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Les barrières au dévoilement et à la dénonciation et les réponses sociales négatives au

CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS

1.2. Le dévoilement d’une agression à caractère sexuel

1.2.2. Les barrières au dévoilement et à la dénonciation et les réponses sociales négatives au

Tel que mentionné précédemment, la vaste majorité des agressions à caractère sexuel n’est jamais rapportée aux autorités légales et policières. En 2015, le Conseil du statut de la femme déposait un mémoire à l’intention du gouvernement du Québec dans lequel on pouvait y lire que la majorité (88%) des agressions sexuelles subies par les Canadiens de 15 ans et plus ne sont pas portées à l’attention de la police (p.12) et que ces faibles taux de dénonciation s’élèveraient à 90% pour les agressions sexuelles perpétrées par une autre personne que le conjoint (ibid, p. 12). Mais qu’est-ce qui explique la faible propension pour les survivantes de dénoncer le crime dont elles ont été victimes ? Une recension de 123 articles utilisant des méthodes qualitatives, quantitatives, longitudinales ou mixtes publiés entre 2000 et 2015 aux États-Unis a porté sur les agressions à caractère sexuel vécues à l'âge adulte et à l'enfance ainsi que sur la violence conjugale (Kennedy et Prock, 2018). Les auteures concluent que la culpabilité, la honte et l'anticipation de réactions négatives et l'autostigmatisation entravent le dévoilement d'une agression sexuelle ainsi que la recherche d'aide et de services formels pour une grande majorité de survivantes. Néanmoins, les auteures ont noté que ces sentiments apparaissent exacerbés chez les femmes racialisées et autochtones en comparaison avec les femmes blanches (ibid). Bien que ces facteurs peuvent être perçus comme étant de prime à bord « individuels », nous verrons qu’ils sont grandement influencés par des barrières existant dans une diversité de milieux chargés d’accueillir des dévoilements d’agressions à caractère sexuel ainsi que dans la société en général.

Les barrières dans les systèmes judiciaire et policier

Les instances policières et juridiques ont le mandat d’accueillir et de traiter les dénonciations d’agressions à caractère sexuel afin que les survivantes puissent obtenir gain de cause au point de vue légal et criminel. Néanmoins, bon nombre de victimes d’agressions à caractère sexuel auraient peur d’être mal reçues par les policiers, les juges et les avocats chargés de recevoir leur témoignage (Frenette et coll., 2018). En 2018, Elaine Craig publie Putting Trials on Trial : Sexual Assault and the Failure of the Legal Profession4. Dans cet ouvrage, la

professeure de droit tire à boulets rouges sur le système de justice canadien pour sa piètre

gestion des cas d’agressions à caractère sexuel, et ce, malgré la réforme de 19835. En analysant

le rôle de tous les acteurs judiciaires clés (procureur de la Couronne, juges, avocats), la professeure Craig critique notamment la maigre place attribuée aux victimes dans le système de justice6. De plus, elle remet en question les agissements de plusieurs acteurs judiciaires dans

des procès pour agression sexuelle, dont les propos envers les plaignantes peuvent être « agressifs, insultants, condescendants » et « frôlent parfois l’illégalité » (Wagner, 2018, p.777). Dans le même esprit, Michaël Lessard publie en 2017, un article dans la Revue de droit de l’Université McGill pour dénoncer cette notion de la « bonne et parfaite victime » d’agression sexuelle, notion qu’il considère présente, de manière plus ou moins implicite, au sein des tribunaux. En citant une phrase tristement célèbre du juge Robin Camp7, il rappelle les

obligations déontologiques des juges qui se doivent d’être impartiaux, indépendants et compétents. Pour Lessard, cela passe par le rejet des stéréotypes et des mythes accolés aux victimes d’agressions sexuelles visant à miner leur crédibilité. Parmi ces stéréotypes et mythes les plus tenaces, l’auteur nomme la vie sexuelle active de la plaignante, le fait qu’elle ait pris du temps pour rapporter le crime aux autorités, l’absence de résistance à l’agression et le fait qu’elle soit suivie en thérapie. Ces éléments discréditent les survivantes en procès, et ce, à tort (ibid). Les faibles taux de condamnation dans les procès d’agression sexuelle s’expliqueraient en partie par l’adhérence à ces mythes par plusieurs acteurs des systèmes judiciaire et policier (Shaw et coll., 2017; Desrosiers, 2019). 8Au Canada, trois plaintes pour agression à caractère

5À la suite de plusieurs années de revendications par des militantes féministes et de plusieurs autres groupes

d’intérêts, le gouvernement fédéral adopte la Loi canadienne sur les agressions sexuelles en 1983. La loi a notamment remplacé l’infraction de « viol » pour « agression sexuelle » afin d’insister sur le caractère violent plutôt que sexuel de ce crime et élargir la définition de ce crime. De plus, cette loi criminalise les agressions sexuelles entre mari et femme. Un mari ne pouvait être accusé et condamné d’agression sexuelle sur sa femme avant cette réforme. L’objectif de ce changement législatif était de faire en sorte que davantage de femmes sollicitent les tribunaux afin d’obtenir justice et réparation pour une agression sexuelle vécue. Par exemple, le fait de mentionner le passé sexuel d’une plaignante pour la discréditer lors d’un procès pour agression sexuelle n’est dorénavant plus admissible comme preuve au sens de cette loi.

6La professeure Craig dénonce notamment qu’au Canada, la Couronne ne représente pas la victime mais plutôt

l’État. Pour Craig, le fait que la victime est considérée comme un « témoin » du crime qu’elle a vécu plutôt que comme victime à part entière lors d’un procès est en soi questionnable.

7Ce juge avait demandé à une jeune plaignante dans un procès pour agression sexuelle la raison pour laquelle elle

n’avait tout simplement pas gardé les jambes fermées pour éviter de se faire agresser (« Why couldn’t you just

keep your knees together ? ») . Il avait aussi déclaré que « le sexe et la douleur vont parfois ensemble » (« Sex and pain sometimes go together »). Devant le tollé suscité par ses propos, le juge Camp a remis sa démission en 2017

(Kassam, 2017).

8 L’ancienne députée fédérale du Parti Conversateur du Canada, Rona Ambrose, a déposé en 2017 le projet de loi

C-337. Ce projet de loi vise à former tous les nouveaux juges sur les enjeux relatifs aux agressions à caractère sexuel. Par des formations, cette initiative a pour objectif de faire diminuer l’adhérence et les stéréotypes associés aux victimes d’agression sexuelle et de permettre aux juges d’intervenir de manière adaptée à la réalité des victimes de ces crimes. Or, à ce jour, le projet de loi n’a pas encore été adopté et serait bloqué pour des raisons partisanes

sexuel sur mille se soldent par une condamnation criminelle (Roy, 2017). En 2017, le Globe and Mail publiait les résultats d’une enquête interne révélant qu’environ une plainte pour agression sexuelle sur cinq est déclarée non fondée au pays. Aux États-Unis, des constats similaires dans le traitement des plaintes d’agressions sexuelles par les services policiers ont donné naissance au Modèle de Philadelphie9. Ainsi, les survivantes d’agression sexuelle

seraient freinées en partie par la conscience de la difficulté pour le système de justice à faire en sorte qu’elles obtiennent justice et réparation (Frenette et coll., 2018).

Les barrières dans les milieux institutionnels et communautaires

Les femmes ayant vécu une agression à caractère sexuel peuvent solliciter des services dits institutionnels afin d’obtenir du soutien psychologique, psychosocial et/ou sous la forme d’une indemnisation en raison des conséquences de l’agression. Le Québec s’est doté en 1972 de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels mieux connue sur le nom de l’IVAC. Ce régime d’indemnisation public, qui relève de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) vise à offrir « des prestations pour aider les victimes et les sauveteurs dans le processus de guérison de leurs blessures causées par les actes criminels ou les actes de civisme » (CNESST, 2017). Les victimes d’agression sexuelle font partie des victimes d’actes criminels pouvant recevoir l’appui de l’IVAC. En théorie, pour bénéficier des indemnités prévues par l’IVAC, il n’est pas nécessaire que la victime ait pris la décision de poursuivre son agresseur. Il n’est pas non plus nécessaire que l’agresseur ait été condamné au criminel ni même qu’il soit identifié. Or, la gestion de l’IVAC a été critiquée par le Protecteur du citoyen en 2016 (ainsi que plusieurs organismes de défense des droits des victimes) pour ses longs délais d’attente, pour ses lacunes dans l’information fournie, la complexité des formulaires à fournir ainsi que pour une application trop restrictive de la loi. Il semblerait que les victimes doivent fournir de plus en plus de documentation afin

9Le modèle de Philadelphie est une initiative du Women’s Law Project (WLP, 2013) qui vise à réformer les

méthodes d’enquêtes policières dans la ville de Philadelphie, aux États-Unis, et ce, afin de faire diminuer le nombre de plaintes jugées non fondées par les autorités. Les révélations de journalistes du Philadelphia Inquirer à l’automne 1999 auraient mis en lumière que pendant deux décennies, Un tiers de toutes les plaintes déposées à la police étaient soldées sans suite, le plus souvent, sans en avertir la victime. Le WLP attribue le nombre élevé de plaintes jugées non fondées par la police en raison de l’intériorisation des mythes véhiculés dans la société par les institutions policières et juridiques. De plus, ce groupe a observé que plusieurs variables accentuaient la probabilité de voir une plainte pour agression à caractère sexuel être jugée comme étant non fondée : le fait que l’agression se soit déroulée dans le domicile de la victime, que cette dernière ait des problèmes de toxicomanie, un faible statut socio-économique ou soit racialisée ainsi que le fait qu’elle ait déjà eu des démêlés avec la justice préalablement à l’agression entre autres. Le Gouvernement du Québec s’est doté en 2017 d’un projet pilote s’inspirant du Modèle de Philadelphie. Ce projet pilote est réalisé en collaboration avec la Sûreté du Québec, le BAVAC, le CAVAC, le RQCALACS et le Ministère de la Santé et des Services sociaux (Sureté du Québec, 2017).

de « prouver » que l’acte criminel se soit bel et bien produit. Or, selon le Protecteur du citoyen, ces aspects rendent l’accès aux indemnités plus ardu pour les victimes d’actes criminels, dont les victimes d’agressions sexuelles. Autre écueil ayant été dénoncé par le Protecteur du citoyen (2016) : le délai de deux ans afin de déposer une demande d’indemnisation :

De plus, passé le délai de deux ans, la Loi prévoit que la victime peut démontrer, par tout motif valable, qu’elle n’avait pas renoncé à se prévaloir des bénéfices du régime. Or, pour justifier une demande tardive, la Direction de l’IVAC n’accepte généralement que le seul motif, très exigeant, de l’impossibilité d’agir. De l’avis du Protecteur du citoyen, une telle approche va à l’encontre de l’esprit d’un régime public à vocation sociale et réparatrice qui appelle une interprétation large et libérale ainsi qu’une souplesse dans l’application.

Ceci est particulièrement important pour les victimes d’agressions sexuelles. Plus spécifiquement, en matière d’inceste, on recommande à l’IVAC de revoir ses manières de faire en permettant aux victimes de pouvoir nommer la date approximative à laquelle les abus ont débuté plutôt que de miser sur la date d’envoi de la demande d’indemnisation qui sert à statuer sur la période à indemniser. Cet élément est non négligeable considérant que plusieurs victimes d’inceste mettent plusieurs années avant de dévoiler la violence sexuelle vécue (Collin-Vézina et coll., 2015). De plus, les victimes ont également tendance à prendre de nombreuses années avant de prendre conscience qu’elles ont bel et bien été victimes d’une agression sexuelle (ibid). Plusieurs victimes d’inceste étant mineures au moment de l’agression, leur mémoire peut faire défaut sur certains détails tels que la date exacte des agressions, entre autres. Bien que l’IVAC ait pris acte de ces recommandations, il semblerait qu’il y ait encore place à l’amélioration puisque des critiques sont maintenues envers son accès toujours restreint à ses indemnités (Le Devoir, 2017b; Radio-Canada, 2018d).

En plus de ces barrières administratives et bureaucratiques, plusieurs survivantes d’agression sexuelle rapportent s’être heurtées à des réactions négatives provenant de professionnels du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que du milieu communautaire lorsqu’elles dévoilent avoir été agressées. Ce qu’on appelle la « victimisation secondaire » ou le « second viol » serait chose commune, à divers degrés et à différents moments, pour une vaste majorité de survivantes d’agressions sexuelles qui cherchent du soutien professionnel (Campbell, 2013). Plus concrètement, la victimisation secondaire prend la forme de commentaires, d’actions ou d’omissions qui donnent le sentiment aux victimes d’être blâmées,

jugées ou non crues face à l’agression sexuelle vécue (ibid). Le manque de sensibilité de certains professionnels du réseau de la santé et des services sociaux lors de l’administration de trousses médico-légales10 a également été nommé dans la littérature. Par manque de sensibilité,

il peut s’agir de ne pas demander la permission aux victimes d’effectuer des prélèvements sur leurs corps – dorénavant considéré comme une « scène de crime » -, ce qui peut être vécu comme une « deuxième agression », car ces examens sont souvent très intrusifs et réalisés de manière froide et détachée (ibid). De plus, en raison du manque de formation sur la question des agressions à caractère sexuel, les professionnels de la santé et des services sociaux peuvent poser des questions maladroites pouvant donner le sentiment à la victime qu’elle est à blâmer pour l’agression vécue ce qui peut exacerber ces symptômes traumatiques. Parmi ces questions, il peut s’agir d’interrogations portant sur le comportement de la victime avant son agression (historique sexuel antérieur, l’habillement de la victime ainsi que leur réaction au moment de l’agression entre autres) (ibid). La psychiatrisation des violences vécues par les femmes peuvent également représenter une autre forme de victimisation secondaire, notamment par la pose d’un diagnostic de maladie mentale, qui plus ou moins directement, pathologise les survivantes et leurs réactions « normales » associées à la violence qu’elles ont vécue (Boulebsol et Sarroino, 2018). (C’est ce à quoi faisait référence Michaël Lessard (2017) lorsqu’il nomme que les victimes d’agressions sexuelles sont discréditées en cour si elles ont un suivi thérapeutique actif ou passé.)

Dans le réseau communautaire, cette victimisation secondaire peut également se produire au sein d’organismes dédiés à offrir des services aux femmes victimes de violences conjugales et/ou sexuelles. Bien que ces organismes peuvent être aidants notamment par le biais de groupes de soutien, d’intervention individuelle et d’accompagnement juridique et médical, ils apparaissent toujours peu adaptés aux réalités des femmes minorisées11 qui représentent une

population difficile à rejoindre. Aux États-Unis, cette tendance a été observée par les travaux

10 Une trousse médico-légale est un outil permettant d’effectuer des prélèvements sur le corps d’une victime

d’agression sexuelle afin de pouvoir les utiliser comme éléments de preuve si la victime décide de porter plainte au criminel contre son agresseur. Cette trousse permet notamment de prélever des éléments comme du sperme, de la salive, du sang afin d’établir un profil biologique de l’agresseur grâce à son ADN. Elles peuvent aussi faire partie d’une analyse toxicologique qui permet de voir si la victime était intoxiquée pendant l’agression, et que donc, elle n’était pas en mesure de donner son consentement sexuel. Ces trousses sont complétées dans des centres désignés – des hôpitaux ayant le mandat de recevoir des victimes d’agressions sexuelles. Elles doivent être conservées dans une période de 14 jours. Les trousses médico-légales sont généralement employées pour des victimes récentes d’agressions sexuelles. (Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal, 2019).

11 Le terme minorisée fait référence au concept de « minorité visible ». Selon Statistiques Canada (2015), une

de Wgliski et Barthel (2004). Dans un sondage lancé à 275 organismes dédiés à offrir des services aux victimes d’agressions sexuelles pour lesquels 87 d’entre elles ont répondu aux critères des sélection, les chercheures ont conclu qu’entre 1998 et 2000, la majorité des personnes ayant recours aux services de ces organismes étaient des femmes blanches. Les femmes noires, autochtones, asiatiques et latino-américaines étaient en plus faible nombre parmi les bénéficiaires de ces services (ibid). Au Québec, l’équivalent des « rape crisis centers » est les CALACS (Centres d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel). On note que dans les dernières années, les CALACS ont amorcé une prise de conscience quant à l’inclusion d’une plus grande diversité de femmes en ses rangs, tant dans celles qui offrent les services que celles qui les reçoivent. On remarque sur son site web que le Regroupement québécois des CALACS (RQCALACS) dit adopter « une approche féministe intersectionnelle pour un mouvement pluriel contre les violences sexuelles » (2012a). Néanmoins, il appert qu’aucune étude à ce jour ne s’est penchée de manière spécifique sur l’application d’une approche intersectionnelle au sein du réseau des CALACS du Québec ainsi que sur l’impact et l’efficacité des démarches entreprises par le Regroupement afin de rendre ces centres plus inclusifs. Certaines études très récentes se sont pourtant penchées sur la résonnance du concept d’intersectionnalité au sein des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales au Québec (Corbeil et coll. 2017) et dans les centres de femmes (Le Gresley, 2018).

Les listes d’attente sont un autre enjeu pouvant freiner les femmes de recouvrir aux services de ces centres ou du moins limiter leur accès à des services communautaires. En octobre 2017, dans la foulée du mouvement #MoiAussi12 au Québec, on enregistrait une hausse

allant jusqu’à 500% des demandes d’aide dans plusieurs CALACS de la province (La Presse, 2017a). Bien que le gouvernement libéral de l’époque ait injecté près d’un million de dollars pour répondre à la demande engendrée par le mouvement (La Presse, 2017b), cette somme a été jugée insuffisante par le RQCALACS pour répondre adéquatement aux besoins des survivantes (TVA Nouvelles, 2017). Les réalités de tous les CALACS à travers la province ne

12 Le mouvement #MoiAussi (#metoo en anglais) est un mouvement social historique de dénonciation d’agressions

sexuelles né aux États-Unis et qui fut propulsé par les médias sociaux. Il a été initié par la militante afro-américaine Tarana Burke en 2006. En 2017, dans la foulée du scandale entourant les agressions et harcèlement sexuels commis par le producteur hollywoodien déchu Harvey Weinstein, l’actrice Alyssa Milano relance le mot-clic sur la plateforme Twitter en invitant toutes les victimes d’agressions et de harcèlement sexuel à dénoncer sur le web par les mots « me too » (Moi aussi en français). En l’espace de quelques mois, le mot-clic fut utilisé près de 19 millions de fois, avec une moyenne de 55 000 usages quotidiennement sur Twitter seulement (Pew Research Center, 2018). Le mouvement #MoiAussi a eu une portée internationale et des variantes du mot-clic ont été observées en Italie (#QuellaVoltaChe), en Espagne (#YoTambien) et en France (#BalanceTonPorc) ainsi que dans plusieurs pays

sont pas équivalentes. En plus du fait que plusieurs composent avec d’importantes listes d’attente, l’accès aux services se retrouve également limité pour les CALACS situés dans des régions éloignées des grands centres. Le Regroupement québécois des CALACS (2017) déplorait le manque d’accessibilité à ses services dans plusieurs régions du Québec en raison d’un sous-financement chronique. Il nommait entre autres le fait que certaines régions avec une petite population étalée sur un très grand territoire présentaient des enjeux de transport pour avoir accès à de l’aide en matière de violence sexuelle (ibid, p. 18). Cela peut se traduire notamment par des services moins accessibles pour les femmes autochtones qui sont pourtant surreprésentées parmi les victimes d’agression sexuelle (Conroy et Cotter, 2017).

En plus des barrières se retrouvant dans les institutions et les milieux communautaires, le discours sociétal entourant les agressions à caractère sexuel constitue un autre frein pour les victimes lors d’un dévoilement.

Les barrières sociétales

Les victimes d’agressions sexuelles sont souvent pressées de dénoncer à la police le plus