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Les territorialités des jeunes citadins: projet d’urbanisme et représentations des élèves du quartier de la concorde

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Les territorialités des jeunes citadins: projet d'urbanisme et représentations des élèves du quartier de la concorde

VALENTIN, Laetitia

Abstract

Ce travail s'intéresse aux territorialités des jeunes à leur entrée au cycle d'orientation, afin de mieux comprendre leurs pratiques et représentations de leur quartier, mais aussi leurs besoins et utilisations d'équipements socioculturels urbains. Il utilise principalement des méthodes de recherche qualitatives. Les résultats montrent que la jeunesse tend à être encore très casanière et que ses pratiques de l'espace public se font par le biais de rencontres entre pairs au sein de leur quartier.

VALENTIN, Laetitia. Les territorialités des jeunes citadins: projet d'urbanisme et représentations des élèves du quartier de la concorde. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:151257

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Les territorialités des jeunes citadins.

Projet d’urbanisme et représentations des élèves du quartier de la Concorde

Mémoire de master

Département de géographie et environnement Université de Genève

Laetitia Valentin 2018 - 2019

Directrice de recherche Anne Sgard

Experte Muriel Monnard

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 4

1. INTRODUCTION 5

LE TEMPS DE LA RÉFLEXION 5

2. CADRAGE DU SUJET 6

2.1LA GÉOGRAPHIE DES JEUNES 6

DE LA GÉOGRAPHIE DES ENFANTS À LA GÉOGRAPHIE DES JEUNES 7

LES CATÉGORIES DÂGES ET DÉNOMINATIONS 9

2.2LA TERRITORIALITÉ ET CES CONCEPTS DÉRIVÉS 11

LA TERRITORIALITÉ.DE QUOI PARLE-T-ON ? 12

LES REPRÉSENTATIONS DE LESPACE ET DE SON TERRITOIRE 15

L’APPROPRIATION ET LES PRATIQUES SPATIALES 16

LA MOBILITÉ DES JEUNES URBAINS 17

2.3LES LIEUX DE LA TERRITORIALISATION DES JEUNES 19

LE FOYER FAMILIAL COMME POINT DE DÉPART 20

L’ÉCOLE AU CENTRE DES PRATIQUES 21

LE QUARTIER COMME TERRITOIRE DU QUOTIDIEN 22

2.4L’IDENTITÉ DE QUARTIER 24

UNE CONSTRUCTION DE LIDENTITÉ SPATIALE CHEZ LES JEUNES 25

L’IDENTITÉ DE QUARTIER CHEZ LES JEUNES 27

2.5LA JEUNESSE DANS LES PROJETS DURBANISME 29

LES INFRASTRUCTURES ET ESPACES POUR LES JEUNES 29

NOTION DE VIVRE ENSEMBLE DANS LAMÉNAGEMENT DÉCOQUARTIER 32

3. PROBLÉMATIQUE 34

4. HYPOTHÈSES 34

HYPOTHÈSE 1 :ABSENCE DES JEUNES DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES DAMÉNAGEMENT LEUR ÉTANT DESTINÉES 34 HYPOTHÈSE 2 :LES TERRITORIALITÉS DE QUARTIER COMME POINT DENTRÉE 35 HYPOTHÈSE 3 :UN CHOIX MÉTHODOLOGIQUE SUR LA POPULATION VISÉE 35

5. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE 36

5.1LE CHOIX DU TERRAIN ET DE LA POPULATION CIBLÉE 36

GENÈVE ET SON DÉCOUPAGE 36

L’ÉCOQUARTIER DE LA CONCORDE 38

CYCLE DORIENTATION COMME NOUVELLE DIMENSION DU QUARTIER 40

LES ÉLÈVES DE 9E: UN CHOIX DOUBLE 41

5.2ENTRER SUR LE TERRAIN PAR LES POLITIQUES PUBLIQUES 42

ANALYSE DOCUMENTAIRE 43

DU PLAN DIRECTEUR DU QUARTIER DE LA CONCORDE 44

SUR LE SITE DU FORUM 1203 44

ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF 44

AVEC UN ANIMATEUR DE MAISON DE QUARTIER 45

AVEC LA RESPONSABLE DU GRAND PROJET CHÂTELAINE 46

5.3ENTRER SUR LE TERRAIN PAR LES JEUNES : UNE APPROCHE PÉDAGOGIQUE 46

L’« ÉCHANTILLONNAGE » DES JEUNES 46

UN ATELIER INTERACTIF AVEC LES ÉLÈVES DU CYCLE DORIENTATION 47

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3

DISCUSSION DE GROUPE SUR UN PLAN LOCALISÉ, AUTOUR DU QUARTIER DE LA CONCORDE 48

UN QUESTIONNAIRE À REMPLIR 49

DISCUSSION AUTOUR DE PHOTOS PRISES DANS GENÈVE 49

5.4SITUER LA RECHERCHE : LA CHERCHEUSE ET LÉTHIQUE 50

MON POSITIONNEMENT DANS LA RECHERCHE 50

ENJEUX ÉTHIQUES DE LA RECHERCHE 51

6. ANALYSE DU TRAVAIL DE TERRAIN 53

6.1UN TERRITOIRE CONSTRUIT ET ENCADRÉ 53

LES PROJETS POUR LA JEUNESSE : LES PERSPECTIVES DHIER 53

LES JEUNES DANS LES PROJETS RÉALISÉS : LÉTAT DES LIEUX AUJOURDHUI 58

PENSÉ PAR LA MAISON DE QUARTIER DE LA CONCORDE 60

PENSÉ PAR LURBANISME 61

SYNTHÈSE DES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LES JEUNES DE LA CONCORDE ET DES ALENTOURS 65 6.2OUVERTURE SUR LES TERRITORIALITÉS DES JEUNES LE TEMPS DUNE CLASSE 66

L’ITINÉRAIRE SCOLAIRE DES ÉLÈVES DE 9E À CAYLA 68

LES PRATIQUES EXTRASCOLAIRES DES JEUNES 70

LE QUARTIER IDÉAL DANS LA TÊTE DES JEUNES 74

UNE VOLONTÉ MITIGÉE DE PARTICIPATION À DES PROJETS DAMÉNAGEMENT 76

6.3LE QUARTIER :UNE HISTOIRE DE NOM 77

6.4L’OCCUPATION DU QUARTIER : UNE QUESTION DE GENRE ? 81

6.5LES TYPES DE TERRITORIALITÉS DES JEUNES EN PREMIÈRE ANNÉE DU CYCLE DORIENTATION 84

UNE JEUNESSE DANS LOMBRE 85

UNE TERRITORIALITÉ ÉTENDUE 85

UNE TERRITORIALITÉ DE QUARTIER 88

UNE TERRITORIALITÉ DU FOYER 89

UNE IMBRICATION DES ÉCHELLES 89

7. CONCLUSION 91

BIBLIOGRAPHIE 94

LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE 94

TRAVAUX UNIVERSITAIRES 99

DOCUMENTATION SECONDAIRE 100

SITOGRAPHIE 101

ANNEXES 102

ANNEXE N°1 :PLAN LOCALISÉ DU QUARTIER ET DES ALENTOURS 102

ANNEXE N°2 :QUESTIONNAIRE DU POSTE N°2 103

ANNEXE N°3 :LES PHOTOS DES POSTES N°3 ET N°4 104

ANNEXE N°4 :PLAN AÉRIEN DE GENÈVE 105

ANNEXE N°5 :LES SUPPORTS DE RENDUS DES POSTES N°3 ET N°4 106 ANNEXE N°6 : LA PAGE DES ENFANTS DU JOURNAL INFO CHANTIER CONCORDE 107

ANNEXE N°7 :EXEMPLES DE QUESTIONNAIRES 108

ANNEXE N°8 :RETOURS DU POSTE N°3 110

1.LES CLASSEMENTS COLLECTIFS 110

2.EXTRAIT DE RETRANSCRIPTION DU POSTE N°3 AVEC LA CLASSE R3, GROUPE N°3 111

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« Employer le mot « territoire » plutôt qu’« espace », c’est admettre que le sens donné à un lieu est plus important que le lieu lui-même »

(BLUM & PERRET, 2005, p. 26).

« Apprendre la ville, c’est d’une certaine manière apprendre la vie » (RIFFAUD, GIBOUT & RECOURS, 2016, p.36).

Remerciements

Avant tout, je tiens à présenter ma gratitude envers ma directrice de recherche Anne Sgard pour sa patience et sa bienveillance. Elle a su trouver les mots justes quand je me suis retrouvée bloquée, et m’a motivée à persévérer.

J’apprécie également que Muriel Monnard ait accepté d’être juré de ce travail.

Ensuite, je remercie chaleureusement les deux enseignantes qui m’ont ouvert leur classe.

Cette recherche n’aurait pas vu le jour sans elles et je suis très reconnaissante de leur accueil.

Par la même occasion, je remercie les élèves qui se sont prêtés au jeu au-delà de mes espérances.

Dans le même élan, je remercie mes deux interviewés d’avoir été aussi volontaires à me partager leurs expériences.

Enfin, je remercie ma famille et mes amis pour m’avoir soutenue, encouragée et supportée tout au long de cette expérience. Je suis spécialement reconnaissante envers Kilian, Fabian, Hervé et Christine pour leurs nombreuses relectures et commentaires, Kim pour ses précieuses corrections et Gianni pour le temps qu’il m’a accordé.

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1. Introduction

Afin de bien entrer dans le texte, je vous propose en avant-propos de suivre le cours de ma pensée qui a orienté la production de cette étude.

Le temps de la réflexion

Ma réflexion sur la territorialisation des jeunes a émergé de deux pôles différents. Dans un premier temps, lors de la réalisation de mon travail de bachelor en juin 2017 sur l’intégration d’un écoquartier dans un milieu déjà urbanisé, je me suis penchée sur le cas du quartier de la Concorde à Genève1. Un écoquartier étant le plus souvent assez nettement délimité et utilisé comme prototype ou « laboratoire » de la ville durable, la question des frontières du quartier est apparue. Dans un second temps, une étude, réalisée avec deux collègues sur les pratiques des jeunes Annemassiens dans le Grand Genève2 dans le cadre d’un atelier sur l’identité et urbanité au printemps 2018, m’a poussée à centrer mon regard sur les pratiques des jeunes et leurs spatialités. Dés lors, cela m’a invitée à reprendre mon terrain de bachelor et à l’approfondir grâce à une approche fondée sur la territorialité des jeunes, permettant d’identifier ce qu’est leur quartier et par addition comment les choix de l’urbanisme avaient un impact sur eux. De plus, habitant moi-même dans ledit quartier, je me suis aperçue que la présence d’une population jeune dans l’espace public dérangeait les habitants et qu’a fortiori, ils ne semblaient avoir nulle part où aller après une douce enfance bercée de jeux et de parcs.

De là vient le questionnement sur les pratiques des jeunes à l’entrée dans l’adolescence, soit ici, à l’entrée au Cycle d’orientation.

De nombreuses lectures, deux entretiens, une enquête de terrain approfondie centrée sur le Cycle d’orientation le plus proche du quartier de la Concorde et de longues heures de retranscriptions plus tard m’ont enfin amenée fin 2019 à la rédaction de ce mémoire.

1 Pour plus d’informations : VALENTIN Laetitia (2017), Écoquartiers. Un projet à la Concorde : Comment le quartier de la Concorde à Genève intègre-t-il le concept d’écoquartier dans un environnement déjà urbanisé ?, Projet de recherche de Bachelor, Genève : Université de Genève, Département de géographie et environnement.

2 Pour plus d’informations : ANGEHRN Marjorie, DUCOMMUN-DIT-VERRON Timothée, VALENTIN Laetitia (2018), « Insuffler de la vie dans les espaces publics ? Les jeunes d’Annemasse », in Sandro Cattacin &

Bernard Debarbieux, Atelier Identités-Urbanités (T405060), Genève : Université de Genève.

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2. Cadrage du sujet

« On constate fréquemment des écarts entre la conception urbanistique et son appropriation par les usagers, non seulement dans des espaces publics d’envergure, mais aussi dans des quartiers récents, la transformation de friches, ou encore l’apaisement de rues » (Collage, n°3, 2018). Tel est le constat que la revue Collage, périodique d’urbanisme, d’aménagement et d’environnement, énonce dans son éditorial. Cette divergence de conception, particulièrement importante pour comprendre la vie quotidienne d'une population urbaine, se situe au cœur de la recherche qui va suivre.

Pour parler de cette divergence, nous allons recadrer le sujet dans une perspective géographique, puis cerner les différents acteurs impliqués, les enjeux ainsi que les discours (et les concepts) mobilisés. Dans un premier temps c’est le courant de la géographie des jeunes (2.1), centrée sur la population qui nous intéresse ici, que je vais aborder. Dans un second temps, ce seront les concepts utiles à l’analyse de cette étude qui seront présentés. D’abord la relation à la territorialité (2.2), avec un rapide passage sur les lieux de territorialisation des jeunes (2.3) ; puis avec l’identité de quartier et la façon dont elle s’exprime (2.4). Enfin, nous verrons le rapport entre jeunesse et urbanisme – clé de voute de cette recherche – et plus précisément sur comment la jeunesse est pensée en urbanisme (2.5).

2.1 La géographie des jeunes

L’aménagement du territoire est planifié par des entités politiques telles que l’État ou, en Suisse, les Cantons. Ces dernières construisent matériellement l’environnement dans lequel les individus évoluent. Dans la ville, les instances de l’aménagement territorial imposent un zonage de l’espace : résidentielles, de jeux, d’éducations scolaires, de parcs, etc. L’urbanisme planifie les bâtiments et le mobilier urbain, mais aussi dessine le réseau routier qui domine nos villes modernes et délimite les espaces verts. Il crée également des lieux que la population utilise différemment selon les par génération, comme un quartier des affaires où les adultes sont majoritaires, ou encore des parcs pour enfants permettant de leur faire expérimenter l’espace public dans un lieu contrôlé et protégé. En géographie, il existe des courants d’études

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s’intéressant à ces questions générationnelles de la relation à l’espace. Celle qui va intéresser ce travail est la géographie des jeunes.

De la géographie des enfants à la géographie des jeunes

Dès les années 1960-70, notamment à travers les travaux de William Bunge3, la géographie commence à s’intéresser à la place des enfants dans la ville. Selon la géographe britannique Bethan Evans (2018), « la géographie des enfants est souvent définie par rapport à un agenda politique commun visant à centrer les enfants et les jeunes dans la recherche géographique, à remettre en question les stéréotypes négatifs des enfants et des jeunes, à autonomiser les enfants et les jeunes et à lever les obstacles à la participation des enfants et des jeunes décisions politiques »4 (p. 1660). Les courants anglo-saxons des Children’s geographies et des Childhood studies, mais aussi des recherches francophones sur les enfants s’affirment particulièrement autour des années 1990. Cet essor est corrélé avec l’apport de la sociologie qui commence à percevoir l’enfant comme « acteur social » et non plus comme un être dépendant uniquement des adultes (DANIC, DEPEAU & KEERLE, 2018, p. 133 ; MONNARD, 2017, p. 43). Ce domaine d’étude est toujours en effervescence de nos jours, comme on peut le voir notamment avec l’apparition d’un journal scientifique nommé Children’s geographies dont le premier volume est paru en 2003 et qui est encore actif aujourd’hui. Ce journal se présente lui-même comme « international », ce qui permet d’élargir les cas d’études et d’intégrer des chercheurs et chercheuses non-anglo-saxons, mais qui maintient, comme contrainte, l’écriture des articles en langue anglaise5. Il est important de noter que les géographies des enfants touchent à plusieurs catégories d’âge. La géographe suisse Muriel Monnard souligne qu’elles s’inscrivent « [dans] la continuité d’une géographie des minorités, [et] s’intéresse[nt] aux enfants et aux jeunes de la naissance à environ 25 ans » (MONNARD, 2017, p. 43). En 2018, Isabelle Danic, sociologue, Sandrine Depeau,

3 William Bunge (1928-2013), géographe radical étatsunien s’intéressant notamment aux enfants à Détroit par le biais d’"expéditions géographiques" pour dénoncer des inégalités (ROBERT, 2017, p. 7). Il souligne également une marginalisation des enfants dans les études en géographie et urbanisme (DANIC, DEPEAU & KEERLE, 2018, p. 131).

4 Traduction personnelle : « […] children’s geographies are often defined in relation to a shared political agenda to centre children and young people in geographical research, to challenge negative stereotypes of children and young people, to empower children and young people, and to challenge barriers to children and young people’s participation in policy decisions ».

5 [s.n.], « Children’s Geographies : Aims and scope », in Taylor & Francis Online, [en ligne], URL : https://www.tandfonline.com/action/journalInformation?show=aimsScope&journalCode=cchg20

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psychologue, et Régis Keerle, géographe, mettent en avant l’importance d’une pluridisciplinarité de la recherche sur la spatialité des enfants, en raison de similarités du champ d’étude, de conceptualisations et de paradigmes communs : « Transversal aux trois disciplines [géographie, sociologie et psychologie], le paradigme constructiviste postule que la réalité des espaces de vie des enfants est construite historiquement et reconstruite par les acteurs, enfants et adultes, qui par acceptation et/ou transformation des contraintes, normes, contribuent à la production de l’espace » (DANIC, DEPEAU & KEERLE, 2018, p.135).

Partir du postulat constructiviste coïncide bien avec l’agentivité prêtée aux enfants. Ils sont donc acteurs et créateurs de la ville à leur échelle. Les trois auteurs font également mention d’une recherche pluridisciplinaire, en cours depuis 2012, nommée « Inégalités éducatives et construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie – INEDUC », financée par l’ANR6 et dirigée par le géographe français Olivier David. Cette étude est particulièrement importante dans l’évolution de la géographie de l’enfant ; d’une part parce qu’elle est pluridisciplinaire et permet donc d’analyser les données sous plusieurs angles ; d’autre part parce qu’elle se focalise sur une période charnière de la vie d’un enfant, le passage à l’adolescence, qui s’inscrit dans le champ annexe de la géographie des jeunes.

Dans les années 1990, l’intérêt pour la géographie de la jeunesse (préadolescents, adolescents et jeunes adultes) commence elle aussi à prendre de l’importance, bien qu’elle reste affiliée à la géographie des enfants. En France, le sociologue français Alain Vulbeau (2001) souligne que la jeunesse dans les années 1990 est largement perçue et analysée sous le paradigme de

« jeunesse menace », marginalisée et dangereuse. Il oppose à ce paradigme celui de « jeunesse ressource », où les jeunes sont acteurs de leur quotidien. Vulbeau préconise l’analyse des capacités des jeunes à vivre ensemble et à s’approprier leur environnement, pour « […]

interroger l'interaction des pratiques des jeunes et des institutions dans une perspective de cohésion sociale » (p. 15). La présente recherche vise justement à étudier la jeunesse dans son environnement à travers le prisme d’une « jeunesse ressource ». La géographe britannique Gill Valentine (2019) note que si les Children’s geographies ont réussi à se constituer comme un courant propre, ce n’est pas le cas de la géographie de la jeunesse (Youth geographies) qui a de la peine à se démarquer et qui est le plus souvent incluse dans les Children’s geographies. Bethan Evans (2008) va plus loin en exprimant que la simple terminologie de Children, dans laquelle on range les études sur les jeunes, masque les possibilités d’une

6 Agence Nationale de la Recherche (française).

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visibilité politique des enjeux de cette jeunesse (p. 1661). Pourtant, il est aujourd’hui clairement reconnu par de nombreux chercheurs7 (ZAFFRAN ; DELALANDE ; DIASO ; etc.) que le passage à l’adolescence fait entrer les jeunes dans une nouvelle catégorie d’âge, distincte de celle de l’enfance, où les pratiques et perceptions évoluent.

Les catégories d’âges et dénominations

Des termes tels que « jeunes » ou « adolescents » nous permettent d’avoir une idée assez claire de la catégorie de population dont il est question. Il est cependant très difficile de délimiter par un âge exact le moment où l’on entre dans la préadolescence, dans l’adolescence ou dans la catégorie des jeunes adultes. Par exemple, pour la préadolescence, l’âge d’entrée tournerait autour de 8 à 12 ans selon l’anthropologue française Julie Delalande (2010, p. 73).

Dans le contexte du travail social, « la tranche d’âge 11-13 ans est considérée comme une transition entre enfance et adolescence, certains enfants seront matures plus tôt et inversement » (GARAT & VERNICOS, 2010, p. 146). Les auteurs ayant étudié le sujet soulignent que les étapes de la vie, comme l’entrée au Collège en France, qui correspond à l’entrée au Cycle d’Orientation en Suisse à Genève, sont spécialement importantes dans la catégorisation des âges (ZAFFRAN, 2014 ; DELALANDE, 2010, pp. 72-73 ; DIASIO &

VINEL, 2014, p. 11). Et ce passage correspond justement à l’âge de 11 – 12 ans, en Suisse comme en France. Le sociologue Joël Zaffran (2014) revient sur un historique du passage à l’âge adulte en termes de rites. S’il a longtemps été synonyme d’une entrée brutale et nette – soit symboliquement pour les sociétés « traditionnelles », soit dans le monde du travail pour les sociétés industrielles – dans nos sociétés contemporaines, l’échelonnage pour entrer dans l’âge adulte est plus progressif et prend plusieurs dimensions, ainsi qu’une multiplicité de

« rites » (ZAFFRAN, 2014, p. 127). Ces rites sont des événements collectifs qui permettent de marquer le passage, comme par exemple la fête d’anniversaire ou la transition entre l’école primaire et secondaire, etc. Zaffran met l’accent sur le passage à l’école secondaire comme marqueur fort de cette transition. C’est un accès à une forme d’indépendance qui permet de marquer une différenciation entre les enfants et les adolescents, celle-ci étant pluridimensionnelle. « L’autonomie des adolescents est liée par conséquent aux instances de socialisation verticale (l’école et la famille) et horizontale (les pairs) ; elle s’actualise dans

7 Ici, l’usage du masculin a pour but de ne pas alourdir le texte.

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l’espace public ou dans des endroits fermés de la sphère privée » (Ibid., p. 128). Autrement dit, le passage au secondaire constitue un point important du développement de l’enfant grâce à ce gain d’autonomie, mais celui-ci le lui est essentiellement concédé par ses parents sur son temps libre (non géré par des institutions scolaires et extrascolaires) et en parallèle, l’enfant va changer son comportement pour s’adapter à son nouvel environnement (scolaire).

Il existe une perception dominante de l’adolescence comme période de transition. Le pédopsychiatre Jean-Louis Le Run (2006) souligne cette période comme étant celle de l’éveille à la sexualité et aux identités de genre. « À l’adolescence, la grande affaire qui marque le largage devenu nécessaire des amarres œdipiennes, c’est la rencontre avec l’objet sexuel, homo, hétéro ou souvent encore « flottant » à cet âge. Elle accompagne la détermination du genre : suis-je fille ou garçon ? Certains ados vont rester longtemps dans la protection du groupe de leur sexe avant d’oser affronter une relation amoureuse, par définition duelle, et la rencontre avec l’autre qu’elle implique » (LE RUN, 2006, p. 60). Cette façon d’appréhender cette catégorie d’âge laisse entendre l’importance d’un « entre soi » chez les jeunes et donc d’explorer la façon dont ils se déterminent eux-mêmes. Dans l’étude de Julie Delalande (2010), qu’elle a menée sur trois groupes d’âges distincts (4-5 ans, 8-9 ans et 14-15 ans), elle note que ces jeunes « évoluent selon une conscience de leur situation dans la pyramide des âges » (p. 80). Selon Delalande, chez les jeunes, la catégorisation dans laquelle ils se trouvent est donc bien intériorisée. Cependant, cet énoncé est à relativiser.

L’anthropologue Nicoletta Diasio (2014) parle de « temporalités plurielles », centrés sur l’évolution des corps des filles et des garçons et du rapport à la puberté. Par exemple, l’identification autour du mot « puberté » jumelé avec celui de « préadolescent » ne se fait pas avant 11 ans, voire plus tard chez la plupart des jeunes, et est surtout perçue en des termes négatifs relatifs au changement du corps ou de l’humeur (DIASIO, 2014, p. 21). Diasio souligne également que les dénominations pour s’auto-identifier ou pour s’identifier entre jeunes sont très nombreuses8. L’étude de Delalande porte plus sur ce que c’est d’être enfant, adolescent et adulte, à propos de l’image mentale que les jeunes ont de ces catégories, alors que celle de Diasio s’oriente sur l’auto-identification des jeunes et d’une dimension de

8 La liste des dénominations utilisées par les jeunes recensées par Nicoletta Diasio : « « un enfant moyen », un

« grand enfant », un « enfant-ado », un « demi-ado », « des fois un enfant, des fois un ado », « un ado, mais pas vraiment ado-ado », « entre préado et ado », « un peu ado, un peu gamin », « entre les deux, mais un peu plus proche ado », jusqu’à une fille qui affirme durement « je n’aime pas les catégories, j’ai 14 ans, c’est tout » » (DIASIO, 2014, p. 21).

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réappropriation des catégories d’âge, ce qui pourrait expliquer cette distanciation des jeunes avec les catégories classiques de préadolescent ou d’adolescent. « Élaborer les bornes qui circonscrivent les phases de la vie s’accompagne d’une définition des normes sociales et de leur bon exercice dans les domaines du genre, de l’appartenance sociale, des assignations ethniques, de la santé » (DIASIO & VINEL, 2014, p. 9). C’est pourquoi de nombreux chercheuses et chercheurs, tels que Julie Delalande (2010), Nicoletta Diasio (2014), Joël Zaffran (2014), Muriel Monnard (2017) et tant d’autres, parlent de société, culture ou groupe des « pairs », des jeunes entre eux, entre personnes qu’ils identifient être dans la même catégorie qu’eux-mêmes, cela selon d’innombrables nuances.

L’utilisation de termes, tels que « jeunes » ou « pairs », permettent d’être plus neutre que ceux de « préadolescents » ou d’« adolescent », car ils ne renvoient pas à une catégorie d’âge plus ou moins fixe et potentiellement connotée. Dans le domaine de l’expérience humaine, « les temporalités biologiques et sociales sont la résultante d’autres temps finement tressés » (DIASIO, 2014, p. 24). Autrement dit, il ne suffit pas d’un seul élément descriptif pour catégoriser une population. Cependant, dans une recherche, il faut un point d’entrée, comme c’est le cas ici avec l’entrée par les jeunes en première année du Cycle d’Orientation genevois, en général âgés de 12 ans. Le tout étant de garder à l’esprit que la catégorie

« jeunes » n’est ni un groupe homogène en soi, ni universelle et que les dénominations internes au groupe peuvent grandement varier.

2.2 La territorialité et ces concepts dérivés

Étudier la jeunesse dans son environnement est important pour comprendre sa façon d’appréhender le monde, mais pour cela il faut passer par des concepts nous permettant d’interpréter les données que nous fournissent les jeunes. L’un des concepts clés qui sera abordé dans cette recherche est celui de la territorialité. Il est accompagné des représentations, de l’appropriation et des mobilités qui sont des formes constitutives de la territorialité. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il est nécessaire de développer ces concepts cruciaux à la compréhension de la suite de ce travail.

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12 La territorialité. De quoi parle-t-on ?

Dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés9, seconde édition, dirigé par Jacques Lévy et Michel Lussault (2013), on retrouve quatre concepts proches pour qualifier la relation des individus à leur environnement. Je les retranscris ici par ordre progressif de précision :

1. « Spatialité : 1. En un sens général, caractéristiques de la dimension spatiale d’une réalité sociale. 2. Spécialement, ensemble des actions spatiales réalisées par les opérateurs d’une société » (LUSSAULT, op. cit., pp. 947-948).

2. « Capital spatial : Ensemble des ressources, accumulées par un acteur, lui permettant de tirer avantage, en fonction de sa stratégie, de l’usage de la dimension spatiale de la société » (LÉVY L., op. cit., p. 147).

3. « Identité spatiale : A. Identité d’un espace. B. Identification d’un opérateur à un espace » (LUSSAULT, op. cit., p. 524).

4. « Territorialité : Relation au territoire, existence d’une dimension territoriale dans une réalité sociale. Spécialement, identité territoriale d’un individu ou d’un collectif » (DI MÉO, op. cit., p. 1007).

Pour dissoudre toute confusion, est exclu dans cette liste le terme d’« Urbanité », qui est défini dans le dictionnaire de Lévy et Lussault comme le « [c]aractère proprement urbain d’un espace » (LUSSAULT, op. cit., p. 1053). Dans cette recherche, l’espace est effectivement urbain étant donné qu’il traite d’une étude de cas dans la ville de Genève, mais le concept d’urbanité tel que défini ci-dessus ne permet pas d’établir une véritable relation au lieu de la part des jeunes.

Pour la première définition ci-dessus, il s’agit de l’usage de l’espace par les humains de façon très générale. La spatialité crée des sphères de sociabilités, car ce sont dans les différents lieux pratiqués que nous interagissons avec d’autres personnes. « L’habiter, l’action spatial, la pratique spatiale, l’usage, le parcours, la territorialité sont indexables dans la spatialité » (LUSSAULT, op. cit., p. 949). Ce que Lussault affirme dans le Dictionnaire de la géographie, c’est que la spatialité conjoint l’espace et l’action sociale.

9 Désigné par la suite par son titre raccourci : Dictionnaire de la géographie

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Le capital spatial, quant à lui, est l’outil utilisé par tout à chacun pour s’orienter et maîtriser son environnement, voire se positionner socialement. Par exemple, le fait d’être propriétaire ou d’habiter un quartier socialement qualifié (riche/pauvre, bobo/défavorisé, etc.) participe au capital social en terme d’appartenance en plus de l’aspect de la maîtrise du lieu qui est elle une ressource symbolique. Il vient ajouter une capacité de contrôle de l’espace et de stratégie sociale.

La définition d’identité spatiale, dans sa première acceptation, consiste à qualifier un lieu par le biais d’une rhétorique identitaire attribuée, soit péjorativement, soit de façon valorisante.

Dans la seconde acceptation, il s’agit d’une revendication individuelle ou collective à l’appartenance au lieu. « Là encore, l’acteur social, par sa pratique et son langage, construit un ensemble de représentations, engagées dans l’action, qui soutiennent l’idée de l’existence d’un espace singulier, irréductible à tout autres, à valoriser en tant que tel voire à défendre » (LUSSAULT, op. cit., p. 525). Il s’agit donc d’une désignation connotée d’un lieu, mais surtout qui suscite des véhémences. Autrement dit, dans le cas d’identité spatiale, nous avons affaire à un rattachement fort au lieu. Une telle ardeur est facilement attribuable à une population jeune en quête d’indépendance, alors pourquoi choisir le concept de territorialité pour définir leurs pratiques et leurs vécus de leur quartier ?

Globalement et de manière très condensée, « la territorialité […] se niche quelque part entre la réalité du monde, la pensée réflexive et l’expérience pratique » (DEBARBIEUX, 2009, p.

25). Elle passe donc par le biais des représentations et des identifications à la fois individuelles et collectives, mais aussi par l’appropriation de l’espace construit et les pratiques de mobilités permettant d’expérimenter les lieux. Les enjeux autour de la conceptualisation et la pertinence des trois T (Territoires, Territorialité, Territorialisation) a notamment fait l’objet d’entretiens à Grenoble en 2009, ce qui a abouti à la rédaction d’un livre en 2009 : Territoires, territorialité, territorialisation : Controverses et perspectives, sous la direction du géographe français Martin Vanier. La territorialisation, quant à elle, est le processus de création d’un territoire, soit une entité détenant une identité assignée par une personne physique ou morale. Plus précisément, il s’agit de « l’ensemble des actions, des techniques et des dispositifs d’action et d’information qui façonnent la nature ou le sens d’un environnement matériel pour le conformer à un projet territorial » (Ibid., p. 29). Le territoire est le plus souvent associé à celui de l’État-nation, puisqu’il s’agit du type d’espace le mieux

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défini, administré, politisé et légiféré, ainsi qu’un objet central de la géopolitique. Cependant, il existe une multitude de façon de définir le territoire à des échelles et des points de vue variés. Le Dictionnaire de la géographie, à l’entrée « territoire », propose trois définitions distinctes, développées sur non moins de dix pages, ce qui en fait l’une des définitions la plus étendue du dictionnaire. Il existe donc plusieurs façons d’appréhender le terme, même si certaines (voire toutes) sont critiquables pour cause de généralisation. Il est donc de mon avis que la définition du territoire est à contextualiser en fonction de la recherche. C’est pourquoi nous nous arrêterons plus particulièrement sur cette citation de Bernard Debarbieux qui a l’avantage de prendre en compte le caractère multidimensionnel du concept de territorialité :

« Agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de l’existence d’un individu ou d’un collectif social et d’informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité » (DEBARBIEUX, op. cit., 2013, p. 999). Dans le domaine du travail social, le territoire est aussi un concept très important. Il est perçu synthétiquement « comme espace d’action et terrain de toutes politiques sociales » (BLUM &

PERRET, 2005, p. 25). Il s’agit donc d’un lieu sur lequel on – ici le travailleur ou la travailleuse social – peut avoir une incidence, et pour ce faire, doit travailler directement avec la population locale, qui est très souvent une population jeune. Sophie Blum et Christophe Perret, tous deux travailleurs sociaux, ont notamment œuvré dans leur étude de 2005 sur la façon dont les jeunes de Vernier à Genève vivaient, percevaient et se représentaient leur territoire. Autrement dit, sur la territorialité de ces jeunes. À noter que – comme nous l’avons vu plus haut – la jeunesse est plurielle, donc nous pouvons parler des territorialités des jeunes, car il n’existe pas qu’une seule façon de vivre son territoire, étant donné que chaque jeune peut en avoir une représentation différente.

Pour synthétiser, le territoire est à la fois physique, individuellement perçu et vécu, cristallisé par un imaginaire collectif et producteur d’identités au même titre qu’il est identifié lui-même.

Si l’on prend la territorialité comme une relation au territoire, la notion d’identité territoriale est intrinsèquement liée au concept.

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Les représentations de l’espace et de son territoire

Tout comme le concept de territoire, la représentation a droit à trois définitions différentes dans le Dictionnaire de la géographie, cependant, bien moins étendues, ce qui atteste d’une plus grande précision et d’un plus grand consensus sur celle-ci. C’est de ces définitions que s’inspire la notion de représentativité telle que mobilisée dans ce travail, en particulier basée sur les acceptions de Bernard Debarbieux (pp. 866-867) et de Jean-François Staszak (pp. 867- 869).

Les représentations spatiales ne sont pas égales à la réalité. Il s’agit d’une facette, interprétation, vision de la réalité. Il existe deux niveaux de représentations. Un immatériel et un matériel.

Au niveau immatériel, les représentations de l’espace peuvent être individuelles, comme l’image mentale qu’on a d’un lieu, la façon dont on s’en souvient et les valeurs et émotions qu’on lui attribue. Elles peuvent également être sociales et collectives, incluant les connaissances qu’on a tous (ou beaucoup d’entre nous) en commun, telle qu’une route ou un parc, ce qui nous permet de nous orienter et de maîtriser notre espace

Au niveau matériel, les représentations de l’espace peuvent aussi être individuelles ou collectives. Celles qui sont individuelles montrent une vision personnelle – comme un dessin, une carte mentale (dessiner un lieu grâce à ses souvenirs et habitudes), une photographie (une photo est toujours une représentation, parce qu’elle montre un cadrage choisi par le ou la photographe), une peinture de paysage, etc. Quand les représentations de l’espace sont collectives, elles montrent des points de vue qui se veulent neutres – comme un plan d’une ville ou d’un quartier, la carte du monde ou d’un pays, ou encore une photographie aérienne ou par satellite montrant la ville ou la terre d’en haut (par exemple du haut d’une montagne, d’un gratte-ciel, du ciel ou de l’espace).

Dans le cadre de sa recherche sur les représentations urbaines de jeunes filles en situation de précarité, la psychologue Marie-Claude Fourment-Aptekman (2012) explique la formation des représentations chez les jeunes : « Du point de vue cognitif, la représentation de l’espace est un processus long et complexe qui n’est souvent pas achevé à l’âge adulte comme en témoignent les difficultés à lire un plan ou une carte routière. […] vers 12 ans environ

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[10début des opérations formelles selon Piaget), le jeune mettrait en perspective son dessin, ce qui suppose qu’il se situe à un point de l’espace à partir duquel il dessine, en introduisant donc son propre regard » (p. 96). Dans son étude, elle travaille par le biais du dessin avec des jeunes femmes âgées entre 15 et 18 ans et note avec surprise que la perspective n’est présente que dans 2% des cas, la cause de cette différence entre théorie et réalité étant expliquée par le visionnage de dessins animés et de jeux vidéo (Ibid., p. 97). Je ne vais pas trop longuement m’étendre sur cette étude, puisqu’elle fait usage de cartes mentales de quartier – de jeunes filles, apparemment en situation de précarité et de violence (point d’analyse qui n’est pas explicité en dehors de l’appartenance à un quartier) – qui est une méthode de recherche intéressante mais discutable, et que l’analyse de la chercheuse aurait été bien plus pertinente si elle avait été comparée à des dessins de garçons et/ou de jeunes de milieux favorisés. Ce qu’il tient d’en retenir, c’est surtout le fait que, psychologiquement, les représentations évoluent dans le temps – et donc avec l’âge – mais qu’en tout temps, elles sont bien présentes dans la tête des individus, et donc ont une incidence sur la formation de leur propre identité.

L’appropriation et les pratiques spatiales

En géographie, spécialement quand il est question d’espace public, la notion d’appropriation est très utilisée pour comprendre l’assimilation identitaire des personnes ou des groupes d’individus dans l’espace. Les géographes français Fabrice Ripoll et Vincent Veschambre (2005), jugent la conceptualisation de cette notion insuffisante dans la discipline de la géographie. Ils parlent de « discrétion paradoxale d’une notion qui est pourtant omniprésente dans la discipline » (RIPOLL & VESCHAMBRE, 2005, §6). En décortiquant la première édition de 2003 du Dictionnaire de la géographie de Lévy et Lussault et du Dictionnaire de l’habitat et du logement de Segaud, Brun et Driant de 2002, Vincent Veschambre (2005) met en avant que la notion d’appropriation était à la fois très utilisée, mais peu développée dans la discipline même de la géographie. Le Dictionnaire de l’habitat et du logement lui offre une entrée, tandis que le Dictionnaire de la géographie ne fait qu’utiliser la notion tout en ajoutant qu’associée au concept de territoire, elle « serait trop large, trop diverse pour être pertinente » (VESCHAMBRE, 2005, §5). C’est d’ailleurs la critique énoncée par Jacques Lévy (2013) dans le Dictionnaire de la géographie, comme quoi tout est appropriation de

10 Erreur sémiologique dans le texte d’origine. À la place d’un crochet, cela devrait être une parenthèse.

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l’espace d’une façon ou d’une autre, et que la simple notion d’appropriation ne suffit pas à qualifier le territoire en géographie (p. 997). Veschambre souligne l’importance de notions rattachées, telles que la propriété, qui entrent ensuite dans le capital spatial d’un individu ou d’une collectivité. L’appropriation peut venir se heurter à des questions de droit juridique, comme des interdictions de circuler ou de se rassembler, qui seraient pénalement jugées, mais le droit ne cloisonne pas la notion d’appropriation (RIPOLL & VESCHAMBRE, 2005, §11- 12). Les transgressions au droit sont quand même du domaine de l’appropriation, comme s’approprier un lieu qui n’est pas juridiquement public, mais qui fait partie d’un espace suffisamment accessible pour qu’il se fasse approprier par des personnes n’en étant pas propriétaires. Les deux auteurs définissent la notion d’appropriation de l’espace comme « des pratiques plus ou moins massives ou visibles, de la production à la simple occupation de l’espace » (Ibid., §15). Les pratiques spatiales sont donc les outils que la jeunesse se donne pour s’approprier l’espace et transformer le statut du lieu de public à personnel où relié à un groupe. Autrement dit, les pratiques spatiales des jeunes font du lieu un territoire qui leur est propre. À travers l’entrée sur le « territoire », Bernard Debarbieux (2013), dans le Dictionnaire de la géographie, définit l’appropriation dans le domaine de la géographie comme moins stricte que dans les sciences politiques et juridiques : « les individus et les collectifs sociaux s’approprient des territoires sur des registres essentiellement cognitifs ou symboliques, sans déployer, le plus souvent, de dispositifs de contrôle et de défense qui définissent le sens « dur » de l’appropriation » (DEBARBIEUX, op. cit., p. 999). Perçu de cette façon, il est incontestable que l’appropriation d’un lieu est spécialement importante dans le domaine de la territorialisation et donc des territorialités des jeunes. Ils construisent mentalement leur espace de vie, qu’ils identifient, qualifient et pratiquent – autrement dit qu’ils s’approprient – par rapport à un espace physique, ici urbain, dans lequel ils peuvent se mouvoir.

La mobilité des jeunes urbains

L’un des points soulevés dans les débats sur la conception du territoire (territorialité et territorialisation comprises) est que la mobilité ou les réseaux ne sont pas à penser de façon différenciée d’avec le territoire (VANIER (dir.), 2009, p.8). La spatialité fait notamment recourt à la mobilité dans ses « actions spatiales » (LÉVY & LUSSAULT (dir.), 2013). La

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capacité de se déplacer dans l’espace requière de la spatialité, mais aussi du capital spatial.

Par exemple, le fait de posséder un moyen de locomotion quelconque (trottinette, vélo, voiture, etc.), ou un abonnement de transports publics, permet d’augmenter sa capacité de mobilité, donc d’augmenter son capital spatial potentiel. Pour augmenter la spatialité, il faut faire usage de ces biens de locomotion. La psychologue Sandrine Depeau mobilise notamment le concept de « motilité » – initialement conceptualisé par le sociologue Vincent Kaufmann dans les années 2000 – qui regroupe en lui le capital de mobilité, la capacité de bouger et l’appropriation des modes de mobilités, ainsi que leur utilisation : « Ce capital s’acquiert et se forme durant l’enfance et les premières expériences de socialisation, dans le jeu des relations parents-enfants ainsi que des capacités de chacun des membres de la famille à s’organiser d’un point de vue spatial et temporel pour mettre en œuvre la mobilité » (DEPEAU, 2008, §19).

Dans le cas des jeunes, il est souvent souligné que les enfants sont avant tout des piétons (PAQUOT (dir.), 2015). Autrement dit, des individus ayant une mobilité réduite pour qui la rue est un lieu de circulation importante et est donc un milieu hostile à leur présence. Sur la base d’une étude datant de 2001 fondée sur un large échantillon de jeunes entre 11 et 13 ans, le sociologue François de Singly (2002) analyse l’autonomie de circulation des jeunes dans de grandes villes françaises. Il insiste particulièrement sur une légère asymétrie entre filles et garçons à l’accès à une indépendance spatiale et de circulation autonome, notant que de manière générale, les jeunes sont encore très régulés par leurs parents autour de 13 ans, mais obtiennent plus de liberté vers 16 ans, en particulier pour ce qui est des sorties nocturnes (DE SINGLY, 2002, p. 24). Dans l’accès à des pratiques de mobilité plus libres, le temps de la journée compte beaucoup à la préadolescence et à l’adolescence. Étant donné qu’il s’agit de mineurs, l’autorisation parentale limite encore la motilité des jeunes. Sandrine Depeau (2008) étudie les « territoires de la mobilité » des enfants de banlieue parisienne et du centre-ville de Paris. Son étude est comparative, d’une part, entre les pratiques des enfants et ce que les parents leur laissent comme liberté, et d’autre part, entre deux types de localités différents : dans la ville et dans sa périphérie, qu’elle nomme « ville nouvelle ». Elle note que « [d]ans les quartiers à faible densité d’enfants, comme c’est le cas de banlieues résidentielles américaines, l’utilisation des espaces a souvent lieu avec les parents. […] [A]lors que les enfants en centre-ville jouent plutôt près de chez eux et peuvent bénéficier de divers supports sociaux » (DEPEAU, 2008, §10). Il existe donc une différenciation du rapport à l’espace en

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fonction du lieu d’habitation. L’étude de Sandrine Depeau marque particulièrement le rapport des jeunes aux espaces de proximité, avec une différenciation en fonction du quartier : « une logique de cheminements, en quartier traditionnel, traçant des lignes et des points (définissant les lieux d’activités des enfants) dans la ville, dans un décor socio-spatial hétérogène fait de passants anonymes et de refuges potentiels. […] [U]ne logique de surfaces compactes mais aussi plus ouvertes, définissant des territoires en ville nouvelle, faits de surfaces délimitées et contrôlées dans un décor socio-spatial homogène constitué de mères accompagnatrices d’autres enfants et d’enfants du même âge » (Ibid., §71). Le quartier est donc un terrain de prédilection pour étudier les territorialités des jeunes, en raison de leur motilité plus faible et contrôlée que celle d’un adulte autonome. Cependant, le passage à l’adolescence est un moment de gain de mobilité et d’indépendance des adultes, mais cela reste un gain limité. « Les adolescents subissent une forme de contrôle spatial qui limite leur découverte, comme si leurs parents leur imposaient une sorte d’autonomisation paradoxale :

« Sois libre mais dans le périmètre fixé par nous » » (RAMOS & DE SINGLY, 2016, p. 60).

En quelque sorte, les parents lâche un peu de lest à leurs adolescents – ici des collégiens et lycéens français et portugais, donc entre 11 et 17 ans environ –, leur octroyant plus de liberté, mais selon des règles parentales. Il ne s’agit donc pas non plus d’une véritable émancipation de leur relation de dépendance familiale, pour la raison qu’ils sont encore scolarisés et encore sous le statut juridique de mineurs. Pour Elsa Ramos et François de Singly (2016), le territoire des adolescents est donc lié à leur capacité de mobilité, qui est elle-même définie par leurs parents. Cependant, la quête d’autonomie des adolescents les pousse à chercher des « angles morts », comme disent Ramos et de Singly (pp. 62-63), où ils peuvent passez un peu de temps entre pairs. « Ils ne cherchent pas obligatoirement à s’éloigner, ils apprécient une certaine proximité qui leur assure une forme de sécurité » (Ibid., p. 63). La géographe suisse Muriel Monnard (2016) insiste également sur l’importance de ses espaces d’entre-deux – qu’elle nomme espaces « interstitiels » – pour les jeunes des Cycles d’Orientations à Genève.

2.3 Les lieux de la territorialisation des jeunes

Elsa Ramos et François de Singly (2016) ainsi que Muriel Monnard (2016), parlent des espaces de liberté des jeunes dans les interstices entre les espaces contrôlés par l’autorité des adultes. Ces interstices constituent les lieux dans lesquelles ils ont l’occasion de développer

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leurs territorialités, des lieux leur appartenant – sur le plan symbolique du moins – qu’ils s’approprient, pratiquent et auxquels ils peuvent s’identifier.

Le foyer familial comme point de départ

La territorialisation d’un espace peut se faire à plusieurs échelles différentes, allant de la plus petite à la plus grande. Pour un individu, le premier territoire personnel qu’il s’approprie est bien sûr son foyer. Il s’agit d’un chez-soi, une forme de propriété (même si l’on est seulement locataire) et en même temps, l’espace dans lequel on vit au quotidien. Kaj Noschi (1984) parle du rattachement de l’enfant à sa mère dans ses premières années de vie : « Lorsque celle-ci travaille dans la maison, on peut y voir l’enfant jouer » (NOSCHI, 1984, p. 85). Cet espace de jeu devient le premier territoire de l’enfant. « L’indépendance spatiale s’inscrit dans le pouvoir d’avoir un espace à soi et de se déplacer en toute indépendance. Les jeunes ont progressivement accès à ces deux dimensions, au moins de manière partielle, en ayant pour une grande majorité une chambre à soi » (DE SINGLY, 2002, p. 23). La chambre devient le territoire de l’adolescent, un lieu personnel et libre de toute contraintes, du moins tant que la porte est fermée et la musique pas trop forte. S’il s’agit d’un des premiers lieux territorialisés par les jeunes, depuis la fin des années 1980, avec l’avènement des jeux vidéo et la montée en force de Nintendo et Sega, les jeunes ont de plus en plus de raisons de vouloir rester reclus à l’intérieur et n’étendent leur territoire qu’à un espace numérique (MCNAMEE, 1998, p. 196). Dans une perspective de genre, il est souvent question de la relégation des femmes – et donc des jeunes filles – dans l’espace privé, à la maison. Pourtant, les jeux vidéo font dégager une tendance inverse : « Les jeunes hommes contrôlent et surveillent l’accès de leurs sœurs aux ordinateurs et jeux vidéos dans l’expression de leur identité masculine »11 (Ibid., p. 204). Cette tendance qu’observe Sara McNamee (1998) provient à la fois d’une reproduction sociale des agissements du père – c’est lui qui contrôle la télé et la zapette (Ibid., pp. 203-204) – mais aussi du fait que les consoles sont plus facilement offertes aux garçons et le plus souvent situées dans la chambre du garçon, indifféremment de l’âge de la sœur par rapport à celui de son frère (Ibid., p. 199).

11 Traduction personnelle : « Young men are controlling and policing their sister’s access to computer and video games in the expression of their masculine identity ».

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Le territoire familial de la maison dépeint des rapports de domination dans des espaces partagés, mais aussi des espaces individuels – la chambre du garçon détenant l’ordinateur ou la console – qu’il se voit dans l’obligation de partager sous ordre des parents, mais où le frère se permet donc d’exclure la sœur quand bon lui semble. Sara McNamee, citant Mica Nava (1992), insiste sur une culture du contrôle des femmes dès le plus jeune âge déjà au sein du foyer, et qui se répercute sur les pratiques de l’espace public (Ibid., 203). Sans adopter une approche uniquement genrée des pratiques de l’espace public, nous allons maintenant nous pencher sur les pratiques des jeunes une fois à l’extérieur de leur chez-soi.

L’école au centre des pratiques

En s’intéressant aux pratiques des enfants et des jeunes, les études dans le domaine de la psychologie se sont rapidement tournées vers les écoles comme terrain d’observation et de recherche, parallèlement à l’espace familial (DANIC, DEPEAU & KEERLE, 2018, pp. 130).

En effet, l’école est le lieu où un enfant passe la majeure partie de ses journées du lundi au vendredi. Au Cycle d’Orientation, cela représente entre 32 et 33 heures en fonction de l’affiliation dans laquelle se trouve l’élève (DGEO, 2018-2019, p. 21). La géographie aussi s’intéresse aux territorialités des enfants dans les écoles. D’ailleurs, il s’agit d’un terrain qui gagne son importance à notre époque notamment à travers la thèse de doctorat de Muriel Monnard (2016), dont le titre est « Lutte des places dans la société des pairs : une ethnographie scolaire dans trois cycles d'orientation genevois ». Cependant, bien que le rapport que les jeunes ont aux couloirs et aux cours de récréation des écoles soit particulièrement intéressant, dans la présente étude, ce sera le trajet pour aller à l’école qui sera le plus mis en valeur. La ville « représente un ensemble de marqueurs spatiaux à partir duquel vont s’organiser les déplacements, ces derniers [les jeunes] pouvant être, selon les trajets et les destinations, centrifuges, centripètes ou encore tangentiels par rapport à des lieux familiers : le domicile, le centre-ville, l’établissement scolaire » (ZAFFRAN, 2003, p.

97). Dans les mobilités des jeunes, le trajet scolaire fait partie de leurs habitudes et de leurs aises en matière de spatialité, donc un élément important de leurs territorialités de quartier.

L’étude d’Anne Sgard et d’André-Frédéric Hoyaux (2006) fait bien la liaison entre l’espace scolaire – avec ses identités spatiales spécifiques – et la construction des territorialités chez

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les jeunes. Les deux géographes mettent l’accent sur « des liens, des lignes de forces reliant des points vaguement situés que seraient les lieux d’activité principaux (lieu de résidence, lycée, lieu(x) de pratique sportive, lieu(x) de chalandise) formant un itinéraire, une sorte de réseau polarisé mal articulé » (pp. 95-96). C’est ce qu’ils appellent un « territoire en archipel » ; type de territorialité qui semble bien caractériser celle des jeunes lycéens. L’école rythme la vie des jeunes et est un lieu d’ancrage des territorialités parce qu’elle est obligatoire et donc incontournable, mais le trajet pour y aller devient lui aussi un passage obligatoire, cependant plus libre. Les élèves peuvent choisir un itinéraire plutôt qu’un autre en fonction de leurs goûts et de leurs expériences, ce qui leur donne une connaissance pointue de ces différents lieux de passages – étendant leur connaissance des lieux qui leur sont géographiquement proches – et leur permet de repérer les endroits intéressants pour se regrouper après les cours, avant de rentrer chez soi. Le simple fait d’aller à l’école est déjà un apprentissage de la ville.

Le quartier comme territoire du quotidien

« La plupart des frontières urbaines sont à la fois matérielles et symboliques » (PIERONI, 2017, p. 61). L’échelle du quartier ne fait pas exception. Il existe des quartiers très refermés par le biais de murs, grillages, routes, etc. Mais le quartier, cela peut simplement être le territoire du quotidien, le lieu qu’on désigne quand on nous demande où on habite, un secteur de la ville. Dans l’article de Sgard et Hoyaux (2006), il est avancé que « l’ouverture au monde se fait prioritairement par contiguïté spatiale et sociale, celle des réseaux, des liens tissés » (p. 104). Et quoi de plus contigu à sa propre réalité que le quartier d’habitation.

Pour le géographe français Michel Lussault dans le Dictionnaire de la géographie (2013), le quartier relève aujourd’hui plus du mythe que d’une véritable réalité, étant donné qu’il est censé représenter une prétendue homogénéité, souvent au niveau social, alors qu’une proximité géographique n’est pas forcément synonyme d’identité commune (p. 833).

Cependant, le quartier peut être perçu symboliquement comme lieu d’ancrage. « Le quartier est un des outils de l’intégration signifiante de l’espace de pratiques. Cela permet de s’assurer d’un statut sécurisant de « localier » sans renoncer à la mobilité personnelle » (Ibid., p. 834). Chez Lussault, le quartier est réduit à une dimension psychologique et la forte

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mobilité est une façon de vivre librement qui caractérise nos sociétés occidentales contemporaines. Il présente la définition « traditionnelle » du quartier, énoncée plus haut, comme synonyme d’enfermement et de ségrégation sociale à l’image des ghettos français ou des gated communities, quartiers enfermant une population privilégiée en quête de sécurité. À l’inverse, le géographe suisse Bertrand Lévy (2001) revalorise le quartier, notamment dans le contexte genevois, à travers une vision pratique et écologique de la proximité. La « qualité d’autonomie territoriale d’un quartier est fondamentale, car elle permet à ses habitants de limiter leurs déplacements hors de leur quartier pour se procurer biens ou services manquants, avec les avantages écologiques que ce comportement procure (limitation des déplacements, donc baisse des nuisances) » (LÉVY B., 2001, p. 3). Cette idée d’autonomie du quartier permettrait donc aux habitants un accès rapide à certains services. On peut imaginer par exemple la présence de commerces, d’écoles, de structures socioculturelles, de lieux de rencontre etc. dans le quartier, ce qui peut être utile principalement à l’ère du « tout, tout de suite ». Ce n’est donc pas parce que nos pratiques de mobilité sont très marquées à notre époque que le quartier n’existe plus ou qu’il tendrait à perdre de sa pertinence. De plus, en Suisse et spécifiquement à Genève, l’urbanisme et l’administration fonctionnent beaucoup avec la notion de quartier. En urbanisme, l’usage de plans directeurs de quartier est courant, pour pouvoir aménager l’espace de manière cohérente entre le bâti et la population habitant dans le secteur ; et d’un point de vue administratif, les quartiers permettent par exemple un découpage électoral. L’usage du quartier, comme une interprétation de la ville par le haut12, est donc systématique, mais c’est une vision par le peuple local qui nous intéresse ici. « Les individus qui vivent dans un quartier, ou qui simplement le pratiquent, s’inscrivent dans des réseaux de relations sociales plus ou moins territorialisées qui débordent largement l’échelle du quartier » (AUTHIER, BACQUÉ & GUÉRIN-PACE, 2007, p. 11). C’est ce qui est souligné dans un ouvrage dédié au quartier, édité par le sociologue Jean-Yves Authier, la sociologue Marie-Hélène Bacqué et la géographe France Guérin-Pace en 2007. Dans la présente recherche, il est question de savoir à quel point les jeunes territorialisent leur quartier, pour venir y confronter la planification effectuée par l’urbanisme. Il relève donc de déterminer une potentielle identité de quartier, via un rattachement à celui-ci.

12 Perçu et imposé par les institutions et plus spécifiquement l’État.

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