• Aucun résultat trouvé

La communication bilingue (DE-FR) dans les domaines de l'environnement et du développement durable : l'exemple des campagnes suisses de sensibilisation au recylage

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La communication bilingue (DE-FR) dans les domaines de l'environnement et du développement durable : l'exemple des campagnes suisses de sensibilisation au recylage"

Copied!
173
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

La communication bilingue (DE-FR) dans les domaines de l'environnement et du développement durable : l'exemple des

campagnes suisses de sensibilisation au recylage

HOESSLI, Elsa Sophie

Abstract

Certaines campagnes suisses de communication environnementale n'ont pas le même succès dans les parties alémanique et romande. Si la visée communicative des campagnes est identique - p. ex. convaincre le public de trier ses déchets - les modalités du message de communication publique diffèrent selon qu'il est produit en Suisse romande ou en Suisse alémanique. Ces différentes conceptions du message sont révélatrices de deux faits: d'une part, le contexte culturel et, d'autre part, la pratique du recyclage sont différents dans ces deux aires linguistiques. Or, notre étude démontre que les versions traduites des campagnes bilingues ne prennent souvent pas en compte les spécificités des campagnes romandes, notamment à Genève. De plus, la traduction des campagnes bilingues, à quelques exceptions près, ne visent pas à traduire la finalité du message. A cet égard, le traitement du slogan n'est certainement pas satisfaisant. De manière générale, les versions traduites privilégient le contenu au détriment de l'expression.

HOESSLI, Elsa Sophie. La communication bilingue (DE-FR) dans les domaines de l'environnement et du développement durable : l'exemple des campagnes suisses de sensibilisation au recylage. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:15819

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

ELSA HOESSLI

LA COMMUNICATION BILINGUE (DE-FR) DANS LES DOMAINES DE L’ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

L’exemple de campagnes suisses de sensibilisation au recyclage

Mémoire présenté à l’École de traduction et d’interprétation pour l’obtention du Master en traduction, mention traduction spécialisée

Directrice de mémoire : Mathilde Fontanet

Juré :

Prof. Mathieu Guidère

Juré:

Grégoire Pralong

Université de Genève

juin 2009

(3)

I. INTRODUCTION

L’observation suivante constitue le point de départ de notre étude : en Suisse, certaines campagnes en matière de communication environnementale n’ont pas le même succès en Suisse alémanique et en Suisse-romande. C’est notamment le cas des deux dernières campagnes élaborées par la Fondation suisse pour la pratique environnementale Pusch (Praktischer Umwelt Schweiz). Cette fondation, établie à Zurich, « encourage la gestion durable des ressources naturelles et contribue à une meilleure compréhension de la protection de l'environnement »1. L’avant-dernière campagne menée par Pusch, intitulée Trash ist Kultur ( «trash-question de culture »), visait à garantir la propreté dans les lieux publics et, pour ce faire, à lutter contre le phénomène du « littering » (« de l’anglais "litter" - détritus éparpillés -, action de jeter ou de laisser traîner par négligence de petits détritus dans le domaine

public »)2. La dernière campagne de la Fondation, Aktionstag « Wahre Werte » (« Journée d’action "Chasse au trésor" »), avait pour objet de promouvoir « une gestion avisée des ressources, des produits et des déchets »3. En cela, cette campagne ne se limitait pas à la problématique des « déchets sauvages », mais abordait aussi quatre aspects de la gestion des déchets : le recyclage, le compost, la réduction des déchets et leur élimination.

Lors de l’élaboration de ces campagnes, les communes des cantons romands n’ont été consultées ni lors de la phase de conception ni lors du processus de traduction. Lorsque la campagne « trash – question de culture » a été présentée aux communes genevoises, celles-ci n’ont pas envisagé d’utiliser le matériel élaboré par la Fondation Pusch, car il ne leur semblait pas approprié d’un point de vue linguistique et culturel. En effet, selon les responsables des

1 http://www.umweltschutz.ch/index.php?l=fr&PHPSESSID=65298e72cf5cfdd8d2c1e347d789dd1d

2 BIGLER H., HUBER A., BÖSIGER K., Ecocentre Berne ; MÜHLBERGER DE PREUX C., Lausanne, Campagne : « trash – question de culture, espace pour toi, espace pour nous », guide communal de mesures pour la propreté dans les lieux publics, 2001, p.3

(4)

communes genevoises, le titre même de la campagne « trash – question de culture » (Trash ist Kultur) était problématique4.

De même, le matériel élaboré pour la journée d’action « Chasse au trésor », prévue les 16 et 17 mai 2008, a été très peu utilisé en Suisse romande. Cela s’explique, d’une part, par le fait que le canton de Vaud organise déjà, depuis 2002, une opération intitulée « Coup de balai printanier » et, d’autre part, par le fait que le canton de Genève a organisé, en mai 2008, un

« mois des déchets et de la propreté ». Durant ce mois, les communes ont pu choisir librement la date des actions qu’elles souhaitaient organiser. De plus, certaines communes rurales ont préféré s’attaquer à un problème concret, tel que le nettoyage d’une rivière ou l’élimination des déchets de jardin, plutôt que de traiter la problématique des déchets dans son ensemble, comme le suggérait la campagne « Journée d’action "Chasse au trésor" » 5.

Outre la Fondation Pusch, il existe en Suisse d’autres organisations qui conçoivent des campagnes d’information sur le thème des déchets. En ce qui concerne le recyclage, il s’agit des organisations regroupées au sein de l’association faîtière Swiss Recycling : la Coopérative Igora, INOBAT, la Fondation SENS, SWICO Recycling, VetroSwiss, PET-Recycling

Schweiz, Ferro Recycling et Texaid Textilverwertungs-AG6.

Par ailleurs, la coopérative Igora et l’association PET-Recycling Schweiz ont fondé en mai 2007 l’IGSU (Interessengemeinschaft für eine saubere Umwelt – « Communauté d’intérêts pour un monde propre ») afin de lutter contre le phénomène du « littering »7.

Si l’insuccès des campagnes de la Fondation Pusch peut être expliqué, en partie, par le manque de relais auprès des communes romandes, l’évaluation des campagnes de Swiss Recycling et de l’IGSU est plus délicate.

4 Propos recueillis lors de l’entretien avec G. Pralong, chargé de communication pour le Service de l’information et de la communication (SIC), Département du territoire, République et Canton de Genève, le 18 juillet 2008

5 Ibid.

6 http://www.swissrecycling.ch/francais/main.htm

7 http://www.igsu.ch/fr/igsu.html

(5)

En effet, il est difficile d’évaluer l’efficacité de ces campagnes en s’appuyant sur les

statistiques. Par exemple, dans le canton de Genève, il se peut que soient diffusées à intervalle rapproché des campagnes émanant des communes, du canton et des organisations nationales.

Par conséquent, il est impossible d’isoler l’effet particulier des campagnes respectives sur une éventuelle hausse du taux de recyclage.

Il nous semble cependant important d’évaluer la pertinence des campagnes d’information à plusieurs titres.

Tout d’abord, la gestion des déchets est cruciale, non seulement d’un point de vue

environnemental, mais aussi sur les plans économique et financier. Elle se justifie, d’une part, par le fait que l’accroissement de la population exerce une pression croissante sur les

ressources naturelles et, d’autre part, par le fait que l’incinération des déchets coûte cher à la collectivité. Ainsi, la réduction et le recyclage des déchets permettent de ménager les ressources naturelles et de réduire la consommation d’énergie ainsi que les dépenses publiques8.

De plus, les campagnes de Swiss Recycling et de l’IGSU sont financées par la taxe anticipée de recyclage (TAR). Or, cette taxe est un impôt auquel sont soumis les consommateurs en Suisse. A cet égard, il est important que l’argent versé par le consommateur-contribuable soit utilisé de manière efficiente. Pour ce faire, les campagnes de Swiss Recycling et de l’IGSU doivent atteindre leurs objectifs respectifs, qui sont d’augmenter le taux de recyclage et de diminuer le taux des déchets sauvages.

Les campagnes réalisées par ces différentes associations sont, en rège générale, conçues en allemand ou en suisse-allemand, puis traduites en français, voire en italien. Or, sur la base du constat que nous avons fait sur la pratique de la Fondation Pusch, nous sommes portée à croire que ni la conception ni la traduction de ces campagnes ne prennent en compte les

(6)

spécificités culturelles propres aux aires linguistiques romande et italienne. Dans le cadre de ce travail, nous nous limiterons cependant à l’analyse des traductions effectuées de l’allemand vers le français.

Nous partons du principe que l’efficacité d’une traduction dépend de la prise en compte des facteurs linguistiques et culturels. Par ailleurs, le message publicitaire s’appuie sur deux composantes, le texte et l’image. Aussi notre travail aborde-t-il la problématique de la

traduction du message de communication publique, dans un contexte bilingue, sous les angles textuel et iconique.

Le but de notre étude est, d’une part, d’identifier les particularités du message de

communication publique sur le thème des déchets dans le canton de Genève et, d’autre part, de signaler d’éventuels problèmes de traduction dans les campagnes nationales destinées au public romand et, plus particulièrement au public genevois.

A cet effet, nous nous limiterons à l’examen des campagnes portant sur la question du recyclage. Par ailleurs, nous nous concentrerons sur l’analyse d’affiches. En effet, parmi tous les médias utilisés (affiches, tous-ménages, sites Internet, spots radiophoniques, etc.), ce sont les documents papier qui ont la durée de vie la plus longue, car ils restent disponibles pour le grand-public, une fois la campagne terminée.

Afin d’évaluer les traductions, nous adopterons une perspective descriptive. En effet, nous ne disposons pas d’évaluations externes pour chacune des campagnes comprises dans le corpus.

Pour remédier à ce manque, nous analyserons, sur la base de considérations théoriques, la pratique du canton de Genève en matière de communication sur le thème des déchets. Nous formulons l’hypothèse que les résultats de cette analyse nous permettront de dégager certains traits caractéristiques, sur les plans linguistique et culturel. Loin de considérer que le canton de Genève résume à lui seul la Suisse romande, nous avons choisi de nous référer à sa pratique pour la raison suivante : il est le seul canton romand à s’être doté d’une structure

(7)

étatique spécifiquement consacrée à la communication dans le domaine de l’environnement.

Pour des raisons liées à sa situation géographique, à sa structure démographique ainsi qu’à sa culture, le canton de Genève fait figure d’exception en Suisse : c’est le seul canton dont aucune des communes n’appliquent de taxe-poubelle. A cet égard, le canton de Genève se situe, encore à l’heure actuelle, en marge de la légalité, car le principe du pollueur-payeur est inscrit dans la Constitution fédérale9. C’est pour cette raison qu’il s’est engagé à miser sur la sensibilisation du public au moyen de campagnes d’information.

Dans un deuxième temps, sur la base des résultats obtenus lors de l’analyse des campagnes genevoises, nous analyserons les traductions des campagnes de Swiss Recycling afin d’évaluer dans quelle mesure elles sont adaptées au public genevois, sur les plan culturel et

communicationnel.

Dans un troisième temps, nous identifierons les éventuels problèmes que pose la traduction d’un point du vue strictement linguistique. En regard des textes originaux, nous chercherons à mettre en évidence les principes qui ont guidé la traduction des différentes campagnes. A cet effet, en nous référant à la théorie élaborée par M. Guidère, nous évaluerons les traductions à l’aune des trois concepts suivants : l’équivalence littérale, l’équivalence de sens et

l’équivalence efficiente.

II. LA COMMUNICATION PUBLICITAIRE

Pour analyser la communication publicitaire, qui dans le cadre de notre étude se décline en messages visant à sensibiliser le lecteur à la problématique du recyclage, nous nous appuyons sur la théorie développée par J.-M. Adam et M. Bonhomme dans leur ouvrage

L’argumentation publicitaire, rhétorique de l’éloge et de la persuasion.

9 FARINELLI X., "Taxe poubelle : Genève met les pieds au mur" in Tribune de Genève, supplément réalisé en partenariat avec le Département de l’Intérieur, de l’agriculture, de l’environnement et de l’énergie (DIAE),

(8)

A. LA STRUCTURE DU MESSAGE DE COMMUNICATION PUBLIQUE

1. La communication et l’argumentation publicitaires 1.1. Les particularités du cadre communicationnel

Reprenant la terminologie de Jakobson, les auteurs décrivent le discours publicitaire comme une structure communicative phatique et impersonnelle10. En effet, l’émetteur cherche à établir un contact avec le plus grand nombre possible de destinataires, dont il a une connaissance réduite.

Par ailleurs, la communication publicitaire est ambivalente dans la mesure où elle comporte deux dimensions : symbolique et économique. La publicité commerciale cherche en général à gommer ce dernier aspect au profit de l’affirmation de valeurs symboliques (santé, nature, etc.)11. A cet égard, dans le cadre de notre étude, nous substituons à la notion de dimension économique celle de dimension pratique, car le recyclage ne fait pas l’objet d’une transaction commerciale.

Cette ambivalence conditionne la structure de la communication publicitaire. S’inspirant de la terminologie classique d’Austin12, Adam et Bonhomme analysent les actes du discours selon trois dimensions : les dimensions locutoire (« pour nous, la production écrite textuelle et iconique d’un discours publicitaire ») et illocutoire (« à savoir la force de persuasion inscrite dans l’annonce »)13 ont trait à la communication langagière ; la dimension perlocutoire correspond à la visée pratique et a trait aux effets du discours, à savoir les réactions du lecteur amené ou non à effectuer l’acte recommandé par la publicité. Le discours publicitaire peut être schématisé ainsi14 :

10 JAKOBSON R., 1963 : Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, p. 217, cit. in ADAM J.-M., BONHOMME M., L’argumentation publicitaire, rhétorique de l’éloge et de la persuasion, 2007, p. 23

11 SPITZER L., 1978 (1949) : « La publicité américaine comme art populaire », Poétique, n°34, Paris, Seuil, p.

155, cit. in ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 24

12 AUSTIN, J.-L., 1970 (1962) : Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, pp. 109-137, cit. in ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit.,2007, p. 24 ; voir p. 25 (dimensions de l’acte de parole).

13 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 24

14 Idid. p. 25

(9)

La communication publicitaire est complexe. Sur le plan locutoire, elle est à la fois texte et image.

Sur le plan illocutoire, elle comporte deux visées : l’une, descriptive et informative, a la forme d’un acte constatif ; l’autre, argumentative (incitative) a la forme d’un acte directif. Dans la plupart des publicités de notre corpus, l’acte illocutoire est explicitement constatif (« Les piles se recyclent ») et implicitement directif (Je vous conseille de recycler vos piles)15.

Sur le plan perlocutoire, l’acte illocutoire constatif est associé à une intention de type FAIRE CROIRE quelque chose au destinataire et l’acte illocutoire directif à une intention de type FAIRE FAIRE quelque chose16.

En l’occurrence, le passage du CROIRE au FAIRE est assuré tout d’abord par la garantie juridique qu’offre l’obligation légale incombant à l’Etat d’informer et de conseiller le public sur les questions ayant trait à l’environnement et au recyclage17.

Par ailleurs, comme le soulignent Adam et Bonhomme18 :

Le passage au FAIRE (l’achat par le consommateur) est conditionné par une phase cognitive (SAVOIR et CROIRE que l’Objet possède les valeurs qui motivent le désir de le posséder) et par une phase mimétique (VOULOIR posséder l’Objet et s’identifier ainsi à ses autres détenteurs).

En effet, les énoncés constatifs valorisent le produit et suscitent le désir de l’obtenir.

Le produit devient alors un OBJET DE VALEUR. De plus, la valorisation du produit

15 Voir corpus unilingue, éléments 1 et 2

16 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 25

17 Loi fédérale sur la protection de l’environnement du 19 décembre 1986, (LPE), Ch. 1, Art. 6

(http://www.admin.ch/ch/f/rs/814_01/a6.html); Loi cantonale sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD), Art. 8 (http://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_L1_20.html)

Action langagière Produire ayant une force visant

un message de persuasion l’achat du produit

Dimension pragmatique Acte Force Effet

LOCUTOIRE ILLOCUTOIRE PERLOCUTOIRE

constatif (explicite) faire croire directif (+ ou – explicite) faire faire

(10)

se transmet à tous les sujets qui le possèdent et déclenche un désir d’identification avec ces derniers, représentés dans le discours publicitaire de manière euphorique.

Dans le cadre de notre travail, nous substituons la notion d’OBJET par celle d’ACTE. La valorisation de ce dernier, d’une part, suscite le désir de l’accomplir et, d’autre part, se transmet à tous les sujets qui l’accomplissent.

1.2. La structure communicationnelle

Il existe deux approches de la communication publicitaire.

Celle-ci peut être conçue comme un processus à sens unique entre un annonceur, actif, et un lecteur, passif. Les modèles linéaires (les modèles de Lasswell, A.I.D.A. et de Lavidge &

Steiner) ainsi que les modèles modulaires (le modèle triadique [Learn], [Like], [Do], élaboré sur la base des théories de Starch, Festinger et Krugman et le modèle diffracté, adapté de la théorie fonctionnaliste de Jakobson) rendent compte de cette perspective19.

Par ailleurs, le discours publicitaire peut-être envisagé comme un processus interactif.

1.2.1. L’influence des éléments extra-linguistiques

Adam et Bonhomme adoptent cette seconde approche et relèvent trois facteurs qui influencent fortement la communication publicitaire : le canal, le référent (réalité extra- linguistique à laquelle l’objet du discours publicitaire fait référence) et le destinataire. Du fait de la spécificité de notre corpus, nous ajoutons à cette liste un quatrième élément :

l’émetteur.

1.2.1.1. Le canal

Selon la thèse développée par M. McLuhan, dans son ouvrage Understanding media (Pour

19 Ibid., pp. 27-30

(11)

comprendre les médias), le message est le médium ne font qu’un. Ainsi, les contraintes liées au canal influencent le message publicitaire. Par exemple, les panneaux d’affichage urbains reçoivent des publicités destinées davantage à être vues que lues. De ce fait, elles privilégient l’image et le slogan.

1.2.1.2. Le référent

Les modalités du message publicitaire sont déterminées par la nature de son objet. Dans le cadre de notre étude, la communication publicitaire ne vise pas l’acquisition d’un bien ou d’un service mais l’exécution d’un acte (trier ses déchets).

De ce fait, le message peut être direct, lorsqu’il décrit les modalités pratiques du tri, ou indirect, lorsqu’il se prononce sur la valeur ou la finalité du recyclage.

De plus, l’argumentation peut être analytique (contenu textuel informatif et détaillant, netteté de l’image, détails, etc.) ou synthétique. Dans le deuxième cas de figure, elle utilise

l’enthymème, l’ellipse, des figures de rhétorique ou des jeux de mots et, sur le plan iconique, elle recourt à des symboles et à des figures représentées de manière partielle ou floue.

1.2.1.3. Le destinataire

Le message publicitaire est aussi orienté en fonction de son destinataire. En effet, les

concepts choisis par l’annonceur pour valoriser l’objet d’une publicité dépendent des valeurs qu’il estime être celles des lecteurs.

1.2.1.4. L’émetteur

Dans le cadre de notre étude, les campagnes sont produites soit par une collectivité publique soit par des institutions en partie subventionnées par des fonds publics. De ce fait, il incombe à l’émetteur une responsabilité éthique qui l’empêche de recourir à certains concepts pour

(12)

étayer l’argumentation publicitaire (par exemple : des stéréotypes sexistes).

1.2.2. La dimension dialogique

Selon Adam et Bonhomme, la publicité se présente « comme un hybride énonciatif [et]

entremêle, pour ce faire, un ÊTRE MONOLOGIQUE et un PARAÎTRE DIALOGIQUE »20. Cette feinte a pour but de mieux persuader, en personnalisant la communication de masse. A cet égard, plusieurs techniques sont utilisées : la mise en scène de l’ouverture d’un échange et la mise en scène d’une réaction lors de la réception du message. Dans le cadre de notre travail, nous n’analyserons que le premier cas de figure car seul ce procédé est présent dans notre corpus.

La dimension dialogique est perceptible par des actes illocutoires initiatifs d’un dialogue que Adam et Bonhomme énumèrent comme suit : salutatifs (forme rituelle de politesse), directifs (explicites et correspondant en général à la matrice impératif à la 2ème personne du pluriel), interrogatifs, énigmatiques (publicités-devinettes) et probatoires (publicités-tests)21. De même, la dimension dialogique est révélée par les divers artifices permettant d’interpeller le lecteur, par exemple le discours rapporté22.

1.2.3. Les indices personnels et les circuits communicationnels

Au circuit pratique orienté sur le FAIRE et au circuit interlocutif centré sur le DIRE vient s’ajouter un troisième niveau, qui met en scène, sur le mode du JOUER, les représentants des acteurs des niveaux précédents sous forme de personnages présents dans le texte et/ou dans l’image23. A ce niveau, le lecteur-« trieur » n’a en réalité pas un statut d’interlocuteur mais bien plus de spectateur.

20 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 37

21 Ibid., pp. 38-39

22 LUGRIN G., Généricité et intertextualité dans le discours publicitaire de presse écrite, 2006, p. 75

23 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 47

(13)

Les acteurs des différents niveaux sont identifiables grâce aux indices personnels (pronoms personnels et adjectifs possessifs, déictiques ou anaphoriques), qui, selon Adam et

Bonhomme, peuvent être regroupés en deux grandes catégories24: d’une part, ils visent à desserrer le lien référentiel; d’autre part, ils tendent à le resserrer.

Dans le premier cas de figure, l’usage de pronoms comme le « nous » permet de desserrer le lien référentiel pour généraliser le message.

Comme le souligne D. Maingueneau, en citant E. Benveniste25 :

[…] comme l’explique Émile Benveniste, « d’une manière générale, la personne verbale au pluriel exprime une personne amplifiée et diffuse ». Le nous, en effet, n’est pas une collection de je, « c’est un je dilaté au-delà de la personne stricte, à la fois accru et de contours vagues ». Dans le « nous » la prédominance du « je » est très forte, au point que, dans certaines conditions, ce pluriel peut tenir lieu du singulier (cf. le « nous » de majesté ou le « nous » par lequel se désigne l’auteur d’un livre).

A cet égard, l’emploi de la 1ère personne du pluriel réduit la distance séparant l’énonciateur du récepteur. Il permet ainsi d’atténuer la valeur directive de l’impératif :

Récupérons avec Inf-eau-déchets ! (voir élément 8 du corpus unilingue) De plus, ce « nous » collectif, qui tend vers un « je », accroît la solidarité entre les membres de la collectivité et renforce le sens de la responsabilité citoyenne :

Pourtant, ils [les vieux papiers] représentant encore plus du quart du contenu de nos poubelles… (voir éléments 14, 15, 16 et 17 du corpus unilingue)

Dans le deuxième cas de figure, les indices personnels «vous/votre» et «je/mon»

personnalisent le message en impliquant directement le lecteur. A cet égard, le discours publicitaire peut créer des glissements entre :

1) les circuits interlocutif (lecteur : « vous » / « votre ») et pratique (« trieur » :

« vous »/ « votre »),

24 Ibid., pp. 47-53

25 BENVENISTE E., Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p. 234-235, cit. in

(14)

2) le circuit figuratif (représentant iconique : « je »/ « mon ») et les circuits interlocutif et pratique (lecteur, « trieur » : « je »/ « mon »).

2. Les constituants du message de communication publique

2.1. La nature sémiologique du message de communication publique

La nature sémiologique du message publicitaire est mixte26. En effet, celui-ci combine à des degrés variables le texte et l’image, qui constituent le support de la communication

publicitaire.

2.1.1. Le signifiant linguistique

Le signifiant linguistique se différencie de l’image dans la mesure où il n’a pas de

signification intrinsèque. En effet, la correspondance entre signifiant et signifié linguistiques est d’ordre conventionnel et non pas représentationnel.

2.1.1.1. Le slogan

Nous distinguons deux types de slogan. Tout d’abord, l’accroche, placée en début d’annonce, constitue la devise du produit et « se caractérise par son aspect ponctuel et engageant, ainsi que par son immédiateté »27. Ensuite, la phrase d’assise, placée en fin d’annonce, constitue la devise de la marque et se caractérise par « son contenu générique, sa distanciation relative et son aspect duratif »28.

Le slogan a une fonction phatique et conative. De plus, il se caractérise souvent par son aspect rythmique.

26 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 55

27 Ibid., p. 59

28 Ibid.

(15)

2.1.1.2. La marque

Le concept de marque est subdivisé en deux catégories : la marque de l'entreprise et le nom du produit. La première est arbitraire et possède trois fonctions : une fonction référentielle de singularisation – elle permet de différencier l’objet de l’annonce de ceux de la concurrence ; une fonction de thématisation – elle est le lien entre l’annonce et la réalité traitée ; une fonction testimoniale – le fabricant, par elle, prend position par rapport à l’annonce29. Dans le cadre de notre étude, nous substituons à la notion de marque celle de signature. Par ailleurs, la notion d' « entreprise » doit être remplacée par celle de collectivité publique.

Enfin, nous n’aborderons pas les caractéristiques du nom du produit dans la mesure où les campagnes que nous étudions ne visent pas à vendre des produits.

2.1.1.3. Le rédactionnel

Le rédactionnel constitue l’élément rationnel de l’annonce publicitaire et le lieu privilégié de l’argumentation publicitaire30.

2.1.2. Le logo

Le logo publicitaire est un constituant ambivalent, une image-mot. Sa composante iconique prend deux formes : figurative et non-figurative. De plus, il remplit deux fonctions

argumentatives : une fonction de mémorisation de la marque, de par sa nature iconique, et une fonction de valorisation de la marque, par les concepts projetés sur son signifiant iconique31.

2.1.3. Le signifiant iconique

En publicité, le signifiant iconique est appelé IMAGE ou VISUEL, et possède deux

29 Ibid.

30 Ibid., p. 62

(16)

propriétés : d’une part, l’image est intransitive car elle s’impose d’elle-même et possède, de ce fait, un grand pouvoir de mémorisation ; d’autre part, elle est transitive car elle est toujours image de quelque chose32.

3. Le parcours de lecture scriptural

Le parcours de lecture a une fonction argumentative dans la mesure où il favorise la lisibilité de l’annonce et, de ce fait, contribue à son efficacité.

En général, les publicités ont recours au parcours de lecture scriptural car il suscite un faible effort de coopération de la part du lecteur et facilite ainsi la réception de l’argumentation.

En effet, en Occident, la convention veut que la lecture s’effectue de gauche à droite. Ce balayage décrit une figure en « Z », qui divise par une diagonale la page en deux parties : celle de gauche, point de départ de la lecture, constitue la zone d’ombre33 ; celle de droite constitue la zone d’attrait34.

De ce fait, les constituants linguistiques les plus frappants (accroche, marque, logo et phrase d’assise) sont disposés de haut en bas, sur la droite, l’angle supérieur droit constituant le point d’accroche et l’angle inférieur droit le point de verrouillage de l’annonce. Le rédactionnel quant à lui se trouve en général en bas à gauche.

Au niveau global de l’annonce, divers procédés permettent de canaliser la lecture : utilisation de formes (triangles inversés, traits, flèches) ; jeu sur le dégradé ou sur la continuité

morphologique des masses figurées ; redondance et complémentarité des couleurs.

Au niveau du rédactionnel, les balises qui facilitent la lecture de celui-ci sont de deux natures : typographique et iconique.

32 Ibid., pp. 55-56

33 Ibid., p. 72

34 Ibid.

(17)

B. LE TEXTE PUBLICITAIRE

Nous analyserons l’argumentation à l’œuvre dans le texte publicitaire dans une triple perspective: celle du discours publicitaire, celle de l’organisation séquentielle de l'argumentation et celle de la linguistique textuelle.

Dans un premier temps, nous étudierons la question des genres publicitaires et des relations que le discours publicitaire entretient avec les autres formes de discours. Puis, nous

aborderons l’organisation textuelle en étudiant les structures argumentatives. Enfin, nous étudierons certains aspects linguistiques.

1. Les genres publicitaires

De nombreux auteurs ont proposé des typologies pour classer les genres publicitaires : certains (J. Séguéla, B. Cathelat, M. Martin, L. Sfez) des typologies diachroniques, d'autres (J.-M. Adam et M. Bonhomme, G. Péninou et J.-M. Floch, C Bonnange et C. Thomas, B.

Cathelat et R. Ebguy) des typologies argumentatives et communicationnelles, et N. Everaert- Desmedt une typologie à la fois diachronique et pragmatique35.

A cet égard, G. Lugrin constate l'échec de ces tentatives dans son ouvrage intitulé Généricité et intertextualité dans le discours publicitaire de presse écrite. En effet, il constate l’absence de catégories génériques établies36.

Comme le soulignent Adam et Bonhomme37:

[…] la publicité apparaît comme un méta-genre, capable d’absorber la pluralité des genres discursifs existants. En fait, tout en continuant à s’intégrer dans le genre info-persuasif, avec sa matrice de base : [Annoncer Décrire/Recommander tel produit au public], elle répugne dans ces cas à textualiser les formes énonciatives liées à celui-ci, préférant se dissimuler derrière d’autres catégories discursives.

35 LUGRIN G., op.cit., 2006, pp. 161-177

36 Ibid., p. 180

(18)

Ce constat amène donc Lugrin à étudier la question des genres publicitaires sous l'angle des relations que la publicité entretient avec les autres types et genres discursifs.

2. Les relations interdiscursives

Dans le chapitre précédent, nous avons exposé la dimension dialogique du discours publicitaire au niveau interlocutif et nous allons, dans cette section, l’aborder au niveau interdiscursif.

Lugrin définit le dialogisme interdiscursif comme suit :38

[Il] regroupe […] les énoncées antérieurs ou contemporains avec lesquels le texte entre en résonance.

Nous distinguerons les « relations interdiscursives constitutives » des « relations interdiscursives montrées ».

2.1. Les relations interdiscursives constitutives

Les « relations interdiscursives constitutives » forment l'interdiscours. Selon Lugrin, l’interdiscours, dans son acception large, « regrouperait […] l’ensemble des discours avec lesquels un discours particulier entre en relation implicite»39.

A cet égard, la notion de « discours réplique prévu », formulée par M. Bakhtine dans sa théorie du dialogisme, comprend l’idée, au niveau rhétorique, d’un calcul préalable de l’auditoire40. Par la représentation que l’énonciateur se fait du récepteur, celui-ci influence le discours de celui-là et acquiert le statut de co-énonciateur. Ainsi, cette notion s'insère dans celle d'interdiscours dans la mesure où, selon E. Roulet & al.41 :

La polyphonie peut aussi désigner chez Bakhtine un cas particulier de dualité de voix dans l’énoncé : la reprise et l’intégration du discours de l’interlocuteur dans le discours du locuteur.

38 LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 75

39Ibid., p. 77

40 ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 97

41 ROULET, E. & al. 1985 : L’articulation du discours en français contemporain, Berne, Peter lang, p.70, cit. in LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 75

(19)

Selon Adam et Bonhomme, les représentations que l’énonciateur se fait de l’auditoire sont perceptibles dans des « mots-arguments »42. Ainsi, le slogan « Précieux le verre - Précieux le tri » fait référence à un critère économique et révèle ainsi les préoccupations que les

concepteurs des campagnes environnementales prêtent au public43.

2.2. Les relations interdiscursives montrées

Les « relations interdiscursives montrées » désignent les discours représentés de manière explicite : les relations intertextuelles ainsi que les discours rapportés.

2.2.1. Les relations intertextuelles Lugrin définit l'intertextualité comme44 :

[…] une forme particulière de pré-construit culturel, qui évoque les relations entre un texte et d’autres configurations (fragments de textes, textes), issues de pratiques discursives diverses. En suivant cette définition, la relation intertextuelle intégrerait ou transformerait un fragment de texte (hypotexte) dans un autre texte, supposant une généalogie, une filiation entre les deux textes.

L’ « hypotexte » peut être de nature scripturale (intertextualité scripturale) ou iconique (intertextualité iconique). Aussi, l’auteur en donne-t-il une acception qui rend compte de la nature pluri-sémiotique du discours publicitaire45 :

[…] pour qu’il y ait texte, il faut :

qu’un auteur conscient, qui peut être singulier, pluriel, diffus, connu, hypothétique, voire fictif, l'ait conçu comme tel;

que la configuration ait une forme matérielle (son, image, succession d’images, texte…) identifiable comme telle ;

que la configuration possède un seuil manifeste qui la détache du monde qui l’entoure, qui la constitue comme un tout affranchi, sans être indépendant, de son contexte.

Par ailleurs, l’intertextualité se manifeste sous forme de citation (co-présence de textes) ou d’allusion (transformation d’un texte)46.

42 ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 101

43 Voir corpus unilingue, éléments 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19.

44 LUGRIN G., op. cit., 2006, pp.212-213

45 Ibid., p. 213

(20)

Se référant à G. Genette47, Lugrin relève en outre un type particulier de relations

intertextuelles qui caractérisent le lien entre un texte et une famille de textes. Ces relations dites hypertextuelles procèdent par imitation soit d’un genre textuel soit d’un style (littéraire ou iconographique)48.

Dans l’affiche sur le recyclage des déchets organiques, le syntagme « Halte à l’escalade […] »49 fait référence au genre journalistique et, plus particulièrement, à des articles de nature politique. Ce syntagme pourrait d’ailleurs être complété par un terme ayant trait au champ sémantique de la guerre : « Halte à l’escalade de la violence ! ».

2.2.2. Les discours rapportés

Selon Lugrin, c’est le degré de sédimentation qui permet de distinguer entre discours

rapportés et intertextualité50. En effet, l'oralité des discours rapportés leur confèrent une faible matérialité. De plus, ils ne sont ni consacrés produits par une personne (écrivain, homme politique etc.) consacrée ni présents dans le fond culturel (à la différence des proverbes).

Par ailleurs, ils peuvent être présentés comme factuels ou fictionnels.

Les affiches n° 6 et n° 7 du corpus unilingue mettent en scène des discours rapportés censés émaner respectivement de la Terre et de la forêt. Dans ces deux cas, l’argumentation

publicitaire utilise la figure rhétorique de la prosopopée. Celle-ci tend à faire parler un absent et, en publicité, ce procédé permet de prêter à un objet des caractéristiques humaines51. De ce fait, le discours rapporté est de nature clairement fictionnelle.

Enfin, dans les deux cas mentionnés ci-dessus, par l’utilisation du discours direct,

l’énonciateur premier, à savoir le concepteur de la campagne, cherche à mettre une distance

47 GENETTE G., 1982 : Palimpsestes, Paris, Seuil, coll. « Poétique », pp. 14- 15, cit. in LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 245

48 LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 250

49 Voir corpus unilingue, élément 3

50 LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 233

51 ABAD V., COMPIEGNE I., Langage et publicité, Lexique de communication publicitaire, 1992, p. 94

(21)

entre lui-même et les propos cités, marquant ainsi « son adhésion respectueuse »52 à ces derniers. D. Maingueneau qualifie ces propos rapportés de « citation d’autorité »53.

2.3. Les pré-construits culturels

Le discours publicitaire fait référence à une grande diversité de pré-construits culturels sous la forme soit de « relations interdiscursives constitutives », soit de relations intertextuelles.

Lugrin regroupe les pré-construits récurrents dans le discours publicitaire en quatre catégories : les personnalités de notoriété publique, les événements historiques, le christianisme et les expressions figées 54.

Par ailleurs, un pré-construit culturel fait l’objet d’une relation intertextuelle lorsque son expression, de nature textuelle ou iconique, a le statut d’un texte, tel que le définit Lugrin.

Dans le cadre de notre corpus, seuls les événements historiques, les expressions figées ainsi que les pré-construits culturels liés au recyclage (couleurs, symboles et pictogrammes) sont présents.

Les événements historiques présents dans les messages de communication publique de notre corpus font référence soit à des figures emblématiques du passé soit à des moments forts de l’histoire55.

Selon Lugrin, les expression linguistiques figées56 :

[…] sont définies comme un terme générique englobant l’ensemble des citations standardisées tombées dans le domaine public, l’ensemble des énoncés figés universellement connus, soit le cliché, le proverbe, le dicton, l’expression consacrée (titre de film, slogan publicitaire…),

l’apophtegme, le mot composé […] ou encore, dans une moindre mesure, le stéréotype linguistique et la collocation.

Se référant à la typologie des formes brèves proposée par C. Schapira, Lugrin inclut dans l’interdiscours les phrases de routine qui « relèvent plutôt d’un code phatique ou d’un code

52 MAINGUENEAU D., Analyser les textes de communication, 2007, p. 125

53 Ibid.

54 LUGRIN G., op. cit., 2006, pp. 217-228

55 Ibid., p. 219

(22)

réflexe »57. Aussi, considérons-nous l’expression « zéro souci », présente dans le slogan

« Zéro souci, zéro franc »58, comme une phrase de routine dont on ne peut supposer l’existence d’un auteur premier59. Celle-ci est d’ailleurs présente dans d’autres slogans publicitaires60.

3. L’organisation textuelle de l’argumentation publicitaire 3.1. La séquence argumentative de base

Selon Adam et Bonhomme61, la séquence argumentative de base désigne une chaîne fermée de propositions visant à intervenir sur les opinions et les comportements des interlocuteurs.

En effet, l’argumentation vise à rendre crédible un énoncé (conclusion) et s’appuie pour cela sur une autre proposition (argument / donnée).

Par ailleurs, les notions de donnée et de conclusion sont interdépendantes. En effet, toute conclusion n’est valable que relativement à une prémisse et réciproquement62.

3.2. L’étayage argumentatif

Se référant à Aristote, Adam et Bonhomme rappellent que le passage de la donnée à la conclusion n’est légitime que s’il s’appuie sur un topos63. Le topos désigne un « stéréotype conceptuel, d’ordre logico-discursif et fondé sur l’opinion commune (la doxa), qui permet de jeter un pont entre une donnée et une conclusion »64.

57 Ibid., p. 225

58 Voir corpus unilingue, éléments 10, 11 et 12

59 LUGRIN G., op. cit., 2006, p. 226

60On recense environ 2 800 occurrences dans google, voir les sites suivants :

http://www.pmekmo.be/news/21939_zero_souci_de_communication_bob_direct_saadapte_en_toutes_circonstan ces_, http://www.ciao.fr/Hotel_Club_Riu_Tikida_Dunas_Agadir__Avis_889334,

http://www.elle.fr/elle/beaute/chirurgie-esthetique/dossiers/zero-bistouri-zero-souci/zero-chirurgie-zero- souci/(gid)/406352

61 ADAM J.-M., M. BONHOMME, op. cit., 2007, pp. 109-110

62 BOREL M.-J., 1991: « Notes sur le raisonnement et ses types », Étides de éettres n°4, Université de Lausanne, p. 78, cit. in ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 110

63 ADAM J.-M., M. BONHOMME, op. cit., 2007, pp. 111-113

64Ibid., p. 111

(23)

Si nous considérons les éléments n°1 et n°2 de notre corpus, le topos [a] assure le passage de la donnée à la conclusion : [a] [Les habitants de Genève se soucient de l’environnement].

Le mouvement d’inférence peut être décomposé sous la forme d’un raisonnement qui aurait la structure suivante :

Les habitants de Genève se soucient de l’environnement. [a]

OR Les piles se recyclent. [DONNEE]

DONC Je recycle mes piles. [CONCLUSION]

La donnée «Les piles se recyclent.»65 constitue l’élément explicite, les autres éléments (l’étayage topique et la conclusion) restant implicites.

Par ailleurs, l’une des caractéristiques fondamentales de l’argumentation est d’être soumise à la réfutation66. De ce fait, Adam et Bonhomme proposent d’intégrer cette dimension dans la séquence argumentative de base :

Donnée Règle d’inférence donc probablement Conclusion

puisque à moins que

Etayage Restriction

Dans la pratique argumentative, l’étayage topique est en général implicite et la donnée est l’élément le plus souvent explicite67.

3.3. L’agencement des séquences argumentatives

L’agencement des énoncés de l’argumentation peut obéir à deux ordres68 : 1. progressif : données [inférence] conclusion 2. régressif : conclusion [inférence / justification] données L’ordre progressif vise à conclure et l’ordre régressif, lui, vise à prouver et à expliquer.

Par ailleurs, afin de rendre compte de l’organisation séquentielle de l’argumentation, nous nous appuyons sur la séquence argumentative prototypique proposée par Adam et Bonhomme

65 Voir corpus unilingue, éléments 1 et 2

66 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation, Paris, Hatier, p.47, cit. in ADAM, J.-M., La linguistique textuelle, introduction à l’analyse textuelle des discours, 2005, p. 158

67 ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 112-113

(24)

car « elle fonctionne comme matrice structurant des ensembles textuels plus vastes qui peuvent recouvrir une multitude de formes dans le discours publicitaire »69 :

THESE DONNEE donc probablement CONCLUSION

ANTERIEURE (Nouvelle) Thèse

Etayage des inférences à moins que RESTRICTION Ce schéma comporte deux niveaux70 :

1. justificatif (donnée, étayage, conclusion) : la stratégie argumentative vise à relater des connaissances.

2. dialogique ou contre-argumentatif (thèse antérieure, restriction) : l’argumentation vise à transformer les connaissances et, de ce fait, elle doit prendre en compte l’existence d’un contre-argumentateur (auditoire). Enfin, ce modèle prend appui sur la thèse antérieure pour amener la réfutation.

Pour illustrer ce modèle, nous prenons comme exemple l’élément n° 14 de notre corpus (similaire aux éléments 15, 16 et 17) :

[a] Cette enveloppe mystérieuse deviendra bientôt votre quotidien préféré ! [b] Magique ?*

[c] *Non, cela s’explique simplement :

[d] Une fois triés, les vieux papiers se recyclent facilement.

[e] Pourtant, [f] ils représentent encore plus du quart du contenu de nos poubelles…

Dans cette séquence, le connecteur argumentatif « pourtant » [e] articule entre elles deux prémisses, [d] et [f], qui aboutissent à des conclusions opposées. Par ailleurs, les propositions [b] et [c] jouent sur la forme de la devinette et sollicitent de la part du lecteur-interprétant certaines inférences. Nous distinguons donc une première séquence :

Conclusion C1 Inférences en effet Donnée D1

[a] [b] [c] [d]

Dans cette séquence, le mouvement argumentatif est régressif et la visée argumentative est explicative [c]. En effet, la conclusion [a] est placée d’entrée.

69 Ibid., pp. 121-122

70 ADAM, J.-M., op. cit., 2005, p. 159

(25)

De plus, l’étayage topique est implicite et nous pouvons reconstituer la règle d’inférence comme suit:

Conclusion C1 [a]

Inférence [b] [c]

En effet, étant donné que [le papier recyclé est une matière première pour l’industrie papetière]

Donnée D1 [d]

Le connecteur argumentatif « pourtant » introduit une restriction qui met en doute la réalisation de la conclusion C1. Cette restriction est constituée par une deuxième séquence argumentative, enchâssée dans la première :

Séquence 1 :

Conclusion C1 car Inférences Donnée D1

[a] [b] [c] [d]

à moins que

Restriction

POURTANT

Séquence 2 :

Donnée D2 Inférence donc Concl. non - C1

[f] probablement

puisque Etayage

La donnée D2 « ils représentent encore plus du quart du contenu de nos poubelles… » entraîne le processus inférentiel suivant : [donc probablement non-C1] : « Cette enveloppe mystérieuse ne deviendra vraisemblablement pas votre quotidien préféré ». Cette conclusion non-C1, implicite, s’appuie sur la règle d’inférence suivante: puisque [Les habitants de Genève ne sont pas de bons trieurs]. Par conséquent, le lecteur-interprétant en déduit qu’il doit recycler son papier s’il veut pouvoir lire son quotidien préféré.

3.4. L’enthymème

Citant Artistote, Adam et Bonhomme expliquent que l’enthymème est défini comme un syllogisme incomplet71. Reprenons la définition du syllogisme donnée par Aristote72 :

Le syllogisme est un raisonnement dans lequel certaines prémisses étant posées, une proposition nouvelle en résulte nécessairement par le seul fait de ces données.

71 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, pp. 113-120

72 ARISTOTE, 1992 : Les Premières Analytiques, Paris, Vrin, pp. 24b, 18-22, cit in. ADAM J.-M. et

(26)

Or, dans le cas de l’enthymème, les prémisses s’appuient sur des topoï et certains termes sont supprimés. A cet égard, Adam et Bonhomme rappellent que73 :

[…] l’ellipse et le sous-entendu ne sont pas des déviances ou des manques, mais ils constituent l’usage dans les textes en langue naturelle qui se moquent des formes idéales et closes des logiciens qui ne s’accommode pas des formes idéales de la rhétorique.

Considérons l’exemple suivant :

Précieux [A] le papier [B] = majeure

Précieux [A] le tri [C] =conclusion

Derrière ce slogan74, nous pouvons reconstituer la structure du syllogisme :

Précieux [A] le papier [B] = majeure (A=B)

OR le tri [C] permet d’économiser du papier [B] =mineure (C=B)

DONC Précieux [A] le tri [C] =conclusion (A=C)

Cependant, la rigueur déductive du syllogisme est perturbée à plusieurs égards. Tout d’abord, la mineure est sous-entendue. De plus, la majeure doit être complétée par au moins deux topoï :

1. le papier est fait à partir de bois;

2. le bois est une ressource naturelle rare.

Enfin, l’ensemble du raisonnement pose problème, car il attribue deux sens différents au terme « précieux ». En effet, dans la majeure, le papier est qualifié de « précieux » dans la mesure où le bois est une ressource rare. Or, dans la conclusion, par le jeu du raisonnement syllogistique, ce qualificatif est attribué au tri. Cependant, dans le second cas, « précieux » possède une connotation éthique. En effet, le tri est qualifié de « précieux » non pas parce qu’il est rare, mais parce qu’il permet de préserver l’environnement.

3.5. La description

Selon Adam et Bonhomme, il existe sept opérations qui permettent de rendre compte des

73 ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 118

74 Voir corpus unilingue, éléments 14, 15 et 18

(27)

procédures descriptives75 : l’opération d’ancrage-affectation (dénomination de l’objet de la description), les opérations d’aspectualisation (fragmentation du tout en parties, mise en évidence de qualités ou propriétés du tout ou des parties), les opérations de mise en relation (temporelle, spatiale et assimilation comparative ou métaphorique) et l’opération de

reformulation.

4. La linguistique textuelle 4.1. Les actes de langage

Dans son ouvrage How to do things with words (Quand dire c’est faire), J.-L. Austin introduit une nouvelle catégorie d’énonciations qu’il nomme « les performatifs ». Ces énonciations ont pour particularité que leur production équivaut à l’exécution d’une action76. Cependant, il constate que toute énonciation consiste à faire quelque chose et distingue trois aspects de l’acte de parole77 : l’acte locutoire (acte de dire quelque chose), l’acte illocutoire (acte produit en disant quelque chose) et l’acte perlocutoire (produit par le fait de dire quelque chose).

Aussi Austin classe-t-il les énonciations en cinq catégories selon leur valeur illocutoire: les verdictifs (rendre un verdict), les exercitifs (rendre une sentence.), les promissifs (promettre quelque chose), les comportatifs (faire des excuses, féliciter etc.) et les expositifs (expliciter ce qu’on est en train de dire)78.

4.2. Les énoncés performatifs

L’objectif des campagnes que nous étudions est d’augmenter le taux de recyclage. Par conséquent, les énoncés figurant dans notre corpus visent à produire des effets perlocutoires : faire en sorte que les habitants de Genève recyclent davantage leurs déchets. En revanche, à

75 ADAM J.-M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 126

76 AUSTIN J.-L, Quand dire c’est faire, 1970, p. 42

77 Ibid., p. 113

(28)

Genève, il n’existe pas d’instruments légaux permettant de faire appliquer les

recommandations des campagnes sur le recyclage. De ce fait, la production des énoncés de notre corpus n’équivaut pas nécessairement à l’exécution de l’acte du recyclage et nous ne pouvons pas leur attribuer de valeur performative. Considérons l’affirmation suivante :

Les piles se recyclent. (voir éléments 1 et 2 du corpus unilingue) Cet énoncé consiste en un acte illocutoire, verdictif, qui établit le caractère recyclable des piles. L’objectif perlocutoire, lui, consiste à recycler les piles mais reste implicite.

Considérons un second exemple :

Depuis le 1er janvier 2003, reprise gratuite de tous les appareils électriques et électroniques usagés dans tous les points de vente spécialisés. (voir éléments 10, 11 et 12 du corpus unilingue) Cet énoncé possède une valeur illocutoire exercitive dans la mesure où il implique que les revendeurs ont des obligations et les consommateurs des droits79.

De plus, il fait allusion à l'ordonnance sur la restitution, la reprise et l'élimination des appareils électriques et électroniques (OREA) et, notamment, à son Art. 4 : Reprise obligatoire80. De ce fait, l’objectif perlocutoire est davantage explicite que dans le premier exemple et nous pouvons donc considérer cette énonciation comme performative bien qu’elle n’ait pas de valeur juridique à proprement parler.

4.3. L’embrayage et la modalisation

Selon D. Maingueneau81, il existe deux types d’énonciation : les énoncés embrayés et les énoncés non embrayés. Les premiers sont en relation avec leur situation d’énonciation et comportent différents types d’embrayeurs : le couple JE-TU qui manifeste de manière explicite la présence de l’énonciateur et du co-énonciateur, divers déictiques temporels (marques de temps des verbes, mots à valeur temporelle qui ont pour repère le moment de l’énonciation) ainsi que les déictiques spatiaux (adverbes dont le repère est le lieu

79 Ibid., p. 157

80OREA, Art. 4 (http://www.admin.ch/ch/f/rs/814_620/a4.html)

81 MAINGUENEAU D., op. cit., 2007, pp. 83-100

(29)

d’énonciation) ainsi que les groupes nominaux déterminés par ce (« cet étrange magazine »,

« cette bouteille mystérieuse »82).

Les plans non embrayés sont coupés de la situation d’énonciation. Ainsi, ils sont censés être toujours vrais quels que soient les situations d’énonciation et les co-énonciateurs.

Le papier se recycle. (voir éléments 1, 2, 4 et 5 du corpus unilingue) Ils comportent les caractéristiques suivantes : effacement du couple JE-TU, emploi du présent non-déictique et du passé simple, repérage spatial et temporel hors contexte (« Depuis le 1er janvier 2003 »83 et « En Suisse »84).

Dans l’analyse des temps verbaux relatifs aux plans embrayés, D. Maingueneau mentionne le présent déictique qui permet d’articuler le passé et le futur autour du moment de

l’énonciation :

Le verre qui compose cette bouteille mystérieuse a déjà été recyclé 237 fois !

(voir élément 16 du corpus unilingue) Les tiroirs utilisés sont le passé composé et l’imparfait pour le passé et, pour le futur, le futur simple et le futur périphrastique :

« Quand mon aspirateur sera à bout de souffle, je le rapporterai dans un magasin. »

(voir éléments 10, 11 et 12 du corpus unilingue) Par ailleurs, D. Maingueneau mentionne que la présence de l’énonciateur ne se fait pas uniquement sentir au travers des déictiques et qu’il faut prendre en compte les modalisations, à savoir « la relation que le locuteur entretient avec ce qu’il dit ».85 Il relève quatre possibilités dans les plans d’énonciation :

1) textes embrayés modalisés, 2) textes embrayés non modalisés, 3) textes non embrayés modalisés, 4) textes non embrayés non modalisés.

82 Voir corpus unilingue, éléments 14, 15, 16 et 17

83 Voir corpus unilingue, éléments 10, 11 et 12

84 Voir corpus unilingue, élément 15

(30)

Par ailleurs, ces différents plans se combinent la plupart du temps. Considérons l’exemple suivant :

Cet étrange magazine est composé à plus de 70% de papier recyclé embrayé modalisé Etonnant ?*

Précieux le papier > Précieux le tri non embrayé modalisé

*C’est pourtant la vérité :

En Suisse, le vieux papier constitue la principale matière première des papeteries. non embrayé non modalisé Pourtant, il représente encore plus du quart du contenu de nos poubelles. embrayé non modalisé

4.4. Les créations linguistiques 4.4.1. Les libertés syntaxiques

Nous observons au niveau du slogan (accroche et phrase d’assise) des agrammaticalités qui sont justifiées par la fonction phatique et conative de ce dernier. En effet, selon Lugrin86 :

Le discours publicitaire, à la fois non sollicité, unidirectionnel et devant satisfaire une lecture extrêmement brève doit se faire remarquer (fonctions phatique et conative) et se faire comprendre.

Pour cette raison, il oscille entre inattendu et attendu, séduction et information, originalité et intelligibilité.

Dans le slogan « Pensez-y, pensez tri », il y effacement de la préposition « à » propre à la construction du verbe « penser à quelque chose », ceci afin de produire une assonance avec le premier membre du slogan « pensez-y ».

Dans le slogan « Précieux le verre > Précieux le tri », il y a effacement du verbe « être » et l’adjectif attribut est antéposé. De par sa position dans la phrase et sa répétition, l’adjectif

« précieux » est mis en évidence. Ainsi la connotation positive liée au terme « précieux » est transférée aux deux autres termes, « verre » et « tri », qui en sont valorisés.

4.4.2. Les jeux de mots

Les jeux de mots au niveau de l’accroche de certaines affiches entraînent la personnification de l’objet à recycler, en lui attribuant des caractéristiques humaines (figure rhétorique de la prosopopée):

86 LUGRIN, G., op. cit., 2006, p. 89

(31)

Quand mon aspirateur sera à bout de souffle (voir élément 10 du corpus unilingue) Quand mon portable aura décroché (voir élément 11 du corpus unilingue) Quand mon robot sera K.O. (voir élément 12 du corpus unilingue) Ce procédé permet de renforcer l’identification du lecteur avec l’objet à recycler.

De manière générale, les libertés syntaxiques et les jeux de mots participent au masquage du macro-acte directif (la recommandation d’action), propre au message publicitaire.

C. L’ IMAGE PUBLICITAIRE

1. Le sens stratégique de l’image

Dans leur description des images publicitaires, Adam et Bonhomme se refusent à suivre l’approche sémiotique que représentent les auteurs suivants87 : R. Barthes, U. Eco, L. Porcher et J.-M. Floch. En effet, selon Adam et Bonhomme, la sémiotique fait fausse route en

abordant l’image selon les principes de la linguistique : d’une part, l’image et le langage (humain) sont de nature différente ; d’autre part, la substance iconique est porteuse de sens en dehors de toute convention établie par le couple signifiant-signifié88.

En revanche, à l’instar de U. Eco, ces auteurs postulent que l’image publicitaire est un

discours89. De ce fait, ils abordent l’image dans une perspective argumentative et s’intéressent à son sens stratégique. Cette approche discursive distingue trois niveaux dans l’interaction publicitaire : du point de vue de l’énonciation, la fabrication-production et la diffusion- réception ; du point de vue de l’énoncé, l’image-texte90.

Dans son ouvrage, L’éloquence des images, P. Fresnault-Deruelle développe cette approche en établissant des parallèles avec la rhétorique. Il souligne que l’image publicitaire cherche à

87 BARTHES, R., 1964 : « Rhétorique de l’image », Communications, n°4, Paris, Seuil ; ECO, U., 1972 (1968) : La structure absente, Paris, Mercure de France ; PORCHER L., 1976 : Introduction à une sémiotique des images, Paris, Didier-Credif ; FLOCH J.-M., 1985 : Petites Mythologies de l’œil et de l’esprit, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamins ; FLOCH J.-M., 1990 : Sémiotique, marketing et communication, Paris, PUF, cit. in ADAM J.- M. et BONHOMME M., op. cit., 2007, pp. 221-225

88ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 190

89 ECO U., La Structure absente, 1972, p. 257

(32)

« feindre la communication directe »91. Comme le souligne G. Mounin, ce type de communication est à sens unique92. De fait, l'image publicitaire ne devient discours qu'au moment où un lecteur lui prête attention93. Aussi l’efficacité d’une image publicitaire dépend- elle fortement de l’énonciation iconique.

A cet égard, Fresnault-Deruelle distingue deux types d’énonciation. La première, intrinsèque à l’image, canalise la lecture de celle-ci et la seconde, extrinsèque, est « repérable en ce que l’image se veut le lieu même d’un simulacre de communication directe »94. Ce dernier type d’énonciation est présent lorsque la scénographie publicitaire vise à inclure le lecteur dans l’espace iconique, qui, paradoxalement, se prolonge dans le monde réel. La frontière entre les mondes réel et fictif est abolie et, l’espace d’un instant, le récepteur a l’impression de

communiquer avec les émetteurs en représentation dans l’image95.

Par ailleurs, Fresnault-Deruelle considère l’image comme un texte96. Ainsi, le sens de l’image se construit au fil de calculs interprétatifs qu’on peut assimiler à la lecture97. Par conséquent, l’image n’est qu’une « pro-position »98 : le sens que lui confère son producteur peut coïncider ou diverger de celui qu’en dégage le lecteur lors de son interprétation99.

2. Les spécificités de l’argumentation iconique

En communication publicitaire, le cadre argumentatif de l’image se distingue de celui du texte.

Tout d’abord, les significations des composantes iconiques ne sont pas codifiées. En effet, il n’existe pas de dictionnaire qui répertorie les significations virtuelles des schèmes iconiques,

91FRESNAULT-DERUELLE P., L’éloquence des images, 1993, p. 13

92MOUNIN, G., Clefs pour la linguistique, 2000, p. 43

93FRESNAULT-DERUELLE P., op. cit., 1993, p. 12

94Ibid., p. 12

95 Ibid., p. 30

96Ibid., p. 14

97 Ibid.

98Ibid., p. 15

99 Ibid.

Références

Documents relatifs

Mais en réalité la dimension hiérarchique n’est responsable que de la possibilité de noter virtuellement tout cas de figure (encore une fois: à condition qu’il soit

Cet article présente un projet préparatoire au développement d’un environnement d’assistance à la conception de scénarios pédagogiques, dans le cadre de la Formation de

« … Je ne donne pas dans l’idée que si je donne, je vais recevoir le Ciel, je vais recevoir en retour…Dans le don, je vois un côté désintéressé, aussi un côté de

Dans le cadre des r´ eformes initi´ ees pour promouvoir l’approche par comp´ etences, les r´ ef´ erentiels de comp´ etences - descriptifs globaux des comp´ etences attendues des

Dans cet article, on montre que l’espace des groupes marqu´ es est un sous-espace ferm´ e d’un ensemble de Cantor dont la dimension de Hausdorff est infinie.. On prouve que la

Il existe une topologie m´etrisable et compacte sur l’ensemble des groupes de type fini marqu´es par un syst`eme ordonn´e de m g´en´erateurs pour laquelle les groupes

II.3; on comparera utilement, pour apprécier l’évolution de cette interprétation, l'ATF 116 Ib 265 du 1 er novembre 1990, qui analyse le problème des rayons ionisants sous

L'art et la règle: l'exemple du théâtre classique français..