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Le respect de la dignité des femmes dévoilant une agression à caractère sexuel:perspectives d'intervenantes sociales et communautaires Montréalaises

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Academic year: 2021

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(1)

LE RESPECT DE LA DIGNITÉ DES FEMMES

DÉVOILANT UNE AGRESSION À CARACTÈRE SEXUEL : PERSPECTIVES D’INTERVENANTES

SOCIALES ET COMMUNAUTAIRES MONTRÉALAISES

Kharoll-Ann Souffrant (260640031) School of Social Work McGill University, Montreal

August 2019

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Social Work - Graduate Option in Gender and Women's Studies

© Kharoll-Ann Souffrant, 2019

All rights reserved.

This thesis may not be reproduced in whole or in part, by photocopy or other means, without the permission of the author.

(2)

TABLE DES MATIÈRES

ABSTRACT ... 5

RÉSUMÉ ... 5

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ... 6

LISTE DES TABLEAUX ... 8

LISTE DES FIGURES ... 9

REMERCIEMENTS ... 10

PRÉFACE ... 12

INTRODUCTION... 15

CONTRIBUTION DE L’AUTEURE ... 19

CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS ... 20

1.1 L’agression à caractère sexuel ... 21

1.1.1 Des définitions variant selon le contexte ... 21

1.1.2. Des appellations différentes pour décrire l’expérience d’une agression à caractère sexuel ... 24

1.1.3. Des dispositions législatives pour prévenir et contrer les agressions à caractère sexuel ... 26

1.1.4. Un phénomène difficile à quantifier ... 31

1.1.5. Les femmes comme principales victimes d’agressions à caractère sexuel ... 32

1.1.6. Les caractéristiques des agressions à caractère sexuel ... 33

1.1.7. Les conséquences d’une agression à caractère sexuel ... 33

1.2. Le dévoilement d’une agression à caractère sexuel ... 34

1.2.1. La décision de dénoncer : ce qui motive le dévoilement d’une agression à caractère sexuel et les réponses sociales positives ... 34

1.2.2. Les barrières au dévoilement et à la dénonciation et les réponses sociales négatives aux agressions à caractère sexuel ... 38

1.3. La dignité humaine ... 46

1.3.1. Historique du concept de dignité humaine ... 46

1.2.2. La dignité humaine dans le réseau de la santé et des services sociaux ... 47

1.2.3. Intervenir avec dignité auprès des femmes victimes de violences conjugales... 48

1.2.4. Les conséquences du non-respect de la dignité humaine ... 49

1.4. Agressions sexuelles, dévoilement et dignité: pertinence de l’étude, objectifs et questions de recherche ... 50

CHAPITRE 2 – CADRES THÉORIQUES... 51

2.1. Les principales théories explicatives de l’agression sexuelle ... 51

2.1.1. Les théories biologiques et évolutionnistes ... 52

2.1.2. Les théories sociologiques, structurelles et systémiques ... 53

2.1.3. Les théories criminologiques ... 53

2.1.4. Les théories psychologiques ... 54

2.1.5. Les théories intégratives... 55

2.1.6. Les théories féministes ... 57

2.2. Les théories explicatives féministes des agressions sexuelles ... 58

2.2.1. Le mouvement féministe et ses différentes vagues ... 58

2.2.2. Le mouvement féministe et ses différents courants ... 59

2.2.3. Les mythes entourant les causes des agressions sexuelles selon les féministes ... 61

(3)

2.3.1. Remonter aux origines de l’intersectionnalité ... 63

2.3.2. Quelques définitions de l’intersectionnalité et regards sur l’évolution du concept ... 64

2.3.3. L’avènement du concept d’intersectionnalité au Québec ... 65

2.3.4. Les critiques du concept d’intersectionnalité ... 65

2.4. De l’intervention féministe à l’intervention féministe intersectionnelle ... 66

2.5. La perspective anti-oppressive ... 68

2.5.1. Qu’est-ce que l’oppression ? ... 68

2.5.2. L’évolution de la perspective anti-oppressive en travail social au Canada et au Québec ... 70

2.5.3. Les critiques de la perspective anti-oppressive... 72

2.6. Féminisme intersectionnel et perspective anti-oppressive: utilité pour ce mémoire ... 73

CHAPITRE 3 – DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ... 75

3.1. Rappel des objectifs et des questions de recherche ... 75

3.2. Financement ... 75

3.3. Procédure d’approbation éthique ... 76

3.3.1. Considérations éthiques ... 76 3.4. Approche de recherche ... 77 3.4.1. Grille d’entrevue ... 77 3.5. Recrutement ... 78 3.5.1. Population ciblée ... 78 3.5.2. Sites de recrutement ... 79 3.5.3. Échantillonnage ... 79 3.5.4. Critères d’inclusion ... 80

3.6. Le comité aviseur, son rôle et sa composition ... 80

3.7. Collecte de données ... 82

3.7.1. Confidentialité des données de la collecte ... 82

3.8. Méthode d’analyse des données... 83

3.9. Stratégies pour la validité et la rigueur de l’étude ... 83

CHAPITRE 4 – RÉSULTATS ... 85

Portrait des participantes ... 85

Résumé des résultats ... 87

VOLET 1 – La dignité telle que définie par les participantes ... 88

VOLET 2 – Les composantes d’une intervention digne ... 89

Offrir un soutien inconditionnel et porteur d’espoir ... 89

Mettre en place des conditions propices à l’épanouissement de la relation d’aide ... 91

Favoriser l’autodétermination sans contrainte ... 92

Prendre en compte le contexte d’origine des survivantes ... 94

Répondre aux besoins physiologiques et affectifs ... 96

VOLET 3 – Les barrières à la mise en place d’une intervention digne ... 98

La non-reconnaissance sociale de la violence faite aux femmes ... 98

Le sous-financement des organismes communautaires et institutionnels ... 99

L’accès limité à certains services psychosociaux ... 99

Le manque et/ou le non-respect des protocoles ... 104

La rareté des services pour les victimes mineures dont l’agression a été jugée non fondée ... 105

Le type de questions posées lors l’entrevue policière auprès des victimes... 106

(4)

Le processus judiciaire non adapté aux victimes d’agressions sexuelles ... 107

VOLET 4 – Pistes de solutions suggérées ...108

Créer une culture du consentement par la formation et la sensibilisation... 109

Renforcer et élargir la capacité d’action des organismes qui interviennent auprès des victimes d’agressions sexuelles ... 110

Prendre soin de sa propre dignité et intégrité psychologique comme intervenante ... 111

CHAPITRE 5 – DISCUSSION ... 112

5.1. Analyse et interprétation des résultats ...112

5.1.1. La dignité telle que définie par les participantes ... 112

5.1.2. Les composantes d’une intervention digne ... 114

5.1.3. Les barrières à la mise en place d’interventions dignes... 117

5.1.4. Pistes de solutions suggérées et implications pour la pratique et les politiques sociales ... 118

5.2. Forces et limites de l’étude ...119

CONCLUSION ... 122

Points saillants des résultats ...123

Implications pour les politiques publiques ...123

Implications pour la pratique ...124

Pistes pour d’éventuels projets de recherche futurs ...124

BIBLIOGRAPHIE ... 126

ANNEXES ... 140

A- Affiche de recrutement ...140

B- Message promotionnel (courriel et réseaux sociaux) ...141

C- Certificat d’approbation éthique ...142

D- Certificat d’acceptation de la demande d’amendement ...143

(5)

ABSTRACT

The present study seeks to document the perspectives of psychosocial workers from the community sector, institutional setting or private practice in Montreal (Quebec, Canada), in regard to the social responses that respect the dignity of female sexual assault survivors. Perspectives on social responses covered variety of settings, including the health and social services network, law and order institutions, schools, the mainstream media or governments. This qualitative study included eight individual interviews and one focus group with a total of 11 female psychosocial workers. The thematic analysis shed light on three main aspects of the data collected: 1) the way these workers define dignity in relation to their clinical work and beyond; 2) their concerns regarding the ways in which sexual assault disclosures are managed across different settings, and 3) their recommendations in order to better respect dignity in sexual assault survivors.

Keywords : dignity, sexual assault, feminism, psychosocial interventions.

RÉSUMÉ

La présente étude a cherché à documenter les perspectives d’intervenantes en relation d’aide, provenant du milieu communautaire, social et privé montréalais (Québec, Canada), quant aux réponses sociales qui respectent la dignité des femmes agressées sexuellement. Ces réponses sociales incluaient une diversité de secteurs tels que le réseau de la santé et des services sociaux, les institutions d’ordre et de la justice, les écoles, les médias ou encore les gouvernements. S’appuyant sur les principes de l’analyse qualitative, huit entretiens et un groupe de discussion ont été réalisés avec un échantillon total de 11 intervenantes. L’analyse thématique réalisée sur les données colligées a permis de mettre en lumière : 1) la manière dont ces intervenantes définissent une intervention digne auprès de la population ciblée; 2) les inquiétudes partagées quant à la gestion des dévoilements réalisés par des femmes survivantes d’agression à caractère sexuel et 3) leurs suggestions afin de mieux respecter la dignité des femmes agressées sexuellement.

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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACTS – Association canadienne des travailleurs sociaux

ADS – Analyse différenciée selon les sexes

ACS – Agression à caractère sexuel

AS – Agression sexuelle

AQPV – Association québécoise Plaidoyer-Victimes

BAVAC – Bureau d’aide aux victimes d’actes criminels

CALACS – Centres d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel

CAVAC – Centre d’aide pour les victimes d’actes criminels

CCDV – Charte canadienne des droits des victimes

CNESST - Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail

DPJ – Direction de la protection de la jeunesse

DUDH – Déclaration universelle des droits de l’Homme

EGS – Enquête sociale générale de Statistiques Canada

ÉSPT – État de stress post-traumatique

FI – Féminisme intersectionnel

FITS – Fédération internationale des travailleurs sociaux

HCDH – Haut Commissariat des Droits de l’Homme des Nations Unies

IF – Intervention féministe

IFI – Intervention féministe intersectionnelle

IVAC – Indemnisation aux victimes d’actes criminels

INSPQ – Institut national de santé publique du Québec

LPJ – Loi de la protection de la jeunesse

OMS – Organisation mondiale de la santé

(7)

OTSTCFQ – Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du

Québec

PAO – Perspective anti-oppressive

RQCALACS – Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte aux agressions à

caractère sexuel

TCACSM – Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal

(8)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 – Résumé des théories explicatives de l’agression sexuelle

Tableau 2 – Résumé des principaux courants féministes tiré du Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (2019)

Tableau 3 – Division sociale et formes spécifiques d’oppression et de discrimination, adapté de Pullen Sansfaçon dans Dorvil et Harper (2013)

Tableau 4 – Durée des entretiens par participante Tableau 5 – Portrait démographique des participantes

Tableau 6 – Résumé des résultats mis en relation

Tableau 7 – Les composantes d’une intervention digne auprès des survivantes d’agressions sexuelles

Tableau 8 – Les barrières à la mise en place d’interventions dignes auprès des survivantes d’agressions sexuelles

(9)

LISTE DES FIGURES

Figure 1 – Âge du consentement sexuel au Canada (par Miller, Cox et Saeywc, 2010).

(10)

REMERCIEMENTS

Dans un premier temps, je tiens à remercier mes parents de me soutenir dans tout ce que j’entreprends. Merci d’avoir cru en moi, en mes possibilités et de me permettre chaque jour de vivre une vie à mon image, à la hauteur de mes rêves et aspirations. Merci de n’avoir jamais freiné mon élan malgré vos inquiétudes de parents. Merci à mes petites sœurs – Yasmeen, Michelle et Amélia – ainsi qu’à mon petit frère – Junior – de m’inspirer à être la meilleure version de moi-même afin d’être un exemple positif à vos yeux.

J’aimerais remercier les enseignants qui ont traversé ma route tout au long de mon parcours scolaire et qui m’ont transmis la passion de l’apprentissage. J’ai une admiration sans bornes pour vous et vous avez fortement contribué à ma persévérance scolaire de la maternelle à l’université. Une mention spéciale pour Samaël Beaudoin : merci de faire partie de ma vie jusqu’à aujourd’hui et de m’accepter entièrement, avec mes zones d’ombre et de lumière.

J’aimerais remercier ma directrice de mémoire, Delphine Collin-Vézina, pour son écoute, sa disponibilité, ses conseils judicieux ainsi que pour son optimisme face à moi et à ma capacité de réaliser ce mémoire.

J’aimerais également remercier Janie Dolan-Cake, Emma Nÿs, Caroline Deslauriers et Vicky Boldo d’avoir participé au processus de comité aviseur de ce projet de recherche ainsi que Marie-Eve Turcotte, Jill Hanley, Simon Lapierre et Thierry Casséus pour leur soutien. Merci également à Elizabeth Harper pour vos commentaires constructifs, honnêtes et réfléchis m’ayant permis de solidifier mon projet de recherche.

Merci à mes ami.es (vous savez qui vous êtes !) dont la confiance face à ma capacité de réussir ma maîtrise n’a jamais été ébranlée et a toujours été réitérée, même lorsque je traversais des périodes de doutes et de remises en question. Merci de m’avoir dit à plusieurs reprises que je suis à ma place (et d’y croire !)

C’est important pour moi de souligner l’initiative de toute l’équipe de Thèsez-Vous. Merci d’exister. Vous êtes arrivés au bon moment dans mon parcours scolaire et vous avez certainement permis de me rendre au bout de ce processus.

(11)

Finalement, je tiens à souligner le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds de recherche du Québec – volet Société et culture pour mes études de maîtrise. Merci également à l’Université McGill, aux Offices internationaux jeunesse du Québec (LOJIQ) et le Réseau québécois en études féministes (RéQEF) de m’avoir permis de prendre part à une conférence internationale dans le cadre de mes études de 2e cycle.

(12)

PRÉFACE

Mon intérêt pour la question des agressions à caractère sexuel commises à l’endroit des femmes remonte à mon adolescence. Je me souviendrai toujours d’une collègue de classe qui avait dévoilé avoir été agressée sexuellement aux mains d’un garçon de notre école secondaire. Rapidement, la nouvelle s’était propagée comme une trainée de poudre. J’ai d’abord été très surprise de constater la virulence des réactions dont cette adolescente a été victime : on la traitait de « menteuse qui ne voulait que de l’attention ». Devant le tonnerre de boucliers visant à la discréditer, elle s’est faite silencieuse et nous n’avons plus jamais réentendus parler de cette histoire par la suite. À l’époque, je ne connaissais pas la signification du mot « culture du viol » et je ne me réclamais pas de l’étiquette féministe qui m’était tout à fait étrangère. Mais j’ai ressenti de la confusion devant le fait qu’on avait condamné aussi rapidement une personne qui disait avoir été victime d’un crime. Cette adolescente avait partagé une expérience, qui à mon sens, nécessitait de la compassion et de l’écoute. Je demeure perturbée, à ce jour, par le manque d’empathie et la violence des réactions qu’elle a reçue après avoir dévoilé une expérience traumatique aussi intime.

Au fil des ans, j’ai reçu des dizaines de témoignages de femmes – proches ou moins proches, inconnues ou pas – qui m’ont exprimé avoir vécu une agression à caractère sexuel au cours de leur vie, sous une forme ou sous une autre, et ce, dans de multiples contextes. Le premier choc a été de prendre conscience de l’ampleur de la problématique qui visiblement n’avait absolument rien d’anecdotique. Mais le deuxième choc aura été de constater l’impunité, la banalisation et la normalisation de ces violences commises généralement à l’endroit des femmes qui traversaient tous ces témoignages. J’ai réalisé assez rapidement que les agressions à caractère sexuel sont le seul crime pour lequel on déresponsabilise les fautifs tout en plaçant les victimes au banc des accusés, tant au sens propre que figuré. J’ai toujours été très sensible aux injustices, et celle-là me semblait en être une très grande qu’il me fallait combattre d’une façon ou d’une autre. Devant l’ampleur de la problématique – je suis convaincue que chacun et chacune d’entre nous connaissent au moins une survivante d’agression à caractère sexuel, et ce, même sans le savoir – je suis très confuse également de constater que cette question ne suscite pas davantage d’indignation et de changements de fond tant au niveau des institutions, de la société que des gouvernements, et ce, malgré les mouvements #AgressionNonDénoncée (en 2014) et #moiaussi (en 2017) dont les effets à très long terme se font encore attendre.

(13)

J’ai complété un diplôme en Intervention en délinquance au cégep puis un baccalauréat en service social à l’université. Parallèlement à mes études, j’ai été bénévole, stagiaire et employée dans deux Centres d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel (CALACS) à Montréal. J’ai également œuvré auprès d’autres populations, notamment les femmes et les enfants fuyant la violence conjugale. Les mêmes constats ont refait surface dans plusieurs milieux pour lesquels j’ai travaillé bénévolement ou professionnellement. Les mêmes types témoignages qui parvenaient à mes oreilles. Ce qui ressortait, encore une fois, était le peu de valeur que l’on donnait à la parole et aux expériences des femmes. C’est donc assez naturellement que j’ai décidé de dédier mes études et mes intérêts de recherche à la question des violences sexuelles commises à l’endroit des femmes. Il était devenu difficile pour moi de tolérer l’inacceptable et je me devais de canaliser cette indignation dans quelque chose de constructif.

C’est donc aux survivantes d’agression à caractère sexuel et à leur courage que je dédie ce mémoire de maîtrise ainsi qu’à toutes les intervenantes et militantes féministes qui œuvrent – souvent dans l’ombre et au prix de nombreux sacrifices – pour que le vécu des survivantes soit entendu, écouté, mais surtout cru.

(14)

« Imaginez une société, qui affirme être un état de droit, dans laquelle une portion de la population s’engage régulièrement dans des actes nuisibles de violence sexuelle contre un autre segment de la population,

et ce, dans une quasi totale impunité au point de vue légal. Le Canada est une telle société. »

- Elaine Craig, Ph.D dans Putting Trials on Trial: Sexual Assault and the Failure of the Legal Profession

(15)

INTRODUCTION

La problématique des agressions à caractère sexuel constitue un phénomène mondial faisant des femmes et des filles les principales victimes de ce crime. Dans le monde, on estime qu’une femme sur trois sera victime d’agression(s) physique(s) et/ou sexuelle(s) aux mains d’un étranger et/ou d’un partenaire intime au cours de sa vie (ONU Femmes, 2018). En Amérique du Nord, on estime qu’une femme sur cinq sera victime d’une agression à caractère sexuel, et ce, avant l’âge de 18 ans (Hébert et coll., 2009). Les agressions à caractère sexuel touchent une grande diversité de femmes, et ce, indépendamment de leur revenu, de leur âge ou de leur niveau d’éducation (ONU, 2015). Par son ampleur, les agressions à caractère sexuel constituent un problème de société dont on ne peut évacuer sa dimension genrée et systémique. Ce fléau entraine de nombreuses conséquences sur le plan de la santé physique, sexuelle, comportementale et/ou psychologique, conséquences ayant des répercussions sur l’ensemble de la collectivité (Collin-Vézina, Daigneault et Hébert, 2013).

Malgré la prévalence de ce phénomène, les agressions à caractère sexuel demeurent à ce jour l’un des crimes les moins déclarés aux autorités policières. Les chiffres fournis par l’Enquête sociale générale (ESG) de Statistiques Canada en 2014 faisaient état que seulement 5% des victimes d’agressions à caractère sexuel porteraient plainte. Entre 2009 et 2014, on dénombrait que 12% des agressions à caractère sexuel ayant été signalées aux autorités policières ont mené à une condamnation criminelle (Rotenberg, 2017). Une récente étude menée par Frenette et ses collaborateurs (2018) a permis de mettre en lumière les nombreuses barrières auxquelles font face les femmes qui désirent dénoncer des agressions à caractère sexuel de manière formelle. Parmi ces barrières on nomme la crainte de ne pas être crues, une attitude culpabilisante des acteurs judiciaires, la connaissance des sentences clémentes ainsi que le manque d’informations sur le processus judiciaire. Ces propos suggèrent que le système de justice revictimise les survivantes d’agressions à caractère sexuel qui choisissent de dénoncer aux autorités policières. Il n’y a pas que le système judiciaire qui comporte des barrières pour les victimes d’agression à caractère sexuel. Les travaux de Sarah Ullman (notamment Ullman et Filipas, 2001) réalisés principalement aux États-Unis ont avancé que les survivantes qui dévoilent avoir vécu une agression à caractère sexuel à des instances « formelles » (par ex. : professionnel de la santé et des services sociaux) sont plus susceptibles d’être confrontées à des réactions négatives.

(16)

À la lumière de ces résultats préoccupants, il est donc important de mieux comprendre les éléments essentiels d’une réponse sociale bienveillante qui permettraient aux victimes d’obtenir l’aide dont elles ont besoin. Notamment, les travailleurs sociaux et les travailleuses sociales sont fréquemment amenés à intervenir auprès de victimes d’agression à caractère sexuel – parfois même sans le savoir d’emblée – et leurs interventions peuvent influencer l’expérience de dévoilement de celles-ci. Selon l’Association canadienne des travailleurs sociaux (ACTS, 2005), la dignité est énoncée comme valeur première de la profession, socle sur lequel repose toute intervention sociale auprès des individus, des familles et des collectivités. Pourtant, peu d’études s’est penché sur la façon dont la dignité est définie, intégrée et actualisée en relation d’aide auprès de cette population, et, selon une diversité d’acteurs amenés à intervenir auprès des survivantes féminines d’agression à caractère sexuel. C’est ce à quoi cette étude tente de répondre.

Pour ce faire, 11 intervenantes sociales œuvrant à Montréal (Québec, Canada) dans le réseau de la santé et des services sociaux et/ou dans le milieu communautaire et/ou en pratique privée ont été rencontrées. L’objectif de l’étude était de mieux comprendre la façon dont elles définissent une intervention digne auprès des femmes ayant été agressées sexuellement. Elles ont aussi eu à se prononcer sur les barrières et les obstacles à la mise en place de telles interventions. Ainsi, ce mémoire de maîtrise comporte cinq chapitres qui se déclinent comme suit.

Dans un premier temps, une recension des écrits (chapitre 1) sera présentée sur les trois piliers de ce projet de recherche : les agressions à caractère sexuel, le dévoilement d’une agression à caractère sexuel et le concept de dignité. Plus précisément, ce chapitre nous aidera à poser des assises sur lesquelles le lecteur pourra s’appuyer pour comprendre les enjeux dominants face à cette problématique sociale. Ainsi, le chapitre 1 recensera, de manière non exhaustive, les principales définitions et la terminologie employées pour qualifier le phénomène sur la scène internationale, canadienne et québécoise ainsi que certains des débats qui y sont rattachés. Plusieurs dispositions législatives étant actuellement en vigueur dans le monde, au Canada et au Québec seront également présentées. L’ampleur de la problématique des agressions à caractère sexuel, le fait que les femmes en soient les principales cibles ainsi que les caractéristiques les plus communes de ce crime seront démontrées, statistiques et études à l’appui. Autre élément à ne pas négliger : les conséquences des agressions à caractère sexuel chez les femmes survivantes et leurs proches. Les impacts des agressions à caractère sexuel

(17)

seront mis de l’avant tout en soulignant les barrières que les victimes rencontrent lorsqu’elles dévoilent l’agression vécue à des instances dites « formelles » qu’elles soient communautaires, institutionnelles, policières ou judiciaires. Les éléments qui motivent les femmes à dénoncer et à dévoiler les agressions sexuelles vécues, en dépit des barrières identifiées, seront également mentionnés. La fin de ce chapitre sera consacrée au concept de dignité tel que mentionné dans plusieurs codes d’éthique et de déontologie en travail social. Concept peu théorisé en travail social, nous nous pencherons sur son application dans les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales, un milieu de pratique près de la question des agressions à caractère sexuel. Cela nous permettra de dresser des parallèles avec le sujet à l’étude.

Le chapitre 2 sera consacré aux cadres théoriques. Dans un premier temps, plusieurs théories explicatives des agressions à caractère sexuel (biologiques, évolutionnistes, sociologiques, systémiques, structurelles, criminologiques, psychologiques, intégratives et féministes) seront entrecroisées. Cela nous permettra de dégager les points de convergence et de divergence que plusieurs chercheurs de disciplines variées ont mis de l’avant pour comprendre les causes de ce problème social. Après ce bref survol, nous nous arrêterons aux deux cadres d’analyse retenus pour ce mémoire : le féminisme intersectionnel et la perspective anti-oppressive. Nous insisterons sur leur pertinence pour ce projet de recherche. Ainsi, ce chapitre nous permettra de mieux comprendre la nécessité de prendre en compte la pluralité des expériences des survivantes d’agressions sexuelles ainsi que leurs besoins spécifiques. La perspective anti-oppressive, qui a grandement influencé le champ du travail social tant dans l’analyse et l’intervention face aux problématiques sociales, sera mise de l’avant. Nous comprendrons, à la fin de cette section, que le concept de dignité nommé comme étant un incontournable en travail social trouve des échos en ces deux cadres d’analyse.

La démarche méthodologique employée pour ce projet de recherche sera étayée dans le

chapitre 3. Après un bref rappel des objectifs du projet de recherche ainsi que la mention du financement ayant rendu ce travail possible, le processus dans son ensemble sera détaillé : procédure d’approbation éthique et enjeux relatifs à l’éthique; la justification de l’emploi d’approches qualitatives; le recrutement et les critères d’inclusion; les modalités de la collecte et de l’analyse des données ainsi que les stratégies qui donnent une rigueur à ce mémoire (notamment la mise sur pied d’un comité aviseur).

(18)

Le noyau du projet de recherche sera décrit dans le chapitre 4 avec les résultats des entretiens menés. Ces résultats se décuplent en quatre grands « volets » qui se divisent en sous-thématiques. Ces volets présentent la définition attribuée à la dignité par les participantes tant de manière générale qu’en contexte d’intervention spécifiquement auprès de survivantes d’agressions à caractère sexuel. Il y aura une présentation des barrières propres au dévoilement d’une agression à caractère sexuel (et qui mettent en péril la dignité des femmes survivantes) telles qu’identifiées par les participantes. Nous présenterons également des pistes de solutions proposées par les participantes pour rehausser et/ou maintenir la dignité des femmes ayant vécu une agression à caractère sexuel. Tout au long de ce chapitre, une analyse des propos des participantes sera effectuée. Bien que les participantes abondent généralement dans le même sens, nous verrons qu’il y a des dissonances perceptibles sur certains aspects de leurs propos ainsi que certaines zones de contradictions chez elles, ce que nous tâcherons de mettre en lumière.

Une discussion (chapitre 5) portant sur les résultats obtenus mis en croisement avec la problématique qui nous occupe (chapitre 1), les cadres théoriques (chapitre 2) ainsi que les questions de recherche énoncées dans le chapitre 3. Les limites et les points forts du projet de recherche seront présentés. Cela sera fait tout en prenant en compte la portée d’un projet de recherche exploratoire de type qualitatif avec un petit échantillon comme celui que nous avons ici.

Enfin, ce mémoire se terminera avec un retour succinct sur la problématique abordée dans ce mémoire. La conclusion insistera sur la pertinence de ce projet de recherche ainsi que sur sa validité scientifique. Des faits saillants du chapitre 4 seront également réintroduits tout en ouvrant la porte à des pistes de recherche futures, des implications pour la pratique et pour les politiques sociales.

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CONTRIBUTION DE L’AUTEURE

L’ensemble des étapes ayant mené à ce mémoire a été mené par moi : entrevues individuelles, transcription des entrevues, analyse des résultats, et écriture du mémoire. La grille d’entrevue et le projet de recherche ont été bâtis avec la rétroaction de ma directrice de mémoire, Delphine Collin-Vézina ainsi que de celle d’un comité aviseur composé de Vicky Boldo, Janie Dolan Cake, Emma Nÿs et Caroline Deslauriers. Le groupe de discussion a été conduit par moi avec la collaboration de Janie Dolan Cake, membre du comité aviseur.

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CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS

Ce premier chapitre se divisera en trois grandes parties.

Dans un premier temps, nous dresserons un portrait sommaire des agressions à caractère sexuel au Québec et au Canada en abordant les diverses définitions employées pour nommer ce problème social incluant celles utilisées à l’échelle internationale. Nous ferons mention des principaux dispositifs légaux, étatiques et internationaux existant face à ce phénomène. Nous traiterons des débats existant dans les milieux féministes face aux appellations « victime » et « survivante ». Nous verrons également les estimations existantes quant à l’ampleur et la prévalence des agressions à caractère sexuel ainsi que les caractéristiques et les conséquences les plus communes de ce crime chez les victimes et leurs proches.

Dans un deuxième temps, la question du dévoilement des agressions à caractère sexuel sera traitée en lien avec les éléments qui facilitent le dévoilement ainsi que ceux qui musèlent la parole des personnes survivantes. Nous verrons que l’expérience de dévoilement a un lien intime avec le respect de la dignité considérant son influence sur le processus de guérison des femmes survivantes. Le dévoilement sera mis en lien avec plusieurs milieux de pratique (communautaire, institutionnel, judiciaire et policier).

Finalement, une amorce quant à la définition du concept de dignité sera étayée en dressant des liens avec son historique en plus d’aborder sa résonnance dans les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales. Ce contexte de pratique se rapproche de la question des agressions à caractère sexuel. Ce choix est fait en raison de la rareté des études francophones et/ou québécoises portant spécifiquement sur la dignité, le dévoilement et les agressions à caractère sexuel.

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1.1 L’agression à caractère sexuel

1.1.1 Des définitions variant selon le contexte

Il existe plusieurs définitions de l’agression à caractère sexuel à l’échelle internationale, canadienne et québécoise.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2012) utilise le vocable de « violence sexuelle » pour englober diverses formes de violences à caractère sexuel telles que le viol conjugal, le harcèlement sexuel, l’esclavage sexuel et les viols systématiques (particulièrement en contexte de conflits armés) ou encore le mariage forcé, pour ne nommer que ceux-là. Ainsi, l’OMS (ibid) définit la violence sexuelle comme étant :

Tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail.

Le Haut-Commissariat des droits de l’Homme (HCDH) relate que la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes1, adoptée en 1993 par les Nations Unies,

stipule que « la violence physique, sexuelle et psychologique, perpétrée ou tolérée par l’État, où qu’elle s’exerce » constitue une forme des violences à l’égard des femmes.

Figure 1 - Âge du consentement sexuel au Canada (Miller, Cox et Saeywc (2010)

Au Canada, sur le plan légal, l’emploi de la force dans un contexte sexuel où il y a absence de consentement est requis pour constituer une infraction au Code criminel. Une myriade d’infractions à caractère sexuel y sont d’ailleurs consignées telles que l’exhibitionnisme, le voyeurisme, l’incitation à des contacts sexuels, l’exploitation sexuelle ou le

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tourisme sexuel entre autres (Code criminel, 1985). De plus, des dispositions spécifiques entourant l’âge légal du consentement sexuel – fixé à 16 ans depuis 2008 – y sont décrites (Éducaloi, 2018) (voir Figure 1). Dans le cas de mineurs âgés de 12 ou 13 ans, une différence d’âge de deux ans entre les deux partenaires est tolérée pour considérer le consentement comme étant valide. Pour des mineurs âgés de 14 et 15 ans, c’est une différence d’âge de cinq ans qui est considérée acceptable entre les deux partenaires. Néanmoins, dans tous les cas d’activités sexuelles impliquant des mineurs, le consentement n’est plus valide au sens de la loi si le plus vieux des deux partenaires était en position d’autorité, d’exploitation ou de confiance face au mineur, et ce, même si ce dernier était âgé de 16 ans et que les activités sexuelles ont été « volontaires » de part et d’autre. Dans le cas d’une personne majeure, l’absence de consentement aux gestes à caractère sexuel ayant été posés à son endroit est valable pour constituer une infraction criminelle (ibid).

À l’échelle provinciale, c’est en 2001, dans ses Orientations gouvernementales en matière d’agressions sexuelles que le gouvernement québécois adopte la définition suivante :

Une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux, notamment à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne. (p.22)

Cette définition de l’agression sexuelle diffère cependant de celles utilisées par certains groupes communautaires québécois ou par la Direction de la protection de la jeunesse (qui sont pourtant également de compétence provinciale).

Notamment, le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) utilise l’appellation « abus sexuel » pour parler des agressions commises à l’endroit de mineurs. C’est aussi le vocable employé dans la Loi de la protection de la jeunesse (LPJ). Cette définition condamne la recherche de gestes à caractère sexuel jugés inappropriés quant à l’âge et au développement d’un enfant ou d’un adolescent. Ces gestes mettent en péril sa sécurité et son développement dans un contexte où l’agresseur est en position d’autorité et/ou de domination ou possède des liens de sang avec le mineur (Institut national de santé publique du Québec - INSPQ, 2018). Le DPJ est appelé à intervenir lorsque les parents « ne prennent pas les moyens nécessaires pour

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mettre fin à la situation » au sens des intervenants sociaux mandatés par l’État pour statuer sur la présence ou l’absence d’une situation de compromission pour le mineur (Gouvernement du Québec, 2019a). Les enfants ayant un « risque sérieux » ou une grande probabilité d’être victime d’abus sexuels peuvent aussi faire l’objet d’une intervention du DPJ si les parents ne se mobilisent pas pour assurer la sécurité et l’intégrité de leur(s) enfant(s) (ibid).

Finalement, le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel (RQCALACS) mise une analyse féministe, intersectionnelle et contextualisée des agressions à caractère sexuel. En bonifiant les définitions précédentes, le Regroupement (2015) met en exergue les rapports de pouvoir existant au sein de la société et qui visent à maintenir principalement les femmes, les adolescentes et les enfants dans une position subordonnée à celle des hommes. Pour le RQCALACS, la problématique des agressions à caractère sexuel s’inscrit dans un continuum de violences commises à l’endroit des femmes de manière plus large. Ces contextes – historique et social - permettent à ces violences de prendre racine et de s’exprimer de manière systémique et structurelle, plutôt que strictement individuelle.

À la lumière de la diversité de ces définitions et de ces appellations, nous constatons qu’en filigrane des débats qui y sont rattachés, un même message est martelé: une agression sexuelle est un acte répréhensible qui porte atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes qui en sont la cible.

Dans les prochaines sections, nous verrons, études et statistiques à l’appui, que les agressions à caractère sexuel ciblent principalement les femmes comme victimes. De plus, l’ampleur de cette problématique fait en sorte qu’on ne peut concevoir les agressions à caractère sexuel comme étant des situations isolées ou un « fait divers ». Ce projet de recherche s’inscrit dans une analyse qui considère l’existence de systèmes en place dans nos sociétés qui perpétuent et maintiennent ces violences. Un cadre d’analyse féministe (et par le fait même politique) s’impose donc pour combattre cette problématique à la racine qu’elle soit complémentaire à d’autres types d’analyses (ou pas). De plus, nous verrons également que certaines catégories de femmes sont surreprésentées parmi les victimes de ces crimes, tout en ayant, paradoxalement, un accès diminué aux services juridiques, communautaires et psychosociaux. Ces catégories de femmes reçoivent également moins d’attention médiatique

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prend toute sa pertinence pour rehausser la dignité et la voix de ces femmes dont le vécu est souvent ignoré, voire invisibilisé.

Ainsi, pour le présent mémoire, une considération particulière pour l’analyse féministe et intersectionnelle des agressions à caractère sexuel mise de l’avant par le RQCALACS sera préconisée. De plus, le choix d’employer l’appellation « agression à caractère sexuel » (ou « agression sexuelle ») plutôt qu’ « abus sexuel » n’est pas un hasard. Le terme « abus » est peu employé par les milieux féministes. En plus d’être un calque de l’anglais (sexual abuse), le terme « abus sexuel » constitue une appellation qui édulcolore la violence, contribue à la normalisation de la violence patriarcale en plus d’être un frein à la lutte à ce que les féministes appellent la culture du viol (Ricci, 2017). Dans ce mémoire, cette appellation sera délaissée pour insister sur le fait que l’agression à caractère sexuel constitue une prise de pouvoir et de contrôle et que la sexualité y a peu à voir. De plus, le vocable « d’agression sexuelle » s’arrime avec la terminologie actuellement employée dans le Code criminel canadien qui vise à élargir la représentation collective que nous nous faisons d’une agression à caractère sexuel. Ces violences prennent diverses formes (par ex. : viol, attouchements, voyeurisme, exhibitionnisme, etc.). La posture prise dans ce mémoire veut que les diverses formes d’agressions à caractère sexuel ne peuvent être hiérarchisées, car elles peuvent générer une diversité de conséquences chez les personnes qui en sont victimes indépendamment de la « gravité » perçue et attribuée au crime posé.

Les mots ont donc une importance lorsque l’on parle d’un sujet aussi sensible que les agressions sexuelles. Dans le même esprit, le choix de faire référence aux personnes qui subissent les agressions par le terme « victime » ou « survivante » est également un autre débat de sémantique incontournable lorsqu’il est question de l’expérience vécue par les premières ciblées par ces violences.

1.1.2. Des appellations différentes pour décrire l’expérience d’une agression à caractère sexuel

Il est important de souligner que lorsque l’on parle des femmes ayant vécu une agression à caractère sexuel, il existe des positions divergentes au sein du mouvement féministe quant à l’utilisation du terme « victime » versus celui de « survivante ». Les deux appellations, souvent dressées en dichotomie, s’inscrivent dans une époque différente – ou vague différente - du

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mouvement féministe en Occident. Plusieurs auteurs choisissent d’utiliser le terme de manière indifférenciée ou font référence à ces appellations en termes de « phases » chez une même femme.

Le terme « victime » est, en théorie, jugé plus péjoratif que celui de « survivante ». Une victime serait passive, désespérée, faible et sans agentivité versus une survivante qui serait considérée comme étant forte, pleine de ressources, courageuse et en pleine maîtrise de sa vie et de ses moyens (Kelly, Burton et Regan, 1996). Pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe. En plaçant les deux termes en opposition de la sorte, on évacue les réalités émotionnelles ainsi que toute la complexité des mécanismes de coping qui sont déclenchés lorsqu’on vit un tel traumatisme (ibid). Le fait d’être une « victime » d’agression à caractère sexuel ou d’être « victimisé » est une forme de reconnaissance d’un mal qui a été causé par une personne extérieure à la personne qui le vit, soit une façon d’insister sur la non-responsabilité de la personne qui subit l’agression (Young et Maguire, 2003). De plus, toutes les personnes ayant vécu une agression à caractère sexuel ne survivent pas forcément à celles-ci dans la façon la plus stricte du terme (décès par meurtre ou suicide), réalité troublante qu’il est également important de nommer (Kelly, Burton et Regan, 1996). Dans le même ordre d’idées, il importe de souligner que ce ne sont pas toutes les personnes ayant vécu une agression à caractère sexuel « guérissent » complètement et se dirigent vers un chemin linéaire vers la « survivance ». Kelly, Burton et Regan (1996) sont plutôt d’avis qu’il est plus approprié de miser sur la compréhension du traumatisme vécu ainsi que des impacts vécus par un individu afin de mieux cerner les réponses et les émotions qui y sont associées. Lahn (2013) juge crucial de nommer également qu’une femme peut se retrouver à faire le « chemin inverse » c’est-à-dire de passer d’un statut de « survivante » à « victime ». Thomson (2000) a fait référence au « paradoxe de la victime-survivante » après avoir réalisé une étude auprès de femmes ayant été agressées sexuellement qui avaient de la difficulté à se positionner de manière tranchée sur le terme à employer pour se décrire et décrire l’expérience des agressions vécues. Lahn (2013) mise sur l’idée d’un continuum en ce qui a trait à ces appellations. Elle cite également des femmes qui privilégient une appellation qui place l’individu à l’avant-plan telle que décrite par Blaska (1993) dans le contexte des individus étant en situation de handicap. Pour Jane Doe (2003), auteure de The story of Jane Doe: A book about rape, l’identification aux étiquettes de survivante et de victime sont toutes deux rejetées: « Je n’ai jamais permis à qui que ce soit de faire référence à moi en tant que « victime d’un viol ». Je n’aime pas trop l’idée d’être une « survivante » non

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homme. » (traduction libre, p.120). Dans le même esprit, Lahn (2013) mentionne que c’est aussi un rejet d’une essentialisation et d’une réduction de l’ensemble de sa personne à travers le fait d’avoir été agressé sexuellement que de choisir de ne pas se définir en premier lieu par ce traumatisme (p. 47).

Dans ce mémoire, les deux termes seront utilisés de manière interchangeable, et ce, en dépit de la charge politique de chacune des appellations. L’objectif est d’honorer la capacité de chaque femme ayant vécu une agression à caractère sexuel de choisir parmi ces options ou d’en trouver une autre. Il apparaît important de laisser libre-court à la possibilité pour ces femmes de s’auto-identifier comme elles le souhaitent face à une expérience traumatique si intime et marquante. Dans ce mémoire, nous ferons toutefois généralement référence aux « femmes ayant vécu une agression à caractère sexuel » à l’instar de Blaska (1993) pour insister sur le fait que les femmes ciblées par ces crimes sont d’abord et avant tout des personnes.

Nous venons donc de voir que ces définitions et appellations qui proviennent de divers milieux soulèvent plusieurs débats et discussions. Dans la section suivante, nous traiterons des dispositions législatives qui existent pour encadrer la question des agressions à caractère sexuel, à l’échelle internationale, canadienne et québécoise. Nous aborderons les différentes conventions internationales ratifiées par le Canada ainsi que les diverses stratégies et plans d’action provinciaux en matière de lutte aux agressions à caractère sexuel. Parmi les autres dispositions législatives présentées, nommons: les Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, la Charte canadienne des droits des victimes, la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels et la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, le Code civil du Québec et la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les milieux d’enseignement supérieur. Ces outils gouvernementaux influencent les actions posées par l’État pour prévenir et contrer les agressions à caractère sexuel.

1.1.3. Des dispositions législatives pour prévenir et contrer les agressions à caractère sexuel

Conventions et traités internationaux ratifiés par le Canada

Sur la scène internationale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes adoptée en 1979 par l’ONU a été ratifiée par le Canada en 1981. Les violences fondées sur le sexe constituent une forme de discrimination envers les femmes selon cette Convention. Ces violences sont considérées comme une entrave sérieuse à

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la dignité humaine des femmes ainsi qu’à leur participation civique, économique et sociale. D’autre part, la Déclartion sur l’élimination de la violence contre les femmes, adoptée en 1993, par l’ONU a été l’une des prémisses sur lesquelles le Québec s’est posé afin d’adopter des orientations claires pour faire face aux agressions à caractère sexuel (Gouvernement du Québec, 1995). D’autres conventions internationales influencent et orientent les actions gouvernementales posées par les gouvernements provincial et fédéral : la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale (Gouvernement du Québec, 2016). Dans la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), il y est écrit que le respect de la dignité des enfants passe par leur préparation par les adultes afin qu’ils puissent jouir d’une vie active, individuelle et pleine en société, et ce, dans le respect des idéaux des principes des Chartes des Nations unies. La violence sexuelle y est nommée comme étant une barrière pouvant compromettre le respect de la dignité des enfants. La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) réaffirme la dignité intrinsèque aux personnes en situation de handicap et mentionne que les femmes et les filles handicapées sont surreprésentées parmi les victimes de violences et d’exploitation, ce qui peut comprendre les violences sexuelles. Enfin, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale (2000), communément appelée Protocole de Palerme, rappelle que la dignité des individus passe par le sentiment de sécurité (et donc, par ricochet, le fait d’être à l’abri de la peur). Les gangs criminalisés tirant des profits de la prostitution forcée et des violences sexuelles faites aux femmes correspondent à la définition de ce qu’on entend par « criminalité transnationale » selon cette Convention. Ces groupes briment la dignité des personnes ciblées de manière coercitive par leurs activités illicites.

Plans d’action et stratégies gouvernementales au Québec

Au Québec, à la suite du rapport Les agressions sexuelles : STOP! en 1995 et les Orientations gouvernementales en matière d’agressions sexuelles en 2001, la province s’est dotée de deux plans d’action (2001-2006 et 2008-2013) en matière de lutte aux agressions sexuelles. En 2016, le Gouvernement du Québec présente une Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles (2016-2021). Cette stratégie – qui se décuple en trois axes portant sur la prévention, l’intervention et la recherche – étayés en 55 actions dites novatrices et nouvelles. Parmi les actions nommées dans ce plan, mentionnons celles qui

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communauté LGBT ou encore les jeunes sportifs. On y aborde également une éventuelle abolition de la liste des crimes éligibles pour la Loi sur l’indemnisation aux victimes d’actes criminels (dont nous traiterons dans une prochaine section) pour y inclure toute infraction au Code criminel pour permettre au plus grand nombre d’être indemnisé. Il est intéressant de noter que la prostitution et l’exploitation sexuelle ont été incluses dans cette stratégie gouvernementale comme étant une forme de violence sexuelle, particulièrement si celles-ci touchent les mineures. De plus, la nécessité d’adopter une analyse différenciée selon les sexes (ADS) pour mieux comprendre les impacts de ces violences selon le genre est également réaffirmée. Toujours au niveau provincial, mentionnons également le retour des cours d’éducation à la sexualité obligatoires au primaire et au secondaire (et facultatifs en milieu préscolaire) depuis septembre 2018 (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2019). De plus, les quatre partis politiques à l’Assemblée nationale du Québec travaillent actuellement de concert, dans un effort transpartisant, pour étudier la possibilité d’adapter le système de justice à la réalité des personnes – en particulier les femmes – victimes d’agressions sexuelles et de violences conjugales (Journal de Montréal, 2019).

La Charte des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec (Gouvernement du Québec, 2019b) ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés (Gouvernement du Canada, 2019) garantissent toutes les deux le droit « à la vie, la sureté, l’intégrité et à la liberté de sa personne » pour tous les citoyens. Ces chartes ont toutes deux une fonction constitutionnelle très forte, car elles ont préséance sur les lois et les règlements gouvernementaux. Comme les agressions à caractère sexuel constituent une menace à l’intégrité physique et psychologique des personnes qui en sont victimes, les dispositions de ces Chartes peuvent être évoquées pour réaffirmer le droit à la protection des victimes d’agressions à caractère sexuel ainsi que la préservation de leur dignité.

La Charte canadienne des droits des victimes

En 2015, le gouvernement fédéral a adopté la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) qui vise « la reconnaissance et la prise en considération des droits des victimes à l’information, à la protection et au dédommagement dans le système de justice pénale (Association québécoise Plaidoyer-Victimes – AQPV, 2018). Cette loi nomme quatre droits fondamentaux des victimes d’actes criminels : le droit à l’information, le droit à la protection, le droit à la participation et le droit au dédommagement. La CCDV prévoit également que les

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victimes puissent porter plainte lorsque leurs droits sont lésés, mais avec certaines limites. La CCDV ne permet pas aux victimes d’intenter « une poursuite en justice, d’obtenir un dédommagement ou de porter en appel une décision prise dans le cadre du système de justice pénale pour le motif que leurs droits garantis dans la Charte n’ont pas été respectés » (ibid). La dignité est une valeur fondamentale énoncée dans le préambule de la Charte. Ainsi, pour la préserver, plusieurs dispositions peuvent être invoquées, moyennant certains critères et se devant d’être déjà prévues par la loi. Il peut s’agir de poser un interdit de publication afin d’éviter que les médias puissent identifier la victime en cas de procès ou encore de pouvoir permettre le témoignage d’une victime à l’extérieur de la salle de la salle d’audience, à l’écart le plus possible de son agresseur (Secrétariat à la Condition féminine, 2016, p. 27). Néanmoins, la CCDV demeure à ce jour peu connue de la population en général et des intervenants; son entrée en vigueur a fait peu de bruit au pays (Gaudreault, 2017). On dénombrait en 2017 qu’elle n’a généré aucune plainte auprès du Ministère de la Justice du Canada (ibid). Même si ce bilan est mitigé, il importe de mentionner son existence dans ce mémoire.

La loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels et la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels

Sous l’égide du Ministère de la Justice du Québec, des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) ainsi que du Bureau d’aide aux victimes d’actes criminels (BAVAC), la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels prévoit que toute personne ayant subi un préjudice physique, psychologique ou une perte matérielle à la suite d’un acte criminel peut être soutenue, indépendamment du fait que l’auteur du crime ait été poursuivi, identifié ou reconnu coupable (Gouvernement du Québec, 2019c). Cette loi est également applicable pour les proches des victimes d’actes criminels tout comme les personnes à la charge de la victime comme ses enfants par exemple (ibid). Le respect de la dignité des victimes est énoncé dans le deuxième article qui aborde également le droit des victimes d’être traitées avec « courtoisie, équité et compréhension » ainsi qu’avec une sensibilité importante quant à leur vie privée (ibid). La Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels réaffirme le droit à l’information, à du soutien, et des indemnités appropriées à la situation de chaque victime d’acte criminel. La loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (Gouvernement du Québec, 2019d), quant à elle, stipule que les victimes d’actes criminels – dont les victimes d’agressions sexuelles – ont le droit de recevoir des compensations financières pour rembourser les frais associés à la réadaptation psychologique et/ou physique à la suite de la commission d’un acte criminel (par

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ex. : thérapie remboursée avec un psychologue au privé qui prend des mandats de l’IVAC). Dans le même esprit que la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels, il n’est pas nécessaire que l’agresseur ait été poursuivi, condamné ni même identifié pour bénéficier du soutien de cette loi. Plusieurs critiques ont été érigées envers le Régime d’indemnisation de l’IVAC que nous aborderons un peu plus tard dans les barrières au dévoilement des agressions à caractère sexuel.

Le Code civil du Québec

Le Code civil du Québec réaffirme le droit à une personne ayant été victime d’un préjudice corporel et dont le geste est réputé comme étant un acte criminel d’être indemnisée. Dans le cas des agressions sexuelles, de violence vécue à l’âge mineur, ou encore de violence conjugale par un conjoint actuel ou passé, le délai de prescription pour recourir à ce mécanisme d’indemnisation est de 30 ans à partir du jour où la personne prend conscience que son préjudice est directement lié à son agression (et non à partir de la date du crime) (Secrétariat à la Condition féminine, 2016). Néanmoins, considérant qu’une proportion considérable de victimes d’agressions sexuelles prennent plusieurs décennies avant de dévoiler ou de dénoncer la violence vécue, ce délai de prescription est critiqué; plusieurs groupes et partis politiques militent pour son abolition pure et simple (Le Journal de Montréal, 2019; Radio-Canada, 2018a). L’accès limité à ce recours civil, qui pourrait pourtant de juguler les conséquences d’une agression à caractère sexuel, peut constituer une atteinte à la dignité des personnes survivantes2.

Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur

L’adoption en 2017 du projet de loi 151 devenu la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur constitue un autre jalon des luttes contre les agressions à caractère sexuel au Québec (Gouvernement du Québec, 2019e). Elle force tous les établissements postsecondaires de la province à se doter d’une politique interne visant à lutter et à prévenir les violences à caractère sexuel au sein de leurs établissements. Ces politiques doivent comprendre (entre autres): les rôles et les responsabilités des acteurs des milieux postsecondaires au sein de leur établissement, des

2 En date du 12 juin 2019, Québec solidaire par l’entremise de sa députée Christine Labrie a annoncé le dépôt du

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formations annuelles obligatoires ainsi que des mécanismes et des mesures pour recevoir les dévoilements et les plaintes d’agressions à caractère sexuel. En date de janvier 2019, plusieurs établissements postsecondaires avaient du retard quant à la mise en place d’une politique à la date butoir imposée par le Gouvernement du Québec (Venne, 2019). De plus, cette loi a été critiquée, car elle ne rend pas illégales les relations amoureuses entre professeurs et élèves bien qu’elles soient encadrées, voire balisées (Le Devoir, 2017a). Québec oblige notamment les établissements postsecondaires de la province à se doter d’un code de conduite en la matière. Ce code de conduite pourrait notamment obliger un enseignant à porter à l’attention de la direction de son établissement qu’il entretient une relation intime avec un.e étudiant.e sans pour autant la proscrire (ibid). Néanmoins, quelques établissements tels que l’Université Laval (Radio-Canada, 2018b) ainsi que le Cégep de Sainte-Foy (TVA Nouvelles, 2018) ont fait le choix d’interdire ces relations de manière formelle, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements postsecondaires de la province. Une autre critique a été formulée envers cette loi qui ne ratisserait pas assez large. Une coalition formée de la Maison d’Haïti, Québec contre les violences sexuelles et du Y des femmes de Montréal ont plaidé en faveur d’une loi similaire pour les écoles primaires et secondaires du Québec considérant qu’une proportion considérable des victimes et auteurs d’agressions sexuelles sont d’âge mineur (Radio-Canada, 2018c). Les suites de cette proposition se font encore attendre.

En somme, bien que toutes ces dispositions soient mises en place pour recueillir les dénonciations et les dévoilements, il est toujours difficile de connaître le nombre exact d’agressions sexuelles commises dans nos sociétés notamment en raison des faibles taux de dénonciation. Néanmoins, plusieurs études se sont avancées pour estimer l’ampleur du phénomène. Elles nous donnent également une idée de qui est principalement touché par ces violences ainsi que ses caractéristiques les plus communes afin de mieux comprendre le phénomène.

1.1.4. Un phénomène difficile à quantifier

Il est ardu de mesurer avec précision l’ampleur du phénomène des agressions à caractère sexuel en raison des diverses définitions qui lui sont attribuées, de la diversité des méthodes de collecte utilisées pour mesurer sa prévalence et son incidence, et du fait qu’un très grand pourcentage de victimes ne dénoncera jamais les agressions vécues (Benoit et coll., 2015). Néanmoins, plusieurs sources sont utilisées afin d’offrir certaines estimations pour brosser un

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le nombre de victimes proviennent principalement des données de la police ainsi que celles de la protection de la jeunesse et des enquêtes populationnelles. Elles permettent de mieux comprendre qui est principalement touché par les agressions à caractère sexuel ainsi que d’avoir une meilleure idée du contexte ainsi que des caractéristiques des agressions perpétrées.

1.1.5. Les femmes comme principales victimes d’agressions à caractère sexuel

Hébert et ses collègues (2009) ont réalisé une étude qui visait à mieux documenter les tendances de dévoilement d’une agression à caractère sexuel vécue par des femmes et des hommes adultes au Québec. Dans un échantillon de 804 participants sondés par téléphone, les chercheurs ont entre autres conclu que près d’une femme sur quatre (22.1%) a été victime d’une agression à caractère sexuel comparativement à près d’un homme sur dix (9.7%) ce qui concorde avec les données de prévalence nord-américaines (Putnam, 2003). Cependant, les femmes ne forment pas un groupe monolithique et toutes ne sont pas « égales » face au risque de vivre un jour une forme ou une autre de violence sexuelle. Le RQCALACS (2015) observe que les femmes en situation de handicap, immigrantes, lesbiennes ou victimes de la traite vivent des conditions de discriminations et d’oppression qui se « combinent » les unes aux autres et qui accentuent le risque de vivre des agressions à caractère sexuel. Même son de cloche chez Statistiques Canada (Conroy et Cotter, 2017) qui rappelle que les jeunes, les Autochtones, les femmes en situation d’itinérance ou vivant avec une problématique de santé mentale sont parmi les groupes de femmes étant plus à risque de vivre un jour ou l’autre une forme d’agression à caractère sexuel. Phénomène nettement sous-estimé, les femmes victimes de violences sexuelles au sein d’une dynamique de violence conjugale seraient plus nombreuses qu’on ne l’imagine. Pour les jeunes âgés de 15 ans et plus, Statistiques Canada a rapporté que dans les cinq dernières années précédant l’ESG-2014 , 2.5% des Canadiens et 3,5% des Canadiennes de plus de 15 ans ont déclaré avoir vécu des violences sexuelles aux mains d’un partenaire amoureux. Malgré cette prévalence, qui constitue probablement que la pointe de l’iceberg, les violences conjugales sexuelles demeurent très peu étudiées (Dubé et Drouin, 2018).

Malgré la difficulté à quantifier avec précision le nombre d’agressions à caractère sexuel commises, plusieurs caractéristiques « typiques » ont tout de même été identifiées par le Gouvernement du Canada et les corps policiers.

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1.1.6. Les caractéristiques des agressions à caractère sexuel

L’Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens – volet victimisation publiée en 2017 a conclu que parmi les agressions sexuelles autodéclarées au pays en 2014, un peu plus de la moitié des Canadiens connaissaient leur agresseur avant le crime. Parmi les agresseurs étant des personnes familières à la victime : les membres de la famille ainsi que d’autres personnes d’âge mineur comme des membres de la fratrie (INSPQ, 2019a) ; on note également les amis, les voisins, les connaissances et en dernier lieu les étrangers (Statistiques Canada, 2017). Ces données viennent briser le mythe voulant que les agressions soient perpétrées dans une très large proportion par une personne étrangère à la victime3. Des données

provenant des services policiers québécois en 2009 ainsi qu’émanant de l’ESG-2014 avancent que les agressions à caractère sexuel commises à l’endroit des mineurs sont généralement avec contact physique et ont été multiples. Les mêmes sources indiquent que les agressions perpétrées avec une arme ou causant des blessures physiques sont plus rares ( s, 2019a).

Maintenant que nous avons abordé l’ampleur, les caractéristiques des agressions à caractère sexuel et les personnes étant les plus ciblées par ce crime, il importe d’aborder les conséquences négatives qu’entrainent les agressions à caractère sexuel sur les victimes et leurs proches.

1.1.7. Les conséquences d’une agression à caractère sexuel

Vivre une agression à caractère sexuel a des conséquences psychologiques, physiques, physiologiques, comportementales et sexuelles, et ce, à court, moyen et long terme. Parmi les conséquences les plus communes, il y a les problèmes de santé mentale tels que les troubles anxieux, de la personnalité, du sommeil ou encore du comportement alimentaire (Thomas, 2015). Les conséquences sur la santé physique (par ex. : cancers, maladies cardiovasculaires, et/ou gynécologiques) peuvent se faire ressentir, notamment à plus long terme suivant l’agression (ibid). Pour les femmes qui vivent des violences sexuelles au sein de situations de violences conjugales – ce qui est appelé les violences conjugales sexuelles – les conséquences psychologiques et interpersonnelles sont aggravées en plus de représenter un risque accru d’homicide conjugal envers les victimes de ces violences (Dubé et Drouin, 2018). Parmi ses conséquences, il y a une estime de soi diminuée, une image corporelle dévalorisée, un

Figure

Figure 1 - Âge du consentement sexuel au Canada (Miller, Cox et Saeywc (2010)
Tableau 2 - Résumé des principaux courants féministes (tiré du Regroupement des groupes de femmes de la Région de la  Capitale-Nationale, 2019)
Tableau 3 – Divisions sociales et formes spécifiques d’oppression et de discrimination, adapté de Pullen Sansfaçon dans  Harper et Dorvil (2013)
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