• Aucun résultat trouvé

Article pp.77-92 du Vol.2 n°1 (2004)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Article pp.77-92 du Vol.2 n°1 (2004)"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

Concevoir et utiliser les formations ouvertes et à distance

Quelles nouvelles compétences pour l’enseignant ?

Arnaud Galisson* — Sarah Lemarchand* — Hugues Choplin**

* ENST, département Innovation pédagogique 37-39, rue Dareau

F-75014 Paris

arnaud.galisson@enst.fr, sarah.lemarchand@enst.fr

** UTC, Service Formation continue Centre de recherche Royallieu BP 20529

F-60205 Compiègne cedex hugues.choplin@utc.fr

RÉSUMÉ. Nous proposons ici une approche de l’univers de la formation ouverte et à distance finalisée par la formation des enseignants et l’identification des principales compétences que ceux-ci doivent maîtriser. Dans cette perspective, notre article se déploie en deux temps : tout d’abord, nous marquons la manière dont les processus de conception semblent exiger une collaboration entre les acteurs de la formation ; ensuite, nous relevons combien l’usage de ces formations ouvertes et à distance semble exiger, en matière de compétences, la régulation et la « pensée dispositif ». La mise en exergue de ces trois compétences est essentiellement issue de nos expériences concrètes de conception et de mise en œuvre de formations ouvertes et à distance.

ABSTRACT. We propose here a distance learning approach finalized for teachers education and the identification of the main skills they have to acquire. This article is divided into two parts : first, we show how distance learning design seems to require collaboration between learning actors. Then, we emphasize the importance of regulation and “system thinking”

required in distance learning. Our concrete experiments of distance learning design and implementation led us to propose these three skills.

MOTS-CLÉS : formation ouverte et à distance (FOAD), conception, mise en œuvre, compétence, coopération, régulation, dispositif complexe, outil de conception, formation de formateurs, tuteur.

KEYWORDS: distance learning, on line resource, e-learning, web-based courses, design, teacher distance learning, cooperation, design tool, teacher education, skill.

(2)

Introduction

Nous essayons, dans cet article, de donner un éclairage de l’univers de la formation ouverte et à distance (FOAD) fortement orienté par trois choix structurants : une importance accordée à la collaboration, un souci d’appropriation par les acteurs et une approche qui tente de se centrer sur l’apprenant. Sur ces bases, nous déterminons les compétences que doit maîtriser, selon nous, l’enseignant du supérieur dans le cadre de la FOAD1. Dans cette perspective, cet article présente d’abord une vision possible de ce que peut être, dans le contexte des écoles d’ingénieurs, un module de FOAD s’adressant à des publics en formation initiale ou continue, familiers de l’usage des technologies et constitués en groupe d’apprenants peu nombreux (15 à 20). Pour cela, il explicite le délicat travail de divers acteurs qui coopèrent à la conception d’un module de formation concret : l’expert contenu, l’apprenant (indirectement), le technologue et « l’ingénieur pédagogique ». Il aborde ensuite les résultats de l’évaluation de la mise en œuvre (réalisée en 2001) de deux modules de FOAD qui mettent en évidence les difficultés de régulation et de maîtrise du dispositif complexe qu’est le module de FOAD. Il termine enfin par les recommandations que nous avons tirées de cette évaluation et que nous avons réinvesties dans la scénarisation de plusieurs modules de FOAD destinés à la formation des enseignants du supérieur. D’une façon générale en effet, les éléments proposés dans cet article sont directement articulés à nos expériences concrètes de FOAD.

Concevoir un module de formation ouverte et à distance

Cette première partie se penche sur la conception coopérative d’un module de formation ouverte et à distance. Elle propose une réponse possible, au problème opérationnel du « faire un module FOAD », et aux deux principales difficultés que nous avons rencontrées lors de ce « faire » : la coopération et la maîtrise du dispositif complexe que constitue le module de FOAD. Notre réponse s’appuie en particulier sur une représentation graphique globale du dispositif (sorte de planning), jouant le rôle d’objet commun, ou intermédiaire (Grégori et al., 1998) facilitant la coopération entre les acteurs impliqués dans le processus de conception des modules de FOAD.

Nous allons faire évoluer un « petit » module de formation traditionnel à partir de sa représentation en planning, afin qu’il puisse être proposé en formation ouverte et à distance. Il sera successivement modelé par quatre types d’acteurs qui nous semblent devoir intervenir et surtout coopérer dans le processus de scénarisation du module de FOAD : l’expert du contenu, dans notre cas un enseignant du supérieur,

1. Il ne s’agit pas de reconstruire un « référentiel compétence » mais, à la lumière du travail effectué en particulier dans le cadre de l'étude CEDEFOP (Haeuw et Coulon, 2001), de définir les compétences qui semblent émerger fortement dans notre contexte.

(3)

l’apprenant, souvent représenté de façon indirecte par un prescripteur de la formation, le technologue, chargé de construire et maintenir une infrastructure technologique capable de supporter le module de FOAD et l’ingénieur pédagogique, garant que le module est utilisable.

Le « petit » module traditionnel (figure 1) que nous allons faire évoluer est constitué initialement de 3 cours en amphithéâtre (soutenu par polycopié

« numérisé »), 2 séances de travaux dirigés en travail individuel, 1 projet (par groupe de 6 étudiants) sur un sujet identique pour tous, qui se termine par 1 séance de présentation-échange des divers résultats (appelée séance de régulation), 1 examen individuel sur table. Ce module, proposé en « mode présentiel » traditionnel, s’adresse à 60 étudiants en formation initiale supérieure (licence ou maîtrise par exemple) et s’étale sur 4 semaines.

Figure 1. Module initial

L’expert contenu

La difficulté que nous avons choisie d’illustrer, lorsque l’« expert contenu » doit basculer son module en une version à distance, porte sur les contenus de ses cours en amphithéâtre. Le polycopié traditionnel numérisé, sans le soutien du cours oral en amphithéâtre, ne permet souvent pas à l’apprenant de comprendre et d’assimiler les notions exposées. L’expert contenu doit donc réécrire ou reformaliser ses ressources pédagogiques, son polycopié. Toutes les informations implicites contenues dans son discours en amphithéâtre (adaptation du contenu, du niveau, du vocabulaire aux réactions de l’auditoire, ajout en réaction au contexte ou à l’actualité) ainsi que tout ce qu’il ajoute lors de ses échanges spontanés avec les apprenants (illustrations, compléments, mises à jour, alertes sur des points particulièrement délicats ou importants) doivent être en partie reformalisés pour l’apprenant distant. L’objectif final de cette « réécriture » est d’aider l’apprenant distant, par exemple, à mieux articuler le contenu présenté dans le polycopié aux

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4

R

P P P P

P P P

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel

cours en amphithéâtre

étude de document

(4)

autres composantes du module ou à hiérarchiser ses connaissances. Toutefois, le coût de réécriture du polycopié, et plus généralement des ressources pédagogiques (même s’il peut être partagé avec d’autres acteurs) est souvent élevé pour l’expert contenu en termes de temps. Il doit donc souvent mettre en place une stratégie de choix (quel cours ou quel contenu faire évoluer) pour contrôler son niveau d’investissement. Cette stratégie peut, par exemple, prendre comme critère la pérennité des connaissances présentées, le niveau de répétition de celles-ci (1, 2, 3 fois par an), l’intérêt personnel qu’il a à les présenter, les difficultés que présente telle ou telle partie du cours pour l’apprenant.

Figure 2. Module suite aux modifications de l’expert contenu

Dans notre exemple (figure 2), l’expert contenu décide de trouver un compromis et de transformer deux de ses cours en amphithéâtre :

– le premier (semaine n° 1), en une « étude » (activité où l’apprenant distant ne travaille individuellement que sur le polycopié réécrit), car il juge les contenus stables et « aisément » formalisables ;

– le troisième, en une « recherche d’informations » (activité où l’apprenant doit recueillir lui même des informations sur un thème précis puis rédiger une synthèse individuelle) suivie d’une séance d’échanges (régulation) en présentiel (semaines 2 et 3). L’expert contenu juge que l’activité « recherche d’informations » est pertinente car le thème traité est en très forte évolution et qu’il pense pouvoir motiver ses étudiants par ce biais. Lors de la séance d’échanges, il pourra donner quelques apports théoriques.

L’expert contenu ne modifie pas le second cours en amphithéâtre et le propose sous forme de conférence traditionnelle en présentiel (regroupement physique des apprenants). Il propose enfin que les travaux dirigés se fassent à distance en s’appuyant sur les énoncés existants.

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4

R

R

P P P P

(5)

L’apprenant

L’apprenant à distance doit gérer une difficulté principale lorsqu’il est dans un contexte de formation à distance : la tension et l’interpénétration de plusieurs espaces-temps parfois en décalage (Collectif de Chasseneuil, 2001). Cette difficulté, lors de la conception du module à distance, est souvent relayée par l’intermédiaire d’un prescripteur qui représente l’apprenant plus ou moins fidèlement (le responsable de module à l’université ou le responsable de formation en entreprise).

Elle se cristallise en particulier sur le « temps de l’apprentissage » du module qui doit essayer de respecter les autres temps de l’apprenant (autres formations, activité professionnelle, vie privée). Mais elle se manifeste également sur le « lieu de l’apprentissage » du module qui doit être aussi peu contraignant que possible et limiter les déplacements géographiques (appelés regroupement par ceux qui les organisent).

Figure 3. Module suite aux modifications de l’apprenant

Dans notre exemple (figure 3), l’apprenant ne peut consacrer que 4 heures de travail par semaine au module, ce qui allonge le module d’une semaine tout en tenant compte de la semaine de vacances (semaine n° 5). D’autre part, il ne peut envisager plus de deux déplacements physiques sur la durée totale du module à distance. Ces contraintes peuvent modifier le module, par exemple de la façon suivante :

– la 1e conférence présentielle (semaine n° 2) est remplacée par une conférence en ligne (équivalent d’un cours en amphithéâtre où l’expert et les apprenants sont seuls devant leur ordinateur, équipé d’une caméra pour celui de l’expert) afin de réduire les déplacements des apprenants ;

– les activités de travaux dirigés sont étalées sur la semaine afin de donner plus de souplesse à l’apprenant dans la gestion de son temps ;

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4 semaine 5 semaine 6

R

R P

(6)

– la séance de présentation-échange des résultats du projet semaine n° 6 (appelée régulation) est mise à distance ;

– la durée globale du module est portée à 5 semaines en respectant les congés de la semaine n° 5.

Le technologue

L’intervention du technologue porte essentiellement sur la faisabilité technologique du module de FOAD ce qui l’amène parfois à contribuer à son évolution. Dans ce cas, l’adaptation du module par le technologue porte principalement sur l’accessibilité de celui-ci par l’apprenant et sur toutes les activités s’appuyant sur un travail synchrone distant. L’apprenant devra-t-il travailler derrière un firewall (cas pour la très grande majorité des entreprises), à partir d’une machine personnelle aux performances (mémoire vive, génération du processeur) ou caractéristiques (pas de microphone ou d’enceintes acoustiques) limitées, par l’intermédiaire d’un réseau à faible ou moyen débit ? Les apprenants auront-ils à remplir des activités synchrones en groupes de taille plus ou moins importante, à partir de nombreux sites géographiques, autour d’un document ou simplement autour d’échanges oraux ou vidéo ?

Figure 4. Module suite aux modifications du technologue

Dans notre exemple (figure 4), le technologue propose que :

– la séance des présentations croisées des projets (semaine n° 6) avec échange en groupe complet (60) ait lieu en présentiel (une technologie permettant de réaliser une telle activité à distance impose des contraintes trop fortes) ;

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4 semaine 5 semaine 6

R

R

P P P

(7)

– et que la conférence à distance de la deuxième semaine ne soit qu’expositive (pas de réaction du public) mais qu’elle puisse être visionnée aussi a posteriori (allongement de l’activité sur 3 jours).

L’ingénieur pédagogique

L’ingénieur pédagogique est garant du « bon suivi » du module par les apprenants, ce qui représente sa principale difficulté. Pour cela il peut essayer de favoriser la motivation des apprenants (rythme régulier des rendus de travaux et des rencontres synchrones) ou la construction d’une certaine autonomie des apprenants au cours de leur démarche d’apprentissage (ressources pédagogiques diversifiées ou facilitant le travail individuel). Pour cela, il peut par exemple prévoir des régulations permettant aux accompagnateurs du module de vérifier l’état d’avancement des apprenants et aux apprenants de faire des bilans réguliers s’ils le souhaitent.

Figure 5. Module suite aux modifications de l’ingénieur pédagogue

Dans notre exemple (figure 5), l’ingénieur pédagogique propose :

– qu’il y ait une séance de régulation au bout de quelques jours pour faire un premier bilan individuel avec chaque apprenant distant (semaine n° 1) ;

– que le module soit moins linéaire, séquentiel (activité après activité) et que l’apprenant puisse faire des choix entre diverses activités (mise en parallèle de l’ensemble, activité « recherche d’informations » et séance d’échange) ;

– que le choix du sujet de projet fasse l’objet d’une séance de régulation regroupée sur une même journée (début de semaine n° 3) avec la séance d’échange

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4 semaine 5 semaine 6

R

R R

P P

(8)

(suite à la recherche d’informations). Ces deux régulations sont proposées en présentiel afin que les apprenants du groupe se rencontre ;

– de regrouper la séance de présentation croisée avec le contrôle (semaine n° 6) pour réduire le nombre de regroupements physiques à 2 ;

– enfin de demander aux apprenants de faire un rendu en fin de semaine n° 4 pour ne pas leur laisser 4 semaines sans « rendez-vous ».

Coopérer et « penser-agir dispositif »

Cette première partie a illustré la construction d’un module de formation à distance, par le biais des modifications, parfois caricaturées, proposées par les divers acteurs de la conception d’un module de FOAD. L’« histoire imaginaire » proposée dans cette partie, où le jeu des acteurs est séquentiel, n’est qu’une construction hypothétique permettant de présenter ce que nous entendons par module de FOAD construit autour de la notion d’activité pédagogique (qui recouvre la majorité des situations pédagogiques proposées à l’apprenant, qu’il soit à distance ou en présence). Dans une conception opérationnelle, d’une part les interventions des acteurs ne sont pas séquentielles mais peuvent être simultanées, et d’autre part elles portent souvent sur des mêmes composantes du module de FOAD, d’où des tensions possibles. Au cœur de ces difficultés, l’enseignant-expert est souvent présent, car la construction du module de formation qu’il réalisait souvent seul, peut être maintenant négociée avec l’ingénieur pédagogique et/ou le technologue. Par exemple, l’ingénieur pédagogique propose d’ajouter un rendu de travail supplémentaire (fin de semaine n° 4) au cours de l’activité « projet » afin de rythmer le travail de l’apprenant. Ceci peut ne pas correspondre à la logique pédagogique de l’enseignant-expert qui n’attend de résultat (« rendu ») qu’à la fin de cette activité (« projet »), deux semaines plus tard. De même, le technologue propose que la dernière conférence à distance ne soit qu’expositive (pas d’interaction possible avec les apprenants) pour des raisons techniques, ce qui peut ne pas correspondre avec les objectifs que l’enseignant-expert a assigné à sa conférence. Ces exemples illustrent bien le fait que l’enseignant, au cœur de ces difficultés, doit maîtriser deux compétences :

– penser-agir le module de FOAD comme un dispositif complexe, combinant des

« situations d’apprentissage complémentaires et plurielles en termes de temps, de lieux, de médiations pédagogiques humaines et technologiques, et de ressources » (Collectif de Chasseneuil, 2001) ;

– coopérer avec les autres acteurs de FOAD.

C’est pour faciliter la mise en œuvre de ces deux compétences lors de la phase de conception d’un module de FOAD que nous avons construit l’« instrument de coopération » qu’est la représentation graphique globale utilisée ici (voir figures 1

(9)

à 5). Pour la rendre manipulable par les divers acteurs, un outil informatique2 a fait l’objet de phases de spécifications-développement et est mis en œuvre à Télécom Paris depuis un an.

Mettre en œuvre un dispositif de formation ouverte et à distance

Nous allons présenter dans cette deuxième partie les résultats de l’expérimentation d’une mise en œuvre concrète de modules de FOAD3. Ces deux modules très contrastés – l’un basé sur le travail autonome, l’autre très accompagné – ont été déployés dans des contextes extrêmement différents : en formation initiale auprès d’élèves d’une école d’ingénieurs, en formation continue auprès de salariés d’un grand groupe industriel international du domaine des télécommunications.

L’accès à ces deux modules s’effectuait via une plate-forme logicielle de formation à distance. L’objet de l’évaluation du projet MIRéHD-EFAD était de tenter de mieux comprendre le lien entre le processus d’autonomisation des acteurs (apprenants, enseignants, etc.) et leurs relations pédagogiques dans le contexte de la FOAD4.

Expérimentation dans le cadre d’une école d’ingénieurs (formation initiale)

Description du module de formation ouverte et à distance

Proposé sur 9 semaines, le module (figure 6) portait sur un thème technologique (réseaux de télécommunications) et se décomposait en un travail en ligne (résolution d’un problème concret) ; un projet pratique individuel ; des études de documents (notions et concepts nouveaux) fournis en ligne et sous forme papier (livre de référence) et une évaluation finale traditionnelle (devoir individuel sur table). D’une façon générale, ce dispositif était conçu de manière à favoriser l’apprentissage individuel. Il proposait un accompagnement léger (un responsable de module et un tuteur à la fois pédagogique et expert) composé d’une réunion présentielle de lancement et d’une visioconférence de suivi à mi-chemin (semaine n° 4).

2. Cet outil a été enrichi et mis en œuvre dans le cadre du projet FIPFOD (voir la partie Conclusion et perspectives).

3. Expérimentation conduite dans le cadre du projet MIRéHD-EFAD (multimédia interactif et réseaux haut débit - expérimentation de formation à distance) animé par le groupe des Ecoles des télécommunications. L’objectif de ce projet était de spécifier la notion de module de FOAD, de concevoir deux modules de FOAD et de les expérimenter afin de développer des éléments méthodologiques susceptibles d’améliorer la conception et l’usage des dispositifs de FOAD destinés à l’enseignement supérieur.

4. Ce travail d'évaluation a été coordonné par D. Paquelin (Université de Bordeaux-3) et réalisé avec la collaboration de J.-M. Everard (Université Catholique de Louvain, Belgique).

(10)

Figure 6. Module destiné à la formation initiale

Déroulement de la formation5

La formation a été suivie par un groupe de 12 élèves vivant sur un même campus. Le responsable du module était distant ainsi que la plate-forme logicielle, pas le tuteur pédagogique-expert (présent sur le campus des élèves). La formation s’est déroulée, selon l’organisation prévue excepté un allongement de 2 semaines (dû aux congés). Elle a abouti à un apprentissage « normal » par les apprenants : ils ont obtenu des résultats comparables à ceux des élèves suivant le même module en présentiel. Au cours de leur formation, les apprenants n’ont que peu fait appel au tuteur pédagogique-expert local. D’un point de vue global, ils ont eu principalement recours à la plate-forme pour accéder aux contenus sous format numérique et à l’organisation planning (qu’ils n’ont pas suivie à la lettre), mais peu pour la fonction de communication. D’autre part, ils se sont beaucoup appuyés sur le support traditionnel papier pour réaliser leur apprentissage.

Analyse de l’expérimentation Penser-agir dispositif

Le recours des élèves à la plate-forme pour accéder à l’organisation planning s’explique probablement par le fait que cet outil propose une représentation graphique globale d’un dispositif complexe, difficile à s’approprier, par exemple en termes de gestion croisée du temps et des tâches. La non-utilisation de la fonction

5. Ces constats puis éléments d'interprétation s’appuient sur l'observation de la formation et sur l'analyse de 13 entretiens qualitatifs (les 12 élèves plus le tuteur).

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4 semaine 5 semaine 6

P

semaine 7 semaine 8 semaine 9

(11)

communication proposée dans la plate-forme s’explique sans doute par la présence des élèves sur le même lieu. Une forte communauté d’apprenants préexistait d’ailleurs dans le cadre de l’école dont le campus est isolé (situé en lointaine banlieue).

Concernant l’utilisation des ressources, le livre de référence a été plus utilisé que les ressources en ligne. Cela peut s’expliquer, d’une part, par des raisons de portabilité et de statut accordé au livre par les élèves (support papier de référence), d’autre part, par l’absence de plus-value des ressources en ligne (essentiellement des transparents commentés textuellement) qui globalement ont été considérées comme pauvres par les élèves. Ces dernières (présentées sous forme de cartes de connaissances) ont toutefois été employées en alternance avec l’ouvrage de référence afin de structurer les recours au livre (le plan et les notions à approfondir dans l’ouvrage).

Nous pouvons retenir de cette situation l’importance de concevoir les ressources et activités pédagogiques dans un souci de complémentarité et de les penser au sein du dispositif global de la formation proposée.

Réguler l’apprentissage, le problème de l’autonomie de l’apprenant et de l’enseignant

Dès le démarrage de la formation et tout le long, les apprenants ont fait preuve, semble-t-il, d’une grande motivation et d’une forte autonomie. Ces deux éléments s’expliquent en partie par un thème de module très prisé par eux (le choix du module ne semble pas avoir été motivé par le format nouveau) et par le fait que ces élèves ont des capacités méthodologiques et métacognitives certaines (Choplin, et al., 2001). De ce fait, l’organisation du module (autogestion légèrement accompagnée) s’est avérée très adaptée au public, voire a officialisée des pratiques

« cachées ». En effet, la possibilité offerte aux élèves de gérer leur apprentissage comme ils le souhaitaient (espace-temps peu contraignant) a légitimé, semble-t-il, les pratiques d’un certain nombre d’entre eux : ceux-là même qui apprennent déjà en autonomie et qui n’ont que peu d’échanges avec l’enseignant en dehors des cours transmissifs. Ce besoin d’autonomie a été satisfait, par ailleurs, par le type de régulation proposé dans le module (organisation autonome, de l’espace et du temps de travail, autorégulation) ainsi que par le type d’accompagnement (relation entre pairs plutôt qu’avec le tuteur), sur des questions de compréhension, de gestion de l’avancement du travail ou de soutien affectif.

Les apprenants n’ont pas fait appel au tuteur pédagogique-expert lui conférant probablement une importance symbolique de garant du contenu et d’aide potentielle, et l’assimilant à une ressource mobilisable parmi d’autres dans le dispositif de formation. L’enseignant a ainsi eu à faire face à une situation qui l’a gêné car il n’avait pas d’indicateur du niveau d’apprentissage des apprenants. Il s’en est ressenti de sa part une forme de désarroi face à une relation pédagogique marquée par l’absence (de moyen de contrôle, de « retour apprenant » et de questions).

(12)

Nous pouvons retenir de cette situation que la relation pédagogique semble avoir été davantage modifiée du point du vue du tuteur (perte des repères traditionnels permettant le suivi de l’apprenant) que du point de vue des élèves (intégration de la formation dans leurs pratiques « cachées »). La régulation nous apparaît de ce fait comme une compétence nécessaire mais complexe à maîtriser par l’enseignant.

Expérimentation dans le cadre d’un groupe industriel (formation continue)

Description du module de formation ouverte et à distance

Proposé sur 7 semaines, le module (figure 7) portait sur un thème technologique différent du premier (Protocole Internet) et se décomposait principalement en un projet en petit groupe (résolution d’un problème concret) ; une recherche d’informations indispensables au projet (perspectives et contenus théoriques évolutifs) et des études individuelles (concepts et notions nouvelles) de documents fournis uniquement en ligne.

Figure 7. Module destiné à la formation continue

Ce dispositif se basait sur un apprentissage très accompagné par un responsable de module, un tuteur pédagogique, un expert et un apprenant « relais local ».

L’accompagnement était organisé autour de deux réunions de lancement de la formation (semaines 1 et 2), d’un projet tutoré, de deux conférences (une présentielle et une à distance) et de deux séances de suivi-bilans à mi-parcours (semaine n° 4) et en fin de formation (semaine n° 7).

travaux dirigés examen sur table projet

recherche d’information régulation

conférence à distance R : rendu de l’apprenant

P : présentiel cours en amphitéâtre

étude de document

semaine 1 semaine 2 semaine 3 semaine 4 semaine 5 semaine 6

P

P

P R

semaine 7

(13)

Déroulement de la formation6

La formation a été suivie par un groupe de 9 salariés travaillant sur un même site géographique. Le responsable du module, le tuteur pédagogique et l’expert étaient distants (ainsi que la plate-forme logicielle), l’apprenant « relais local » était avec les salariés. Une semaine et demi après le démarrage du module, les apprenants ont remis en cause le dispositif de formation proposé entraînant sa mise en sommeil.

Après une forte adaptation de la formation intégrant entre autres des cours du soir (mise à niveau dispensée par un expert local) et des ressources pédagogiques enrichies, la formation a repris selon un format traditionnel ponctué de conférences à distance.

Analyse de l’expérimentation

L’influence du contexte sur l’apprentissage

L’apprentissage semble avoir été déterminé lors de cette formation par plusieurs éléments liés au contexte dans lequel elle s’est déployée (groupe industriel, et relation entre ce groupe et le groupe responsable de l’expérimentation). Tout d’abord, au niveau du groupe industriel – inscrit dans un environnement économique peu favorable –, les apprenants recrutés pour cette formation se sont avérés être d’un niveau très hétérogène, et pour certains, dans une situation professionnelle particulièrement délicate (la suite de leur carrière pouvant dépendre de la réussite au module). Cette situation, découverte en cours de formation, a suscité d’autant plus de difficultés non anticipées qu’elle était associée à une tension entre deux « mondes sociaux » (Blandin, 2002) différents : celui de l’industrie et celui de l’enseignement supérieur. L’aspect expérimental (monde « enseignement supérieur ») s’est en effet avéré difficilement compatible avec la réelle exigence de formation des apprenants et l’attente du groupe industriel en matière de prestation de formation avec résultats à l’appui. Le dispositif expérimenté ne correspondait pas à la pédagogie attendue par l’industriel. Il favorisait l’autonomisation de l’apprenant, lui permettant par exemple, de développer une capacité à gérer l’évolution de ses connaissances. Il mettait l’accent sur la régulation et l’animation de la formation, ainsi que sur l’activité projet, entendue comme une application collaborative permettant de valoriser et mettre en œuvre les connaissances acquises.

Or, il semble que la culture de formation interne du groupe industriel essaie plutôt de répondre à un « juste à temps » (Caspar, 1998) organisé autour d’informations rapidement opérationnelles, ce qui explique en partie l’attente des apprenants en termes de connaissances « prédigérées ». Comme si, finalement, le dispositif n’avait pas été suffisamment négocié (Jacquinot et Choplin, 2002) entre les deux mondes !

6. Ces constats, puis éléments d'interprétation s'appuient sur l'observation de la formation et l'analyse de 8 entretiens qualitatifs (3 élèves, plus 5 autres acteurs du dispositif, appartenant soit à l'industriel, soit à l'équipe responsable de sa conception et de son expérimentation).

(14)

Jeu des acteurs : le problème de la collaboration

Contrairement à l’expérimentation en école d’ingénieurs, les différents accompagnateurs du dispositif ont été largement sollicités pour réguler la formation qui ne semblait pas convenir aux objectifs et attentes des apprenants.

Un problème de collaboration entre ces accompagnateurs a été constaté à deux niveaux. Les relations entre l’apprenant « relais local » et les tuteurs extérieurs (de Télécom Paris) semblent avoir été marquées par la concurrence et non par la complémentarité initialement prévue (l’apprenant « relais local » devait constituer un lien entre apprenants et tuteurs extérieurs) et dont on connaît l’importance (Glikman, 2002).

Des problèmes de collaboration se sont manifestés également au niveau des relations entre le responsable du module, l’expert et le tuteur pédagogique. La répartition des rôles et des responsabilités de chacun semble ne pas avoir été effectuée de façon adéquate (renvoi des problèmes aux autres quand une crise émergeait).

Les moyens mis en place pour faciliter l’appropriation du dispositif et du rôle des accompagnateurs peuvent aussi être partiellement remis en cause : la préformation qui avait été proposée et suivie par les tuteurs (comprenant un temps d’analyse de la plate-forme de formation et un temps de réflexion globale sur la régulation à distance) paraît ne pas avoir été suffisante. Cette préformation se serait avérée d’autant plus importante que la motivation et l’implication des accompagnateurs sont liées à la difficulté à s’approprier un module de FOAD dont la conception s’est réalisé sans eux (Collectif du Moulin, 2002). Il conviendrait donc sans doute de plus centrer cette préformation sur le module spécifique et ses contenus, mais aussi de proposer une formation plus large intégrant l’acquisition des nouvelles compétences demandées à l’enseignant dans le cadre de la FOAD : collaboration, régulation et maîtrise de l’ensemble du dispositif de formation.

Conclusion et perspectives : former les enseignants Trois compétences à maîtriser !

A la lumière de notre description d’une conception de dispositif de formation ouverte et à distance (première partie de cet article), et de notre analyse de l’expérimentation EFAD (seconde partie de l’article), nous proposons de distinguer trois compétences que devrait maîtriser l’enseignant : collaborer tout au long de la

« vie » d’un module de FOAD, réguler l’apprentissage de l’apprenant et du groupe, et enfin « penser-agir dispositif », l’idée de dispositif incluant aussi la prise en compte du contexte de la formation ouverte et à distance.

Ces trois compétences, parfois déjà mobilisées par les enseignants dans la formation traditionnelle, semblent être plus difficiles à mettre en œuvre dans le

(15)

contexte de la conception et de la mise en œuvre de FOAD. La collaboration ne se fait plus entre pairs mais avec des acteurs ayant des cultures et des modes de travail très divers (technologue, pédagogue, chef de projet). En outre, elle n’est pas toujours officiellement valorisée pour l’enseignant. Avec la distance, la régulation (le suivi de l’apprentissage des apprenants) ne peut plus être réalisée de façon implicite lors d’échanges informels avec les apprenants et les autres acteurs de la formation. Elle doit être formalisée, programmée et mise en œuvre de façon rigoureuse. Le module de formation n’est plus un ensemble « simple » de cours, TD, TP proposé dans un milieu maîtrisé, mais bien un dispositif pédagogique complexe plongé dans un contexte très présent, mal connu et souvent évolutif.

Un moyen : des modules de formation

Les enjeux de la FOAD engagent selon nous des processus d’innovation complexes qui touchent à la fois les objectifs et le positionnement de l’établissement d’enseignement supérieur, son organisation, l’ensemble de ces acteurs et son public.

En particulier, l’exigence de coopération portée par la FOAD (Collectif du Moulin, 2002) semble entrer en tension avec l’organisation, à la fois bureaucratique et professionnalisée, des institutions d’enseignement traditionnelles (Cros, 1998).

Trois stratégies a priori complémentaires peuvent être mises en place pour favoriser et accompagner ce processus : la légitimation par la hiérarchie, la mise en œuvre d’expérimentations et la « formation accompagnement » des acteurs de la FOAD (Bonami et Garant, 1996). Après la mise en œuvre d’expérimentations, nous avons choisi de centrer notre action sur la troisième stratégie : la formation- accompagnement des enseignants.

C’est dans cette perspective et afin de mettre en commun notre expérience avec plusieurs partenaires, que Télécom Paris a animé le projet FIPFOD (formation à l’ingénierie pédagogique de la formation ouverte et à distance)7. Suite à ce projet, la cellule d’accompagnement pour l’ingénierie de la formation ouverte et à distance (CAIFOD8) a été crée en juin 2003. Elle vise à aider et accompagner les enseignants et les personnels IATOS, dans leur processus d’acquisition de nouvelles compétences lié à l’ingénierie de la FOAD.

Dans ce cadre, les modules de formation-accompagnement proposés par Télécom Paris, visent principalement trois fonctions ou « métiers » (concepteur de module de FOAD, concepteur de documents pédagogiques innovantes, accompagnateur-tuteur) et ont pour objectif de développer les trois compétences qui nous semblent cruciales : coopérer, réguler et « penser-agir dispositif ».

7. FIPFOD : projet en partenariat avec l’UTC, le GRECO, l’INPL, l’Université d’Aix Marseille 2 et la société Synergie 3R qui a été retenu à l’appel d’offre « Campus numérique 2001 » (http://agora2.grenet.fr/QuickPlace/fipfod/Main.nsf/).

8. www.ip.enst.fr/caifod

(16)

Bibliographie

Blandin B., « Les mondes sociaux de la formation », in Education permanente, Les TIC au service des nouveaux dispositifs de formation, n° 152, 2002.

Bonami M., Garant M. (éd.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation, Emergence et implantation du changement, De Boeck Université, Paris, Bruxelles, 1996.

Caspar P. (dir.), Nouvelles technologies éducatives et réseaux de formation, des entreprises parlent de leurs expériences, Editions d’Organisation, 1998.

Choplin H., Dubois V., Galisson A., Rouet J.-F., Everard J.-M., Paquelin D., « Des nouveaux outils au processus d’innovation pédagogique : qui est l’élève ? », in Spirales, n° 28, Université Lille-3, 2001.

Collectif de Chasseneuil, Accompagner les formations ouvertes, conférence de consensus, L’harmattan, Paris, 2001.

Collectif du Moulin, Intégrer des dispositifs de formations ouverts et à distance, qui ont été conçus ailleurs, dans des établissements de l’enseignement supérieur, conférence de consensus, Campus numérique 2000 n° 15, coordination : Groupe des Ecoles des Télécommunications, L’harmattan, Paris, 2002.

Cros F. (dir), Dynamiques du changement en éducation et en formation – INRP - IUFM, Versailles, 1998.

Grégori N., Blanco E., Brassac C., Garro O., « Analyse de la distribution en conception par la dynamique des objets intermédiaires » in Actes de 01 DESIGN’1997, Théoule-sur-mer, édité par Europia Productions, Paris, 1998.

Glikman V., « Apprenants et tuteurs : une approche européenne des médiations humaines », in Education permanente, Les TIC au service des nouveaux dispositifs de formation, n° 152, 2002.

Haeuw F. et Coulon A., Etude Cedefop, Algora, 2001.

Jacquinot G. et Choplin H., « La démarche dispositive aux risques de l’innovation », in Education permanente, Les TIC au service des nouveaux dispositifs de formation, n° 152, 2002.

Références

Documents relatifs

Selon le Cspla, les agents publics entrent ainsi dans le champ de la législation sur la propriété littéraire et artistique et cèdent les droits d’exploitation de l’œuvre créée

Ce point est capital dans son argumentation, d’autant qu’il reprend également la thèse de Larry Cuban selon laquelle pour la première fois dans l’histoire des

Merci à la rédaction de Distances et savoirs de m’avoir invité à réagir à la recension par Daniel Apollon dans son n° 3 de 2003 de mon livre L’accès au savoir en ligne.

Elle est utile aux auteurs comme aux experts, que le texte parvienne dans les pages de Distances et savoirs aujourd’hui, ou qu’il soit simplement une étape d’un travail

The successful formula of this Course involves speakers of various countries with different back- grounds, practices and cultures, around practical themes.. The number of

L'evaluation neurophysiologique du plancher pelvien (pr Lefaucheur) tout en 6tant une extension de l'examen neurologique clinique, s'avere utile dans l'evaluation des

A virtual training centre is already in exis- tence at Aga Khan University in Karachi, and the first electronic courses on viral hepatitis and therapeutic

Les experts invitrs ?ace congrrs se basent non seulement sur la littrrature actuelle, mais encore, ce qui est d'importance, sur leur exprrience pratique