Énoncé
Dans ce problème, lorsque P est un polynôme, on notera simplement P (a) le résultat de la substitution de X par a dans P .
Un nombre de Pisot est un nombre réel strictement plus grand que 1 et qui est racine d'un polynôme unitaire de degré au moins 1 , à coecients dans Z et dont toutes les autres racines dans C sont de module strictement plus petit que 1 .
On peut le reformuler ainsi : θ ∈ R est un nombre de Pisot si et seulement si θ > 1 et s'il existe P ∈ Z [X ] de coecient dominant 1 tel que
∀u ∈ C : u 6= θ P (u) = 0
)
⇒ |u| < 1
Partie I. Exemples
On note
1θ
0=
12(1 + √
5) et, pour tout n ∈ N
∗,
P
n= X
n(X
2− X − 1) + X
2− 1
1. En considérant X
2− X − 1 , montrer que θ
0est un nombre de Pisot.
2. Étude de P
1= X
3− X − 1 .
a. Montrer que P
1a une unique racine réelle
2, notée θ
1et appartenant à ]1, √ 2[ . b. Montrer que θ
1est un nombre de Pisot.
c. Montrer que
θ1θ−11= 1 + θ
1+ θ
21. 3. Étude de P
2= X
4− X
3− 1 .
a. Former le tableau de variations de la fonction d'une variable réelle associée à P
2. En déduire que P
2admet deux racines réelles notées α et θ
2avec α < θ
2. Où se placent-elles par rapport à −1 , 0 , 1 ?
b. Montrer que P
2(−
θ12
) est strictement négatif.
c. Montrer que θ
2est un nombre de Pisot.
4. a. Pour tout n ∈ N
∗, montrer que P
nadmet une racine réelle dans ]1, θ
0[ . On admet qu'elle est unique et que c'est un nombre de Pisot. On le note θ
n. b. Calculer puis factoriser le reste de la division de P
n+1par P
nen traitant à part
les cas n = 1 et n = 2 . En déduire que (θ
n)
n∈N∗
est strictement croissante.
c. Montrer que (θ
n)
n∈N∗
converge vers θ
0.
1Ce réelθ0est aussi appelé nombre d'or.
2Ce réelθ1est appelé aussi nombre d'argent ou nombre plastique.
Partie II. Algorithme d'Euclide.
Soit y 6= 1 un nombre complexe.
1. Calculer la suite, commençant par X
3− X − 1, X
2− y , des polynômes obtenus par l'algorithme d'Euclide.
2. a. Caractériser de deux manières la propriété : X
3− X − 1 et X
2− y ont une racine en commun dans C.
b. En déduire que θ
21est un nombre de Pisot et préciser un polynôme unitaire de Z [X] dont il est la seule racine de module strictement plus grand que 1 .
3. Montrer que θ
31est un nombre de Pisot et préciser le polynôme de Z [X ] dont il est la racine de module strictement plus grand que 1 .
Partie III. Puissances presque entières.
Soit a
1, a
2, a
3trois nombres complexes non nuls. On note S
0= 3 et, pour tout n non nul dans Z, S
n= a
n1+ a
n2+ a
n3.
Dans cette partie, a
1, a
2, a
3sont les trois racines complexes du polynôme P
1= X
3− X −1 déni en I et le nombre de Pisot θ
1déni en I.2 et racine de P
1sera désigné par θ .
1. a. Calculer S
1, S
2, S
−1.
b. Calculer S
3et montrer que la suite (S
n)
n∈N
vérie une relation de récurrence à préciser.
2. a. Montrer que, pour tout x réel, | sin x| ≤ |x| . b. Montrer que, pour tout k et n dans N,
sin
2(πθ
k) ≤ 4π
2θ
k,
n
X
k=0
sin
2(πθ
k) ≤ 4π
2θ θ − 1 3. Soit u > 0 . Montrer que la suite Q
nk=0
cos(uθ
−kn∈N
est convergente. Dans toute la n de cette partie, sa limite est notée Γ(u) .
4. Soit n naturel non nul et s
1, s
n, · · · , s
ndans ]0, 1[ . Montrer que (1 − s
1)(1 − s
2) · · · (1 − s
n) ≥ 1 − (s
1+ s
2+ · · · + s
n) 5. a. Montrer que Q
nk=0
cos
2(πθ
−kn∈N
converge vers un réel A > 0 . b. Montrer que Q
nk=0
cos
2(πθ
kn∈N
converge vers un réel B > 0 . c. Montrer que Γ(πθ
m)
2m∈N
converge vers AB . En déduire que Γ ne converge pas
vers 0 en +∞ .
Corrigé
Partie I. Exemples
1. On vérie que θ
0est une racine de X
2− X − 1 . L'autre racine de ce polynôme est u = −
θ10
qui appartient à ] − 1, 0[ . On en déduit que θ
0est un nombre de Pisot.
2. Étude de P
1= X
3− X − 1 .
a. On calcule la dérivée de la fonction associée à P
1et les valeurs aux extréma locaux :
P
10(x) = 3x
2− 1, P
1(− 1
√
3 ) = −1 − 2 3 √
3 < 0, P
1( 1
√
3 ) = 2 − 3 √ 3 3 √
3 < 0 On en déduit le tableau de variations.
−∞ −
√13
√1
3
+∞
< 0 +∞
P
1% & %
−∞ < 0
Il montre que P
1admet une seule racine réelle (on la note θ
1) et qu'elle est strictement supérieure à
√13. De plus, dans [1, √
2] , la fonction est croissante et P
1(1) = −1 < 0 , P
1( √
2) = √
2 − 1 > 0 entraine 1 < θ
1< √ 2 .
b. L'étude précédente montre que P
1admet une seule racine réelle. Ses deux autres racines complexes sont non réelles et conjuguées, notons les u et u ¯ . D'après les relations entre coecients et racines d'un polynôme, le produit de ces racines est l'opposée du coecient de degré 0
θ
1u u = 1 ⇒ |u|
2= 1 θ
1< 1
Les deux autres racines sont donc de module strictement plus petit que 1 et P
1satisfait aux conditions requises, θ
1est un nombre de Pisot.
c. On peut écrire la relation satisfaite par θ
1sous une autre forme : θ
13− 1 = θ
1⇒ (θ
1− 1)(θ
21+ θ
1+ 1) = θ
1⇒ θ
1θ
1− 1 = 1 + θ
1+ θ
123. Étude de P
2= X
4− X
3− 1 .
a. Calculons et factorisons la dérivée de la fonction associée : P
20(x) = x
2(4x − 3) . Elle change de signe uniquement en
34. On en déduit le tableau de variations dans lequel on insère les signes de quelques valeurs faciles à calculer.
P
2(−1) = 1, P
2(0) = 1, P
2(1) = −1
−∞ −1 0
341 +∞
+∞ +∞
&
> 0 %
P
2&
< 0 < 0
& %
On en déduit que P
2admet deux racines réelles α et θ
2telles que
−1 < α < 0 < 1 < θ
2b. Calcul de P
2(−
θ12
) . On réduit au même dénominateur puis on exprime θ
42à l'aide de l'équation.
P
2(− 1 θ
2) = 1
θ
42+ 1
θ
32− 1 = 1 + θ
2− θ
42θ
42= 1 + θ
2− θ
32− 1
θ
42= 1 − θ
22θ
23< 0
c. On déduit de la question b. et du tableau de variations que −1 < α < −
θ12
ce qui entraine (−α)θ
2> 1 .
Soit u et u les racines complexes non réelles de P
2. D'après les relations entre coecients et racines, on peut exprimer le produit des quatre racines
α θ
2u u = −1 ⇒ |u|
2= 1 (−α)θ
2< 1
Le polynôme P
2satisfait aux conditions, la racine θ
2est donc un nombre de Pisot.
4. a. Par un calcul immédiat, P
n(1) = −1 et P
n(θ
0) = θ
20− 1 > 0 . Le théorème des valeurs intermédiaires montre que P
na une racine dans ]1, θ
0[ . L'énoncé nous demande d'admettre que c'est la seule racine dans cet intervalle et que toutes les autres sont de module strictement plus petit que 1 .
3On note θ
ncette racine qui est donc un nombre de Pisot.
b. Après calcul, le reste de la division de P
2par P
1est X
2− 2 = (X − √
2)(X + √ 2)
Pour n ≥ 2 , les calculs conduisent à des restes de la même forme. Le reste de la division de P
n+1par P
nest
−X
3+ X
2+ X − 1 = −(X − 1)
2(X + 1)
On en déduit que P
2(θ
1) = θ
12−2 < 0 donc θ
1< θ
2d'après le tableau de variations de P
2.
Pour n ≥ 2 ,
P
n+1(θ
n) = −(θ
n− 1)
2(θ
n+ 1) < 0 donc θ
n< θ
n+1d'après la dénition de θ
n+1.
c. Remarquons que θ
nest l'unique réel vériant x
n= x
2− 1
−x
2+ x + 1
Notons f la fonction du second membre. Elle est dénie dans R \ {θ
0, −
θ10
} et permet d'exprimer P
ndans ce domaine sous la forme.
P
n(x) = (x
2− x − 1) (x
n− f (x))
Pour tout ε > 0 , notons λ
ε= θ
0− ε . Lorsque ε est assez petit, on a 1 < λ
ε< θ
0. Considérons la suite géométrique de raison λ
ε. Elle diverge vers +∞ . Il existe donc un entier n
εtel que λ
nεε> f(λ
ε) . On en déduit P
nε(λ
ε) < 0 (car x
2− x − 1 est négatif entre ses racines) puis θ
nε> λ
ε. Comme la suite des θ
nest croissante, on a λ
ε= θ
0− ε < θ
n< θ
0pour tous les n > n
εce qui prouve la convergence de la suite vers θ
0.
3Ce résultat est démontré à l'aide du théorème de Rouché dans le problème introduction aux fonctions d'une variable complexe.
Partie II. Algorithme d'Euclide
1. Après calculs, la suite de polynômes formées par l'algorithme d'Euclide est X
3− X − 1, X
2− y, (y − 1)X − 1, 1
(y − 1)
2− y
2. a. Première caractérisation. Les deux polynômes ont une racine en commun si et seulement si leur pgcd est de degré strictement plus grand que 1 soit
1
(y − 1)
2− y = 0
Deuxième caractérisation. Les deux polynômes ont une racine en commun si et seulement si y est le carré d'une racine de P
1.
b. D'après a. que y 6= 1 est le carré d'une racine de P
1si et seulement si 1−y(y−1)
2= 0 . Autrement dit, les trois racines complexes de
Q
2= 1 − X (X − 1)
2sont les carrés des racines de P
1. Si celles ci sont u, u, θ
1, celles de Q
2sont u
2, u
2, θ
21. Ce qui montre que θ
21est la seule racine de Q
2dont le module n'est pas strictement plus petit que 1 . Ainsi, θ
21est un nombre de Pisot.
3. On raisonne comme en 2. avec P
1et X
3− y . L'algorithme d'Euclide conduit à X
3− X − 1, X
3− y, −X + y − 1, (y − 1)
3− y
On en déduit que θ
13est un nombre de Pisot qui est la seule racine de module strictement plus grand que 1 du polynôme
(X − 1)
3− X
On montre ainsi que toute puissance d'un nombre de Pisot est un nombre de Pisot.
Partie III. Puissances presque entières.
1. a. Notons, comme d'habitude, σ
1, σ
2, σ
3les polynômes symétriques élémentaires formés à partir de a
1, a
2, a
3. D'après les relations entre les coecients et les racines de X
3− X − 1 :
σ
1= 0 σ
2= −1 σ
3= 1
⇒
S
1= 0
S
2= σ
21− 2σ
2= 2 S
−1= σ
2σ
3= −1
b. Chaque racine a
ide P
1vérie a
3i= a
i+ 1 . On en déduit S
3= S
1+ S
0= 3 . Plus généralement, en multipliant par des puissances de a
i, on obtient :
∀n ≥ 3, S
n= S
n−2+ S
n−32. a. L'inégalité | sin x| ≤ |x| résulte immédiatement de l'inégalité des accroissements nis appliquée dans l'intervalle d'extrémités 0 et x .
b. On a démontré dans la partie I (question 2.b.) que P
1avait une seule racine réelle θ
1(noté ici θ ) et deux racines complexes conjuguées notées u et u vériant
|u| ≤
√1θ1
. On en déduit
S
k= θ
k+ u
k+ u
k= θ
k+ 2 Re(u
k) ⇒ θ
k= −2 Re(u
k) + S
kComme S
kest à valeurs entières à cause de la relation de récurrence, on en tire
| sin(πθ
k)| = | sin 2π Re(u
k)
| ≤ 2π| Re(u
k)| ≤ 2π|u
k| ≤ 2π θ
k2Ce qui montre la relation demandée pour les carrés. En sommant, des termes en progression géométriques apparaissent :
n
X
k=0
sin
2(πθ
k) ≤ 4π
21 + θ
−1+ · · · + θ
−n= 4π
21 − θ
−n−11 − θ
−1≤ 4π
21
1 − θ
−1= 4π
2θ θ − 1 3. Notons p
nle produit proposé. Comme θ > 1 , il existe un K à partir duquel les uθ
−ksont
strictement plus petits que
π2ce qui assure que les cosinus sont positifs et strictement plus petits que 1 . La suite proposée est donc décroissante et positive au dela de K . Cela assure sa convergence. La suite complète est obtenue par une simple multiplication par le réel p
Kce qui ne change rien à la convergence.
4. On raisonne par récurrence sur n . Pour n = 1 , il n'y a pas grand-chose à montrer ! Montrons que l'inégalité pour n entraine celle pour n + 1 . Les hypothèses entrainent que tous les facteurs sont positifs et
(1 − s
1) · · · (1 − s
n)(1 − s
n+1) ≥ 1 − (s
1+ · · · + s
n) (1 − s
n+1)
= 1 − (s
1+ · · · + s
n+ s
n+1) + (s
1+ · · · + s
n) s
n+1| {z }
>0
≥ 1 − (s
1+ · · · + s
n+1)
5. a. La convergence est évidente car il s'agit d'une suite positive et décroissante (on multiplie par des facteurs entre 0 et 1). Le point dicile est de justier que la limite est strictement positive.
On a déjà prouvé que
∀n ∈ N , 1 + θ
−1+ · · · + θ
−n≤ θ θ − 1 De même,
∀n ∈ N , 1 + θ
−2+ · · · + θ
−2n≤ θ
2θ
2− 1
Comme θ > 1 , si ρ est un nombre dans ]0, 1[ , il existe un entier K tel que, pour tous k ≥ K et tout n ≥ 0 ,
π
2θ
−2k1 + θ
−2+ · · · + θ
−2n≤ π
2θ
−2kθ
2θ
2− 1 < ρ On en déduit, en utilisant les questions 2.a. et 4.,
K+n
Y
k=K
cos
2(πθ
−k) =
K+n
Y
k=K
(1 − sin
2(πθ
−k))
≥ 1 −
K+n
X
k=K
sin
2(πθ
−k) ≥ 1 − π
2θ
−2k1 + θ
−2+ · · · + θ
−2n≥ 1 − ρ
Par passage à la limite dans une inégalité, on obtient A ≥ (1 − ρ)
K−1
Y
k=1
cos
2(πθ
−k) > 0
b. Le raisonnement est le même qu'en a. sauf que cette fois la majoration des sin vient de la question 2.b.
c. Par dénition, Γ(πθ
m) = lim
n
Y
k=0
cos(πθ
m−k)
!
k∈N
et
n
Y
k=0
cos(πθ
m−k) =
m−1
Y
k=0
cos(πθ
m−k)
n
Y
k=m
cos(πθ
m−k) =
m
Y
k=1
cos(πθ
k)
n−m
Y
k=0
cos(πθ
−k)
en changeant le nom des indices dans les produits.
On en déduit
Γ(πθ
m)
2=
m
Y
k=1
cos(πθ
k)
!
2A =
m
Y
k=0
cos(πθ
k)
!
2A
car cos(πθ
k) = −1 . D'où
lim Γ(πθ
m)
2m∈N