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Article pp.303-308 du Vol.1 n°2 (2003)

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Partenariat et mission universitaire au Québec

Une lecture française de l’avis du Conseil supérieur

de l’éducation au ministre de l’Éducation, mai 2002, Québec

Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec n’est pas un nouveau venu dans le paysage éducatif québécois puisqu’il est né après la Seconde Guerre mondiale.

Première source d’étonnement pour un citoyen d’un vieux pays comme la France qui a connu vingt constitutions, un nombre incommensurable de conseils en tout genre, hauts ou moins hauts, de comités en nombre plus considérable encore, il existe dans ce continent neuf une institution vieille d’un demi-siècle qui se targue d’émettre en 2002 son 507e avis. Il est cette fois-ci question [des] universités à l’heure du partenariat. Cet avis au ministre de l’Éducation et aux décideurs de ce que l’on ne nomme pas de ce côté-ci de l’Atlantique le « système éducatif » est publié sur le web en deux versions, une version intégrale de 125 pages annexes comprises et une version abrégée de 26 pages.

Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec est composé de 22 membres nommés, spécialistes de l’éducation, enseignants ou responsables des niveaux primaire, secondaire, collégial ou universitaire. Le sous-ministre de l’Éducation en est membre d’office. Le Conseil a confié la préparation de cet avis à sa Commission de l’enseignement et de la recherche universitaires dont un seul membre fait également partie du CSE. Caractéristique importante du fonctionnement du Conseil supérieur de l’éducation, il a la possibilité de s’auto-saisir des questions qu’il traite et publie ses avis sous forme de recommandations principalement à l’adresse du ministre de l’Éducation1. Pour prendre des exemples familiers aux Français, le Conseil supérieur de l’éducation du Québec se rapproche d’une autorité administrative indépendante de type CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) ou CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), dans le champ de l’éducation, c’est-à-dire un organisme autonome ne dépendant pas de l’administration tout en exerçant certaines de ses prérogatives2. C’est un trait

1. Détail du « mandat » du Conseil supérieur de l’éducation : http://www.cse.gouv.qc.ca/f/org/mandat.htm

2. La concordance n’est pas absolue puisque le Conseil supérieur de l’éducation, à la différence d’une autorité administrative indépendante en France, dispose du droit d’émettre des recommandations mais pas de prendre des sanctions ; il ne dispose pas non plus du pouvoir réglementaire ; il est en revanche indépendant du secteur éducatif et des pouvoirs publics.

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important à souligner car il n’existe pas de structure équivalente en France dans ce domaine : ni le CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) composé de membres élus appelés à donner un avis consultatif sur les projets ministériels, ni le CNE (Conseil national de l’évaluation)3 qui a une mission d’évaluation des établissements d’enseignement supérieur ne peuvent être présentés comme des équivalents français. Quant au Conseil économique et social, il peut conduire des études approfondies sur une question d’éducation (cf. le rapport Barbarant sur l’enseignement à distance4) mais a un périmètre de compétences beaucoup plus général, tout en étant très méconnu des Français. Malgré quelques rapports sur l’enseignement, il n’est pas un acteur majeur de ce secteur.

Le Conseil supérieur de l’éducation s’était déjà saisi de la question du partenariat en 1995 dans le secteur de la formation des adultes. Cette fois-ci, il aborde la question beaucoup plus globalement. Il est en effet question ici des effets du partenariat, pris dans un sens très large, sur le devenir des universités : « Cet avis fournit un éclairage original des travaux sur l’innovation technologique et sociale où le partenariat est considéré comme un moyen privilégié. » (p. 1). Il y est donc question à la fois de partenariat en recherche et en formation mais, de l’avis même des auteurs, c’est surtout le volet recherche, où les partenariats sont plus anciens et plus développés qui sert de fil conducteur à l’ensemble de l’avis.

Ce qu’il importe de souligner, c’est que l’avis du Conseil adopte un point de vue mais aussi une démarche universitaire sur la question. Il y a là une grande différence avec la pratique française des rapports commandés par les ministres à d’éminentes personnalités, qui composent à leur gré leur Conseil éphémère, rédigent et rendent leur rapport généralement au cours d’une conférence de presse avec le commanditaire. Les propositions faites sont ensuite traduites, dans le meilleur des cas, en termes réglementaires ou mieux législatifs5. Ces auteurs peuvent être et sont souvent des universitaires de renom mais la démarche suivie n’est pas à proprement parler universitaire et le résultat final est rarement présenté comme le fruit d’un travail collectif : le rapport ou la commission qui l’a produit portent d’ailleurs le nom de la personnalité désignée.

Comme il est souligné en introduction, la réflexion du Conseil s’enracine dans ses avis antérieurs. C’est ainsi qu’il insiste, en premier lieu, sur la nécessité de se centrer sur la mission universitaire définie par la formation supérieure des Québécoises et des Québécois, l’avancement et la diffusion des connaissances ainsi que la fonction critique, ces trois fonctions reposant principalement sur les activités

3. Le CNESER et le CNE ont été créés par la loi du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, dite « Loi Savary » ; le CNE est devenue une autorité administrative indépendante en 1989.

4. Barbarant J.-C., Enseignement à distance : réalités, enjeux et perspectives. Paris : Avis et rapports du Conseil économique et social, année 1997, n° 20,

http://www.conseil-economique-et-social.fr/

5. Il peut également arriver que cette heureuse conclusion précède la remise dudit rapport…

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d’enseignement, de recherche ou de création, de services à la collectivité. En France, la « Loi Savary » parle des « missions du service public de l’enseignement supérieur », au nombre de quatre : la formation initiale et continue, la recherche scientifique et technologique ainsi que la valorisation des résultats, la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique, la coopération internationale6.

La démarche universitaire se retrouve à la fois dans la méthodologie employée et dans la forme retenue pour exposer l’avis du Conseil. La question au centre de l’avis : le partenariat transforme-t-il la mission universitaire telle qu’elle est définie au Québec ? n’est pas de pure forme. Elle fait effectivement l’objet d’un véritable questionnement. Les faits et les chiffres, les arguments des uns et des autres sont analysés et discutés pour aboutir à des conclusions nuancées. Le Conseil a souhaité privilégier une approche empirique des effets du partenariat sur le milieu universitaire, au-delà des déclarations de tel ou tel groupe professionnel ou syndical.

Il s’est appuyé sur des données publiées, reproduites en annexe, en a amassées d’autres lors de plusieurs colloques et a choisi de centrer les 83 consultations réalisées sur les pratiques partenariales en donnant la parole aux personnes qui y sont engagées dans le milieu universitaire. La méthodologie employée pour ces consultations, à base de tables rondes et de questionnaires pour les professeurs et les étudiants, est largement décrite dans les annexes de l’avis.

Dans une première partie, le Conseil présente les perspectives de développement du partenariat en milieu universitaire en insistant sur la convergence de plusieurs facteurs. Des activités partenariales se développent dans tous les domaines d’études selon des formes variées allant des activités les plus traditionnelles (contrats de recherche par exemple) aux plus nouvelles (activités de transfert ou création d’une technopole) mais le Conseil souligne qu’il n’est pas en mesure, en l’état actuel des connaissances, de fournir une typologie des activités partenariales à l’université. Les formes de partenariat concernant le multimédia ou la formation à distance ne sont mentionnées qu’incidemment. Le Conseil souligne que les volontés gouvernementales sont résolument tournées vers l’innovation conçue comme l’aboutissement du processus qui conduit de la découverte scientifique à son utilisation, l’innovation pouvant être technique mais aussi sociale. Or, dans ces politiques publiques, la multiplication des partenariats avec les universités est conçue comme un moyen privilégié d’accélération de l’innovation. Le Conseil souligne également les orientations des organismes dits subventionnaires7 favorables au partenariat ainsi que la création récente d’organismes dits périphériques voués au transfert des connaissances : centres collégiaux de transfert de technologie, centres de liaison et de transfert, sociétés de valorisation, consortiums et instituts. Les institutions et le vocabulaire diffèrent un peu en France mais les présupposés et les

6. Il semble que la fonction critique des universités québécoises, impliquant des services à la collectivité, aille plus loin que la mission vulgarisatrice assignée aux universités françaises.

7. FQRSC : Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, FCAR : Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche, FQRNT : Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies.

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tendances sont les mêmes : cf. la loi sur l’innovation du 12 juillet 1999 qui a, entre autres, facilité les collaborations entre les personnels de recherche et les entreprises, créé les Services d’activités industrielles et commerciales (SAIC)8 et les incubateurs dans les universités.

Le Conseil analyse ensuite les inquiétudes qui ne manquent pas de s’exprimer face à cette croissance des activités partenariales en milieu universitaire. Il est vrai que ces inquiétudes ont été largement alimentées par la tentative du Conseil consultatif des sciences et de la technologie du Canada d’ajouter un 4e volet à la mission universitaire en 1999, volet intitulé « commercialisation de la recherche ».

Le Conseil n’élude pas les tensions qui se font jour dans l’université et essaie d’en faire une typologie : il retient l’existence de tensions autour de la commercialisation de la recherche universitaire, de la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’innovation, des formes de recherche, de la collaboration entre les universités et le milieu industriel, autour des ressources universitaires, des valeurs qui fondent l’université, de l’encadrement du partenariat à l’échelle de l’établissement. La question du financement est au cœur des inquiétudes exprimées, le contexte de baisse du financement public des universités québécoises depuis plusieurs années les alimentant largement mais les points de vue peuvent varier.

Ainsi, les associations syndicales craignent que la commercialisation de la recherche ne soit la voie empruntée pour pallier l’insuffisance des fonds publics ; à l’inverse, les administrateurs universitaires s’inquiètent plutôt du fait que la rareté des ressources consacrées à l’université y freine le développement du partenariat. Le Conseil insiste également sur les difficultés de la gestion de la propriété intellectuelle dans de nombreux partenariats, parle de « dérives possibles », notamment un risque de déclin de la recherche fondamentale au bénéfice de la recherche appliquée et fait état d’interrogations des associations syndicales et des médias sur l’intégrité scientifique de certains travaux réalisés en partenariat. Le Conseil prend note de ces opinions et de ces inquiétudes et se propose de pousser plus loin l’investigation et de voir si le partenariat transforme ou non la mission universitaire.

Pour ce faire, le Conseil s’engage dans une vérification empirique reposant sur les travaux existants et les consultations menées dans le cadre de cet avis. Les études recensées n’abordent malheureusement que la production et la diffusion des connaissances ; s’agissant du partenariat dans le domaine de la formation, il faut se contenter de quelques témoignages… Le Conseil insiste sur la méthodologie et tient à souligner que « c’est au terme de ses consultations seulement que le Conseil a pu

8. Les SAIC sont des nouveaux services communs de l’université destinés à accueillir l’ensemble des activités commerciales de l’établissement, notamment les contrats de recherche, à l’exclusion de la formation continue. Ils sont en expérimentation depuis 2001 dans plusieurs universités.

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opter pour une définition9 du concept de partenariat en milieu universitaire ». Ces données permettent au Conseil de nuancer certaines affirmations et d’aller « à l’encontre des idées reçues ». Ainsi, les professeurs sont souvent à l’initiative de la création du partenariat, les décisions d’établir un accord de partenariat sont diverses et pas uniquement financières, les projets de partenariat adoptent souvent des mécanismes de gestion formalisés. S’agissant des effets du partenariat sur le développement des activités universitaires, les retombées positives s’observent davantage du côté de la formation des étudiants de deuxième et de troisième cycle que de premier cycle. Elles sont également tangibles sur le développement de la recherche et la renommée scientifique du professeur y gagne. Néanmoins, certaines limites apparaissent clairement notamment la limitation indue de la diffusion des résultats imposée par certaines entreprises. Pas au point, selon le Conseil, d’accorder crédit aux auteurs défendant un modèle théorique selon lequel le partenariat transforme les paradigmes de recherche et les modalités de sa réalisation dans les universités. Dans un chapitre fort intéressant, le Conseil traite ensuite de la dimension institutionnelle du partenariat, cherchant à examiner comment la rationalité des acteurs est située dans un ensemble plus grand, l’université. Or, l’insertion de ces projets dans les établissements est très variable et il est généralement du seul ressort du professeur de veiller au respect de la mission universitaire. Le fait-il dans la réalité ? Le Conseil admet qu’il ne peut répondre. La méthode de l’entretien avec les personnes impliquées a des limites puisqu’elles reconnaissent rarement qu’elles puissent éventuellement faillir sur ce point pourtant essentiel.

Les conclusions de la phase d’analyse sont néanmoins optimistes : le Conseil note que les inquiétudes soulevées ne résistent pas à une analyse empirique mais que les tensions qui se développent au sein du corps professoral doivent cependant être prises au sérieux. Il en résulte une prise de position claire en faveur du développement du partenariat sous toutes ses formes, assortie de recommandations empruntant à la métaphore des phares et balises10, véritable manuel de navigation des universités dans les eaux partenariales…

Ces recommandations sont regroupées autour de cinq orientations :

– la mission universitaire doit demeurer « le phare qui guide » l’ensemble des activités en partenariat ;

– le partenariat doit soutenir la formation des étudiants de tous les cycles d’études ;

– les mesures de financement prévues doivent être mises en œuvre sans délai ;

9. Définition retenue par le Conseil : action commune orientée vers l’atteinte d’un résultat, impliquant au moins deux parties, dont l’une est issue d’un milieu autre que l’université, qui interagissent selon les modalités d’une entente négociée régissant leur démarche.

10. Cf. Les balises de l’engagement des universités dans le partenariat (p. 72) ; les projets en partenariat devraient être orientés par les fonctions dans la société, les valeurs des universités, les activités et les pratiques universitaires et la faisabilité du projet en partenariat.

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– la gestion des activités partenariales et le soutien institutionnel des professeurs doivent être renforcés ;

– la réflexion sur les pratiques et les conséquences de leur développement sur la mission universitaire doit se poursuivre.

Ces recommandations s’adressent aussi bien au ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, aux administrateurs universitaires, aux professeurs, aux directeurs de programmes et d’unités d’enseignement et de recherche, aux entreprises, au Comité permanent des présidents-directeurs généraux des fonds de recherche du Québec, etc. Il va même jusqu’à presser le ministre d’appliquer la mesure prévue sur l’allocation des frais indirects de recherche pour un montant équivalent à 40 % des fonds de recherche ! On voit mal un Conseil en France interpeller un ministre de la sorte…

En conclusion, l’avis du Conseil supérieur de l’éducation apparaît comme le fruit d’un vrai travail universitaire, avec une méthodologie et des sources clairement exposées. Les analyses sont nuancées et la réaffirmation de la mission universitaire telle qu’on l’entend au Québec fort bienvenue. Sur ce sujet controversé, l’avis débouche sur une série de recommandations équilibrées à destination de tous les acteurs concernés, ministre compris, pressé de ne pas surseoir à ses obligations financières en matière de recherche. Là réside justement une des limites de cet avis : l’essentiel du travail porte sur les partenariats de recherche ; d’autres formes de partenariats, moins développés peut-être, portant davantage sur la formation, auraient gagné à y trouver une plus grande place. Il est difficile, vu de France, de se prononcer sur la portée réelle de telles recommandations apparemment fort attendues. Quoi qu’il en soit, la dernière originalité de cet avis est bien la conscience de ses limites : la nécessité de poursuivre la réflexion y est clairement affirmée et les chercheurs y sont exhortés à poursuivre les recherches sur les retombées du partenariat…

Laurent Petit Université Paris 6, Paris Laurent.petit@admp6.jussieu.fr

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