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Hypothèse 3 : Un choix méthodologique sur la population visée

6. Analyse du travail de terrain

6.4 L’occupation du quartier : une question de genre ?

Du point de vue de l’animateur de la maison de quartier et de l’urbaniste, il existe bien une inégalité de genre chez les jeunes dans l’occupation de l’espace. En effet, c’est une large majorité de garçons, tout âge confondu, qui vont à la maison de quartier. Parmi la trentaine de jeunes côtoyant la MQC, seulement six filles entre 12 et 16 ans sont des habituées selon l’animateur et elles sont rarement là les six en même temps. De son côté, l’urbaniste estime que promouvoir des espaces s’ouvrant à la gente féminine est un enjeu d’importance. C’est une des facettes mise en avant avec l’installation du beach-volley dans le parc des Franchises.

Mais lors de l’entretien, elle a tout de même souligné que ce sont les garçons qui s’expriment le plus quand on leur demande leur avis, comme c’est le cas avec le projet potentiel de mettre des terrains de foot dans le futur parc proche de Balexert.

Cependant, dans les pratiques des jeunes interrogés au Cycle de Cayla, les filles sont loin d’être absentes dans l’espace public. Au contraire, onze filles sur seize affirment sortir souvent, contre sept garçons sur quatorze. Pour être plus claire, 68.75% des filles sortent souvent et le pourcentage s’élève à 50% chez les garçons. Ces chiffres sont à nuancer premièrement par la temporalité des pratiques des jeunes des espaces publics et secondement par les lieux nommés comme étant leurs préférés. Dans un premier temps et comme cela a été dit plus haut, plusieurs jeunes expriment « jusqu’à quelle heure » ils peuvent sortir en semaine comme en weekend. Cela indique l’existence d’un couvre-feu imposé le plus vraisemblablement par les parents. Il faut néanmoins noter que ces données ne sont pas exhaustives puisqu’il s’agit d’une mention spontanée des jeunes, et non d’une question qu’ils leur étaient clairement posée. Certains jeunes ne font que mention de l’heure à laquelle ils commencent à sortir, sans parler le leur heure de rentrée. Il y a très peu de différences d’heure de rentrée entre les filles et les garçons. Parmi ceux qui en mentionnent une, trois garçons sur quatorze annoncent sortir jusqu’à 21h au plus tard et trois filles sur seize jusqu’à 20h.

Difficile de savoir si cette différence d’une heure chez les jeunes filles et garçons ayant la possibilité de sortir « tard » vient de leur différence de genre ou d’une différence d’éducation de la part des parents.

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Plan n°7 : Occupation de l’espace des filles et des garçons – Photo du plan au format A1 utilisé avec le groupe n°1 de la classe de R3 (Plan vierge voir annexe n°1). Sur le plan, les lignes représentent le trajet de la maison jusqu’au Cycle de Cayla (entouré sur le plan), les croix au bout des lignes sont les lieux d’habitations, et celles ailleurs sont les lieux qu’ils aiment fréquenter.

Ici, nous avons l’exemple du groupe n°1 de la classe de R3 où par hasard, trois élèves habitent dans le périmètre de la Concorde. Sur ce plan ci-dessus, on peut voir que, dans ce cas, les filles sortent plus que les garçons de ce groupe. Quand Patrick sort, il va principalement à Balexert. Il dit sortir souvent à « 11h du matin ou à 1h » (de l’après-midi). Étant donné qu’en semaine, il a cours à ces heurs-la, on peut en déduire qu’il parle donc du weekend. Autrement dit, il ne sort véritablement que deux jours dans la semaine et à part un centre commercial, il ne pratique que peu l’espace public. Anh Tuân, qu’on avait vu plus haut avoir une vision restreinte de son quartier, ne va qu’au parc de Geisendorf avec des amis pendant son temps libre, mais dit ne sortir : « pas très souvent, mais je sors vers 14h ». Et quand on lui demande quels sont des lieux préférés, il répond : « chez moi, car je peux me reposer après l’école ».

Kalijan aussi n’a posé qu’une seule croix sur le plan pour marqué l’endroit où il aime bien aller. Il va jouer au foot sur le terrain omnisport des voies-couvertes de Saint-Jean, mais c’est occasionnel et dans ces cas il sort vers 16h. Il dit aimer regarder son téléphone et jouer au foot et ce terrain omnisport est son lieu préféré de la ville. En revanche, quand on regarde les croix

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Encadré n°8 : les lieux préférés selon le questionnaire

Larissa : « Mon salon, je guette les gens, internet

= ++++++, geis = sport, cuisine = bouffe ».

Tristan : « Chez moi : salon/chambre/toilettes, parce que je suis isolé ».

* L’orthographe a été corrigée ici pour des raisons de lisibilité.

placées par les filles sur la carte, on remarque qu’elles sont plus nombreuses. De plus, elles rend aussi au parc et à la place de Jean-Treina, ainsi qu’à la Bibliothèque de Saint-Jean. Dans toilettes que les jeunes mentionnent comme étant leur lieux préférés chez eux. C’est le cas de onze filles sur seize et de six garçons sur quatorze. Ces six derniers étant tous issus de la classe de R3. Cependant, il existe un biais à

ces résultats. Dans le questionnaire la question se présentait comme ceci : « Quels sont les endroits que tu préfères (dans la ville, ton quartier ou même chez toi) ? Liste les lieux où tu te sens bien. Justifie pourquoi en quelques mots ». Dans mon envie d’exemplifier à plusieurs échelles afin de permettre aux élèves de bien comprendre la question, j’ai peut-être influencé leurs réponses, ce qui expliquerait que la majorité des jeunes annoncent sortir beaucoup, mais aussi mentionnent leur lieu d’habitation comme endroit favori. Néanmoins, tous n’ont pas agi de la sorte, ce qui vient mettre en avant le fait que ceux qui ont parlé de leur maison considèrent réellement ce lieu comme l’un de ceux dans lequel ils se sentent le mieux. C’est sur des critères de confort, de confiance et de contrôle que se basent principalement les jeunes

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pour nommer leurs lieux préférés. Cela est clairement explicité par Talia et sous-entendu par Larissa (voir encadré n°8). Morgane parle de sa chambre sur un critère plus fonctionnel, donc lié à son confort d’accès. Tristan favorise un certain individualisme quand il dit aimer les toilettes parce qu’il y est isolé. Salim est un des rare à parler d’esthétique en disant que le bord du lac est beau. Quant à Samuel, il dit simplement aimer les Charmilles dans son entièreté – ou celle qu’il se représente – marquant une certaine nostalgie de son enfance, puisqu’il a déménagé aux Avanchets, et aller au Cycle de Cayla lui permet de garder un lien avec ce quartier qu’il affectionne.

Au-delà des constatations faites avec le groupe n°1 de la classe R3 et le fait que les filles mentionnent plus leur maison que les garçons comme étant leur endroit favoris, il n’existe pas vraiment de différence de genre dans la pratique de l’espace public chez ces jeunes de 12 à 14 ans. Les différences tiennent plus du domaine des libertés individuelles que leur allouent potentiellement leurs parents, de la pratique d’une ou plusieurs activités extrascolaires et de la personnalité de chaque élève.

6.5 Les types de territorialités des jeunes en première année du cycle