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La différence majeure entre le corpus genevois et la campagne d’Igora se situe au niveau du signifiant iconique.

En effet, il se voit accorder dans celle-ci une importance mineure. Il est identique pour tous les éléments de la campagne et, de par son aspect schématique, s’apparente davantage à un logo. Aussi l’argumentation est-elle essentiellement développée sur le plan textuel.

A la différence de celles du corpus genevois, l’image n’occupe qu’un tiers de l’espace et ne crée pas d’effet de profondeur. La géométrie des figures représentées se caractérise par des lignes droites et les couleurs du signifiant iconique (gris et rouge) sont d’une tonalité froide.

Bien qu’elle porte également sur le recyclage, la campagne d’Igora met en œuvre une argumentation différente de celle observée dans le corpus genevois.

En effet, elle ne traite pas des modalités pratiques du recyclage: elle est indirecte et synthétique. Si son message aborde la manière dont les membres de la coopérative Igora recyclent l’aluminium, c’est en recourant à des jeux de mots :

Nous recyclons l’alu à plein tube ! (voir élément 7, version FR)

Nous recyclons l’alu à fond les canettes ! (voir élément 8, version FR) De même, lorsqu’elle traite des avantages économiques du recyclage, la campagne d’Igora ne donne pas d’informations factuelles, mais utilise une métaphore qui fait allusion à l'alchimie :

Collecter de l’alu vaut de l’or (voir élément 2, version FR)

En outre, aucun élément de la campagne ne comporte de descriptions qui procèdent par aspectualisation, à savoir par la mise en évidence des propriétés de l’objet de la description.

Au niveau délibératif, ni le signifiant iconique ni le signifiant textuel ne véhicule l’idée que le recyclage est un geste simple, à la portée de tous.

Sur le plan iconique, il est frappant de constater l’absence de représentants humains.

En effet, les récepteurs, en s’identifiant à des représentants-types euphoriques179, assimilent le

179ADAM J.-M., BONHOMME M., op. cit., 2007, pp. 209-210

bonheur de ces derniers au fait de recycler leurs déchets. Aussi pouvons-nous en déduire que la finalité pratique du message est plus implicite dans la campagne d’Igora que dans les éléments du corpus genevois.

Au niveau référentiel, il est difficile d’identifier l’empreinte du destinataire. Cependant, le graphisme épuré, la texture métallisée de l’arrière-fond ainsi que le ton général de la campagne suggèrent qu’elle s’adresse à un public jeune et urbain.

Aux niveaux topologique et axiologique, le corpus d’Igora met en œuvre une argumentation fondée principalement sur l’éthique. En effet, il ressort de la phrase d’assise que le recyclage de l’aluminium relève de l’engagement citoyen :

Votre parti pris : 100% de l’alu recyclé. (voir éléments 2, 4, 6, 7 et 8, versions FR) Notre parti pris : 100% de l’alu recyclé. (voir éléments 3 et 5, versions FR) Cette interprétation est confirmée par le signifiant iconique : une croix suisse (en aluminium) sur fond rouge, allusion au drapeau suisse.

Les concepteurs ont axé la campagne sur l’engagement des citoyens suisses en faveur de l’environnement, car ils estiment que le public, d’une part, est sensible à la notion de citoyenneté et, d’autre part, se préoccupe du respect de l’environnement en Suisse. Nous en concluons donc que la campagne d’Igora s’adresse en premier lieu aux citoyens suisses. Or, les éléments du corpus genevois délimitent le public d’accueil en terme d’âge (trentenaire) et de catégorie socio-économique (couple sans enfants) mais non sur la base de la citoyenneté.

Sur le plan iconique, aucun des topoï récurrents dans le corpus genevois ne sont présents. De plus, la campagne d’Igora ne contient pas d’indices de valorisation d’ordre esthétique.

Au niveau du dialogisme, seul un élément contient un acte initiatif de dialogue. En l’occurrence, il s’agit d’un acte directif correspondant à la matrice impératif à la 2ème personne du pluriel :

Chers footballeurs, shootez l’alu dans le container de collecte ! (voir élément 4, version FR)

Or, dans le corpus genevois, lorsqu'un acte directif se situe au niveau de l’accroche, il correspond le plus souvent à la matrice impératif à la 1ère personne du pluriel.

Par ailleurs, dans le corpus genevois, l’acte directif correspondant à la matrice impératif à la 2ème personne du pluriel est essentiellement utilisé au niveau de la phrase d’assise, ce qui n’est pas le cas dans la campagne d’Igora.

De plus, nous relevons la présence d’un élément relatif à la troisième personne du singulier : le déterminant possessif « son » :

Recycler son tube de moutarde, trop fort ! (voir élément 6, version FR) Or, la troisième personne, appelée « non-personne »180 d’après la théorie de E. Benveniste, n’est utilisée dans aucun des éléments du corpus genevois.

En outre, sur le plan de l’interdiscours, il est intéressant de noter qu’aucun des éléments de la campagne n’exploite de formes d’intertextualité textuelle ni de discours rapportés.

La figure de l’enthymème n’est pas utilisée. De plus, la phrase d’assise n’est pas le lieu d’un jeu sur la phonie comme c’est le cas dans le corpus genevois.

2. La campagne PET-Recycling (voir annexe 4, p. 155)

Il est frappant de constater que l’argumentation mise en œuvre dans la campagne de PET-Recycling est de type énigmatique.

En effet, l’image représente un objet (un parapente, une tente, un canapé, etc.) avec un trou en forme de bouteille. L’accroche cultive le mystère en donnant toutefois un indice :

Rapportez vos bouteilles en PET, sinon elles manqueront ailleurs.

Le lecteur en déduit qu’il doit rapporter ses bouteilles en PET s’il veut éviter de voir ses effets (T-shirt, sac à dos, bouteille, etc.) troués. Enfin, la clé de l’énigme est révélée au niveau du rédactionnel :

180 MAINGUENEAU D., op. cit., 2007, p. 84

Les bouteilles en PET vides servent non seulement à faire de nouvelles bouteilles, mais aussi des textiles de qualité, par ex. des parapentes. Le PET se recycle écologiquement et peut être valorisé à 100 pour cent. Rapportez donc vos bouteilles en PET au point de collecte.

www.petrecycling.ch

Cependant, la typographie et la disposition du rédactionnel n’en facilitent pas la lecture. En effet, il est écrit en petits caractères et figure dans l’angle inférieur gauche de l’affiche.

De plus, l’accroche n’est en réalité que la conclusion de la séquence argumentative

développée au niveau du rédactionnel. Aussi l’argumentation suit-elle un ordre régressif et exige-t-elle du lecteur qu’il lise l’explication fournie en bas d’affiche. A nouveau, ce procédé ne facilite pas la lecture du message publicitaire et n’est présent que dans 1/5 du corpus genevois.

Or, cette campagne, diffusée dans les bus TPG, est destinée à être davantage vue que lue.

Aussi un message dont l'énigme trouve sa résolution dans le rédactionnel n'est-il pas

approprié à ce type de diffusion, d'autant plus si le texte est écrit en caractères trop petits pour pouvoir être lus de loin. A l’inverse, nous avons constaté que le corpus genevois favorise le slogan au détriment du rédactionnel.

Au niveau délibératif, la campagne de PET-Recycling, tout comme celle d’Igora, ne vise pas à faire valoir que le recyclage est un geste simple, à la portée de tous. En effet, cette campagne ne traite pas directement des modalités pratiques du recyclage : les affiches font figurer l’objet à recycler de manière conceptuelle (un trou en forme de bouteille en PET) et n'indiquent pas où il convient de le jeter. En revanche, le campagne de PET-Recycling aborde les potentialités du recyclage du PET : créer de nouvelles matières.

En outre, bien que l’ensemble de la campagne fasse figurer des représentants humains, soit ceux-ci sont photographiés de dos, soit il n’apparaît q’une partie de leur corps. En réalité, c’est la bouteille en PET qui occupe le devant de la scène et les représentants humains n’ont qu’un rôle de figurant.

En d’autres termes, leur présence ne contribue pas à montrer au récepteur comment,

concrètement, recycler les bouteilles en PET.

Aussi, comme dans la campagne d’Igora, à un degré moindre cependant, pouvons-nous affirmer que la finalité pratique du message publicitaire est davantage sous-entendue que dans le corpus genevois.

Des affiches nous pouvons déduire l’influence du destinataire, qui semble être un adulte dans la trentaine. Cependant, à la différence du corpus genevois, nous relevons une prédominance des représentants masculins. En effet, seul un des éléments de la campagne met en scène un représentant féminin de manière évidente181.

Aux niveaux topologique et axiologique, le rédactionnel met en évidence les avantages économique et environnemental du recyclage. En effet, le rédactionnel précise que:

Le PET se recycle écologiquement et peut être valorisé à 100 pour cent.

Par ailleurs, l'argumentation de la phrase d’assise est fondée sur un critère essentiellement économique:

Chaque bouteille compte !

En effet, ce slogan fait référence à l'expressions figée suivante: « Chaque centime compte ! ».

Dans une moindre mesure toutefois, elle fait aussi référence à l'expression: « Chaque voix compte! »182.

Sur le plan iconique, le concept de protection ainsi que la figure socioculturelle des

« bourgeois bohème », topoï récurrents dans le corpus genevois, ne sont pas présents.

Au niveau axiologique, cette campagne n’utilise pas d’indices de valorisation d’ordre esthétique.

Sur le plan textuel, la campagne de PET-Recycling n’utilise pas l’enthymème et ne recourt pas aux libertés syntaxiques. Enfin, son slogan ne joue pas sur un effet phonique.

181 Voir corpus Igora, élément 5

182 En effet, pour l'expression: « Chaque centime compte !», on recense dans Google 50 500 occurrences alors que, pour l'expression: « Chaque voix compte !», on en dénombre seulement 8 300.