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Le modèle élaboré par Adam et Bonhomme s’appuie sur une logique inférentielle et non pas représentationnelle105. En effet, ces auteurs réfutent l’existence d’une correspondance figée, qu’elle soit de nature analogique ou conventionnelle, entre une image et un concept. En revanche, le succès de l’argumentation iconique dépend du caractère conventionnel des concepts associés aux éléments iconiques. Ainsi, « les éléments de l’image publicitaire

100 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 193

101 Ibid., p. 194

102GRIZE J.-B., 1981 : « Argumentation, schématisation et logique naturelle », Revue européenne des sciences sociales, XII, n°32, Genève, Droz, p. 29, cit. in ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 194

103FRESNAULT-DERUELLE P., op. cit., 1993, p. 12

104ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 195

fonctionnent comme autant d’indices provoquant ou non des effets interprétatifs chez le récepteur-interprétant »106.

Afin de rendre compte des articulations de l’argumentation, Adam et Bonhomme décomposent le circuit énonciatif comme suit107 :

CONCEPTEUR INTERPRÉTANT

Dans une perspective pragmatique, Adam et Bonhomme distinguent deux mouvements de l’argumentation iconique : l’un part du concepteur et informe l’image aux niveaux matériel et conceptuel et l’autre part de l’interprétant et s’apparente à la lecture en ce sens qu’il permet d’activer les concepts soutenant l’image-texte.

3.1. La production argumentative de l'image publicitaire

Adam et Bonhomme décomposent la production argumentative de l'image publicitaire en deux niveaux: les données brutes et le modelage argumentatif de celles-ci.

Sur un plan matériel, l'argumentation iconique a pour support les données brutes de l'image.

Celles-ci sont constituées des formants élémentaires de l'image, qui sont de nature géométrique et chromatique et qui englobent aussi la texture de la surface iconique. Ces formants, à leur tour, créent des unités figuratives, qui possèdent ou non un référent et qui s'agencent selon les techniques propres à la photographie: cadrage, localisation, mise en plan, perspective et angle de vision.

Les données brutes de l'image subissent un modelage argumentatif afin d'en orienter la

réception. Signalés par leur prégnance, par la redondance de leurs procédés ou par le contraste avec leur entourage, certains éléments de la substance visuelle canalisent le regard. Sous la dénomination de « schèmes iconiques », ces éléments « consistent en des structures visuelles calculées en vue de provoquer des effets perceptifs concordants »108.

Par ailleurs, les schèmes iconiques sont le support des topoï conceptuels, qui participent des stéréotypes propres à une culture donnée et qui permettent d’influencer, idéologiquement, la réception du message iconique.

Ces topoï sont de deux sortes : « archétypaux, lorsqu’ils exploitent les structures

psychologiques et fantasmatiques fondamentales pour transférer sur l’image les attentes imaginaires de la clientèle ; socioculturels, quand ils transposent sur l’image des

représentations attachées à un courant de civilisation ou à un groupe donné »109.

Par conséquent, l’argumentation iconique repose sur des réseaux d’inférences qui peuvent ou non être réactivés par l’interprétant.

Enfin, ces topoï peuvent être soutenus par des éléments iconiques qui font référence à d’autres images. Comme le souligne Lugrin, en citant G. Cornu :110

L’image publicitaire se présente souvent comme un complexe d’allusions : légendes, faits historiques, littérature, art, événements d’actualité, bribes de référence diverses qui peuvent aussi être empruntées à l’univers de la publicité elle-même. Toutes ces allusions iconiques doivent être

« parlantes », adaptées au destinataire, ce qui ne signifie pas qu’elles doivent être culturellement situées avec précision.

Comme pour le texte, l’image du message publicitaire est donc caractérisée par des relations interdiscursives.

108 Ibid., p. 196

Le terme « schème iconique » semble être propre à la terminologie développée par Adam et Bonhomme dans L’argumentation publicitaire, rhétorique de l’éloge et de la persuasion. En effet, ce terme n’est pas présent dans Linguistique & Sciences du langage de Jean Dubois, ni dans le Dictionnaire de la linguistique de Georges Mounin.

109 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, pp. 196-197

110 CORNU G. 1990 : Sémiologie de l’image dans la publicité, Paris, Les éditions d’Organisations, p. 50, cit. in

3.2. La réception argumentative de l’image publicitaire

Comme nous l’avons fait valoir précédemment, le genre discursif publicitaire enjoint à l’interprétant de « répondre » à l’annonce qui lui est faite. Par ailleurs, le modelage argumentatif oriente sa réponse en fournissant des propositions de lecture. Ainsi, le déchiffrage de l’image se fait par le biais de divers calculs interprétatifs.

Les calculs référentiels permettent d’identifier le sujet de l’image présentée à partir des questions : où ?, quand ?, qui ?, quoi?. Ils repèrent la situation spatio-temporelle de l’objet publicitaire, son positionnement commercial ainsi que ses propriétés objectives.

Dans le cadre de notre étude, l’objet de la publicité consiste en un acte qui n’a pas pour but d’établir une relation commerciale. Ainsi, les calculs référentiels visent, en l’espèce, à repérer la nature du matériau à recycler.

Les calculs topologiques naissent des questions suivantes : quels concepts sous-jacents et conventionnels l’image véhicule-t-elle ? Ils visent donc à réactiver les concepts ou les matrices thématiques projetés dans l’image.

Ces inférences se font de deux manières : par des analogies, tel « schème iconique » rappelle tel concept car l’image a la propriété de la chose représentée (les logos des services Inf-eau-déchets et Environnement-info rappellent le hérisson111) ; par indexation, tel « schème

iconique » est associé de manière conventionnelle à tel concept (la flèche circulaire symbolise le recyclage112).

Les calculs axiologiques sont déclenchés par la composante épidictique du discours, à partir des questions : qu’est-ce qui est beau/laid, bien/mal ? Adam et Bonhomme rattachent la rhétorique publicitaire aux genres discursifs de la rhétorique antique, le genre épidictique étant celui qui traite de l'éloge et du blâme113.

Ces calculs permettent d’identifier les éléments qui valorisent l'acte. La valorisation de

111 Voir corpus unilingue

112 Voir les corpus unilingue et bilingue (Igora, PET-Recycling et Vetroswiss)

113 ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, p. 89

ci peut se faire par une mise en scène euphorique ou dysphorique et selon plusieurs modalités évaluatives: esthétique, éthique, ludique, humoristique etc.

Les calculs enthymématiques ont trait à la composante délibérative du discours. Ils parachèvent les calculs précédents, car ils répondent à la question : quelle est la finalité de l’image publicitaire ? En effet, le genre délibératif vise à conseiller ce qui est utile et/ou à déconseiller ce qui est nuisible114. Il a donc trait au circuit commercial de la communication publicitaire. Dans le message publicitaire, toutefois, le conseil se mue en recommandation car seule l'alternative positive est retenue. De plus, l'acte directif, en l'occurrence «Triez vos déchets!», est la plupart du temps sous-entendu115.

Au niveau iconique, la part délibérative du message est assumée par la figure de l'enthymème.

A cet égard, Adam et Bonhomme apportent la précision suivante116 :

«[…] à la différence des enthymèmes textuels, circonscrits linguistiquement, les enthymèmes à base iconique se singularisent par leur nature diffuse et irradiante.

Trouvant dans l’image de simples points d’ancrage, ils dépendent quasi entièrement de la démarche interprétative du récepteur »

A cet égard, la présence de représentants-types permet de personnaliser la mineure du raisonnement enthymématique et correspond, en fait, à une deuxième mineure enchâssée. Ce procédé est caractéristique de l’image publicitaire117 :

MONSTRATION/PERCEPTION MONSTRATION/PERCEPTION

De représentants euphoriques dans le contexte du recyclage. D’un couple de jeunes adultes en train de (premier plan et arrière-plan) recycler leur papier(arrière-plan)

[Le tri est un geste simple, à la portée de tous]

[Or le public (dont vous) aime ce qui est et simple]

[Or vous être enclin à vous identifier visuellement et

euphoriquement à ces représentants] [Donc vous serez tenté de trier votre papier]

(voir éléments 14 et 15 du corpus unilingue)

114 Ibid., p. 89

115 Ibid., p. 207

116 Ibid., p. 198