile à interpréter par le généraliste. Il lui permettrait d’affiner son diagnostic.

Le harcèlement moral :

Dans d’autres cas, il prend la forme du harcèlement moral au travail quand l’individu est soumis à un stress chronique provoqué par « des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel»

(loi de modernisation sociale du code du travail de juillet 2002) (annexe 2) . Si ces comportements relèvent parfois de dérives perverses de supérieurs ou de collègues, ils peuvent aussi résulter de techniques concertées pour se séparer de collaborateurs indésirables et ainsi échapper aux procédures légales de licenciement.

Marie-France Hirigoyen signale que le stress professionnel n’est pas du

harcèlement moral, même si le stress est une de ses conséquences dans un

premier temps. Elle insiste sur le fait que dans le harcèlement moral, il y a

(23)

« intention de nuire » et de porter atteinte à la dignité de la personne. Il s’agit d’un traumatisme. Ses conséquences psychologiques sont éminemment plus graves.

3.2.3.A t-on besoin d’une certaine dose de stress au travail pour vivre ?

Ce qui est nécessaire, c’est de bénéficier d’une certaine dose de stimulations qui nous corresponde. Si ces stimulations sont trop fortes (surcharge de travail) ou, au contraire, trop faibles (absence de travail), le stress va se manifester.

 sous-stimulation : manque de défis, d’intérêt du travail, tâches répétitives, manque de reconnaissance, faible soutien des collègues, etc. …

 stimulation acceptable : adéquation entre les possibilités et intérêts de la personne et le travail à accomplir, conditions de travail favorables.

 Sur-stimulation : surcharge permanente, demandes contradictoires,

harcèlement, mauvaises conditions de travail, etc. …

(24)

3.3. Les différents aspects rencontrés au cabinet du médecin généraliste

3.3.1. Le stress chronique

En quelques semaines, l’hyperactivation des fonctions vitales de l’organisme va entraîner des symptômes divers que le médecin généraliste va retrouver en consultation :

 symptômes physiques : douleurs (coliques, maux de tête, douleurs musculaires, articulaires), troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion, sensations d’essoufflement ou d’oppression, sueurs inhabituelles

 symptômes émotionnels : sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes ou de nerfs, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être

 symptômes intellectuels : perturbation de la concentration nécessaire à la tâche entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions

 Ces symptômes ont des répercussions sur le comportement : recours à des produits calmants ou excitants (café, tabac, alcool, somnifères, anxiolytiques), repli sur soi, diminution des activités sociales, inhibition

Si la situation de stress se prolonge encore, les précédents symptômes s’installent et s’aggravent. Ils entraînent une altération de la santé au stade de maladie :

 l’hypersécrétion de cortisol et des catécholamines conduit à l’apparition d’un « syndrome métabolique » associant obésité abdominale, résistance à l’insuline (et évolution possible vers un diabète), hypertension artérielle et perturbations du métabolisme des lipides

(13)

.

 Ces perturbations métaboliques représentent elles-mêmes des facteurs de

risque pour le système cardio-vasculaire. Ces effets ont été très étudiés : on a

ainsi montré un risque accru de maladies coronariennes et même de décès par

maladie cardiovasculaire chez des personnes exerçant une activité

professionnelle sans grande marge de manœuvre. D’autres études ont montré

(25)

que la coexistence d’une forte exigence psychologique et d’une faible marge de manœ uvre dans le travail était également associée à un risque de mortalité cardiovasculaire

(14)

 Les problèmes de santé mentale ont fait l’objet de nombreuses recherches.

La dépression nerveuse est plus fréquente quand le travail associe une forte exigence psychologique à une faible marge de manœ uvre et un manque de soutien social (absence d’aide de la part des collègues)

(15) .

Les troubles anxieux sont également plus fréquemment retrouvés en cas de situations stressantes prolongées.

 Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur et du dos sont de plus en plus souvent rapportés à une combinaison de risques : sollicitations biomécaniques dues à des mouvements répétitifs mais aussi facteurs psychosociaux

(16)

 Les états de stress de longue durée induisent et/ou favorisent d’autres problèmes de santé comme la diminution de la résistance aux infections, les maladies immuno-allergiques (asthme, polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux, colite ulcérative), les colites fonctionnelles, l’ulcère gastro- duodénal, les désordres hormonaux (de la thyroïde ou des sécrétions androgènes ou oestrogènes), certaines pathologies de la grossesse (prématurité, infertilité) ou des affections dermatologiques. (« Stress, pathologies et immunité », J.M. Thurin)

(17)

3.3.2. Le burnout

Tiré de “Epuisement professionnel et burnout “ de Didier Truchot »

(7)

(p.29)

 sentiment de fatigue, d’épuisement : symptôme le plus typique, dès le matin, fatigue chronique

troubles du sommeil

 les troubles somatiques apparaissent une année plus tard : douleurs

musculo-squelettiques (surtout mal de dos), mal de ventre, ulcères, troubles

gastro-intestinaux, transpiration, angoisse, réduction des défenses

(26)

 troubles lipidiques (hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie), augmentation de l’acide urique et des anomalies de l’ECG

 conduit au diabète de type 2

(19)

Tous ces désordres biochimiques exposent donc aux risques cardiovasculaires.

Le burnout est associé à une mauvaise hygiène de vie : moins de pratique de sport, augmentation des conduites addictives : tabac, alcool, café, prise de tranquillisants.

Le comportement des personnes atteintes de burnout change : elles tolèrent moins bien les frustrations ce qui les conduit à être plus agressives, plus irritables.

On observe une diminution de leurs ressources psychologiques : chute de l’estime de soi, états de tristesse, de désespoir, d’anxiété

(20) (21)

Les effets du burnout débordent sur la vie privée. Il engendre des divorces par accroissement des attitudes négatives envers le conjoint notamment.

3.3.3. Le harcèlement moral

Tiré de «Le harcèlement moral dans la vie professionnelle : démêler le vrai du faux » de Marie-France Hirigoyen

(22)

:

stress et anxiété avec troubles fonctionnels et sentiment d’impuissance et d’humiliation ( « ce n’est pas normal ») au départ

dépression : état dépressif majeur et risque suicidaire, le patient masque souvent ses symptômes à son entourage et au médecin par culpabilité de ne pas être à la hauteur.

troubles psychosomatiques : « Dans un premier temps, le médecin

généraliste a face à lui un patient présentant de multiples troubles, de la

patraquerie à composante psychosomatique au tableau psychosomatique

franc. Le risque est pour lui de passer à côté de l’origine réelle de ces troubles,

soit faute de l’avoir cherchée en pensant à se préoccuper de la situation

professionnelle de son patient, soit parce que le patient ne l’exposera pas. La

souffrance morale liée au travail peut en effet être assimilée par le patient au

(27)

stigmate d’une faiblesse personnelle, à une époque ou le travail et la réussite sont, paraît-il, le fait des battants. De toute évidence, la réponse thérapeutique ne pourra pas être pleinement efficace si elle se limite à une prescription médicamenteuse. » (lettre d’un médecin généraliste à propos des troubles présentés par les victimes à Marie-France Hirigoyen ); Le cortège des maladies psychosomatiques est impressionnant et de gravité exponentielle selon elle.

Stress post-traumatique : le harcèlement moral est un traumatisme (événement intense de la vie du sujet, l’incapacité dans laquelle celui-ci se trouve d’y répondre de façon adéquate et les effets durables que cet événement provoque sur le psychisme). D’après Marie-France Hirigoyen, toutes les victimes subissent une déstabilisation durable, la dévalorisation persiste, même si la personne est éloignée de son agresseur.

Il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle concernant le stress post traumatique.

De toute évidence, les symptômes provoqués par le stress

professionnel qu’ils soient liés à un stress chronique en rapport avec les

conditions de travail, qu’ils puissent s’intégrer dans un processus d’épuisement

professionnel ou faire partie d’une situation de harcèlement moral sont, d’une

part, pris séparément, non spécifiques. D’autre part, ils ne permettent pas de

préjuger des facteurs psychosociaux qui les ont déclenchés. Une attention

particulière doit tout de même être apportée au déroulement dans le temps des

symptômes.

(28)

3.4. La relation médecin généraliste-malade

La relation particulière que le médecin généraliste entretient avec son patient est définie par la WONCA Europe 2002 (société européenne de médecine générale-médecine de famille)

(23)

dans les « définitions européennes des caractéristiques de la médecine générale, du rôle du médecin généraliste et la description des compétences fondamentales du médecin généraliste-médecin de famille ». Elle est propice, par essence, à la prise en compte du stress lié au travail et donc de la souffrance morale liée aux facteurs psychosociaux sur le lieu de travail car l’une des caractéristiques de la médecine générale consiste à

« répondre aux problèmes de santé dans leur dimension physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle en mettant à profit la connaissance et la confiance engendrées par des contacts répétés ».

« La discipline doit reconnaître toutes ces dimensions simultanément et accorder à chacune une importance adéquate. Les comportements face à la maladie et les modes d’évolution des pathologies varient selon ces diverses dimensions. Les interventions qui ne s’attaquent pas à la racine du problème causent beaucoup d’insatisfaction au patient. » Le médecin généraliste est l’interface entre la société et la médecine. Il va intégrer les données bio psychosociales en rapport avec son patient, afin de trouver une solution adéquate au problème posé par son patient.

Il apparaît que ne pas s’attaquer à la racine du problème est source

d’insatisfaction, ce qui signifie dans le contexte de la souffrance morale au

travail que ne pas chercher les causes de la souffrance morale en rapport

avec les conditions de travail, en se contentant de traiter les symptômes

n’est pas une intervention satisfaisante. Il paraît nécessaire de chercher les

causes, ce qui signifie avoir de bonnes connaissances sur les entreprises,

sur les particularités du stress lié au travail, sur ses conséquences

spécifiques et sur les situations qu’il peut masquer: harcèlement moral et

ses diagnostics différentiels (notamment le conflit professionnel, les mauvaises

conditions de travail, les contraintes professionnelles qui peuvent être vécues

comme du harcèlement moral dans beaucoup de situations telles que les décrit

Marie-France Hirigoyen dans le chapitre 1 « Ce qui n’est pas du harcèlement » de

(29)

« Le harcèlement moral dans la vie professionnelle »)

(22)

et l’épuisement professionnel.

Il devrait savoir relier un syndrome dépressif ou une anxiété à un stress lié au travail (capacité d’ «associer les processus décisionnels spécifiques à l’incidence et à la prévalence des maladies en soins primaires »), pour évaluer la pathogénicité du milieu professionnel dans la survenue d’un stress responsable de maladies mentales ou organiques, tout en sachant que les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles n’ont jamais admis que la dépression ou le stress puisse être considéré comme une maladie professionnelle.

Il devrait chercher les informations au moindre doute, que le patient impute ses troubles à ses conditions de travail, qu’il n’en soit pas directement conscient ou qu’il n’ait pas souhaité l’aborder spontanément avec son médecin, dans le but de

« promouvoir l’éducation pour la santé, gérer et coordonner la promotion pour la

santé, la prévention, les traitements ». C’est bien dans la relation généraliste-

patient et dans leur confiance réciproque que se joue l’enjeu car «chaque contact

entre le patient et le médecin généraliste contribue à l’histoire qui évolue et

chaque consultation individuelle peut s’appuyer sur cette expérience partagée. La

valeur de cette relation personnelle est déterminée par les capacités de

communication du médecin généraliste et est en elle même thérapeutique ». La

capacité d’écoute du médecin et son empathie font partie des ressources dont

dispose le patient pour faire face à une situation possiblement génératrice de

stress.

(30)

3.5. Alors, fausse maladie ou vrai symptôme ?

Il existe deux modèles de santé (travaux de J. Bury 1988) avec certainement l’importance pour le médecin généraliste de se situer au milieu, en équilibre entre ces deux conceptions.

Le modèle biomédical décrit la maladie comme un problème organique avec l’idée que toute maladie a une cause sur laquelle on peut intervenir avec succès ou non : ce modèle médical est essentiellement centré sur une approche curative comportant des investigations diagnostiques et des actions thérapeutiques, le médecin étant le seul référent dans cette approche.

Le modèle global (Engel, 1980) tente de montrer que la maladie résulte d’un ensemble complexe de facteurs organiques, psychosociaux, environnementaux avec une approche qui prend en compte les différents facteurs depuis la prévention jusqu’à l’accompagnement du mourrant, modèle dans lequel les différents intervenants de santé sont actifs.

Tout dépend donc de la relation du médecin et de son patient :

Si cette relation s’inspire du modèle de santé bio-médical, le médecin peut mettre en avant un cortège de symptômes et rassembler un faisceau d’arguments à l’interrogatoire pour étayer l’hypothèse d’un stress professionnel. Il sera à même de prescrire des thérapeutiques adaptées aux recommandations de pratique de la bonne médecine, par exemple traiter l’anxiété (annexe 10), l’hypertension artérielle, la dépression avec des stratégies précises. Par contre, il lui sera difficile d’aider le patient à élaborer des stratégies d’adaptation fonctionnelles au stress en amont et en aval. Le patient aura certainement plus de difficultés à se livrer suffisamment tôt et on risque de retrouver des conséquences déjà avancées du stress.

Si la relation est fondée sur le système global, le risque est la perte de temps

massive pour le généraliste, une empathie trop prononcée et un risque d’usure

professionnelle pour le soignant lui même.

(31)

Si la relation entre médecin et patient relève du modèle bio-médical, le stress professionnel est évidemment une fausse maladie. La maladie, ce sont ses conséquences, lesquelles doivent être objectivées et nécessitent des investigations diagnostiques dans un but curatif. Or, il y un risque certain d’escalade médicamenteuse dans la mesure ou l’étiologie de la maladie passe alors au second plan se situant plutôt dans le registre de la compréhension des mécanismes d’adaptation personnelles du patient au stress, de ses ressources et de la toxicité des conditions de travail du patient. Tant que ces registres ne seront pas abordées, le mieux être du patient est un équilibre précaire, soumis au degré d’efficacité thérapeutique et à ses nombreux effets secondaires. Et si quand bien même une psychothérapie acceptée par les deux parties était mise en place, quelle serait sa portée si elle n’était pas judicieusement choisie par le praticien, fonction du projet commun aux deux parties de résolution du problème ? Le risque est la sur-médication et de voir arriver un patient qui, au lieu d’exposer ses troubles, réclamerait du Lexomil® et un arrêt de travail.

Au contraire, une relation plus moderne, s’attachant des deux côtés à accorder à chacun des aspects de la vie du patient une importance dans le déclenchement et/ou dans l’évolution de ses troubles peut être génératrice de confusion. Elle nécessite de la part du généraliste des connaissances en psychologie pointues pour optimiser chacune des données apportées à chaque consultation. Elle représente un idéal qui peut paraître hors de portée dans la pratique quotidienne ou le temps fait souvent défaut et ou les responsabilités de tous ordres pèsent déjà lourd. Ceci étant, le stress professionnel est sûrement un vrai symptôme pour celui qui prend en compte la dynamique habituelle de son patient et son engagement dans son travail.

Alors, une approche intermédiaire est sûrement la plus épanouissante pour les deux parties.

Elle nécessite l’accès du généraliste à des connaissances précises,

connaissances amenées à évoluer mais qui permettent déjà de quantifier le degré

de toxicité du stress professionnel sur un patient. Elle nécessite aussi d’optimiser

le temps de consultation en proposant aux généralistes un algorithme décisionnel

lui permettant de naviguer à vue et de savoir qu’il a organisé la prise en charge de

son patient de la manière la plus adéquate qui soit. Elle justifie certainement la

(32)

peut être de noter dans un registre du dossier médical au fil des consultations telles que les ressources du patient, son engagement professionnel. Dans la prise en charge de n’importe quelle pathologie, il paraît important que le médecin généraliste utilise à bon escient ces données essentielles qui font la force de sa prise en charge. Elles sont de plus nécessaires à l’empathie du Docteur pour leur situation que recherchent souvent les patients, surtout lorsqu’ils sont blessés psychologiquement.

Cette approche sera discutée en fin de thèse.

(33)

3.6. Les données de la littérature

J’ai rapidement constaté le manque considérable de littérature pertinente sur mon sujet en ce qui concerne la prise en charge spécifique au médecin généraliste. Souvent cité, il n’a aucune référence lui permettant de faire le point sur ses connaissances, sur sa pratique, sur sa conduite à tenir en dehors des conférences de consensus de la Haute Autorité de Santé sur des pathologies liées au stress déjà constituées, telles que l’anxiété généralisée, la dépression, l’hypertension, etc.

Les conférences de consensus sur les troubles lipidiques ou l’hypertension artérielle n’ont pas retenu le facteur stress comme un facteur de risque cardio- vasculaire. Le stress apparaît non spécifiquement dans les manuels de médecine générale comme un facteur favorisant certaines maladies (colopathie fonctionnelle, ulcère gastrique, etc. …) sans en préciser le mécanisme.

Ainsi, un article de la Formation médicale continue du généraliste, parue en 2004, relate que « le médecin généraliste a un rôle irremplaçable au niveau individuel pour à la fois dépister et diagnostiquer un stress au travail, évaluer ses conséquences sur la santé et agir en aidant son patient à faire face et à se protéger lui-même »

(24)

.

De même, selon l’OIT (Organisation internationale du Travail, institution spécialisée des Nations Unies), dans un rapport publié en 2000, réduire les situations de stress au travail devient un impératif de santé publique : « Les interventions sur le stress au travail peuvent être primaires (réduction des sources de stress), secondaires (aider les individus à faire face au stress), et tertiaires (prendre en charge les individus affectés par le stress). Dans le cadre de ces deux derniers aspects, le généraliste a un rôle essentiel. »

(25)

Ou encore, «le recours au médecin généraliste est une tentative de déplacer

sur le terrain de la maladie une difficulté d’existence professionnelle qui ne trouve

pas de solution dans les mécanismes de régulation habituels à l’entreprise. C’est

(34)

avant de tenter d’accompagner le salarié souffrant, afin d’évaluer cette situation pathologique et éventuellement de chercher une issue (…) Le monde de l’entreprise dans son mode de fonctionnement et d’organisation, n’est appréhendé par le médecin traitant qu’au travers de la description qu’en fait le patient, elle même empreinte de sa propre histoire. Le recoupement de ces informations, éparses et les connaissances tirées de sa propre curiosité sociale constituent, pour l’essentiel, la représentation que le médecin généraliste se fait de l’entreprise.»

(25)

Pourtant, Madame le docteur Seiler-Van Daal, auteur de la thèse de doctorat en médecine sur la violence morale au travail

(27)

relève que les victimes indiquent rechercher du soutien chez le médecin traitant dans 21 % des cas et avec le médecin du travail dans seulement 8 % des cas.

Marie-France Hirigoyen, dans son ouvrage : « le harcèlement moral dans la vie professionnelle » indique que dans son étude portant sur 193 cas de harcèlement moral

(22)

, 65 % des patients ont demandé de l’aide à leur médecin généraliste.

Médecin généraliste

psychiatre avocat Inspection du travail

Pourcentage de patients ayant demandé de l’aide à

65% 53% 35% 32%

Pourcentage de patients ayant trouvé un aide utile auprès de

42% 42% 18% 10%

Je rejoins donc Patrick Légeron, psychiatre et directeur de Stimulus,

interviewé pour un article du « Généraliste » du 18 Juin 2004 (no 2295)

(28)

. On lui

demande s’ il est normal que les généralistes fassent le lien entre l’augmentation

des arrêts de travail et des conditions de travail de plus en plus difficiles . Il

répond : « on peut toujours faire la chasse aux abus, mais l’essentiel n’est pas la,

et au lieu de taper sur les médecins, on ferait mieux de les former afin qu’ils aient

une meilleure connaissance de l’entreprise, du stress qu’elle génère et des

pathologies qui en découlent. » Il insiste aussi sur la valeur du « droit au retrait »

du travail en médecine du travail, en vertu duquel un individu exposé à un risque

(35)

qui le met en danger, peut refuser d’y être exposé. L’arrêt de travail prescrit par le généraliste est une façon d’exercer ce droit au retrait pour protéger son patient.

Rappelons que ce droit au retrait est une procédure exceptionnelle. Selon l’article L.231-8 du Code du Travail, « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux . » Il est nécessaire de bien connaître comment conseiller aux patients d’appliquer ce droit, en particulier, le salarié doit avoir alerté d’abord sa hiérarchie.

Un exemple de lettre à adresser à son employeur est donnée en annexe 8. Le médecin généraliste est celui qui a délivré les arrêts de travail précédant l’exercice de ce droit de retrait, il devrait être à même de conseiller son patient sur la marche à suivre.

Le rôle du médecin généraliste n’est pas du tout défini : on le cite au mieux dans les intervenants de santé comme « confident privilégié », comme une

« écoute attentive », comme un « prescripteur d’arrêt de travail, anxiolytiques et antidépresseurs », reconnaissant que son rôle est important mais sans définir précisément les grands axes de sa prise en charge. Il me semble que ce manque de formation et d’informations ne va pas dans le sens d’une optimisation des coûts de santé, ni dans celui d’une amélioration du bien être pour le patient comme pour le médecin.

Par contre, la progression des addictions médicamenteuses est bien démontrée. Car faute de pouvoir ou savoir proposer mieux, les médecins généralistes prescriraient trop de psychotropes et trop mal.

La prescription des anxiolytiques doit aujourd’hui être abordée en tenant compte à la fois de leurs indications mais aussi du problème de leur consommation importante constatée en France. Les quantités de médicaments anxiolytiques distribués sont deux à trois fois plus importantes en France que dans la plupart des pays industrialisés

(29)

On peut effectivement se poser la question de savoir si le stress généré par le

travail et le mal être qui en découle ne participent pas pleinement à cette

(36)

3.7. Les différences de prise en charge avec les pays d’Europe du Nord et les pays anglo-saxons

« Aux Etats Unis, on estime que la moitié des indemnités versées par les entreprises à des salariés après condamnation pénale le sont pour stress au travail …En France, elles ne paient pas pour la prise ne charge des individus mis à mal, c’est la collectivité qui paie . En Amérique ou les firmes paient pour ça, elles essaient bien plus de lutter contre le stress ». Beaucoup d'employeurs, conscients du rapport qui existe entre santé et productivité, enrichissent leurs stratégies de gestion de programmes qui aident les travailleurs à résoudre leurs problèmes professionnels, familiaux et existentiels. Patrick Légeron, dans le même article

(28)

, insiste : « Il faudrait bien qu’en France, dans le débat actuel sur l’absentéisme et les arrêts de travail, l’entreprise soit concernée. Mais il n’en est rien ! L’annaes travaille à la mise au point de bonnes pratiques des arrêts de travail, et j’ai participé en tant qu’expert à ce travail ; à ma stupéfaction, nous avons parlé de tout sauf de l’entreprise, qui n’était absolument pas représentée autour de la table ! »

Dans son ouvrage « Le stress au travail » (p. 214)

(30)

, le Dr Légeron affirme que si on a largement recours aux psychotropes dans la prise en charge du stress, c’est d’une part que les médecins sont insuffisamment formés dans ce domaine : « Soumis à des contraintes de temps, ils se contentent trop souvent de prescrire à leurs patients stressés un tranquillisant ou un antidépresseur ». D’autre part, il insiste sur la non-utilisation de stratégies non-médicamenteuse de prise en charge du stress : « L’autre raison est le faible développement en France des stratégies non médicamenteuses de prise en charge du stress, à la différence de ce qui existe dans d’autres pays, anglo-saxons en particulier. Ainsi, en France, un patient qui a des problèmes de sommeil liés au stress a de fortes chances de sortir de chez son médecin avec une ordonnance de somnifères. En Angleterre, ou en Europe du Nord, on lui aurait plutôt conseillé, dans un premier temps, d’apprendre des techniques de relaxation tout aussi efficaces pour retrouver le sommeil. »

Le rapport de la conférence ministérielle européenne de l’OMS sur la santé

mentale de Janvier 2005

(31)

, indique qu’en Europe, certains pays ont adopté une

(37)

législation concernant le stress au travail ; La Suède a fait du stress professionnel une maladie professionnelle : « Les conditions de travail doivent être adaptées aux différentes capacités physiques et mentales des individus. L’employé doit avoir la possibilité de participer à la conception de son cadre professionnel. Les technologies, l’organisation et le contenu du travail doivent être conçus de telle sorte que l’employé ne soit pas soumis à des contraintes physiques ou à un stress mental susceptibles de causer une maladie ou des accidents. Il convient d’éviter ou de limiter les conditions de travail soumises à des restrictions ou des contrôles trop importants . Des efforts doivent être accomplis pour faire en sorte que le travail soit varié et qu’il offre des possibilités de contact social et de coopération, ainsi qu’une cohérence entre les différentes tâches. »

« Le Mental Health Trust, qui fournit des services dans une grande partie du Royaume-Uni, s’est rendu compte que les maladies liées au stress dont souffraient les employés représentaient 20% des causes d’absentéisme. Il a donc mis en place un programme pilote de lutte contre le stress afin de réduire l’anxiété et les tensions de ses employés. Ce programme a notamment permis la création d’un groupe de gestion du stress, d’un groupe d’écoute pour le représentants des employés, d’un atelier sur le stress dans l’entreprise et de groupes d’action. Grâce à ce programme, la part du stress dans les causes d’absentéisme a été réduite de 3 %

(32)

Le rapport du BIT indique que dans certains pays des progrès ont été accomplis dans la prise en charge des problèmes de santé mentale au travail.

La Finlande s'intéresse désormais de près aux questions de santé mentale, tant à l'échelon national que sur le plan international. «La promotion de la santé mentale progresse dans le monde du travail: le concept finlandais d'aptitude au travail englobe non seulement la protection de la santé physique, mais aussi celle de la santé mentale des salariés dans des systèmes d'organisation du travail sains.»

En Allemagne, pays dans lequel les services de santé mentale bénéficient déjà

d'un fort soutien institutionnel et gouvernemental, une importance croissante est

accordée à la promotion de la santé dans les entreprises. Il y existe depuis

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