• Aucun résultat trouvé

La décision de dénoncer : ce qui motive le dévoilement d’une agression à caractère sexuel et les

CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS

1.2. Le dévoilement d’une agression à caractère sexuel

1.2.1. La décision de dénoncer : ce qui motive le dévoilement d’une agression à caractère sexuel et les

Les femmes victimes d’agressions à caractère sexuel sont confrontées à de nombreuses barrières en matière de dénonciation et de dévoilement. Nous aborderons ces barrières un peu plus loin. Néanmoins, elles peuvent être motivées par plusieurs éléments à parler de la violence sexuelle subie. Bien que les facteurs qui motivent les femmes à dévoiler une agression sexuelle soient beaucoup moins documentés dans la littérature, les raisons principales qui emmènent les victimes à dévoiler avoir vécu une agression à caractère sexuel sont a) afin de recevoir de l’aide

qu’elle soit médicale ou pas ; b) afin de prévenir la perpétration d’autres agressions que ce soit envers elles ou d’autres personnes ; c) afin de punir ou de retrouver l’agresseur et d) afin de rapporter le crime aux autorités policières (Ullman, 2010). Les victimes, peu enclines à dénoncer auprès de systèmes d’assistance formels (par ex. : police, médecins, intervenants sociaux, etc.) sont beaucoup plus susceptibles de solliciter leur réseau de soutien informel comme des membres de la famille, un partenaire romantique ou des amis (ibid). Parmi les facteurs qui favorisent le dévoilement et qui aident à la guérison des survivantes, on y nomme a) qui a initié le dévoilement; b) le niveau de détails de l’agression racontés lors du dévoilement ; ainsi que c) les réactions sociales entourant le dévoilement (ibid). Ainsi, selon Ullman (2010), les personnes survivantes qui initient leur dévoilement à un professionnel peuvent être confrontées à des réactions négatives, si celui-ci ne se sent pas habileté à recevoir ce type de confidences. L’effet serait plus positif si le professionnel se sent confortable d’aborder des sujets sensibles et délicats sur la question des agressions sexuelles. Toujours selon Ullman (2010), les survivantes d’agression sexuelle à l’enfance finiraient par avoir moins de symptômes traumatiques si celles-ci racontent – à leur rythme – leur agression avec plus de détail. Cela permettrait à la victime de mieux comprendre et analyser la violence vécue (ibid). L’auteure mentionne néanmoins que davantage de recherches sont nécessaires pour confirmer ou invalider ce lien. Enfin, dans tous les cas, il faut que la victime se dévoile à une personne qui est capable d’entendre et d’accueillir cette confidence. Dans le cas contraire, les bénéfices de parler de son agression s’évaporent si la victime est confrontée à des réactions négatives de la part de son interlocuteur (ibid). Plusieurs éléments peuvent influencer le choix d’une victime de rapporter le crime aux autorités policières ou d’aller chercher de l’aide professionnelle. Parmi les facteurs influençant le choix d’une femme à dénoncer une agression à caractère sexuel, Ullman (2010) cite notamment la « race », la culture et l’ethnicité, l’âge, le genre, la classe sociale, l’interaction entre le genre et la « race », la classe ainsi que l’adhérence aux stéréotypes véhiculés socialement sur le viol et les agressions à caractère sexuel. Un autre élément influence également la décision des femmes à dénoncer les agressions sexuelles vécues à des autorités formelles. Une étude réalisée dans la ville d’Ottawa (Ontario, Canada) a été réalisée en 2014 avec la collaboration des services policiers dans l’optique d’adapter la réponse de leurs services aux femmes vivant de la violence conjugale ou ayant été victimes d’agression sexuelle. Parmi l’échantillon de 219 femmes ayant participé à l’étude, en ligne ou en personne, la police a été impliquée dans la situation de violence pour un quart de ces femmes. L’implication de la police a été faite par une tierce personne – proches, ou encore en raison de

la pression faite sur les femmes de rapporter le crime –, et ce, même si elles ne voulaient pas nécessairement avoir la police impliquée au préalable (Johnson, 2015).

Les intervenantes féministes jouent un rôle capital en matière de dévoilement des agressions à caractère sexuel. Généralement, par l’entremise de la relation d’aide, elles cherchent à augmenter le pouvoir d’agir (empowerment) des victimes (Ullman, 2010). Cela peut être fait de diverses façons. Au Québec, les intervenantes féministes qui œuvrent auprès de survivantes d’agressions sexuelles opèrent principalement au sein des CALACS. Outre le fait de refléter à la victime qu’elle soit crue par l’intervenante, à un moment ou à un autre du processus d’intervention (ibid), les éléments suivants ont été identifiés comme faisant partie d’une intervention féministe dite « calacsienne » (Vandal, 1997, p. 27) :

• Faire prendre conscience aux femmes de leur conditionnement social, des stéréotypes sexuels et des rôles limitatifs auxquels la société les confine;

• Amener les femmes à ne plus se sentir seules responsables (encourager les femmes à exprimer leur insatisfaction face à leur « rôle féminin »);

• Aider les femmes à croire en elles-mêmes (estime de soi);

• Amener les femmes à développer des habiletés affirmatives et à exprimer leur colère; • Encourager les femmes à prendre des décisions de façon autonome;

• Faire prendre conscience aux femmes de leur corps, leur sexualité et leur droit au plaisir;

• Favoriser l’implication sociale et le militantisme.

Parmi d’autres éléments propres à l’intervention des CALACS, notons la nécessité de débuter l’intervention à partir des objectifs des femmes, de valider les émotions et les expériences vécues; de démystifier le rôle d’intervenante ainsi que de valoriser le partage du vécu de l’intervenante avec la femme (ibid, p. 28).

Depuis les années 90, les pratiques au sein des CALACS ont grandement évolué. Bien que ces principes fondateurs continuent d’être en trame de fond au sein de ces Centres, une préoccupation grandissante à l’égard des femmes dites « de la diversité » a resurgi. Robitaille et Tessier (2010) nomment que les CALACS se doivent de se préoccuper des « droits des femmes davantage discriminées et des femmes autochtones en tâchant de tenir compte de

comment les lois, les politiques, programmes et services publics sont, peuvent être porteurs d’oppression et de discriminations » (p.159). Parmi certaines des stratégies pour prendre en compte cette réalité, les auteures nomment le recours aux interprètes, à la langue des signes tout en reconnaissant la diversité des codes culturels qui peuvent varier selon les femmes (ibid). Le RQCALACS a également mis sur pied un comité-conseil composé de plusieurs organismes représentant la diversité des femmes du Québec. Ces organismes représentent les femmes en situation de handicap, les femmes immigrantes et/ou réfugiées, les femmes autochtones, les femmes lesbiennes pour ne nommer que celles-là (Boulebsol et Sarroino, 2018).

En plus de l’intervention individuelle appelée Soutien direct, les CALACS ont deux autres piliers d’action soit leur volet Lutte et défense des droits ainsi que la Formation et la prévention (ibid). Le volet Lutte et défense de droits se veut essentiellement un recours à des stratégies non violentes de lutte aux agressions à caractère sexuel qui se traduisent par une analyse politique et sociétale de ce phénomène. Ainsi, prendre part à des manifestations, initier des pétitions ainsi qu’effectuer de la représentation auprès des élus sont parmi les nombreuses actions que les CALACS entreprennent pour s’attaquer en amont et en aval du phénomène des agressions à caractère sexuel. Pour ce qui est du volet Prévention et formation, les CALACS offrent des présentations et des ateliers de sensibilisation à des étudiants, des professionnels des milieux institutionnels ainsi qu’à des intervenantes de groupes de femmes rejoignant ainsi plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers la province chaque année (ibid). L’une des initiatives ayant été mises de l’avant dernièrement aura été le programme Empreinte – Agir ensemble contre les agressions à caractère sexuel élaboré de concert avec deux chercheures de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) – Manon Bergeron et Martine Hébert – dans l’optique d’harmoniser et d’adapter le contenu de prévention offert aux jeunes du secondaire, à leurs parents et le personnel scolaire (ibid).

Nous verrons dans les lignes qui suivent que malgré toute cette bonne volonté, pistes de solutions et mécanismes de réparation, des entraves majeures au dévoilement et à la dénonciation des agressions à caractère sexuel subsistent toujours pour les survivantes.

1.2.2. Les barrières au dévoilement et à la dénonciation et les réponses sociales négatives aux