• Aucun résultat trouvé

Oncologie : Article pp.52-58 du Vol.8 n°1 (2014)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Oncologie : Article pp.52-58 du Vol.8 n°1 (2014)"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

RECOMMANDATIONS /GUIDELINES DOSSIER

L ’ intégration de la psycho-oncologie dans les formations

en cancérologie. Les recommandations de la Société Française de Psycho-Oncologie (SFPO)

The Integration of Psycho-Oncology in Cancer Care Training. The Guidelines of the French Society of Psycho-Oncology (SFPO)

S. Dauchy · M.F. Bacqué · S.M. Consoli · C. Durdux · F. Ellien · H. Espérou · L. Fillion · S. Pucheu · M. Reich · N. Bendrihen

© Springer-Verlag France 2014

Résumé À l’heure d’une reconnaissance croissante des enjeux des prises en charge psychologiques en cancérologie, le XXXe Congrès de la Société Française de Psycho- Oncologie s’est consacré à la formation des acteurs de la dis- cipline. Les avancées de la cancérologie et ses impacts sur la pratique clinique, les demandes des patients et de leurs pro- ches, les attentes des équipes médicales et soignantes envers les professionnels de santé mentale nécessitaient de se pen- cher sur le contenu des formations à la psycho-oncologie, pour les psychologues comme pour les médecins et soignants.

Élaborées dans le cadre d’un groupe pluridisciplinaire, ces recommandations s’appuient sur l’expertise professionnelle et l’analyse de la littérature. Ces recommandations concernent tous les acteurs de la cancérologie, fidèles en cela à la multi-

disciplinarité soignante autour du patient, mais visent néan- moins au respect de chaque identité professionnelle dans le cadre d’un exercice professionnel pluridisciplinaire. Elles soulignent l’importance d’associer à une formation initiale une réelle démarche de formation continue. Pour les psycho- logues, une formation solide en psychopathologie est néces- saire, permettant l’exercice d’un soin psychique quels que soient le terrain et les situations rencontrées. Une actualisa- tion permanente des connaissances en cancérologie est aussi indispensable, pour garantir la bonne compréhension de l’expérience traversée par le patient et l’intégration de cer- tains enjeux spécifiques au cancer (décisions thérapeutiques, observance…). La formation des psychologues et des psy- chiatres doit préparer à la caractéristique fondamentale de la psycho-oncologie : le travail en équipe multidisciplinaire. Elle devrait également décliner les quatre axes de leur exercice en oncologie : mission clinique de soins, travail institutionnel, enseignement et recherche. Sont aussi abordés dans ces recommandations les incontournables de la prise en charge psychosociale des patients par les médecins ou les soignants, en particulier dans les domaines du repérage de la souffrance psychique et de la vulnérabilité et dans celui de la formation à la communication soignant–soigné.

Mots clésRecommandations professionnelles · Formation · Psychologues et psychiatres en oncologie · Communication · Oncologues · Soignants

Abstract As a result of medical progress in cancer treat- ments, psychosocial care-related aspects also need to be fur- ther developed in order to answer growing requests of patients and their families, as well as to deal with oncologi- cal healthcare teams greater expectations from mental health specialists. Improving knowledge in psycho-oncology prac- tice among all professionals working in onco-hematology

S. Dauchy (*) · N. Bendrihen

Gustave Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, F-94805 Villejuif, France

e-mail : sarah.dauchy@gustaveroussy.fr M.F. Bacqué

EA 3071, université de Strasbourg, France S.M. Consoli · C. Durdux · S. Pucheu Hôpital européen Georges-Pompidou,

université Paris-DescartesParis-V, 20, rue Leblanc, F-75908 Paris cedex 15, France

F. Ellien

Réseau SPES, ZA rue de la Bigotte, F-91750 Champcueil, France H. Espérou

Fédération Unicancer, Paris, France L. Fillion

Université Laval, CHU de Québec, Québec, Canada M. Reich

Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, BP307, F-59020 Lille Cedex, France

DOI 10.1007/s11839-014-0458-2

(2)

can help to bridge this gap, and this goal can be achieved through the implementation of training. With this aim, the 30th Congress of the SFPO brought together a multidiscipli- nary expert group for defining psycho-oncology training guidelines based on professional expertise and analysis of literature. All healthcare professionals working in oncologi- cal settings are concerned — psychologists, psychiatrists, doctors and nurses; however, each professional has their unique duties, and training can help to identify and clarify their specific role in psychosocial care. Training has to include the specific issues of multidisciplinarity and to be both initial and continuous. For instance a solid training in psychopathology is revealed as a main requirement for psy- chologists, enabling delivery of well-structured psychologi- cal interventions regardless of the specific aspects of each situation. Keeping an up-to-date information level concer- ning the progress made in cancer treatments is also stressed by these guidelines and so it is the adjustment to the multiple constraints of cancer care organization in order to make psy- chological care available for all the patients. Training of psy- chologists and psychiatrists should assure four main axes:

clinical practice, institutional work, teaching and research.

These guidelines also establish recommendations for trai- ning of other healthcare professionals, more precisely about communication skills and screening for patients’psychoso- cial needs, distress and vulnerability.

KeywordsProfessional guidelines · Training · Psychologists and psychiatrists in oncology · Communication ·

Oncologists · Careers

Introduction

Les patients atteints de cancer ont besoin tout au long de leur prise en charge d’être écoutés, compris et respectés. Ils doivent être informés autant qu’ils le souhaitent : ni surpro- tégés ni brutalisés au nom d’une vérité érigée en règle de communication intangible. Ils réclament également que leur confort subjectif soit pris en considération dans les décisions thérapeutiques et dans le choix des investigations pratiquées.

Il ne s’agit pas ici d’un luxe, mais d’un besoin fondamental.

Les patients atteints de cancer réclament que soit apporté un soutien approprié à leur souffrance morale et un soin effi- cace, au même titre que pour leurs symptômes somatiques et leur cancer. Assurer la prise en charge psychologique de tous les malades n’est cependant ni possible (au vu d’effec- tifs encore insuffisants) ni probablement souhaitable sans claire définition du soin psychique parmi une gamme plus vaste de « soutiens psychologiques ». L’objectif de la psycho-oncologie est plutôt d’intégrer la dimension psycho- sociale à toutes les étapes du parcours de soins afin de cons-

truire, à l’échelle individuelle comme en termes de santé publique, un système de soins à même de prendre en compte la globalité de l’individu dans son individualité et sa subjec- tivité. La psycho-oncologie constitue l’une des déclinaisons de la multidisciplinarité en cancérologie, focalisée sur les aspects psychologiques et psychopathologiques de la mala- die cancéreuse, pour le patient, ses proches, ainsi que les soignants.

La formation des acteurs de la psycho-oncologie est un enjeu majeur pour son développement et a constitué le fil rouge du XXXeCongrès de la Société Française de Psycho- Oncologie qui s’est tenu à Paris les 11, 12 et 13 décembre 2013. C’est à l’occasion de ce congrès qu’ont été élaborées, par un groupe de professionnels, les recommandations pré- sentées ici, issues de l’expertise professionnelle collective et de l’analyse de la littérature. Ces recommandations ont trois particularités :

elles concernent tous les acteurs de la cancérologie.

La psycho-oncologie concerne non pas les seuls profes- sionnels de soins psychiques que sont les psychiatres et les psychologues, mais toutes les professions impliquées dans le parcours de soins du patient en cancérologie : médecins, infirmiers, soignants, brancardiers, secrétai- res…L’ensemble de ces professionnels, depuis l’accueil du malade et de ses proches jusqu’aux activités de soins les plus spécifiques, en passant par la réalisation de diver- ses formes d’actes techniques, est en effet amené à ren- contrer, accompagner, informer, écouter la détresse des patients atteints de cancer ou de leur famille, et à soigner en tenant compte des particularités psychiques de chaque patient. Il importe donc de doter les structures de soins en oncologie de professionnels de soins psychiques adaptés aux particularités de l’expérience psychique et somatique traversée par les patients atteints de cancer et par leurs proches ; et, dans le même temps, de proposer aux profes- sionnels de santé qui sont les principaux référents des patients atteints de cancer des formations leur permettant une ouverture et une attention particulières à la souffrance psychique permettant de répondre aux exigences légiti- mes des malades et d’assumer ainsi pleinement leurs mis- sions d’oncologues, d’infirmières, de médecins généra- listes, etc. ;

elles impliquent une approche pluridisciplinaire.

Former à la psycho-oncologie implique en effet une adhé- sion sincère et effective au concept de pluridisciplinarité.

Cette pluridisciplinarité ne consiste pas à morceler la prise en charge du malade en une multiplicité d’interventions, mais à articuler des compétences en un ensemble dont la force et l’efficience dépassent l’addition mathématique des compétences individuelles. Cela veut également dire que la formation doit favoriser les identifications mutuel- les, chaque acteur étant capable d’intérioriser, au moins en

(3)

partie, le regard et la logique des autres acteurs, cela sans confusion de rôles et en restant chacun à sa place. Il ne s’agit pas tant de former des soignants et des praticiens

« complets » : chacun doit garder ses fonctions privilé- giées et complémentaires ; mais d’apprendre aux divers acteurs du soin en cancérologie à communiquer ensemble, à se comprendre les uns les autres et à trouver du plaisir à travailler ensemble dans leur complémentarité ;

elles impliquent une formation initiale et une formation continue.

Les évolutions de la cancérologie obligent les psycholo- gues et les psychiatres à réactualiser en permanence leurs connaissances pour être au plus près du vécu des patients ; parallèlement, la dynamique des recherches en psycho- oncologie implique de connaître certaines données publiées afin de proposer en permanence aux patients l’approche la plus adaptée.

Formation des psychologues et des psychiatres

Ce qu’on appelle habituellement un psycho-oncologue est un professionnel en santé mentale spécialisé dans la prise en charge des patients en oncologie. Il s’agit donc d’un psy- chologue clinicien ou d’un psychiatre : bien que ces deux professions diffèrent, leur exercice dans le domaine de la cancérologie comporte suffisamment de points communs pour que, par souci de simplicité, circule parfois ce terme commun de psycho-oncologue. Il semble néanmoins source de confusion, notamment sur la profession (« psy » ou non) de celui qu’il désigne. C’est pourquoi par souci de clarté on préférera parler ici de psychologues ou de psychiatres, ou bien de « psys » lorsque les deux sont concernés.

Le champ de la psycho-oncologie va de l’adaptation psy- chologique du patient et de sa famille aux symptômes psy- chopathologiques générés par la maladie ou par les traite- ments (qui peuvent aussi être préexistant à la maladie et réactivés par sa survenue), des difficultés relationnelles aux comportements à risque, en passant par la communication soignant–soigné, les déterminants de l’observance thérapeu- tique ou de l’alliance thérapeutique…[11]. L’ensemble de ces enjeux est à décliner tant dans ses aspects cliniques que ses aspects de recherche. Les missions des psys en cancéro- logie vont donc se décliner autour de quatre axes :

la fonction clinique de soins, qui elle-même associe le dépistage des troubles, leur prévention quand elle est pos- sible et la prise en charge clinique ;

la fonction vis-à-vis du groupe de soignants et de l’insti- tution, le cas échéant, qui implique d’être intégré dans le groupe soignant, lisible et explicite sur ses méthodes de travail et ses références théoriques ;

la fonction d’enseignement et, plus largement, de transmis- sion de compétences et de savoir-faire auprès des méde- cins et des équipes soignantes, dans le contexte d’échanges autour de situations cliniques difficiles ;

la fonction de recherche.

La formation des psys en cancérologie devra donc assu- rer, selon les contraintes spécifiques à chaque institution et chaque profil de poste, ces différentes missions [1].

Psychologues et psychiatres

Un psychologue cliniciena suivi au moins cinq années de formation universitaire de psychologie sanctionnées par un master professionnel (anciennement diplôme d’études sup- érieures spécialisées) de psychopathologie et psychologie cliniques. Il est spécialisé dans la connaissance du fonction- nement du psychisme et des difficultés personnelles et rela- tionnelles des enfants, adolescents et adultes. Selon les der- nières évolutions de la loi Accoyer1[23], les psychologues cliniciens sont d’emblée reconnus comme psychothérapeu- tes en raison de leur formation d’au moins 400 heures en psychopathologie (soit précisément 100 heures sur le déve- loppement, le fonctionnement et les processus psychiques, 100 heures sur les critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques, 100 heures sur les théories se rapportant à la psychopathologie et enfin 100 heures sur les principales approches utilisées en psychothérapie). Par ailleurs, il est obligatoire pour les psychologues cliniciens de bénéficier d’au moins 500 heures de stage clinique.

Le parcours universitaire des psychologues de la santé débouche, lui, sur un master professionnel de psychologie de la santé, avec une formation renforcée dans tout ce qui concerne les enjeux liés à la santé des populations. Le volume consacré par ces masters de la santé à la psychopa- thologie est cependant très variable, tant en matière théo- rique qu’en matière clinique. Leur formation ne leur ouvre pas le titre de psychothérapeute.

Unpsychiatreest un médecin qui a suivi une spécialisa- tion secondaire de quatre à cinq ans en psychiatrie. À même de prendre en charge les situations de pathologies psychia- triques, il est capable de faire face à certains troubles psycho- logiques réactionnels comme il peut en apparaître lorsqu’un patient est atteint d’une maladie comme le cancer. Comme tout médecin, il peut prescrire des médicaments.

Enfin, les psychiatres comme les psychologues cliniciens peuvent utiliser pour soigner des techniques psychothéra- peutiques : le terme depsychothérapeutedésigne celui qui,

1Notamment la modification de l’article 52 de la loi no2004-806 du 9 août 2004, par larticle 91 de la loi no2009-879 du 21 juillet 2009, définitivement amendé par le décret no2012-695 du 7 mai 2012.

(4)

psychologue ou psychiatre, s’est formé spécifiquement à l’utilisation de certaines techniques.

Pour être acteur de soins psychiques en cancérologie, une formation initiale théorique et clinique à la psychopathologie est indispensable. Cette formation initiale à la rencontre clinique doit permettre de porter le soin psychique quels que soient le terrain d’exercice et la problématique du patient. Il ne s’agit donc pas de former des « superspécialis- tes », mais de s’assurer d’une bonne maîtrise des particula- rités de l’exercice clinique en cancérologie (cadre de travail et collaborations ; maladie encore létale et aux représenta- tions imaginaires parfois terrifiantes ; intrication des enjeux de soins, en clinique comme en santé). Pour cela, la forma- tion théorique est indissociable d’une formation pratique ancrée dans la pratique en milieu oncologique et d’une for- mation continue intégrant travail du lien multidisciplinaire et adaptation au changement.

Formation initiale

La formation initiale doit avoir intégré [19] :

la capacité d’évaluation psychologique et en particulier l’évaluation de l’adaptation, de la psychopathologie de l’anxiété et de la dépression, de la psychologie post- traumatique ;

les spécificités des différents âges de la vie, la gériatrie comme la pédiatrie ou l’adolescence ;

la connaissance des principales approches thérapeu- tiques, individuelles comme de groupe, ainsi que de leur intérêt respectif, en fonction des situations cliniques et de l’attente des patients ou des personnes censées en bénéfi- cier, dans un esprit d’ouverture ;

la capacité à mettre en place, à partir d’une situation de souffrance identifiée, des entretiens psychologiques à visée psychothérapeutique ou de soutien ;

les principes de base du fonctionnement des institutions et des groupes (place du symptôme psychopathologique, nature de la demande d’intervention, positions thérapeu- tiques…) [7] ;

une formation minimale à la recherche qualitative et quan- titative (au moins pour la compréhension des données publiées).

De façon plus spécifique au milieu somatique, la formation initiale doit également aborder les spécificités des maladies chroniques et de la mort (aux plans médical et des sciences humaines), les principales difficultés ou troubles psycholo- giques ou psychiatriques qui peuvent en découler en oncohé- matologie et leurs prises en charge recommandées (prises en charge médicamenteuses ou non, combinées, individuelles ou de groupe…) [19]. Les enjeux spécifiques des prises en charge en santé somatique (alliance thérapeutique, observance médicamenteuse, comportements à risque…) doivent être

identifiés et pris en compte. Les caractéristiques des psycho- thérapies en santé somatique doivent être connues également, en particulier l’adaptation du cadre et des méthodes d’entre- tien à des patients parfois polysymptomatiques ou en fin de vie [17,18]. Les principes de fonctionnement du système de santé et de soins notamment en cancérologie (organisation, principes de financement, Plans cancer…, mais aussi aspects législatifs, personne de confiance, directives anticipées…) doivent être abordés.

La formation intégrera aussi les fondamentaux de la rela- tion de soins, la communication soignant–patient ainsi que la prise en charge des proches, qui peut aller jusqu’à l’accom- pagnement de la fin de vie ou aux suivis de deuil.

La compréhension du fonctionnement psychologique du sujet ne peut se faire hors du contexte de l’information médi- cale le concernant, permettant de le situer dans un parcours de soins, à un moment précis de son histoire somatique, sou- mis à telles ou telles contraintes médicales, pratiques ou organisationnelles. Cela est facilité par l’accès au dossier médical et soignant et par l’échange avec les référents médi- caux et soignants : la formation initiale devrait ainsi égale- ment préparer à l’exercice des soins psychiques en multidis- ciplinarité [13] et intégrer les notions :

déchange multidisciplinaire ;

de transmissions d’informations et de liaison [2] ;

de collaboration interprofessionnelle et interdisciplinaire, et de partenariat (partage des tâches, répartition et respect des rôles et des valeurs de chacun…) [5].

Cette capacité de dialogue interdisciplinaire est aussi une condition indispensable d’une pratique ouverte à l’éthique, à laquelle le spécialiste de soins psychiques devrait être égale- ment préparé par sa formation initiale.

La formation initiale est aussi pratique. Elle s’appuie sur la mise en application pratique par des stages cliniques en milieu hospitalier et auprès de patients atteints de maladies chroniques, dont l’oncohématologie. La bonne connaissance des autres métiers de la cancérologie est aussi nécessaire.

Elle intègre notamment une réflexion sur les zones d’activité partagées où la connaissance et le respect des rôles selon les compétences sont fondamentaux. Elle peut éventuellement passer par des stages ultracourts en immersion, la participa- tion à une réunion de concertation pluridisciplinaire…

Enfin, la supervision des pratiques cliniques est indispen- sable [7]. Elle peut être organisée par l’organisme respon- sable de la formation (en master professionnel par exemple) ou être le fruit d’un engagement individuel du professionnel.

Elle ne doit en tout cas jamais être facultative, surtout durant les premières années d’exercice, tant la subjectivité et le caractère individuel des soins rendent nécessaires l’exercice de présentation et l’acceptation d’un regard externe.

(5)

Qualités indispensables

Rappelons que la souplesse est une caractéristique néces- saire du psy travaillant en cancérologie : tant dans les moda- lités de la première rencontre (qui peut parfois, bien qu’heu- reusement rarement, être sans demande du patient ou sur la demande appuyée d’un proche ou d’une équipe de soins) que les modalités d’intervention par la suite (rencontre en présence d’un voisin de chambre ou de plusieurs autres patients en hôpital de jour de chimiothérapie, adaptation par exemple de la durée d’un entretien en fonction d’un symptôme gênant, tel que la fatigue, ou des soins infirmiers ou médicaux qui surviennent dans le temps de l’entretien)… Les modalités d’intervention doivent également prendre en considération l’ensemble des contraintes imposées au patient par la maladie et par ses traitements.

La lisibilité est une autre caractéristique essentielle du fonctionnement du psy, de même que sadisponibilitéet son accessibilité, enracinées dans l’échange quotidien avec les soignants, sur la base derelations stablesetpersonnalisées.

Ce sont là des conditions majeures pour l’établissement d’un climat de confiance et d’intérêt réciproques pour le champ de l’autre, manifestés de la part de chaque acteur, qu’il soit du côté des soins psychiques ou du côté des soins somatiques.

Formation continue

La formation continue et l’actualisation régulière des connaissances sont indispensables en raison de l’évolution permanente de la cancérologie et de la psychiatrie et de la diffusion des connaissances en psychologie ou psycho- oncologie. Cette formation continue est également garante des échanges entre professionnels des soins psychiques ou avec les professionnels des autres disciplines. Elle peut pren- dre toutes les formes d’accès à la connaissance : bibliogra- phie, séminaires, colloques, congrès, formations universitai- res… Elle doit permettre un développement professionnel garant d’une offre de soins adaptée et ancrée tant dans des bases théoriques régulièrement revisitées que dans l’évi- dence, lorsqu’elle existe. En cancérologie, où une grande partie des publications sont en langue anglaise, elle peut intégrer une formation linguistique de façon à permettre aux professionnels d’être informés des récentes données cli- niques et de recherche et de valoriser et transmettre au mieux leurs travaux propres, y compris cliniques. Insistons sur le fait que les particularités théoriques de la psycho-oncologie française, notamment l’importance qui y est donnée à la psy- chopathologie, et le poids de la tradition psychanalytique ne sont qu’une raison de plus de s’engager dans des échanges internationaux fertiles où les pratiques peuvent être mises à l’épreuve et valorisées.

La formation continue pourra intégrer très utilement une formation au changement, qui peut aider les professionnels à

réagir de façon constructive aux multiples évolutions de leur cadre d’exercice et parfois de leurs missions (changements de pratiques, changements organisationnels…).

La supervision et l’analyse des pratiques restent indispen- sables en formation continue, surtout dans les équipes de faible taille où l’exercice est solitaire.

Formations spécifiques

Indépendamment de leurs compétences cliniques, les psycho- logues et les psychiatres travaillant en cancérologie peuvent être amenés à exercer certaines responsabilités. Celles-ci peu- vent rendre nécessaires des formations complémentaires qui sont parfois cependant intégrées dans le cursus initial :

animation de groupes ;

formation à être formateur ;

formation à la recherche.

Formation des acteurs de soins psychiques hors de la cancérologie

Certains suivis psychologiques ou psychiatriques débutés lors d’une prise en charge en cancérologie pourront s’effectuer intégralement sur le lieu de soins des patients ou en appui sur l’organisation des soins oncologiques, dans le cadre d’un réseau par exemple. Dans d’autres cas, un relais sera fait vers les soins psychologiques ou psychiatriques hors cancéro- logie. La qualité de la communication entre les professionnels et le partage de repères communs, en particulier sur la maladie somatique, seront alors fondamentaux pour la continuité des soins et leur qualité, afin d’éviter par exemple que des repré- sentations péjoratives et surtout erronées liées à la maladie et à la mort ne viennent envahir le champ thérapeutique. Des par- tenariats de formation doivent ainsi être recherchés avec ces professionnels hors du champ de la maladie somatique, afin de favoriser la prise en charge des patients traités pour cancer (en termes de compétence comme d’acceptabilité).

Rappelons cependant sur ce point que la sensibilisation aux soins psychiques en milieu somatique telle que les for- mations à la psycho-oncologie peuvent les apporter ne

« transforme » pas en psycho-oncologue ; ce terme, dont on a vu toute l’ambiguïté, prenant son sens non par une pré- tendue compétence technique, mais par son cadre d’exercice particulier, l’intégration en cancérologie.

Formations à l’intention des médecins amenés à prendre en charge des patients atteints de cancer

Les médecins représentent un relais majeur dans l’organisa- tion des soins en psycho-oncologie, par leur place dans le

(6)

repérage des troubles et l’orientation vers les psys, ainsi que la prescription éventuelle de psychotropes. Ils ont aussi, voire surtout, un rôle préventif majeur en raison de leur rôle dans l’information du patient, la prise de décision, la relation de soins, tous facteurs qui ont montré leur association avec une adaptation psychologique de qualité pour le patient comme pour ses proches [3,10,22]. La relation médicale et la consul- tation sont ainsi le support de nombreuses tâches complexes :

création dune relation interpersonnelle de qualité, per- mettant d’échanger de l’information et de prendre des décisions thérapeutiques ;

apport dinformations au contenu négatif : annonce du diagnostic de cancer, d’une rechute, information sur les risques ou effets secondaires des traitements ;

évaluation des besoins, attentes, préférences face à l’ap- port d’information, à la participation aux décisions théra- peutiques, au choix des traitements ;

évaluation du retentissement psychologique de la maladie et du traitement.

La formation des oncologues doit ainsi intégrer des compétences pour :

le repérage de la vulnérabilité [9], de la souffrance psy- chique [4], du risque suicidaire ;

le diagnostic des troubles anxieux et dépressifs (très fré- quents en oncologie) [15] ;

la formation à la prescription simple des psychotropes (anxiété, confusion, dépression) ;

lorientation vers un psychologue ou un psychiatre (critè- res et savoir-faire) ;

lintégration des proches dans la prise en charge (aspects communicationnels, juridiques…) ;

léthique de la relation à la personne malade.

L’existence récente de recommandations en français repré- sente un repère potentiel pour les médecins (par exemple pour la prescription de psychotropes : dépression, anxiété, confusion, l’orientation vers les psys…). Ces recommanda- tions sont accessibles sur le site www.sfpo.fr ou publiées [6].

La formation des médecins devra également intégrer une formation à la communication et à la relation. Celle-ci, au cen- tre de la pratique médicale en oncologie, revêt des difficultés particulières en raison des répercussions émotionnelles de la confrontation à une maladie à l’issue incertaine et de la complexité croissante du parcours thérapeutique. Par ailleurs, même si les patients n’ont pas tous les mêmes attentes, les souhaits d’information et de participation aux décisions théra- peutiques ont évolué considérablement durant ces vingt derniè- res années. L’adaptation à ces attentes variables du patient en est plus complexe. L’implication du proche dans une relation de soins devenue triangulaire est également plus fréquente.

La formation à la communication et à la relation méde- cin–malade est nécessaire en formation initiale lors des

études médicales, dès leur début et à l’occasion du diplôme d’études spécialisées (DES) puis en formation continue. Elle ne peut se limiter à un transfert de compétences techniques communicationnelles sur un modèle commercial ou mana- gérial et doit intégrer les spécificités des réactions au cancer, et permettre au médecin l’analyse de ses propres réactions.

Elle intégrera également la communication en équipe et entre équipes (intra-/extrahospitalier notamment).

Un consensus existe pour l’intégration de ces formations [21] qui, pour être efficaces, doivent être suffisamment lon- gues et répétées [12,14], centrées sur les besoins de l’appre- nant, diffusées en petits groupes et appuyées sur une mise en situation : jeux de rôle, groupe Balint…[19].

La formation des oncologues devrait également intégrer une formation à l’identification de sa souffrance profession- nelle et à la prévention du syndrome d’épuisement profes- sionnel ou burn-out [20].

Formations pour les équipes soignantes

Un certain nombre de ces recommandations pour la forma- tion des médecins s’applique également aux équipes soi- gnantes amenées à prendre en charge des patients atteints de cancer, dont la formation doit intégrer des compétences pour [8] :

le repérage de la vulnérabilité, de la souffrance psychique, du risque suicidaire ;

lévaluation rigoureuse et régulière des difficultés psycho- logiques des patients, le plus souvent réalisée par l’équipe soignante ; celle-ci peut alors avoir recours à des outils validés, mais doit surtout s’appuyer sur la transmission de compétences et les actions de formation des équipes par les psys (repérage des symptômes, soutien et réassu- rance du patient et de ses proches). Les objectifs en sont aussi l’anticipation des besoins et le repérage des situa- tions à risque, pouvant être favorisés par la mise en place d’un dépistage systématique. Celui-ci est néanmoins consommateur de temps, et peut aboutir à une demande de prise en charge accrue, alors même que l’offre en soins de support et l’acceptabilité risquent d’être insuffisantes et que les travaux d’élaboration d’un outil de dépistage consensuel et validé en français ne sont pas achevés [16] ;

le repérage et l’accompagnement des syndromes confu- sionnels ;

lorientation vers un psychologue ou un psychiatre (critè- res et savoir-faire) ;

lintégration des proches dans la prise en charge (aspects communicationnels, juridiques…) ;

léthique de la relation à la personne malade ;

la relation d’aide ;

la gestion des situations d’agressivité.

(7)

La formation pour les équipes soignantes intégrera aussi utilement une formation à l’identification par le soignant, de sa souffrance professionnelle et le travail de la multidiscipli- narité.

Formations pour les non-soignants (secrétaire, brancardier

)

Ceux-ci font aussi partie de la capacité de la chaîne de soins à accueillir le patient dans sa singularité, sa vulnérabilité et à lui proposer un soutien psychologique adapté. Leur forma- tion devrait dans ce but au minimum intégrer une formation de base dans les domaines suivants :

relation daide et savoir-être avec une personne souffrante (respect, empathie, écoute active…) ;

communication dans les situations difficiles ;

identification des situations de détresse psychique majeure ;

identification adaptée d’une personne ressource dans les situations difficiles ;

identification de sa propre souffrance professionnelle.

Conclusion

À travers ces recommandations, nous souhaitons poser une base incontournable pour chaque psychologue et psychiatre exerçant en cancérologie : la nécessité d’une formation psy- chopathologique solide qui permet d’être ouvert à toutes les situations cliniques que la survenue d’un cancer ne manque jamais de susciter, dans une discipline dont il faut accompa- gner la perpétuelle évolution et son impact sur les pratiques soignantes. De cette formation doit découler un réel intérêt pour l’autre, malade, et permettre d’accompagner ce dernier dans toutes ses particularités subjectives, dans cette épreuve majeure de sa vie qu’est le cancer. C’est cette même base qui peut, en partie, être transmise aux autres acteurs du soin, non-spécialistes de santé mentale, à la fois pour leur permet- tre de prendre en charge leurs patients au mieux, mais aussi pour intégrer la dimension psychique dans leur abord du patient malade, ce qui est une source d’enrichissement et de satisfaction pour la pratique soignante et médicale, et de reconnaissance pour le patient.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

1. Bacqué MF, Dolbeault S (2007) Quelles missions et fonctions pour le psycho-oncologue ? In: Dolbeault S, Dauchy S, Brédart A,

Consoli SM (eds) La psycho-oncologie. John Libbey Eurotext, Paris, pp 1930

2. Barruel F, Dauchy S, Charles C, et al (2012) Transmission des informations en psycho-oncologie. La lettre du cancérologue, 21, 3349.

3. Brédart A, Bouleuc C, Dolbeault S (2005) Doctor-patient commu- nication and patient satisfaction in oncology. Curr Opin Oncol 17:3514

4. Carlson LE, Waller A, Mitchell AJ (2012) Screening for distress and unmet needs in patients with cancer: review and recommen- dations. J Clin Oncol 30:116077

5. Consoli SM, Dauchy S (2007) Place de la psycho-oncologie dans le champ de la cancérologie. In: La psycho-oncologie. John Lib- bey Eurotext, Paris, pp 118

6. Dauchy S, Dolbeault S, Reich M, et al (2013) Repérage et traite- ment de la dépression en cancérologie. Psycho-Oncol 7:21727 7. Doucet C (sous la direction de) (2008) Le psychologue en service

de médecine. Masson, Issy-les-Moulineaux, 166 p

8. Fillion L, Cook S, Blais MC, et al (2011) Implementation of screening for distress with professional cancer navigators. Onco- logy 13, 27789.

9. Guex P, Dolbeault S. (2013) Détection des vulnérabilités psychi- ques en cancérologie. Psycho-Oncol 7:199200

10. Hagerty RG, Butow PN, Ellis PM, et al (2005) Communicating prognosis in cancer care: a systematic review of the literature.

Ann Oncol 16:100553

11. Holland JC (1998) Psycho-oncology. Oxford University Press, New York

12. Kissane DW, Bylund CL, Banerjee SC, et al (2012) Communica- tion skills training for oncology professionals. J Clin Oncol 30:124247

13. Marx G, Colombat P (2007) La psycho-oncologie, discipline inscrite dans les soins de support en cancérologie. In: Dolbeault S, Dauchy S, Brédart A, Consoli SM (eds) La psycho-oncologie.

John Libbey Eurotext, Paris, pp 31–6

14. Merckaert I, Lienard A, Libert Y, et al (2013) Is it possible to improve the breaking bad news skills of residents when a relative is present? A randomised study. Br J Cancer 109, 2507–14 15. Mitchell AJ, Chan M, Bhati H, et al (2011) Prevalence of depres-

sion, anxiety, and adjustment disorder in oncological, haematologi- cal, and palliative-care settings: a meta-analysis of 94 interview- based studies. Lancet Oncol 12:16074

16. Mitchell AJ (2013) Screening for cancer-related distress: when is implementation successful and when is it unsuccessful? Acta Oncol 52:21624

17. Pucheu S (1992) Entre penser le corps et panser lesprit : le psy- chologue en cancérologie. Rev Med Psychosom 29:10112 18. Pucheu S, Machavoine JL (2002) Construction dun cadre

dintervention du psychologue en oncologie : perspective psycha- nalytique. Rev Francoph Psycho-Oncol 12:2430

19. Razavi D, Delvaux N (2008) Précis de psycho-oncologie de ladulte. Masson, Issy-les-Moulineaux

20. Shanafelt T, Dyrbye L (2012) Oncologist burnout: causes, conse- quences, and responses. J Clin Oncol 30:123541

21. Stiefel F, Barth J, Bensing J et al (2010) Communication skills training in oncology: a position paper-based on a consensus mee- ting among European experts in 2009. Ann Oncol 21:2047 22. Vogel BA, Leonhart R, Helmes AW (2009) Communication mat-

ters: the impact of communication and participation in decision- making on breast cancer patientsdepression and quality of life.

Patient Educ Couns 77:39197

23. Article 52 de la loi no2004-806 du 9 août 2004, modifié par larticle 91 de la loi no2009-879 du 21 juillet 2009, définitive- ment amendé par le décret no2012-695 du 7 mai 2012

Références

Documents relatifs

Qualité de vie de patientes en rémission traitées pour un cancer du sein non métastasé, selon la surveillance médicale classique ou alternée.. Quality of Life of Non-Metastatic

Le XXX e Congrès de la SFPO (Société Française de Psycho- Oncologie) en décembre 2013, s ’ est donné pour thème la formation, celle des psychologues et des psychiatres comme celle

Systématiser les consultations avec un psychologue en début et en fin de parcours, mieux prendre en compte la souffrance des proches sont probablement des pistes à explorer

Si, au sens médical, la maladie implique une référence à la norme par rapport à laquelle elle se présente éloignée, il n ’ en est pas de même en ce qui concerne la définition

Dans le domaine de la formation aux soins psychiques des professionnels exerçant en cancérologie, le dispositif Balint peut s ’ adresser à des médecins généralistes, ces

Pour exemple, voici la liste de quelques masters de différentes spécialités : psychologie clinique, psychopa- thologie, psychologie du développement, psychologie inter-

L ’ insuffisance d ’ enseignements de cette dis- cipline peut avoir des retentissements non négligeables : sur la prise en charge du patient aux différents temps de sa maladie ; sur

Dans notre article, ce terme désigne la capacité du médecin à être empathique avec les patients, c ’ est-à-dire que l ’ empathie est une compé- tence dans la relation avec