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Hypothèse 3 : Un choix méthodologique sur la population visée

5. Méthodologie de recherche

5.3 Entrer sur le terrain par les jeunes : une approche pédagogique

L’« échantillonnage » des jeunes

Derrière ce terme déshumanisant d’« échantillon » se cache la population effective étudiée dans cette recherche. Avant d’y venir, il faut situer le contexte de « récolte ». Il existe trois divisions de niveaux différents – appelés regroupements – au cycle d’orientation en 9e année.

Dans ce travail, c’est avec une classe de R1 – regroupement à plus petit effectif – et une classe de R3 – regroupement à plus large effectif – que le terrain va prendre forme.

Au niveau de la temporalité du terrain, après avoir reçu l’autorisation de la part de la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) d’intervenir dans le Cycle de Cayla, j’ai rencontré les deux enseignantes qui avaient exprimé un intérêt à travailler avec moi. À la suite de cette rencontre, je suis allée, en qualité d’observatrice, suivre 45 minutes de cours dans chacune de leurs classes pour ressentir l’ambiance qui y régnait afin de préparer mon intervention et d’avoir un premier contact avec les élèves. Mardi 19 mars 2019 à 9h50, j’ai donc rencontré la classe de R3, composée de vingt-trois élèves, dont quatorze filles et neuf garçons. Cette classe m’a semblé très participative et mouvementée, probablement en raison de son large effectif. Le mardi 26 mars 2019 à 13h30, je rencontrais la classe de R1,

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composée elle de seulement douze élèves. Cette classe était donc beaucoup plus calme que la première. Le mardi 30 avril 2019 à 9h, j’ai réalisé un premier atelier avec la classe de R3 et le mardi 7 mai 2019 à 13h25, c’est avec la classe de R1 que s’est déroulé le second atelier.

Cependant, il y avait un fort taux d’absentéisme et seulement sept élèves étaient présents. Au total sur les deux classes, trente élèves ont participé à l’enquête : seize filles et quatorze garçons, entre 12 et 14 ans. L’âge moyen – genre et classes confondu – étant de 12,8 ans (seul deux garçons de R1 avaient 14 ans au moment de la réalisation de l’atelier). Les postes n°2, n°3 et n°4 donnent des rendus en format papier sur lesquels les élèves peuvent écrire leurs prénoms. Ces documents ont tous été anonymisés par souci de respect de l’identité de l’élève.

Le fait que ces ateliers aient eu lieu à la fin du printemps, au retour des beaux jours, a permis aux élèves de pouvoir parler de leur façon d’investir l’espace public ouvert plus concrètement.

Un atelier interactif avec les élèves du cycle d’orientation

En raison de la temporalité de la classe (deux périodes de 45 minutes), j’ai imaginé un atelier interactif dans le cadre de la classe, composé de quatre postes distincts afin de rendre mon intervention stimulante. De plus, la question de la division de la classe en plus petits groupes mixtes29 séparés, pour ne pas avoir tous les élèves qui parlent en même temps, forçait à réfléchir la répartition du temps et de l’espace. L’idée est alors venue d’effectuer un tournus environ toutes les 20 minutes autour de ces quatre postes répartis aux quatre coins de la salle de classe, sur des îlots de pupitres. Au premier poste, un plan localisé sur les environs du Cycle de Cayla au format A1 était disposé sur une table pour que les élèves puissent discuter autour, afin de bien repérer les différents lieux sur le plan (annexe n°1). Les élèves devaient repérer le Cycle de Cayla, leur lieu d’habitation, tracer leur trajet scolaire et discuter des lieux qu’ils fréquentent et pourquoi. Ce poste était initialement construit comme l’élément principal de l’atelier. Les trois autres avaient pour but de venir soutenir, diversifier et renforcer ce qui s’était dit au premier, mais le second poste s’est avéré être le plus proactif d’entres-eux. Au deuxième poste, les élèves pouvaient répondre individuellement à un questionnaire intimement lié au premier poste (annexe n°2). Au troisième poste, ils étaient confrontés à une série de vingt photos prises dans Genève (annexe n°3) et pouvaient les classer

29 La mixité de genre filles/garçons des groupes avait pour but de diversifier les interactions aux postes enregistrés.

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individuellement et collectivement en fonction de leurs affects et sensibilités. La consigne était de classer ces photos de celles qu’ils aimaient le plus à celle qu’ils aimaient le moins.

Enfin au dernier poste, toujours avec ces mêmes photos, c’était l’occasion d’exprimer individuellement si les élèves se sentaient proches du lieu représenté ou pas, de nommer le lieu, puis d’essayer de le replacer sur une photo aérienne de la ville (annexe n°4). Ce dernier point est plus « décoratif » dans cette recherche, mais était très important pour le déroulement de l’atelier. Cet atelier a été conçu dans une perspective didactique avec pour thème « les représentations de la ville ». Le terme de représentations n’est pas sorti lors des deux ateliers, mais a été expliqué par la suite, à l’occasion d’une séance de retour qui a suivi celle de l’atelier dans la même semaine pour chacune des deux classes. Cependant, la diversité des supports proposés était importante. Un plan localisé de la ville au premier poste, des photos au poste n°3 et une photo aérienne (photo satellite) au poste n°4, permettaient de présenter implicitement différentes formes de représentations aux élèves. D’une certaine façon, le poste n°2 avec le questionnaire abordait un autre type de représentation, celle de l’image mentale que les jeunes ont de leur quartier.

Discussion de groupe sur un plan localisé, autour du quartier de la Concorde Ce premier poste a été conçu comme élément central de recueil de données. Il est inspiré de la méthode du focus group : « Les focus groups sont des discussions de groupe ouvertes, organisées dans le but de cerner un sujet ou une série de questions pertinents pour une recherche. Le principe essentiel consiste en ce que le chercheur utilise explicitement l’interaction entre les participants, à la fois comme moyen de recueil de données et comme point de focalisation dans l’analyse » (KITZINGER, MARKOVÁ & KALAMPALIKIS, 2004, p. 237). Pour stimuler la discussion, un plan centré sur le quartier de la Concorde, mais assez large pour ouvrir le périmètre à l’ensemble du Grand Projet Châtelaine, était proposé comme support aux élèves. Ils devaient, dans un premier temps, commencer à se repérer sur celui-ci en situant le Cycle d’orientation de Cayla dans lequel on se trouvait puis, chacun son tour, placer une croix sur son lieu d’habitation. Ensuite, un par un, les élèves ont tracé leur itinéraire habituel entre chez eux et l’école tout en commentant pourquoi ils passaient par là.

Les autres participants avaient l’occasion d’également donner leur opinion sur les itinéraires des autres. Dans un second temps, les élèves étaient invités à discuter des lieux où ils allaient

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pendant leur temps libre – en extérieur, en activité extrascolaire, ou encore à la maison, etc. – et devaient qualifier ces lieux et expliquer pourquoi ils les aimaient ou non. En fonction du temps restant, d’autres questions étaient posées, comme la dénomination ou les limites de ce qu’ils jugent être leur quartier. La discussion étant très ouverte – sur le principe de l’entretien semi-directif – les différents groupes n’ont pas toujours eu exactement les mêmes questions.

L’idée étant aussi que l’orientation du débat vienne progressivement d’eux et que je ne serve que de modératrice de la discussion. Cette discussion de groupe était enregistrée afin de pouvoir restituer les discours des élèves. J’étais présente à ce poste pour modérer et orienter la discussion.

Un questionnaire à remplir

Normalement, la méthode de récolte de données par questionnaires a pour objectif de viser une large partie de la population afin de récolter des données à visées statistiques (PARIZOT, 2012, p. 93). Dans cette enquête, cette méthode est utilisée en appui aux récoltes de données de discussions collectives. Cela permet – à travers le même type de questions que celles posées autour du plan localisé – de compléter individuellement ce qui n’a pas été dit collectivement, de parer les potentielles timidités et de stimuler un autre mode de réflexion de la part de l’élève. Ce questionnaire du poste n°2 (annexe n°2) proposé ici aux jeunes a été inspiré d’un exercice présent dans la brochure de géographie destiné aux élèves de 9e année du Plan d’étude Roman30 sur la thématique de la ville, toujours dans le souci de m’adapter à leur cadre scolaire. Le questionnaire se compose de trois parties. La première visant plus des données générales sociologiques sur l’élève lui-même. La deuxième sur la « satisfaction » que l’élève a de son environnement cherchant à identifier ses activités et lieux d’attractions sur son temps extrascolaire. La troisième ayant pour but de recentrer plus directement sur le quartier d’habitation et les représentations que les jeunes ont de celui-ci, ainsi que les envies qu’ils peuvent avoir pour créer un quartier qui leur est idéal.

Discussion autour de photos prises dans Genève

30 Le document n’est pas accessible en ligne. Il n’existe que dans les économats des cycles d’orientation à la disposition des élèves et des enseignants. Je n’ai eu droit que de le consulter et ai produit le questionnaire avec l’image du document de la brochure en tête. Il n’y a pas de références directes.

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Cette partie de l’atelier était divisée en deux postes. Le poste n°3 était enregistré afin de pouvoir retranscrire les discussions collectives des élèves en fonction de leurs ressentis face aux lieux présentés, sous la supervision de leur enseignante de géographie. Au poste n°4, ils travaillaient individuellement en classant les images de celle qu’il leur semble être la plus éloignée d’eux et celle qui leur semble être la plus proche (voir annexe n°5). Dans cette seconde partie, ils pouvaient également essayer de replacer les photos sur une photo aérienne de la ville de Genève (voir annexe n°4) ainsi que nommer les lieux dans la légende. Les sociologues Pierre-Marie Chauvin et Fabien Reix (2015) expliquent que la photographie peut être utilisée de plusieurs façons et que c’est « en abaissant simplement l’ambition sociologique d’une photographie du statut de vérité visuelle à celui de point de vue, posant des questions légitimes de validité, d’échantillonnage, et de confiance dans le dispositif et son produit » (p. 35) qu’il faut l’aborder. En géographie, ce sont les lieux qui sont mis en avant, mais, à travers la photographie, ceux-ci sont représentés avec leur urbanité et leur population à un moment donné. Tout dépend du point de vue et de la visée de la photo. Les images photographiques sont des représentations – ici d’espaces dans le quartier et la ville – qui ciblent des lieux potentiellement importants ou reconnaissables pour les élèves.

Les 20 photos (voir annexe n°3) ont toutes été prises le même jour (le jeudi 28 mars 2019 entre 12h et 17h) lors d’une journée ensoleillée. Cela permettant d’identifier clairement les lieux – pas d’obstruction de l’image par le brouillard ou la pluie – et d’offrir de la qualité au cliché. De plus, la temporalité de la prise de vue est relativement proche de la réalisation des deux ateliers (respectivement les 30 avril 2019 et 7 mai 2019), ce qui permet aux élèves d’observer des lieux dans leurs états actuels.