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Oncologie : Article pp.46-52 du Vol.9 n°1 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

« J ’ ai besoin de chocolat ! » — étude exploratoire des habitudes alimentaires de 22 soignants en oncologie pendant leur service

“I Need Chocolate!” —an Exploratory Study of Eating Habits of 22 Care Providers in Oncology Departments while on Duty

A.M. Giner · S. Bourcelot

Reçu le 13 janvier 2015 ; accepté le 5 février 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméNous avons évalué la place de l’alimentation et les représentations que les soignants lui attribuent. Pour cela, nous avons créé un questionnaire réalisé dans deux servi- ces de médecine palliative. Le rapport à la nourriture est complexe et relève tantôt de l’épuisement, tantôt des ressour- ces des soignants pour y faire face. L’alimentation est por- teuse de différentes fonctions symboliques : énergie, recher- che identitaire, réparation et oralité.

Mots clésPsychologie · Burn-out · Habitudes alimentaires · Plaisir · Soignants · Symbolique

AbstractWe assessed caregivers’attitude towards food. In order to achieve this, we created a questionnaire which was filled in by staff of two palliative medicine departments.

The relationship to food is complex, sometimes caused by exhaustion, sometimes acts as the caregivers’coping mecha- nism. Food brings different symbolic functions: energy, fin- ding one’s identity, healing and orality.

KeywordsFunctioning minds · Burnout · Food rituals · Enjoyment · Caregivers · Symbolic

Introduction

Cet article trouve son origine dans nos propres pratiques dans un service de psychologie de liaison.

Nous avons constaté que notre organisation est jalonnée par des réunions parfois quotidiennes et systématiquement hebdomadaires au cours desquelles nous avons pu observer la présence de certaines boissons et parfois de nourritures.

Ces observations dépassent largement le département des soins de support dans lequel nous travaillons, puisqu’il est assez rare qu’il n’y ait rien à manger ou à boire sur les tables des salles de relève des services.

Face à ce constat, nous nous sommes intéressées à la place que nous faisons à l’alimentation dans notre travail ? Que vient-elle favoriser, empêcher ? Comment nous nourrit- elle ? Que cherche-t-on à incorporer, pour quelles vertus ? Avec qui et quand consomme-t-on ? Il ne fait aucun doute que la nourriture est porteuse de symboles et apporte bien plus que la satisfaction d’un besoin primaire.

Nous allons donc identifier les représentations des soi- gnants concernant les aliments présents dans leur salle de relève, préciser les symboliques qui peuvent y être rattachées et recherchées afin de mieux comprendre certaines habitudes alimentaires dans leur fonction de soutien.

Méthode

Nous avons identifié deux services de médecine qui accueil- lent des malades aux pathologies souvent évoluées. Le profil des patients accueillis est le même dans les deux : maintien au domicile difficile, réalisations de chimiothérapies pallia- tives, accompagnement jusqu’au décès des patients les plus altérés qui ne souhaitent pas mourir à leur domicile et pour qui un projet de mutation en unité de soins palliatifs n’est plus adapté, réflexion sur le projet thérapeutique global.

Après avoir expliqué notre démarche et obtenu l’accord des surveillantes des services, nous avons remis un question- naire à chacun d’eux afin que chaque membre de l’équipe puisse s’en saisir et le remplir individuellement et anonyme- ment.

Nous avons ensuite dépouillé les résultats afin de propo- ser une interprétation.

A.M. Giner (*) · S. Bourcelot

Centre anticancéreux Léon-Bérard, 28, rue Laennec, F-69008 Lyon, France

e-mail : anne-marie.giner@lyon.unicancer.fr DOI 10.1007/s11839-015-0507-5

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Résultats

Vingt-deux soignants ont répondu avec autant d’IDE que d’aides-soignants.

Quels sont les produits fréquemment présents sur vos tables en service de soins ?(Fig. 1).

Dans leurs représentations, les soignants citent essentiel- lement les chocolats et gâteaux comme étant les plus pré- sents. Puis viennent le pain et le Nutella®.

Ces aliments ou boissons ont en commun d’être faciles à manger, d’être mous ou fondants, a priori facilement assimi- lables.

Quels aliments/boissons consommez-vous le plus ? (Fig. 1).

Les réponses nous apprennent que les aliments fréquem- ment représentés sur les tables ne sont pas ceux les plus consommés ! Ici, l’eau et le café font partie des habitudes alimentaires des soignants.

Les soignants ne sont donc pas toujours conscients de ce qu’ils mangent. Ces habitudes font-elles partie d’automa- tismes et donc non accessibles à la conscience ?

Les soignants consomment essentiellement des saveurs sucrées et ce qui est souvent retrouvé dans le petit déjeuner ;

Le Nutella®bien présent sur les tables du petit déjeuner ne serait même pas consommé !

À quelle occasion sont-ils le plus présents ?(Fig. 2).

Dans leurs représentations, les soignants associent les ali- ments à une occasion particulière, lors de rituels religieux comme le moment de Noël et lors de rituels de séparation comme les pots de départ et les fins de transmissions.

Qui les apportent ?(Fig. 3).

Presque tous les soignants disent apporter de la nourriture (21) et affirment pour 18 d’entre eux qu’ils seraient apportés par les patients puis par les familles pour 16 d’entre eux.

Proposez-vous ces aliments/boissons aux soignants extérieurs ?(Fig. 4).

Une grande majorité des soignants répondent oui et pré- cisent qu’ils en proposent au personnel de nuit, de l’entre- tien, aux équipes transversales de la douleur et des soins palliatifs.

Très peu répondent que l’offre de partage n’est pas systé- matique et qu’elle est sélective.

Fig. 1 Aliments/boissons présents sur les tables ou consommés

Fig. 2 À quel(s) moment(s) de lannée/à quelle(s) occasion(s) les consommez-vous le plus ?

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Quels sont les qualificatifs rattachés à l’alimentation ? (Fig. 5).

Les plus cités sont le partage, la convivialité et l’aspect déstressant. Le côté excessif est nommé pour quelques soi- gnants ainsi que les qualités festive, réconfortante et stimu- lante. Certains ont ajouté que manger permettait aussi de ne pas penser. En aucun cas, les soignants n’estiment que l’ali- mentation est une perte de temps.

Faites-vous des sorties entre soignants ?(Fig. 6).

La moitié des soignants disent sortir entre eux et le font plutôt une fois par trimestre ou tous les quatre mois comme pour ponctuer l’année.

Peu se retrouvent pour les fêtes ou tous les mois.

Discussion

« Nous mangeons autant des symboles que des aliments » [1].

Symbolique de l’énergie

Les résultats nous ont montré que les soignants consomment beaucoup de café et certains du thé, tous deux bien connus pour leurs vertus magiques et sacrées. Le café n’est pas perçu comme un aliment, mais fait partie du quotidien au même titre que l’eau d’ailleurs. Le café apporterait l’énergie physique et intellectuelle pour continuer ; il est la condition sine qua non pour débuter et poursuivre une journée. Il se boit chaud ; cette qualité le lie à la virilité, il peut être exci- tant, vaillant, efficace, voire agressif.

L’eau et donc le « froid » seraient reliés à l’insipide, au faible, apaisant, humide et féminin. L’eau est associée à la purification, à l’élimination des toxines, voire des pensées, mauvaises expériences, aux sentiments de culpabilité et d’agressivité.

Ces qualités recherchées peuvent être perçues comme des ressources à différents moments d’une journée qui réserve Fig. 3 Qui les apporte ?

Fig. 4 Proposez-vous de partager avec les soignants extérieurs ?

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son lot de surprises, parfois agréables et parfois épuisantes dans l’univers des soins palliatifs.

Symbolique de la recherche identitaire

Il est rare de sentir des odeurs alléchantes empreintes de souvenirs d’enfance dans les services ; il n’est pas facile d’incorporer des symboles permettant de retrouver sa matrice culturelle. Néanmoins, cette quête identitaire peut être facilitée en apportant soi-même des mets et en acceptant les dons des familles comme cela apparaît dans les résultats.

Renforcement identitaire au travers de la ritualité

Il s’effectue par le biais de gestes, de mots, de temps bien précis ; la dimension du plaisir est autorisée.

Ces pauses citées sont indispensables à l’équilibre des soignants, car elles autorisent un retour au « moi » non pro- fessionnel où l’on évoque des nouvelles des enfants, on

s’échange des recettes de cuisine et des destinations de vacances.

Ces propos anodins permettent le glissement d’une réalité à l’autre sous la forme d’un éloignement de la pathologie et

« de la mise à distance du patient, décelable […] dans les pratiques de symbolisation de l’espace […] elle vise à pré- server l’identité des soignants, enfermés, comme les mala- des, dans un monde clos. L’évitement des malades se struc- ture autour de rites de séparation appropriés comme les locaux de travail » [2].

Cette quête d’identité professionnelle est permise grâce au sentiment d’appartenance au groupe qui est différent de celui des malades.

La nourriture trouve du sens et de la densité au moment des petits déjeuners, des repas festifs, des pots de départ.

Il s’agirait de faire face aux sentiments pénibles de dépres- sion engendrés par des facteurs stressants (l’ennui, la mono- tonie, la séparation).

Fig. 6 Sorties entre soignants

Fig. 5 Qualificatifs rattachés à lalimentation

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Ainsi, pour son équilibre psychique et en prévention de l’épuisement, le soignant a besoin d’être nourri de diversité, d’évasion et de joie en commun.

Les familles ne sont pas dupes et l’ont bien compris.

Elles prennent soin à leur façon des soignants qui s’occupent de leur proche en leur remettant des cadeaux « qui se mangent ».

Les aliments préparés, disposés, sont ingérés par tous au sein d’un rituel dont les formes structurées amènent le mangeur à instaurer l’aliment dans un statut de symbole.

« La relation qui s’instaure autour de la table comme les regards, les mots, les connivences » [3], puis le café avant de commencer ou de poursuivre la journée, le chocolat en milieu de service, le gâteau à la fin des transmissions entre paramédicaux et avant de préparer les soins « nourrissent le corps autant que l’esprit et le groupe dans la mesure où ces aliments leur redonnent un souffle de temporalité et de spa- tialisation » [3].

Le rituel est ainsi assuré par un cadre où la présence de chacun est recommandée afin de partager un même repas, des mêmes séquences. Lorenz disait « les attitudes rituali- sées ont une fonction sociale : celle de contrôler l’agressivité en améliorant les relations entre les membres du groupe et en procurant ainsi une meilleure cohésion sociale » [4].

Face aux multiples deuils inhérents aux fins de vie et aux transferts de patients dans d’autres services, le soignant va donc mettre en place ces rituels pour accompagner le pas- sage du temps et permettre le travail de deuil. Cette ritualité constitue une vraie ressource pour les soignants.

Renforcement identitaire dans la notion de portage (holding) du groupe

Le groupe a des capacités à se réguler notamment dans les épreuves séparatrices. Winnicott a théorisé cette notion dans le concept duholding. Ainsi, les repas de service et les apports des familles renforcent ce portage. Ces moments nourrissent l’imaginaire et les composantes sensorielles pour contribuer à créer cette ambiance. Ceux qui ont préparé le repas ou simplement un plat apportent de l’affection : « Man- ger est un acte d’amour » [5], et « l’amour est offert par celui qui a préparé » [1].

L’enquête le confirme autour des synonymes de convivia- lité, « dimension essentielle de l’alimentation » [1] et de partage déstressant rattachés à l’alimentation.

La détérioration du lien social qui précède la perte d’inté- grité physique et le décès mobilise une palette d’émotions chez les soignants et l’entourage et pourrait se trouver en partie compensée par l’acte de se nourrir. Le Grand-Sébille a écrit « Protéger le corps et l’esprit par des nourritures riches », « ces nourritures protègent les soignants des agres- sions liées à l’anorexie des patients, au maintien à jeun de

certains ou à leur incapacité de manger qui amènent le soi- gnant à se sentir agressé dans sa fonction maternante » [6].

Dans ce monde en perpétuel changement, pain, confiture, viennoiseries, Nutella®sont consommés ou pensés comme des douceurs apaisantes, rassurantes. Ces aliments faciles à mâcher ont un même goût et, partagés par le plus grand nom- bre, forment une véritable cohésion.

On constate aussi dans l’enquête que l’offre de partage exclut les médecins ; est-ce le signe que les soignants ne peuvent faire alliance qu’avec leurs pairs ? Est-ce une volonté de conserver un groupe homogène de soignants et d’exclure inconsciemment une autre fonction qui constitue- rait une menace pour l’intégrité de ce groupe ?

Effectivement, « Au cours du repas, nous nous livrons tant par nos propos que par notre comportement alimentaire […] c’est un peu de notre intimité qui est révélée dans l’ali- mentation » [1].

Quête de l’incorporation des attributs

Ne dit-on pas que « l’on est ce que l’on mange » ? Alors ingurgiter des douceurs nous rendrait-il plus doux ?

Manger est un acte universel, « symbole de bien-être social, spirituel et culturel et l’alimentation est un élément du patrimoine qui définit le groupe social et sa langue » [1]. Mais le motif biologique n’est pas le seul !

Effectivement, en soins palliatifs, les soignants sont confrontés aux limites de leurs pouvoirs, baignés dans une ambiance de manque de temps, de perte d’autonomie, de deuils à faire… et doivent trouver leur équilibre entre les demandes : tels l’idéal du moi professionnel et les frustra- tions comme les contraintes de la réalité. Les malades ne correspondent pas toujours aux attentes des soignants ; on entend parfois« il ne parle pas de sa maladie, de sa mort »,

« il refuse les soins », « il n’est jamais dans sa chambre »,

« il met un temps fou à mourir »…

Ces frustrations influencent l’imaginaire du soignant dans lequel on retrouve des identifications et des projections. La tentation est alors forte d’éviter ce qui peut être vécu comme de la passivité et de recourir à des tentatives de maîtrise.

Freud [7] définissait l’incorporation par le processus selon lequel, sur un mode plus ou moins fantasmatique, le sujet fait pénétrer un objet à l’intérieur de son corps, à la fois pour le détruire et assimiler totalement ou en partie ses qualités. « Ce processus structure l’identité individuelle et l’organisation sociale autant qu’elle est déterminée par eux » [3].

Cette quête peut aussi bien relever de la faim que de l’appétit qui est quant à lui sans doute prévalent dans l’enquête qui précise que les soignants désirent davantage du chocolat et des gâteaux, mais consomment en réalité de l’eau et du café. « L’appétit est un désir, une sélection, une envie d’un aliment spécifique, susceptible de nous faire manger même en l’absence de faim » [1]. Le choix fait

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par les soignants est contraint en partie à celui de la repré- sentation du devenir dans le corps du type : « aliments bons pour soi (douceur, mémoire, saveur) et bons en soi (santé, hygiène, amincissement) » [3].

Symbolique de la réparation

Que cherchons-nous à faire lorsqu’on apporte un café, un chocolat à quelqu’un qui paraît souffrir ?

Une boisson chaude réchauffe le corps, l’ambiance et adoucit l’esprit. Elle peut remplacer les mots qui peuvent manquer à l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Cela console !

Souvent apporté par les familles, le chocolat est présenté comme une offrande. Confiseries et autres douceurs peuvent signifier que ceux qui les ont offertes ou apportées souhai- tent peut-être racheter la nature du lien d’échange corrompu par le décès ou l’impossibilité de guérison et permettent de compenser la dette contractée auprès du défunt qu’ils n’ont pas su retenir.

Ainsi, agressivité, colère et tristesse ressenties face à la frustration du soignant, du patient et/ou des proches sont transformées en offrande.

N’avez-vous jamais remarqué qu’avant un départ nous apportons souvent un gâteau, des croissants ? Et pour adou- cir notre absence, ne rapportons-nous pas des spécialités locales ?

Symbolique de l’oralité

Enfin, le symbole de l’oralité est celui par lequel nous avons tous découvert le monde, confondu au départ chez l’enfant comme indistinct de son soi (le bébé et le sein ne font qu’un !). Au tout premier plaisir de la succion succède le plaisir de manger, de boire puis viennent les plaisirs corporels.

Winnicott [8] en a parlé le premier et a théorisé le concept de l’aire transitionnelle qui va venir expliquer les mets « faits maison ». Celle-ci se situe entre le pouce et l’ours en peluche et devient une aire de jeu.

Dans son développement, l’enfant va intégrer à la bouche des objets externes à son schéma corporel. Ces objets sont là à la place du sein et seront utilisés par l’enfant au moment de s’endormir ou lors d’une angoisse dépressive ou d’un senti- ment de solitude. L’enfant sait faire la différence entre l’objet externe et l’objet interne ; l’objet transitionnel est symbo- lique. Et si l’enfant a perçu son environnement comme suf- fisamment bon, alors il saura faire face au choc immense que représente la perte de l’omnipotence.

L’enfant, et donc l’adulte plus tard, et le soignant que nous sommes pourront être créatifs. La personne ressentira de la sécurité par rapport à son environnement et aura confiance en elle. Cet espace de création est infini (art,

culture, cuisine) et sans risque de destruction de l’environne- ment (de l’équipe, des collègues). Les soignants qui cuisi- nent et ceux qui s’essaient à de nouveaux plats ont un soi solide, signe de sécurité intérieure.

L’aliment peut aussi représenter l’oralité digérable face à des paroles parfois indigestes ! Il n’est pas étonnant que la nourriture soit autant présente au moment des relèves, des réunions de service. Les temps de transmissions sont des moments parfois très anxiogènes, et l’aliment peut être vécu comme le matériel digérable. À l’inverse, trop de nourriture ingérée ressemble plus à du gavage et peut empêcher les échanges.

On est parfois témoins d’un sentiment de culpabilité à ingurgiter des sucreries diverses, appelées parfois « cochon- neries » caractérisant les aliments gras ou sucrés.

Outre le discours médiatique dont nous sommes gavés à longueur de slogans publicitaires, on peut aussi citer à titre anecdotique que la diabolisation du sucré dans notre culture occidentale peut nous venir des États-Unis où, en 1975, un diététicien du nom de Duffty comparait le sucre blanc raffiné à de la morphine !

Le Nutella®présenté sur les tables, mais non consommé d’après l’enquête subirait-il le poids de ses représentations collectives chargées de connotations régressives, caloriques et culpabilisantes ?

Enfin, les soignants « souhaitent-ils se soustraire à l’em- prise médicale relayée par le champ de la diététique et de l’esthétique qui recommandent une alimentation équili- brée ? » [3].

Limites/perspectives

Nos résultats ne sont pas extrapolables aux autres soignants de l’hôpital et des autres institutions prenant en charge des malades atteints de cancer évolué étant donné le faible échantillon recueilli.

Nous pouvons nous demander dans quelles mesures nous n’avons pas biaisé les réponses données à la question sur

« quels aliments/boissons consommez-vous le plus ? », car nous n’avons pas distingué les aliments et les boissons.

Il serait d’ailleurs intéressant de comparer la place et la symbolique de l’alimentation dans des services où l’intégrité physique et la menace du décès du patient sont moins pré- gnantes, comme dans les services de chirurgie ou de jour.

Ce d’autant que nous constatons que les soignants de ces services semblent disposer de plus de ressources psychiques et groupales sur certaines prises en charge complexes parfois en lien avec une fin de vie.

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Conclusion

Penser la place de l’alimentation chez les soignants qui tra- vaillent dans des services de soins palliatifs nous a amenée à préciser les différentes symboliques et à confirmer son phé- nomène social structurant pour les équipes qui font face au sentiment de dépression et à la perte de l’omnipotence.

Elle représente à la fois un objet de satisfaction et un outil de protection psychique pour le soignant.

En guise de conclusion, nous avons opté pour les paroles digestives de Brillat-Savarin : « Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays, de tous les jours ; il peut s’associer à tous les autres plaisirs et reste le dernier pour nous consoler de leur perte » [9].

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

1. Lecerf JM (1996) La nutrition. Privat, Toulouse, pp 6264, 66, 78, 102

2. Vega A (1997) Les infirmières hospitalières françaises : lambi- guïté et la prégnance des représentations professionnelles. Sci Soc Santé 15:120

3. Durif-Bruckert C (2007) La nourriture et nous ; corps imaginaires et normes sociales. Armand Colin, pp 24, 25, 67, 116, 119, 120 4. Lorenz K (1969) Lagression in Montagner H (2012). Lenfant et

la communication. Comment gestes, attitudes et vocalisations deviennent des messages. Dunod, p 167

5. Trémolières J (1996) in Lecerf JM (1996). La nutrition. Privat, Toulouse, p 64

6. Le Grand-Sébille C (2010) De la symbolique de lalimentation à laccompagnement. 9e Journée régionale de soins palliatifs en région Centre

7. Freud S in Durif-Bruckert C (2007) La nourriture et nous ; corps imaginaires et normes sociales. Armand Colin, p 109

8. Winnicott DW (2005) Jeu et réalité, lespace potentiel. Gallimard, Folio Essais, Paris, p 35

9. Brillat-Savarin JA (1848) La physiologie du goût. Gabriel de Gon- net Éditeur, p 13

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