• Aucun résultat trouvé

Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l'impossible mission des formateurs en établissement ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l'impossible mission des formateurs en établissement ?"

Copied!
161
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l'impossible mission des formateurs en établissement ?

LEHMANN, Raphaël

Abstract

La profession enseignante n'échappe pas au phénomène d'imputabilité auquel sont soumis les métiers dont la maîtrise et la connaissance augmentent. Le mouvement de professionnalisation accrue de l'action enseignante, illustré notamment la création des Hautes écoles pédagogiques et l'universitarisation que cela implique, met en évidence la volonté de démontrer que l'activité enseignante repose sur une expertise particulière qui fait une différence majeure dans l'apprentissage des élèves. Face à ce constat, nous avons entrepris de questionner le dispositif de formation des enseignants du niveau préscolaire-primaire. Plus particulièrement, nous avons focalisé notre champ de recherche sur l'équité des procédures d'évaluation des pratiques professionnelles engagées sur le site bernois de la HEP-BEJUNE.

S'appuyant sur une méthodologie compréhensive inspirée des recherches en ergonomie du travail, ce mémoire de licence s'inscrit dans la volonté de comprendre ce qui se joue dans la formation des enseignants concernant l'évaluation des gestes professionnels par ce qu'en disent les formateurs en [...]

LEHMANN, Raphaël. Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l'impossible mission des formateurs en établissement ?. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3831

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

MEMOIRE DE LICENCE

mention recherche et intervention

Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l’impossible mission des formateurs en établissement ?

Raphaël LEHMANN

Août 2009

Lucie MOTTIER LOPEZ, Directrice Walther TESSARO

Fred-Henri SCHNEGG

(3)

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET A rendre avec le procès-verbal DES SCIENCES DE L’EDUCATION et les 2 exemplaires du mémoire SECTION DES SCIENCES DE L’EDUCATION

MEMOIRE DE LICENCE

Nom : LEHMANN Prénom : Raphaël

Mention choisie : LMRI Commission de mémoire :

1) Lucie Mottier Lopez (directrice) 2) Fred-Henri Schnegg

3) Walther Tessaro 4)

Titre du mémoire de licence :

Evaluer les gestes professionnels des futurs enseignants : l’impossible mission des formateurs en établissement ?

RESUME

La profession enseignante n’échappe pas au phénomène d’imputabilité auquel sont soumis les métiers dont la maîtrise et la connaissance augmentent. Le mouvement de professionnalisation accrue de l’action enseignante, illustré notamment par la création des Hautes écoles pédagogiques et l’universitarisation que cela implique, met en évidence la volonté de démontrer que l’activité enseignante repose sur une expertise particulière qui fait une différence majeure dans l’apprentissage des élèves. Face à ce constat, nous avons entrepris de questionner le dispositif de formation des enseignants du niveau préscolaire-primaire. Plus particulièrement, nous avons focalisé notre champ de recherche sur l’équité des procédures d’évaluation des pratiques professionnelles engagées sur le site bernois de la HEP-BEJUNE.

S’appuyant sur une méthodologie compréhensive inspirée des recherches en ergonomie du travail, ce mémoire de licence s’inscrit dans la volonté de comprendre ce qui se joue dans la formation des enseignants concernant l’évaluation des gestes professionnels par ce qu’en disent les formateurs en établissement. La technique d’entretiens en auto-confrontation croisée nous a permis d’accéder au discours des formateurs en établissement et de dégager ainsi leurs préoccupations, leurs craintes, leurs manières de faire, leur difficulté à vivre la dualité des rôles qu’ils assument : accompagner et contrôler.

Mots-clés : jugement professionnel, formation des enseignants, évaluation des pratiques professionnelles, formation en alternance, professionnalisation, stages.

Genève, le 19 août 2009

MEMOIRE DE LICENCE

(4)

Remerciements

La rédaction de ce mémoire de licence met un terme à un parcours universitaire enrichissant et couronne de belles années passées à lire, discuter, écrire, échanger et reconstruire sans cesse notre vision de l’éducation. Que de chemin parcouru depuis octobre 2002.

Nous adressons nos remerciements à Lucie Mottier Lopez pour son soutien et son engouement en faveur de notre démarche de recherche.

Nous remercions la Haute Ecole Pédagogique BEJUNE qui, en nous ouvrant ses portes, nous a permis de développer notre projet de recherche.

Au terme de ce travail, nous adressons nos sincères remerciements à celles et ceux sans qui cette recherche n’aurait pu voir le jour : les étudiants qui ont accepté d’être filmés, les FEE qui ont ouvert leurs classes et qui se sont prêtés au jeu de notre démarche de recherche. Qu’ils soient remerciés pour leur participation.

Enfin, notre gratitude et nos remerciements s’adressent tout particulièrement à Caroline et Aurélien pour leurs précieux conseils et leurs remarques qui ont guidés notre réflexion.

Les Pontins, août 2009.

(5)

Table des matières :

Remerciements ... 2

Avertissement ... 6

1 Introduction : ... 7

1.1 Organisation des chapitres ...9

2 Problématique ... 11

2.1 Le métier d’enseignant : vers une professionnalisation ... 11

2.2 Evolution de la profession enseignante ... 12

2.3 Les enjeux de la formation initiale ... 14

2.4 Enseigner : construire un habitus professionnel ... 17

2.5 Autour du concept de compétence ... 19

2.6 Un référentiel de compétences ... 20

2.7 La formation initiale des enseignants ... 21

2.8 Un système de formation anachronique ... 22

2.9 Les stages ... 23

2.10 L’évaluation des enseignants ou la mesure de la qualité ? ... 25

2.11 Une observation des pratiques instrumentée ... 27

2.12 Le maître efficace ? ... 28

2.13 La certification ... 28

3 Cadre conceptuel : dimensions de la recherche ... 31

3.1 La formation à l’enseignement en Suisse : l’exemple de la HEP-BEJUNE ... 31

3.2 Qui sont les formateurs en établissement ? ... 33

3.3 Rôles et fonctions des formateurs de terrain ... 34

3.4 L’évaluation en formation initiale ... 39

3.5 Formateur en établissement - stagiaire : une relation évaluative ambiguë ? ... 40

3.6 Caractérisation des pratiques d’évaluation durant les stages de formation ... 42

3.7 Evaluer, l’expression d’un système de valeurs ... 44

3.8 Obstacles et défis dans l’évaluation des compétences professionnelles ... 46

3.9 Le recours au jugement professionnel ... 47

3.10 Synthèse ... 49

4 Questions de recherche ... 51

4.1 Question générale ... 51

4.2 Questions spécifique ... 51

(6)

5 Méthodologie ... 53

5.1 Posture épistémologique ... 53

5.2 Participants ... 55

5.3 Compétences et gestes professionnels retenus pour l’évaluation ... 56

5.4 Une démarche de recherche en trois phases ... 59

5.5 Paramètres de la situation d’entretiens ... 62

5.6 Nature et traitement des données recueillies ... 62

6 Résultats : présentation et discussion ... 64

6.1 Préambule ... 64

6.2 Evaluer l’action d’un stagiaire ? Un tout ! ... 65

6.3 L’importance du contexte ... 67

6.4 L’importance de la durée ... 70

6.5 L’ambiguïté des postures : entre accompagner et sanctionner ... 71

6.6 Un exemple de négociation : le cas d’Eric (stagiaire) ... 76

6.6.1 Sert de référence à l’élève ... 78

6.6.2 Maîtrise la matière à enseigner et sait alimenter la réflexion des élèves ... 79

6.6.3 Conduit la mise en commun du travail des élèves ... 82

6.7 Une observation selon trois niveaux... 84

6.8 Les acteurs sont-ils conscients des procédures d’évaluation appliquées ? ... 86

6.9 Et si un seul critère suffisait ? ... 87

6.10 Le recours inconscient au jugement professionnel ... 90

7 Conclusion ... 92

7.1 Evaluer les gestes professionnels : l’impossible mission des FEE ? ... 92

7.2 Le besoin de faire partie d’une communauté de pratiques ... 93

7.3 Un retour sur les questions de recherche ... 94

7.3.1 QR3 : Quelles sont les procédures d’observation mobilisées par les FEE dans l’évaluation des pratiques ? ... 94

7.3.2 QR2 : Comment objectiver la subjectivité inhérente à un dispositif d’évaluation faisant appel au jugement professionnel ? ... 95

7.3.3 QR4 : Quel rapport les formateurs en établissement entretiennent-ils entre les axes former / contrôler dans le dispositif d’évaluation ? ... 95

7.3.4 QR1 : Quels sont les signes, dans l’actuel dispositif d’évaluation des futurs enseignants, rendant compte de la professionnalisation de la formation ? ... 96

7.4 Et si l’on donnait la parole à … ... 96

8 Références bibliographiques ... 98

9 Liste des tableaux et figures ... 105

10 Annexes ... 106

(7)

Avertissement

Afin de favoriser la lisibilité du texte, le genre masculin a été retenu comme terme générique renvoyant à un collectif composé aussi bien d’hommes que de femmes.

Un principe de confidentialité a été conclu avec la Haute Ecole Pédagogique BEJUNE ainsi qu’avec toutes les personnes ayant participé à cette recherche. Pour préserver l’anonymat des participants, tous les prénoms employés dans le cadre de ce mémoire sont fictifs. De plus, les séquences vidéo utilisées n’ont pas été jointes à ce travail mais restent à disposition chez l’auteur.

Les références bibliographiques de cette recherche se basent sur les normes officielles de l’American Psychological Association (APA) reprisent par Pelgrims dans son guide : Pelgrims, G. (2005). Références bibliographiques. Guide pour les travaux universitaires en sciences de l’éducation. Genève : Cahiers de la section des sciences de l’éducation (4e éd.).

(8)

1 Introduction :

La construction de l’identité professionnelle d’un futur enseignant se réalise au fil des rencontres et des expériences en formation, plus ou moins heureuses, parfois contradictoires, souvent ancrées dans la mémoire pour le reste de la carrière.

La métamorphose qui fera passer l’étudiant de son statut d’élève à celui d’enseignant est complexe, invisible, généralement liée à un parcours singulier de formation. La dynamique de cette transformation n’est pas linéaire, ni idéale. Les effets de formation s’accumulent et ne se feront parfois sentir que quelques années plus tard. L’évolution des préoccupations professionnelles des étudiants amèneront des interprétations différentes des conseils, des événements et situations rencontrés, participant ainsi à redéfinir et à restructurer leur activité dans la classe. Il n’en demeure pas moins que ces enseignants en devenir se doivent d’acquérir un certain bagage commun, des gestes reconnus par l’institution, et de répondre aux attentes que l’on peut formuler à leur égard. L’institut de formation se devra de certifier les compétences professionnelles des enseignants formés en son sein afin d’asseoir la crédibilité de la professionnalisation de l’action enseignante tout en garantissant à la fois une formation permettant à ces jeunes enseignants d’investir durablement leur activité professionnelle.

La Suisse s’est engagée dans un processus d’harmonisation des systèmes scolaires qui aura notamment des incidences sur l’âge d’entrée à l’école, les structures, les plans d’études. Cette évolution s’inscrit dans une transformation des attentes de la société vis-à- vis des systèmes éducatifs notamment en termes de qualité et d’efficacité. La nationalisation de la reconnaissance des diplômes d’enseignement implique nécessairement de renforcer la compréhension commune des objectifs de formation (Maradan, 2006) afin d’assurer un haut degré de professionnalité de l’ensemble de la profession.

La qualité du personnel enseignant ainsi que de son processus de formation est une thématique controversée qui fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part des administrateurs et des instances politiques dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE. Comme le montre le processus de Lisbonne (Eurydice, 2006), il semble bel et bien y avoir une unanimité autour de l’importance accordée, d’une part, à l’amélioration de la qualité et de l’efficacité des systèmes éducatifs et, d’autre part, à la consolidation de la formation des enseignants.

Nombre d’interrogations subsistent cependant quant à la durée, au contenu et à la forme de la formation professionnelle suscitant encore d’abondants débats ci et là. « Le souci croissant d’améliorer la qualité du processus éducatif (…) et de contrôler les résultats obtenus » (Schwille & Dembelé, 2007, p.9), qui accompagne l’intérêt affiché face au

(9)

développement et à l’amélioration des systèmes éducatifs, a pour mérite d’inciter les diverses institutions de formation à questionner le choix des cursus, des méthodes d’examen, de sélection, de délivrance de certificats et diplômes. Les métiers de l’humain étant le fruit de « pratiques discursives socialement et politiquement marquées, relatives à des finalités, des méthodes et des objets éducatifs » (Vanhulle, Merhan & Ronveaux, 2008, p.8), le processus d’objectivation de la profession enseignante se confronte à de nombreuses divergences d’opinion entre les divers systèmes de formation. Au-delà de ces débats fortement politisés, on peut décemment se questionner sur ce qui fait un bon enseignant. Chacun aura l’image d’un enseignant bienveillant, enthousiaste, passionné et éveillant l’intérêt pour telle ou telle matière. Est-ce là bien suffisant pour définir ce qui fait la qualité d’un enseignant ?

Face à ces enjeux de la formation initiale, il nous parait donc important de nous interroger sur la certification des enseignants et de tracer un portrait des pratiques évaluatives des stages en cours dans le cadre d’un institut de formation des maîtres : la Haute Ecole Pédagoque de Berne, du Jura et de Neuchâtel (HEP-BEJUNE). L’importance accordée au développement des compétences dans les cursus de formation des enseignants conduit les formateurs de terrain devant la nécessité d’évaluer des problématiques complexes qui ne peuvent être résolues à l’aide de procédures, techniques ou recettes pouvant être appliquées telles quelles (Lafortune, 2008). Ce contexte oblige les enseignants à faire appel à leur expertise : le jugement professionnel.

Alors que l’harmonisation scolaire en cours laisse entrevoir la prégnance d’un sentiment d’imputabilité et de redevabilité des systèmes de formation, notre cheminement se trouve lié à l’interrelation qui noue les enjeux du métier d’enseignant aux enjeux de formation. En assistant à l’augmentation des exigences envers les systèmes éducatifs et à ce mouvement vers une professionnalisation accrue, nous nous interrogeons sur l’usage des dispositifs d’évaluation des pratiques. Ainsi, notre recherche s’inscrit dans une démarche compréhensive et descriptive des processus d’évaluation qui jalonnent le cursus de formation des futurs enseignants et qui sous-tendent la certification de leurs compétences professionnelles par le regard des formateurs en établissement1 (FEE).

1 La dénomination de « formateur en établissement » est retenue par la HEP-BEJUNE pour définir les formateurs de terrain et recouvre les appellations de « formateur-praticien », « conseiller pédagogique » ou encore de « maître associé ».

(10)

La littérature sur la formation professionnelle des enseignants ne manque pas de réflexion tant sur le rôle et les enjeux des stages que sur l’évaluation des gestes professionnels des enseignants. Toutefois, peu de travaux s’osent à combiner ces deux approches et à s’intéresser aux dispositifs d’évaluation des pratiques des futurs enseignants. Bien que l’intérêt produit par ce type de questionnement soit indéniable, il n’est pas surprenant de trouver peu de recherches en la matière. Nous relevons notamment deux difficultés majeures :

- la diversité des stages proposés par les différents instituts de formation (IUFM, HEP, universités) empêche les comparaisons

- l’imbrication d’une pluralité d’influences qui contribuent à la formation d’un futur enseignant.

Par le biais de ce travail de recherche, nous souhaitons donc participer à la réflexion sur la formation professionnelle des enseignants. Nous espérons que nos observations et nos remarques permettront d’une part à la HEP-BEJUNE d’approfondir la connaissance des effets de son dispositif de formation et de certification et, d’autre part, à susciter un intérêt envers les questions d’évaluation des stages et de certification des pratiques professionnelles.

1.1 Organisation des chapitres

Pour atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, nous avons choisi de nous distancier du modèle classique de mémoire distinguant revue de littérature, problématique et cadre conceptuel au profit d’une approche intégrative liant ces trois chapitres, ces parties demeurant bien évidemment présentes.

La revue de littérature faisant état de la question, relativement aux objets qui nous intéressent, se trouve imbriquée dans les deux premiers chapitres (problématique et cadre conceptuel).

Outre une description des enjeux majeurs liés à la professionnalisation du métier d’enseignant, le premier chapitre intitulé « problématique » contient une réflexion globale sur le processus de formation initiale ainsi que sur les questions liées à la qualité du personnel enseignant. En y indiquant les éléments qui font débat et ceux pour lesquels il reste des inconnues, nous y avons présenté les différents modèles et conceptions des auteurs

(11)

concernant la mesure de performance des enseignants ainsi qu’un panorama des référentiels des compétences nécessaires à l’exercice de cette profession.

Le cadre conceptuel retenu est aussi étayé par une revue de littérature, cette dernière étant essentiellement orientée sur les concepts mobilisés dans le contexte de notre recherche. Ce deuxième chapitre offre une description de nos orientations théoriques et reste inévitablement lié à nos questions de recherche présentées dans le quatrième chapitre. Le lecteur y trouvera aussi les choix théoriques qui ont guidé notre travail.

Le troisième chapitre consacré à la description du cadre méthodologique présente notre dispositif empirique construit sur les travaux d’analyse ergonomique du travail. En adaptant les techniques liées à l’utilisation des entretiens en autoconfrontation croisée, nous avons cherché à accéder de manière authentique aux diverses préoccupations des FEE et à la compréhension de ce qui guide leurs pratiques. Pour réaliser cela, nous avons eu recours à des séquences vidéo mettant en scène de futurs enseignants. Tournées dans le quotidien d’un stage de formation dans une école primaire fonctionnant dans le giron du site bernois de la HEP-BEJUNE, ces films nous ont permis d’approcher un niveau de réflexion auquel il est peu aisé d’accéder dans le réel de leur activité. En effet, la projection d’extraits choisis nous a offert la possibilité de présenter un matériel commun et véritable à plusieurs FEE afin de recueillir leur discours concernant l’évaluation des stagiaires en action dans une même séquence.

Dans le cinquième chapitre, le lecteur trouvera une présentation des résultats dans laquelle nous exposons une modélisation des pratiques des FEE ainsi qu’une réflexion sur les jeux et enjeux de l’évaluation des pratiques. Il s’agit d’une présentation thématique dans laquelle nous témoignons des pratiques des personnes interrogées, relevant leurs doutes, leurs idéaux, leurs manières de faire, leur difficulté à vivre la dualité des rôles qu’ils assument dans l’évaluation : accompagner et sanctionner. Quant au modèle que nous proposons, il offre une description générale des pratiques attestant d’une régularité entre les divers FEE interrogés.

Enfin, dans la conclusion, nous présentons un retour sur notre projet de recherche ainsi qu’une brève synthèse des résultats qui nous invitent à croire, au-delà de l’investissement d’une communauté de pratique qui se sous-estime ou se méconnaît, au potentiel du système de formation en alternance déployé sur le site bernois de la plateforme 1 de la HEP- BEJUNE.

(12)

2 Problématique

2.1 Le métier d’enseignant : vers une professionnalisation

Depuis maintenant une dizaine d’années, les processus d’évaluation et de la mesure de la qualité de l’enseignement occupent une place prépondérante dans les préoccupations de la société à l’égard de l’école. Sous la pression d’attentes sociales et économiques, de nombreux débats accompagnent la mutation des systèmes scolaires. Malgré une hausse du niveau scolaire, l’amélioration de l’efficacité et de l’équité de l’enseignement demeure une préoccupation majeure des états. Si la nécessité d’évaluer et de mesurer les performances des systèmes scolaires par des programmes de suivi des acquis des élèves tels que PISA n’est plus à prouver, il ne faut pas négliger de donner une crédibilité à ces systèmes en évaluant l’action enseignante.

La professionnalisation du métier d’enseignant depuis l’instauration d’une instruction gratuite et obligatoire a très fortement évolué, à l’image de l’évolution générale de la société.

Considéré longtemps comme un métier de vocation, l’enseignement est devenu « une véritable profession reposant sur une expertise et une capacité de jugement réflexif de haut niveau » (Lang, 1999, p. 33). Pour pouvoir être considérée comme une profession, l’activité enseignante doit toutefois démontrer qu’elle repose sur une expertise particulière qui fait une différence majeure dans l’apprentissage des élèves (Laveault, 2007).

Contrairement à de nombreuses professions, les connaissances disponibles sur les savoirs professionnels et les phénomènes qui se déploient dans l’enseignement sont encore très mystérieux bien que cette activité trouve son origine dans l’Antiquité déjà. L’identification des actions de l’enseignant dans la classe ayant une influence sur l’apprentissage des élèves n’est encore qu’à son balbutiement alors qu’une connaissance approfondie de ces savoirs professionnels devrait permettre aux enseignants d’améliorer l’efficacité de leur action (Gauthier, 1997). Si l’on a longtemps pensé que les savoirs disciplinaires étaient suffisants pour permettre à d’autres d’apprendre, on a réalisé que ces dernières, même si elles sont indéniables, ne pourvoient pas à la réalisation des tâches de planification, d’organisation et d’évaluation qui font le métier d’enseignant. Bien que d’aucuns soutiennent encore que l’enseignement n’est affaire que de talent ou d’expérience, il s’agit de passer outre ces clichés pour voir émerger une réflexion sur le métier.

L’époque durant laquelle il suffisait d’appliquer quelques recettes étant révolue, le travail d’enseignant repose sur la maîtrise d’une large palette d’activités professionnelles

(13)

complexes regroupant tant des connaissances générales et disciplinaires que des connaissances sociologiques, didactiques ou psychologique. Comme le décrivent Lessard et Tardif (2004), la profession enseignante nécessite aussi des aptitudes et des attitudes communicationnelles permettant de faciliter les apprentissages de l’élève et de concilier les besoins des familles avec les exigences scolaires. Désormais, le métier d’enseignant consiste à investir d’une part l’axe des connaissances et d’autre part l’axe des interactions pratiques, la professionnalisation étant le « processus de rééquilibration entre ces deux pôles » (Lang, 1999, p. 33). Parallèlement à cette modification, le statut de l’élève s’est peu à peu modifié de telle façon à contribuer lui aussi à la transformation du métier d’enseignant.

La formation professionnelle des futurs enseignants s’est développée de manière à répondre à l’évolution du système. Généralement, elle repose sur une articulation entre enseignement théorique et stages pratiques favorisant l’interaction entre ces deux domaines, les contenus disciplinaires étant considérés comme acquis. Cette alternance apparaît souvent comme une contrainte nécessaire à l’articulation, a priori antinomique, de deux domaines qui contribuent d’une part à définir un ensemble de gestes professionnels et d’autre part à jeter les bases d’un processus de formation tout au long de la vie.

Les systèmes éducatifs forment et emploient des professionnels au bénéfice de formations certifiées. Actuellement, les démarches d’évaluation des compétences des enseignants sont encore à leur balbutiement mais tendent à s’implanter de manière durable dans le monde scolaire et de la formation. Grâce à ce type d’approches, les systèmes éducatifs veillent notamment à vérifier et mesurer l’efficacité de l’enseignement afin de répondre aux exigences de standards de qualité. La pertinence de l’évaluation durant le processus de formation et de la capacité de certifier des compétences acquises par les futurs enseignants se profile comme une dimension importante si ce n’est essentielle de la mesure de l’efficience des systèmes scolaires. Est-ce bien le cas ? L’évaluation actuelle des futurs enseignants correspond-elle aux attentes du système et tient-elle compte des changements de ce mouvement de professionnalisation ?

2.2 Evolution de la profession enseignante

Le rythme de l’évolution sociale, l’accroissement des échanges entre les hommes ainsi que l’augmentation exponentielle de production de connaissances ont considérablement bouleversé le modèle scolaire démocratique. Les écoles et les enseignants sont désormais contraints de répondre à des attentes de plus en plus complexes. Comme le rapport de l’OCDE (2005) le met en évidence,

(14)

la société contemporaine attend des établissements scolaires qu’ils prennent efficacement en charge des élèves issus de milieux sociaux et linguistiques différents, qu’ils se montrent sensibles aux questions culturelles et aux problèmes d’égalité des sexes, qu’ils encouragent la tolérance et la cohésion sociale, qu’ils s’occupent comme il se doit des élèves défavorisés et des élèves présentant des difficultés d’apprentissage ou des troubles du comportement (p.

107).

L’élève est désormais au centre du système éducatif et devrait concentrer l’ensemble des préoccupations du personnel enseignant. Comme le souligne Develay (1996), le métier d’enseignant se définit non pas en termes d’activité d’enseignement mais principalement par les activités d’apprentissage des élèves. Ainsi, en considérant l’élève comme le centre des sollicitudes de l’enseignant, on peut avancer que l’enseignement consiste à servir de médiation entre l’apprenant et les savoirs qui lui sont proposés. « L’enseignant est ainsi pour l’élève un médiateur de savoir, un facilitateur des apprentissages, trouvant sa compétence dans sa capacité d’inventer des situations d’apprentissage enseignement » (Develay, 1994, p. 56). Faces aux exigences de plus en plus grandes imposées aux écoles, le métier d’enseignant doit donc s’agencer autour de paradigmes organisant la mutation du métier ; la formation initiale des enseignants doit s’engager elle aussi dans une métamorphose similaire. Penser la formation initiale des enseignants nécessite donc, à l’instar de ce que préconise Perrenoud (1994), de penser et repenser le fonctionnement d’un système éducatif.

Pour cela, les pays disposent de cadre pour orienter les dispositifs de formation et préciser ce que les enseignants sont censés connaître et savoir faire.

Cela nécessite bien évidemment la mise en œuvre de dispositifs « susceptibles d’accroître la professionnalité enseignante, tant en formation initiale qu’en insertion professionnelle » (Bélair, 2007a, p. 51) ainsi que l’élaboration de pratiques ou systèmes permettant de vérifier, de crédibiliser et d’accréditer le niveau de compétences des professionnels de l’éducation.

Le métier d’enseignant peut être caractérisé, à l’instar de ce que propose Develay (1996), à celui d’un médiateur habile à mettre en place des situations d’apprentissage qui prennent en compte simultanément le pôle des savoirs et le pôle de l’élève dans la relation didactique.

Cette définition permet dès lors de proposer une formation théorique couvrant trois axes : une formation disciplinaire, une formation didactique et une formation psycho-pédagogique.

La principale difficulté de l’activité enseignante résiderait donc dans le fait de mettre ces trois pôles en synergie. Former des enseignants capables de relever le défi de la démocratisation de la réussite scolaire pour contribuer à la création d’une société démocratique : voilà sans doute les véritables enjeux de la formation initiale.

(15)

2.3 Les enjeux de la formation initiale

Les institutions de formation romandes accueillent une population composée essentiellement de titulaires d’un certificat de maturité, la moyenne suisse atteignant 67% des candidats en 2004-2005 et près de 96% pour la HEP-BEJUNE (Lehmann et al., 2007). La plupart des étudiants des HEP n’ont jamais vraiment quitté le monde scolaire avant d’y replonger, non plus comme élève, mais comme enseignant. Avant de pouvoir enseigner, ils entrent donc dans un processus de formation nantis de leurs connaissances théoriques et de leurs expériences d’élève acquises tout au long de leur scolarité. Au bénéfice d’une bonne culture disciplinaire, les futurs enseignants font généralement état d’une certaine immaturité pédagogique. Cette ambivalence provoque probablement chez les étudiants une difficulté à gérer l’opposition entre apprendre et enseigner. Cela s’illustre notamment lors de leurs stages : ils mènent une foule d’activités dans les classes et éprouvent des difficultés à séparer, dans les mille et un conseils qu’ils reçoivent, l’important de l’accessoire, le généralisable de l’anecdotique (Gelin et al., 2007). Inévitablement, l’arrivée dans le monde de l’enseignement nécessite donc un changement de positionnement de la part des stagiaires afin de quitter le« statut d’ancien élève pour prendre celui d’enseignant, en passant d’une centration sur soi à une centration-élève » (Faingold, 2002, p. 206).

L’alternance entre périodes de formation académique et dans les terrains professionnels peut aussi conduire les étudiants à mettre en opposition les savoirs dits théoriques à ceux plutôt pratiques, à mettre en contradiction les formateurs des établissements de formation et les formateurs de terrain. Ces alliances illégitimes entre l’étudiant et le maître de pratique peuvent conduire à développer un certain mépris dans les établissements scolaires envers une formation trop abstraite dispensée par les instituts de formation des maîtres. A la recherche de réponses rapides à leurs interrogations pratiques, les étudiants attendent une formation centrée sur l’utile et l’immédiat tandis qu’il leur est plutôt proposé une formation basée sur des objectifs plus larges permettant d’envisager sereinement l’évolution du métier.

Les stages pratiques proposés dans les cursus de formation initiale engagent généralement les étudiants dans une dynamique d’acculturation (Lang, 2006) et leur font rencontrer des modèles et idéaux professionnels parfois antinomiques. Entre l’effet terrain valorisant la mémoire d’un héritage séculaire et les nouveaux modèles professionnels orientés vers la figure du praticien réflexif, la difficulté principale de la formation des enseignants réside sans doute dans la gestion de cette dualité qui oppose encore savoirs théoriques et savoirs pratiques, les savoirs théoriques comprenant à la fois les savoirs disciplinaires à enseigner mais aussi leur épistémologie ainsi que les savoirs didactiques et pédagogiques. En effet,

(16)

une longue tradition tenace semble vouloir séparer la formation théorique « dispensée aux cours et la « pratique » s’acquérant sur les lieux de stage comme une forme d’application de la théorie » (Vanhulle, Merhan & Ronveaux, 2007, p. 10). Du « tout à la pratique » préconisant qu’une acquisition de savoirs pratiques ne peut se faire que par une acculturation réalisée dans le terrain au modèle plus académique insistant sur l’importance de la connaissance théorique qui précède le geste efficace, quatre modèles, proposés par Vanhulle, Merhan et Ronveaux (2007), décrivent ce processus de formation par alternance :

 modèle de type applicationniste : la théorie précède la pratique

 modèle acculturateur : l’immersion sur le terrain est au cœur du dispositif

 modèle intégrateur précoce : l’organisation prévoit des allers-retours réguliers entre les lieux de cours et de stage

 modèle intégrateur par étapes : la formation théorique soutient l’activité pratique durant une autonomisation progressive.

Le choix de l’un ou de l’autre des modèles nécessite inévitablement une négociation afin d’établir un partenariat fiable entre les institutions de formation, les formateurs et les étudiants. Les enjeux de la formation initiale consistent donc à trouver un équilibre permettant à la fois de répondre aux besoins pratiques des futurs enseignants tout en préservant leur avenir professionnel en les préparant à affronter le métier qu’ils exerceront demain, en synchronisant les attentes individuelles et les offres de formation (Gelin et al.

2007). L’importance de la formation théorique ne fait toutefois sens que si elle s’inscrit dans une perspective d’articulation à la pratique ou du moins dans des phases d’analyse des pratiques. Comme le relève Perrenoud (1994), la théorie fonctionne comme une grille de lecture de l’expérience. Bien qu’elle ne permette évidemment pas de tout contrôler, elle offre néanmoins la possibilité d’interpréter le réel. Dès lors que cette démarche de va-et-vient entre faire et réfléchir s’applique de manière méthodique, on peut parler de démarche clinique (Perrenoud 1994). Enfin, comme l’indique le rapport de l’OCDE (2005), la formation initiale ne doit pas exclusivement offrir une base solide pour acquérir des connaissances disciplinaires, des fondements pédagogiques ou des principes didactiques, mais doit aussi permettre aux étudiants de « développer les compétences nécessaires à la pratique réfléchie de l’enseignement et de la recherche en cours d’emploi » (p. 105).

Develay (1996) décrit le processus de formation professionnelle en insistant sur le fait que les formateurs sont conduits

(17)

à privilégier non pas tant des séquences d’enseignement magistro-centriques qui seraient censées tout expliquer, mais des temps divers de formation dont les modalités sont variables mais visent, au-delà de la maîtrise des compétences localisées, le développement d’un regard ouvert à la création pédagogique et didactique permettant d’affronter les situations les plus diverses (p. 65).

Il s’agit par la même occasion de concevoir ou d’utiliser un dispositif d’évaluation permettant de tenir compte du fait que les compétences professionnelles se construisent dans la durée et qu’elles ne peuvent être présentes que sous une forme provisoire, en voie d’élaboration.

Le développement de routines intériorisées permettra au jeune enseignant de faire face à des situations complexes et d’y répondre efficacement dans un temps de réflexion minimum.

Correspondant à un corps de connaissances professionnelles spécialisées, ces routines d’organisation acquises par l’entraînement et l’expérience permettent généralement aux enseignants de réaliser leur mission malgré les imprévus qui jalonnent le temps didactique (Gelin et al., 2007). A l’entrée dans la profession, les stagiaires sont parfois démunis face à la diversité des actions constitutives de la gestion de classe et se trouvent à construire ce répertoire de savoir professionnel dans l’action (Lacourse, 2002).

L’immédiateté et l’imprévisibilité du travail de l’enseignant dans la classe mettent en évidence la difficulté de construire un habitus - « ce petit lot de schèmes permettant d’engendrer une infinité de pratiques adaptées à des situations toujours renouvelées » (Bourdieu, 1974, p. 209) - et d’envisager une réponse adaptée faces aux exigences toujours plus élevées du milieu. Cette difficulté à pouvoir proposer une formation prédéterminée et précise est inhérente au métier d’enseignant car, comme le relève Develay (1996), les compétences d’un enseignant ne sont pas limitées. Elles ont tendance à se construire, à s’adapter au milieu et au public, à se modifier tout au long de la vie professionnelle. Ces considérations sont constitutives d’un métier qui n’est pas d’exécution mais qui présuppose l’exercice d’une capacité critique et d’une responsabilité morale (Rayou & Van Zanten, 2004).

Quant aux contraintes spécifiques du métier d’enseignant, elles dépendent d’une part des exigences réglementaires fixées dans les directives administratives et, d’autre part, des situations locales d’enseignement. Le futur enseignant se trouve donc confronté à construire une identité professionnelle lui permettant de résoudre les dilemmes de sa profession. Il s’agit pour cela de déplacer une centration focalisée sur lui-même vers une centration sur la tâche et finalement sur l’effet de son enseignement sur les élèves (Fuller 1969, cité par Gelin et al., 2007).

(18)

Le processus de formation a la lourde tâche d’aider les futurs enseignants à « comprendre que l’enseignement est une profession » (Bélair, 2000, p 28) par une démarche de déconstruction des représentations des idées préconçues des rôles, droits et devoirs des enseignants en vue de reconstruire une identité professionnelle dans sa pluralité.

2.4 Enseigner : construire un habitus professionnel

L’enseignement n’est pas comme la cuisine une activé durant laquelle on peut appliquer des recettes à la lettre. Si certaines actions et conduites d’un enseignant découlent de l’application de « trucs, de tours de mains » qui se transmettent au fil des générations (Petignat, 2009), on peut s’accorder à dire que la pratique pédagogique ressemble plutôt à une succession de microdécisions durant lesquelles l’enseignant affronte de nombreuses interactions et répond à des sollicitations diverses dans un environnement limité (Huberman cité par Perrenoud, p.24, 1994).

La conduite d’une classe est une activité périlleuse durant laquelle l’enseignant se trouve constamment confronté à des dilemmes auxquels il doit répondre sans attendre, en plus de gérer la progression du temps didactique.

Répondre ou non, s’attarder auprès d’un élève en difficulté ou l’encourager d’un mot, choisir de voir ou de ne pas voir, de sanctionner ou de ne pas sanctionner une conduite déviante, suivre ou ne pas suivre une piste suggérée par un élève, poursuivre une discussion agitée ou y mettre fin, donner la parole à tel ou tel, accepter ou non une proposition, dramatiser ou banaliser un appel au calme (Perrenoud, 1994, p. 24).

Ce sont autant de choix que l’enseignant traite quasiment inconsciemment, pratiquement toujours dans l’instant et avec plus ou moins de succès et de pertinence. On peut raisonnablement se demander si ces prises de décisions sont le fruit du hasard ou, au contraire, si elles sont le reflet d’une mise en pratique de normes et de modèles tirés d’un répertoire de situations similaires (Perrenoud, 1994).

L’activité efficace d’un enseignant découle de la mise en œuvre de schèmes d’actions (Perrenoud, 1994), afin de répondre à une situation habituelle ou inédite. Ces pratiques largement inconscientes permettent dans des circonstances coutumières de minimiser la charge cognitive de l’enseignant et d’accorder son attention à une plus grande quantité d’information, de dédier sa concentration aux problèmes directement liés aux contenus de savoirs et à leur appropriation par les élèves. Face à un événement particulier, l’enseignant modifie, ajuste et transpose un schème existant afin de répondre à une situation nouvelle.

(19)

Cette économie de réflexion, qu’un novice n’est a priori pas en mesure de réaliser, fonctionne grâce aux habitudes créées au quotidien dans la pratique professionnelle et dans un environnement socialement structuré : elle naît de l’habitus, ce système « de dispositions durables (…) qui peuvent être objectivement « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles, objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente des fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre » (Bourdieu, 1974, p. 175).

Les pratiques que génèrent l’habitus « en tant que principe générateur de stratégies permettant de faire face à des situations imprévues et sans cesse renouvelées » (Bourdieu, 1974, p. 175) guident l’action de l’enseignant. Sans être préalablement organisée selon une stratégie détaillée, l’action enseignante repose sur la capacité de traiter l’information selon un « système de dispositions durables et transposables qui, intégrant toutes les expériences passées, fonctionne à chaque moment comme une matrice des perceptions, d’appréciations et d’actions, et rend possible l’accomplissement de tâches infiniment différenciées » (Bourdieu, 1974, pp. 178 -179) et tenant bien évidemment compte des spécificités de la situation rencontrée.

L’activité effective d’un enseignant, telle qu’elle se laisse observer, ne correspond jamais à un scénario écrit à l’avance. Il s’agit toujours d’une improvisation basée sur un canevas préalablement établi et modulée par les événements de la classe. On peut s’avancer à dire que la capacité de gérer ces demandes multiples relèvent d’une maîtrise professionnelle adéquate que les enseignants en formation se doivent d’acquérir, pour autant que les systèmes éducatifs considèrent « la pratique comme une expression de l’habitus plus que comme la mise en pratique de recettes » (Perrenoud, 1994, p. 41). La situation pédagogique se compose de dimensions contradictoires qui amènent l’enseignant à délaisser ses certitudes pour agir avec une sorte d’insoutenable légèreté (Gauthier, 1997), les règles de l’action pédagogique ne pouvant pas être appliquées de façon mécanique.

Au vu de ce qui précède, la formation initiale des enseignants devrait donc permettre aux futurs enseignants de maîtriser une palette des gestes professionnels suffisamment large pour leur permettre de se sentir à l’aise dans une classe tout en leur permettant de progresser et d’apprendre tout au long de leur carrière.

(20)

2.5 Autour du concept de compétence

Compétent, incompétent ? Alors que les diplômes d’enseignement délivrés attestent et valident le droit d’exercer une activité professionnelle, il n’est pas rare d’entendre des com- mentaires portés sur un individu à partir de standards reconnus par le milieu dans lequel celui-ci exerce une activité. Il s’agit généralement d’un jugement fondé sur des normes de performance, la compétence ou l’incompétence devenant des attributs de la personne. Les programmes de formation construits sur des référentiels de compétences postulent implicitement que ces dernières peuvent faire l’objet d’un enseignement et donc d’une évaluation. Comment peut-on les définir ?

La notion de compétence est généralement liée à celle de connaissance conduisant à l’action. Louis, Jutras et Hensler (1996) en proposent quelques définitions :

Aussi, le Conseil supérieur de l’éducation (1991) présente la compétence comme un ensemble d’habiletés qui permettent d’agir de manière cohérente et adaptée à différentes situation dans un domaine d’intervention. Le Centre d’Etudes Pédagogiques pour l’Expérimentation et le Conseil (CEPEC) (Gillet, 1992), par ailleurs, la voit comme un système intériorisé et organisé de connaissances conceptuelles et procédurales se manifestant par des actions efficaces. Dans le même ordre d’idées, Beauchesne et al. (1993) précisent qu’elle est composée d’un ensemble de savoirs, de savoirs-faire et d’attitudes qui peuvent être mobilisées et traduits en performances. Pour ces auteurs, la compétence débouche sur la réalisation de tâches complexes, de manière satisfaisante (p. 416).

Dans cette optique, la compétence correspond à la capacité d’un individu à s’adapter efficacement à un ensemble de situations professionnelles variées et de produire le comportement adéquat afin de générer une réponse adaptée au contexte et aux circonstances.

A l’instar de ce que relèvent encore Louis, Jutras et Hensler (1996), la notion de compétence est considérée par certains auteurs comme :

un synonyme d’objectif pédagogique, ce qui, selon le National Council on Measeurement in Education (Bunda et Sanders, 1979), restreint grandement la portée de ce concept. On retrouve surtout cette équivalence dans certains écrits publiés au cours des années 1970 et inspirés d’une perspective behavioriste (Andersen, De Vault et Dickson, 1973 ; Hall et Jones, 1976 ; Houston et Hawsan, 1972) ; Neill, 1978 ; Schneider, 1973) (p. 416).

Dans le cadre de notre travail, nous retiendrons la première acception rejoignant le courant proposant une vision cognitiviste des compétences selon laquelle ces dernières sont « un état, une capacité à agir et non une action particulière » (Louis et al., 1996, p. 417) et font

(21)

nécessairement appel à des connaissances multiples, des savoirs et des attitudes. Nous adhérons à la définition de Perrenoud (2001) qui propose de concevoir la compétence comme « maîtrise globale d’une situation, ce qui la distingue d’une capacité qui, elle, ne sous-tend qu’un geste ou une opération spécifique » (p. 4). Or, cette maîtrise présuppose une mobilisation en contexte (Perrenoud, 2001) de multiples ressources cognitives généralement dans des conditions de stress et d’urgence.

Au vu de ce qui précède, on pourrait penser que les compétences ne servent que dans des situations complexes, imprévisibles et inédites. Pourtant, l’expertise dont font preuve les enseignants dans leur quotidien est le réinvestissement de compétences acquises afin de traiter de manière efficace les problèmes ordinaires.

2.6 Un référentiel de compétences

L’enseignement est parfois considéré comme une activité singulière qui ne peut conduire à aucune forme de généralisation que ce soit. « Quoique chaque situation d’enseignement, chaque classe, même chaque élève puisse être considéré comme un événement unique, à plusieurs égards, le processus d’enseignement est étonnamment semblable d’un bout à l’autre des Etats-Unis, et dans tout l’Occident » (Dunkin & Biddle, 1974, cités par Gauthier, 1997, p. 62). En effet, tous les enseignants conçoivent des situations d’apprentissages, pla- nifient des séquences et évaluent les acquis des élèves. Ainsi, et même si chaque classe recèle une singularité qui lui est propre, la situation d’enseignement repose sur une structure stable que reproduisent les enseignants. La formation de ces derniers et par conséquent la question de l’évaluation de leurs aptitudes professionnelles nécessite une explicitation des compétences attendues à la fin de la formation. D’après Lehmann et al. (2007), les référentiels de compétences sur lesquels reposent les plans d’études des hautes écoles pédagogiques de Suisse romande s’inspirent de quatre sources :

- les six paradigmes de Paquay (1994)

- les douze compétences professionnelles définies par le groupe de travail de l’Université de Genève (FPSE) sous la direction de Perrenoud (1994)

- les orientations et les compétences professionnelles définies par Martinet, Raymond et Gauthier (2001) éditées par le Ministère québécois de l’éducation

- le référentiel de compétences pour la formation à l’enseignement (CDHEP, 2003) proposé par la Conférence des directeurs et directrices des HEP de Suisse romande

(22)

et du Tessin. Il s’agit dans ce cas d’une synthèse reprenant les items des référentiels genevois et québécois.

Les implications des programmes de formation initiale à l’enseignement, dans le contexte socio-économique actuel, découlent probablement du besoin de trouver une certaine harmonie entre les savoirs théoriques et pratiques grâce au concept de compétences. La HEP-BEJUNE illustre ce phénomène en ayant choisi d’articuler le processus de formation autour d’un catalogue de compétences réparties sur quatre axes de formation : affirmer ses compétences personnelles, développer la relation éducative, concevoir son enseignement, devenir enseignant.

2.7 La formation initiale des enseignants

L’idée préconçue et largement répandue qu’il suffit de maîtriser la matière à transmettre pour enseigner discrédite les efforts liés à la professionnalisation du métier d’enseignant. Face aux exigences auxquelles sont soumis les systèmes éducatifs modernes, on ne peut décemment plus se contenter de confier la formation et l’éducation des enfants à des personnes maîtrisant uniquement les rudiments du calcul, de la lecture et de l’écriture. Le principe selon lequel un adulte qui sait lire saura apprendre à lire à un enfant est sans doute véridique et avéré pour un public ne présentant pas de difficultés cognitives ou affectives particulières. C’est lorsque que des résistances apparaissent qu’il est nécessaire d’avoir des compétences professionnelles spécifiques permettant de débloquer la situation. Comme le relève Bélair (2000), l’acte d’enseigner nécessite des compétences et des habiletés dépassant la simple transmission de savoirs.

Le projet de formation des enseignants dessiné par des formateurs relève finalement d’un véritable projet d’éducation matérialisé par une certaine vision de l’école, de l’apprentissage et du rôle de l’enseignant dans ce système. La définition du poste de travail occupé par un enseignant, la connaissance de la nature de son travail ou encore la description des tâches à réaliser vont déterminer les contenus de sa formation. L’énumération des tâches à accomplir dans telle ou telle fonction va permettre la création d’un référentiel de compétences reflétant ce que les enseignants doivent posséder pour être des praticiens efficaces dans l’école d’aujourd’hui.

La structure du processus de formation initiale des enseignants varie considérablement d’un pays à l’autre, voire d’un canton à l’autre en Suisse. Toutefois, l’accès à la formation initiale

(23)

repose sur un critère minimal commun qui correspond à l’obtention d’un diplôme sanctionnant la réussite d’études de niveau secondaire ou une expérience jugée équivalente. Malgré les différences organisationnelles des dispositifs de formation, il est possible de répartir ces derniers en deux catégories : le modèle simultané et le modèle consécutif (OCDE, 2005).

Contrairement au modèle consécutif, le modèle simultané permet aux étudiants de suivre des cours spécifiques dans les matières enseignables en même temps que des cours plus axés sur les pratiques professionnelles. S’il propose une expérience d’apprentissage plus intégrée, il présente l’inconvénient d’être contraignant puisque les étudiants doivent opter pour une carrière d’enseignant dès le début de leur formation universitaire.

Les contenus et priorités de la formation des enseignants varient elles aussi selon les régions. Cependant, la plupart des programmes de formation associent des cours sur les matières enseignées, les sciences de l’éducation et de méthodologie. Ils doivent permettre aux enseignants de maîtriser les disciplines qu’ils enseigneront mais également de développer des compétences nécessaires pour qu’ils puissent réfléchir sur leur pratique. Les stages pratiques en milieu scolaire font généralement aussi partie du cursus visant à familiariser les étudiants avec les écoles et les classes. De plus, encadrés par des formateurs en établissement, les futurs enseignants sont invités à découvrir le monde scolaire, à observer le fonctionnement des classes et à acquérir une expérience professionnelle en dispensant des cours.

2.8 Un système de formation anachronique

La formation des enseignants en Suisse relève directement d’une administration scolaire cantonale et ce même lorsqu’elle est dispensée par une université. Les instituts de formation des maîtres, hautes écoles ou universités, sont donc soumis à l’emprise de cette autorité.

Cette situation « incestueuse » génère quelques ambiguïtés décrites par Perrenoud (1994).

On relèvera tout d’abord le fait que les établissements de formation relève de la même auto- rité que les écoles dans lesquelles les enseignants seront engagés. Deuxièmement, les spé- cificités des systèmes scolaires ainsi que des divers instituts de formation renforcent des protectionnismes cantonaux qui réduisent passablement la mobilité des enseignants. Enfin, l’institut de formation entretient souvent des relations étroites avec la hiérarchie du système scolaire d’une part parce qu’il en dépend mais d’autre part parce que le système scolaire doit former des enseignants capables de répondre aux attentes du futur employeur. « De nos

(24)

jours, il n’y a guère que l’armée et l’Eglise pour contrôler aussi étroitement la formation de leur personnel » (Perrenoud, 1994, p. 66). Cette étroite dépendance n’existe plus dans la grande majorité des secteurs professionnels puisque l’on évolue vers une plus grande sépa- ration entre ce qui a trait à la formation et à l’emploi. Si les autorités scolaires peuvent en- core, grâce au système actuel, façonner une « main d’œuvre » correspondant à leurs be- soins, on pourrait tout de même s’attendre à ce que la certification évolue de manière à pré- senter des garanties solides offrant une mobilité à des professionnels reconnus pour avoir suivi une formation répondant aux standards fixés par l’ensemble d’un corps professionnel.

Malgré les nombreux progrès réalisés à l’aube des années 2000, l’école fait encore figure d’anachronisme puisqu’elle pratique encore une « formation-maison » (Perrenoud, 1994).

Durant leur cursus de formation, les étudiants effectuent des stages dans diverses écoles et divers degrés scolaires afin de découvrir une pluralité de pratiques et d’environnements professionnels. Comme il n’existe pour l’instant pas de manière optimale d’enseigner, il importe de pouvoir permettre aux futurs enseignants de découvrir divers modes et techniques de fonctionnement aboutissant à des résultats satisfaisants. Il ne s’agit pas par là de donner à voir une pratique exemplaire mais d’offrir à un novice l’occasion de s’approprier des connaissances pratiques au travers de l’interaction avec un enseignant expérimenté.

Les stages occupent, dans une formation professionnelle, une place prépondérante dans la rééquilibration continuelle de l’opposition théorie-pratique. Ce double mouvement, contradictoire ou complémentaire, constitue le corps de la formation professionnelle puisqu’il propose d’une part l’acquisition d’un savoir général transmis et produit par des universités et d’autre part l’acquisition de savoirs pratiques liée à l’expérience sur le terrain (Vanhulle, Merhan et Ronveaux, 2007).

2.9 Les stages

Période d’expérience singulière et personnelle par excellence, pour les futurs enseignants, les stages sont généralement des moments privilégiés qui permettent de découvrir les carac- téristiques d’une profession et de confronter ses idées et connaissances à la réalité du ter- rain. S’étendant de quelques heures à plusieurs semaines, les stages sont des périodes de contact avec une pratique professionnelle durant laquelle les étudiants quittent « le monde du discours pour pénétrer celui de l’expérience » (Pelpel, 1989, p. 4). Pour les futurs ensei- gnants, ce contact avec l’expérience peut revêtir plusieurs apparences, de la prise de con- tact et de l’observation d’un professionnel en action à la prise de responsabilité d’une classe.

« La justification essentielle de ce contact avec la pratique professionnelle n’est pas la pro-

(25)

duction (fonction sociale directe), mais la formation (fonction sociale indirecte) : il s’agit d’apprendre en voyant faire et / ou en faisant soi-même » (ibid, p. 4).

Les stages sont devenus un préalable inévitable à l’activité professionnelle. Ils permettent d’une part d’enrichir et de compléter l’enseignement théorique en l’articulant à un objet con- cret et, d’autre part il s’agit d’une période d’entraînement, d’essais. Si leurs durées peuvent varier, ils sont étalés sur tout le cursus.

Comme nous l’avons vu précédemment, la notion de stage pratique est souvent opposée à celle d’enseignement théorique. Ainsi que le relève Pelpel (1989), « on ne peut que renvoyer dos à dos l’illusion intellectualisante, qui consiste à croire qu’il suffit de savoir pour faire et l’illusion empiriste, consistant à croire qu’il suffit de faire pour apprendre » (p. 8). Fort de ce constat, il conviendrait de dépasser l’opposition théorie - pratique au profit de la complémen- tarité d’une approche déductive pour la première nommée et inductive généralisant des ex- périences particulières pour la seconde. Vanhulle, Merhan et Ronveaux (2007) soulignent aussi l’importance de métamorphoser cette dichotomie en une complémentarité de l’alternance en formation, d’articuler « l’agir vs l’analyse de cet agir » (p. 8). L’abandon de cette traditionnelle opposition bipolaire au profit d’une meilleure articulation entre les mo- ments de formation théorique et pratique devrait ainsi permettre de redéfinir la cohérence des dispositifs de formation et, en ce qui concerne notre recherche, caractériser le métier de formateur de terrain.

La tendance à multiplier les expériences en milieu scolaire apparaît comme une composante essentielle de la formation et a le mérite de proposer « une vision constructiviste et systé- mique de l’apprentissage » (Vanhulle, Merhan & Ronveaux, 2007, p.14). Les recherches confirment d’ailleurs que les enseignants considèrent rétrospectivement que les stages pra- tiques qu’ils ont pu vivre pendant leur formation initiale ont grandement participé à préparer leur entrée dans le monde professionnel (OCDE, 2005; Petignat, 2009). Les programmes de formation les plus efficaces font en sorte que les expériences menées sur le terrain et les apports théoriques se renforcent et se complètent mutuellement. Pourtant, il demeure des pièges ou des problèmes que les instituts de formation se doivent de résoudre pour amélio- rer l’efficacité de leurs cursus. On peut par exemple relever, à l’instar des remarques propo- sées par le rapport de l’OCDE (2005), lui-même basé sur des rapports nationaux, les difficul- tés suivantes :

 la brièveté de l’expérience pratique et son faible rapport à la formation théorique

(26)

 le confinement de l’expérience des stages à la classe uniquement

 la formation des mentors (formateurs en établissement)

 les problèmes de communication entre les instituts de formation et les formateurs en établissement.

Le bénéfice que les futurs enseignants peuvent retirer des stages pratiques réalisés dans le milieu scolaire n’est pas à démontrer pour autant que les conditions soient favorables. Il s’agit pour cela que les instituts de formation et les écoles collaborent de manière étroite, que les stagiaires soient préparés à mener des séquences d’enseignement, qu’ils aient acquis un seuil minimal de connaissances pédagogiques, qu’ils aient la possibilité de mener des recherches et essais dans la classe. Enfin, les formateurs en établissement devraient avoir la possibilité de suivre une formation spécifique à leur travail et faire preuve de compétence dans l’observation et l’évaluation des étudiants qu’ils accueillent, ce dernier point faisant l’objet de notre recherche. Dans cette perspective, la valorisation des activités menées par les futurs enseignants dans les milieux de stage ne peut que contribuer à enrichir la compréhension des pratiques et à éviter ainsi que l’expérience des stages ne soit réduit qu’à « des espaces-temps où l’on peut appliquer la théorie et les savoirs sur l’enseignement » (Maubant, 2007, p. 74).

2.10 L’évaluation des enseignants ou la mesure de la qualité ?

L’évaluation est nécessaire au développement d’une profession. Elle devrait intervenir no- tamment lors de la formation initiale, dans la formation continue ou dans le maintien des compétences (Laveault, 2007). Les pratiques d’évaluation des enseignants sont d’ailleurs nombreuses et variées. Leur caractérisation montre qu’il existe divers types de démarches qui répondent à des visées différentes selon que le système accorde plus ou moins d’importance à l’objet, aux acteurs, au moment ou encore aux moyens (Paquay, 2004).

Qu’elles soient organisées de manières systématiques ou informelles, instrumentées ou in- tuitives, sommatives ou formatives, centrées sur le personnel ou le système, elles préfigurent d’une importance grandissante aux yeux des enseignants, des parents ou des instances dirigeantes des systèmes éducatifs. En effet, ce positionnement en faveur d’une évaluation accrue de l’action enseignante devrait d’une part contribuer au développement professionnel du personnel enseignant et d’autre part améliorer ou contrôler la qualité de l’enseignement et des systèmes éducatifs. Qu’en est-il concernant l’évaluation des enseignants en formation ?

(27)

L’évaluation d’un enseignant consiste à recueillir des informations à propos de certaines ca- ractéristiques (référé) que l’on compare avec les caractéristiques attendues (référentiel). Si l’on peut exclure de ces comparaisons tous les signes et particularités physiques, il n’en de- meure pas moins que les qualités retenues pour définir « le bon » enseignant varient selon les attentes des systèmes éducatifs. De ce fait, on peut avancer, à l’instar de Paquay (2004) qu’il n’existe pas de profil-type du bon enseignant qui serait gage d’excellence, quels que soient les élèves et les environnements d’apprentissage. Depuis le milieu du XXe siècle, de nombreux chercheurs se sont intéressés à prouver, par le biais de démarches processus- produit, l’existence ou non d’une corrélation entre les attributs de l’enseignant et les résultats des élèves. Au vu des conclusions plus que divergentes présentées dans les comptes ren- dus de recherches, c’est une lapalissade que de dire qu’il n’y a pas de certitude en la ma- tière. Ainsi, si le rapport de l’OCDE (2005) traitant des politiques d’éducation et de formation semble prendre le parti de l’incidence de la qualité de l’enseignant sur les performances des élèves, ce n’est pas le cas de l’UNESCO (2007) qui soutient, dans ses principes de planifica- tion de l’éducation, que « les qualifications des enseignants ont peu d’impact sur les résultats scolaires » (p. 16). Crahay (2006), dans un bilan de recherches processus-produit effectuées dans les pays anglo-saxons, soulève que les variables présomptives (attitudes, intérêts, per- sonnalités des enseignants, degré de maîtrise de la matière à enseigner, durée de la forma- tion initiale) n’ont pas d’incidences significatives sur les performances des élèves.

S’il semble essentiellement s’agir d’un débat idéologique, la formule magique permettant de mettre dans les classes des enseignants particulièrement performants n’a pas encore été découverte. En définitive, on peut se demander s’il ne serait pas judicieux de déplacer le questionnement sur l’effet-classe plutôt que de s’obstiner à trouver absolument un effet- maître (Bressoux, 1994).

Néanmoins, on peut tout de même espérer, même s’il est difficile et subjectif de porter un jugement sur l’enseignant, que la qualité de l’action enseignante puisse être appréciée afin notamment d’améliorer les pratiques des futurs enseignants. S’il n’existe pas un modèle uni- versel que l’on pourrait adopter uniformément, il conviendrait idéalement de pouvoir fixer des standards communs. La description de l’enseignant efficace, telle qu’elle est présentée par les divers courants idéologiques, trace le portrait d’un gestionnaire. Outre ses capacités à maintenir l’ordre, gérer la classe et veiller au respect des règles, il prend aussi du plaisir à enseigner et se montre généralement convivial dans les relations quotidiennes avec les élèves, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des exigences élevées sur le plan scolaire. Bénéfi- ciant de bonnes connaissances disciplinaires, il est attentif à la progression des apprentis-

(28)

sages et à l’implication des élèves dans les tâches scolaires. En résumé, l’enseignant effi- cace fait preuve d’esprit d’initiative, de curiosité, d’équité et de professionnalisme. Mais existe-t-il vraiment ? Comme le relève Crahay (2006), les diverses recherches processus- produit ne permettent pas de se forger une opinion claire sur le postulat de l’enseignant effi- cace. L’ambivalence persistante devient alors la source d’un conflit idéologique que l’on peut tenter de dépasser en modifiant le postulat : questionner la notion d’effet-maître et celle de compétences transversales dans la fonction enseignante globale. Il ne s’agit plus de vouloir comprendre absolument ce qui marche ou ce qui ne marche pas dans les pratiques actuelles des enseignants mais essayer de déterminer de pratiques d’enseignement novatrices per- mettant d’optimiser les apprentissages des élèves.

2.11 Une observation des pratiques instrumentée

La carrière d’un enseignant se présente de manière linéaire. Elle révèle peu d’opportunités de promotion et propose une valorisation salariale progressive liée aux années d’expériences. Les diverses étapes d’évaluation dans le processus de formation des ensei- gnants revêtent une importance considérable si l’on considère qu’aucune remise en question ne sera plus possible une fois le diplôme décerné. La quasi absence d’évaluation après la formation initiale devrait-elle donc obliger les instituts de formation à être particulièrement exigeants pour garantir un niveau de qualité élevé ?

Bien que les performances des enseignants sont discutées et évaluées en permanence par les élèves, les parents, par l’opinion publique ou éventuellement d’autres enseignants, sur la base par exemple de rumeurs ou de stéréotypes, il ne s’agit évidemment pas là d’un proces- sus objectif et instrumenté. Ce type d’évaluation repose sur une impression ou un ressenti subjectif.

Afin d’apprécier le niveau de compétence de leurs étudiants, les instituts de formation peu- vent recourir à divers modes d’évaluation instrumentés : les moyens classiques et les portfo- lios (Paquay, 2004). Dans la première catégorie, on trouve des tests, questionnaires et es- sais qui sont particulièrement adaptés à l’évaluation des connaissances cognitives en forma- tion initiale mais qui ne révèlent guère d’informations concernant les compétences à ensei- gner en situation réelle.

L’observation de pratiques est largement répandue pour évaluer les performances de l’enseignant en formation. Des entretiens viennent généralement compléter la récolte d’informations effectuée durant une séquence d’enseignement. Cette phase permet

Références

Documents relatifs

This paper reports on the redesign of a required educational technology course for pre-service teachers of social studies, the goals of which were to facilitate

fiche 039 Prénom, Nom : conjugaison : “être” et “avoir” au présent de.. l’indicatif

Bousculé, apostrophé, harcelé, l'auditeur ne sait plus si le bulletin météorologique qui annonce la neige a trait à la journée d'hier ou à celle de demain ; et il se retrouve en

Pour repérer la thèse défendue, il convient tout d'abord de trouver le thème du texte.. On peut ensuite chercher le jugement ou le sentiment du locuteur à propos de

Ils sont équipés d’accoudoirs latéraux * pour le passager et le conducteur et peuvent disposer d’un système de chauffage intégré **.. ** De série à partir de XS/XT,

Comme nous passons de plus en plus de temps en ligne, nous devons absolument faire en sorte que la technologie améliore notre vie au lieu de détourner notre attention de

Enfin tu n'es pas différent Je dirais même. que tu n'es pas différent Je

Nous l’avons vu (Q10), trois formateurs sur quatre estiment que le niveau des étudiants n’est pas suffisant, contre seulement un étudiant sur quatre. De la même manière, le