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Thèse de doctorat/ PhD Thesis Citation APA:
Milaire, J. (1963). Etude morphologique et cytochimique du développement des membres chez la souris et chez la taupe (Unpublished doctoral dissertation). Université libre de Bruxelles, Faculté de Médecine – Médecine, Bruxelles.
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EXTRAIT
^ARCHIVES DE BIOLOGIE
A. S. B. L.
FONDÉES PAR
Ed. VAN BENEDEN et Ch. VAN BAMBEKE
Publiées avec le concours du GOUVERNEMENT BELGE
et de la
FONDATION UNIVERSITAIRE DE BELGIQUE
COMITÉ DE RÉDACTION
M. CHÈVREMONT (Liège), A. DALGQ (Bruxelles) J. FAUTREZ (Gand), P. GÉRARD (Bruxelles)
E. VAN CAMPENHOUT (Louvain)
Tome LXXIV. — Fascicule 2
Etude morphologique et cytochimique
du Développement des Membres chez la Souris
et chez la Taupe.
PAU
J. MILAIRE
{Laboratoire d'Anatomie et d'Embryologie humaines de t'Universilé de Bruxelles) (Planches VIII, IX, X et XI et 15 figures dans le texte!
THESES ACCESSOIRES
1, Le bourgeonnement et l'arborisation des bronches s'effectuent
sous l'influence d'une induction exercée par le mésoblaste
splanchnopleural.
2, Dans l'espèce humaine, le nombre de blocs de chromatine
sexuelle est inférieur d'une unité au nombre de chromo
somes X.
Étude morphologique et cytochimique
du Développement des Membres chez la Souris
et chez la Taupe.
PAR
J. MILAIRE
(Laboratoire d'Anatomie et d'Embryologie humaines de l’Université de Bruxelles) (Planches VIII, IX, X et XI et 15 figures clans le texte!
DIVISION DU TRAVAII.
Pages
I. — Introduction... 131
1. Les données expérimentales ... 134
2. Les aspects structuraux et cytochimiques du c’éveloppement normal des membres... 137
3. Ouelques aspects descriptifs des déviations congénitales de la morpho-génèse... 142
II. — Matériel et sériation des stades ... 145
III. —■ Méthodes ... 151
1. Fixation et techniques cytochimiques... 151
2. Orientation des coupes... 153
IV. —■ Observations personnelles ... 154
Section A. — Prodromes cytochimiques des bourgeons de membres .. . 154
Section B. —• Evolution morphologique et cytochimique des bourgeons avant toute différenciation ... 156
Sous-section 1 : La prolifération pariétopleurale et la constitution du jeune renflement ... 158
Sous-section 2 : L’accentuation des asymétries dorso-ventrales pendant la croissance initiale du bourgeon... 165
Sous-section 3 : Nouvelles asymétries céphalo-caudales. Individuali sation de l’autopode ... 171
a) Le mésoblaste... 173
b) L’épiblaste... 180
Sous-section 4 ; La morphogénèse de i’autopode... 184
130 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS b) Evolution du mésoblaste et de TépiWaste dans les régions
dorsa'e et ventrale de la palette... 205
c) Résumé ... 213
Section C. —• Individualisation et différenciation des ébauches méso blastiques ... 215
Sous-section 1 : Différenciation et régionalisation du squelette 216 a) Evolution cytochimique des blastèmes précartilagineux . . 216
b) Formation du squelette appendiculaire ... 221
Stade V... 221
Stade VI... 222
Stade VII... 224
Stade VIII ... 225
Stade IX ... 226
c) Les régions articulaires et interosseuses ... 228
Sous-section 2 : La formation des muscles et des tendons... 230
a) Modalités générales de l’individualisation des muscles et des tendons ... 230
b) Formation du dispositif musculo-tendineux du membre postérieur chez la Souris ... 233
1“ La couche myogène ventrale ... 234
2“ La couche myogène dorsale ... 23jfî Sous-section 3 : La formation de quelques structures conjonctives 241 V. •—■ Synthèse et discussion des résultats... 243
1. Les activités de la morphogénèse primordiale précédant toute différenciation... 245
a) L’individualisation des bourgeons ... 246
b) La phase d’accroissement uniforme des bourgeons. Signification des asymétries céphalo-caudales ... 251
c) La morphogénèse de l’autopode et la régionalisation primitive du mésoblaste chondrogène et myogène... 257
1“ L’individualisation du squelette du stylopode et du zeugopode ... 260
2“ La morphogénèse du basipode et du métapode .... 263
3“ La morphogénèse de l’acropode... 271
4“ La première individualisation du mésoblaste myogène 273 d) Les manifestations cytochimiques des interactions inductrices entre l’épiblaste et le mésoblaste ... 276
1“ Les aspects cytochimiques de l’induction épiblastique 276 2“ Les dégénérescences cellulaires morphogénétiques .... 279
2. La différenciation des dérivés du mésoblaste... 282
a) La chondrification ... 283
b) La formation du périchondre ... 287
c) Les premières manifestations de l’ossification enchondrale ... 288
d) La formation des muscles et des tendons... 289
e) Les différenciations conjonctives ... 291
Résumé... 294
SUMMAHY ... 297
Travaux cités ... 300
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 131
Sommaire. — Neuf stades successifs du développement des
membres ont fait l’objet, chez la Souris et chez la Taupe, d’une
étude morphologique et cytochimique. Conformément aux données
qui ont été établies expérimentalement chez l’Oiseau et l’Amphibien,
la morphogénèse primordiale des membres comporte chez le Mammi
fère une série d’interactions s’exerçant entre le mésoblaste et son
revêtement d’épiblasle. Toutefois, alors que la cape apicale est la
seule structure épiblaslique dont le rôle morphogène ait été démontré
par l’expérimentation, la totalité du feuillet superficiel paraît
impliquée chez les deux espèces étudiées. La cape apicale des
Mammifères assure, dans le sens proximo-distal, la croissance
et la régionalisation du mésoblaste chondrogène. Pendant la déter
mination des segments proximaux, elle reste cependant morpho
logiquement indifférenciée et se distingue seulement par son
chimisme plus actif. Elle acquiert ensuite sa conformation typique
lors de la genèse de l’autopode et manifeste à ce moment une activité
décroissant dans le sens caudo-céphalique et qui retentit sur la
formation des précartilages du métapode. Elle subit enfin un
morcellement fonctionnel responsable de la croissance de l’acro-
pode et de l’involution du mésoblaste interdigital. L’épiblaste
qui revêt les faces dorsale et ventrale des bourgeons paraît d’autre
part influencer la croissance et l’individualisation du mésoblaste
à destinée non-squelettique. Les variations cytochimiques qui
accompagnent la cytodifférenciation des dérivés du mésoblaste
ont facilité l’étude des processus de chondrification et d’ossification
enchondrale ; elles ont également permis de préciser l’origine et
l’organogénèse du périchondre, des muscles, des tendons et de
certaines structures conjonctives. Dans chaque territoire segmen
taire, ces différenciations succèdent aux activités morphogénétiques
et, comme celles-ci, elles progressent d’un segment à l’autre dans
le sens proximo-distal, sauf pour la chondrification du basipode.
I. — INTRODUCTION
132 J. MILAIRE --- CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
constituants primordiaux forment un système dont la faculté
d’autodifîérenciation a été reconnue expérimentalement chez
l’Amphibien par
Harrison(1918) et chez l’Oiseau par
Hamburger
(1938). Pourvu que des connections vasculaires satis
repé-DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPe) 133
râbles tels que l’acide ribonucléique, le glycogène, certains
mucopolysaccharides, la phosphatase alcaline et, dans une
moindre mesure, la phosphatase acide a permis de surprendre
quelques aspects du métabolisme intrinsèque des ébauches et
d’apprécier leurs variations régionales et chronologiques^ au
cours du développement. Certaines de ces modifications caracté
risent les activités prolifératives du mésoblaste, d’autres semblent
refléter les propriétés inductrices de l’épiblaste, d’autres encore
accompagnent la différenciation des dérivés mésoblastiques.
Dans leur ensemble, les données recueillies jusqu’ici ont montré
que la formation des membres relève, chez les Mammifères,
de mécanismes sensiblement analogues à ceux qui ont été
par ailleurs dégagés expérimentalement chez l’Amphibien et
l’Oiseau. Toutefois, les territoires du feuillet superficiel qui
semblent exercer une influence morphogène sur le mésoblaste
dépassent largement les limites du secteur marginal. L’étude
cytochimique est en outre capable de fournir de nouvelles données
relatives à l’origine des muscles, des tendons et d’autres parties
molles. Elle peut ainsi compléter les notions expérimentales
puisque celles-ci éclairent surtout la formation du squelette.
De plus, la présente étude va être menée parallèlement chez
un Rongeur, la Souris, et chez un Insectivore, la Taupe, compa
raison qui favorisera la mise en évidence des constantes structu
rales et métaboliques de la morphogénèse des membres. L’établis
sement de ces normes facilitera ainsi l’analyse de certaines
déviations congénitales du développement des membres. On
dispose en effet chez la Souris d’un certain nombre de souches
ayant subi de telles mutations, soit spontanément, soit de façon
provoquée. L’étude cytochimique récente d’un cas d’oligo-
syndactylie
(Milaire,19626) a déjà montré l’intérêt que présente
cette nouvelle orientation des recherches. Elles n’éclairent pas
seulement le mécanisme et la nature des déviations génétiques
mais contribuent aussi, par contre-coup, à la compréhension
de la morphogénèse normale.
cyto-134 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
chimiques et même génétiques. Afin d’éviter toute équivoque
dans la compréhension du texte, nous préciserons tout d’abord
quelques points de nomenclature. Les termes siylopode, zeugopode
et aulopode ont été utilisés pour désigner les segments du membre
qui correspondent respectivement à l’humérus ou au fémur,
au complexe radius-cubitus ou tibia-péroné et au squelette
de la main ou du pied. L’autopode lui-même peut être subdivisé
en basipode (carpe ou tarse), métapode (métacarpe ou métatarse)
et acropode (doigts ou orteils). Les termes préaxial et postaxial
qualifient les régions du bourgeon de membre qui sont respective
ment crâniales ou caudales par rapport à un plan dorso-ventral
mené par l’axe de l’appendice.
1. — Les données expérimentales
Les résultats de l’expérimentation ont été récemment retracés
et attentivement commentés par
Zwilling (1961).Nous nous
bornerons donc à rappeler les faits essentiels sans nous étendre
sur la nature des opérations délicates qui ont permis de les
établir. Tous les résultats dont il va être question ont été obtenus
chez le Poulet ; lorsque certains d’entre eux concerneront
également les Amphibiens, le nom de l’espèce utilisée sera
indiqué avec la mention bibliographique.
Certaines propriétés caractéristiques des membres telles que
leurs relations de symétrie, s’établissent précocement au sein
du mésoblaste présomptif
(Harrison, 1918,Ambysloma puncta-
lum ;
Detwiler, 1933,Ambysloma punclalum ;
Chaube, 1959).Avant de proliférer en un bourgeon, ce même mésoblaste est
déjà capable de former un membre lorsqu’il est transplanté
sous l’ectoblaste en position hétérotopique (K
iény,
1959).DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 135
l’épiblaste s’épaissit et acquiert la conformation de la cape
apicale. Cette induction peut, à des stades jeunes, agir sur des
territoires épiblastiques qui ne sont normalement pas destinés
aux membres
(Kiény,1960). Aussitôt formée, la cape apicale
exerce à son tour vis-à-vis du mésoblaste une influence inductrice
contrôlant sa croissance et assurant la régionalisation successive,
dans le sens proximo-distal, des territoires réservés aux divers
segments squelettiques de l’appendice
(Saunders,1948 ;
ZwiLLiNG,1955 ;
Hampe,1957 ;
Tschumi,1955, 1956 et 1957,
Xenopus Laevis). A l’exception du territoire de la ceinture dont
la détermination ne semble pas nécessiter l’intervention de
l’épiblaste, les matériaux du stylopode, du zeugopode et de
l’autopode évoluent de proche en proche au contact et sous
l’influence de la cape apicale ; dans chaque cas, les axes de pola
rité du futur squelette y sont précocement établis. Toutefois,
la destinée des divers territoires, que l’on peut repérer par des
marques de carbone ou d’un colorant vital, n’est pas immédiate
ment fixée. Par exemple, lorsque le mésoblaste normalement
réservé au stylopode est mis en présence d’une cape apicale
prélevée au moment de l’induction du segment terminal, ce
mésoblaste peut être induit à participer à la formation d’un
autopode
(Saunders, Cairnset
Gasseling,1957). Il est
d’ailleurs à noter que l’origine des matériaux qui s’individualisent
successivement à l’apex du jeune bourgeon n’a pas encore été
formellement élucidée. La plupart des auteurs considèrent qu’ils
procèdent de la croissance des régions les plus distales des terri
toires proximaux qui se sont individualisés avant eux. Certains
résultats obtenus récemment par
Hampé(1960a) suggèrent en
revanche que le mésoblaste qui se différencie à l’apex s’élabore
dans la racine du bourgeon et migre ensuite distalement d’une
façon que l’auteur n’a pas pu préciser.
136 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
nelle et morphologique de la cape apicale dépend à chaque
instant d’une influence exercée par le mésoblaste, qualifiée par
ZwiLLiNG (19566)de « facteur mésoblastique de maintien »,
dont l’effet prédomine dans la région postaxiale du bourgeon.
Déjà soupçonnée par
Zwilling (1956a)au cours d’expériences
visant à modifier les relations normales de l’épiblaste et du
mésoblaste, l’existence d’un tel facteur fut ensuite démontrée
par divers auteurs qui, après avoir modifié les relations spatiales
de l’extrémité distale du bourgeon et du moignon proximal,
ont vu se développer un autopode symétriquement dédoublé
(Saunders, Gasselinget
Gfeller, 1958;
Saunders, Gasse- LiNGet
Bertizal, 1959;
Amprinoet
Camosso, 1958,a et b,
1959).Ces deux groupes d’auteurs interprètent différemment les résul
tats qu’ils ont obtenus. Pour
Saunderset ses collaborateurs, la
Quelques résultats expérimentaux peu nombreux mais cepen
dant troublants ont mis en doute le rôle inducteur de la cape
apicale.
Amprinoet
Camosso(1955 a et b) ont obtenu des
membres presque complets mais néanmoins dépourvus de doigts
aux dépens de bourgeons dont ils avaient excisé la cape apicale
et une partie du mésoblaste sous-jacent.
Bell, Kaighnet
Fessenden
(1959) ont décrit d’autre part la formation de
membres complets à partir de bourgeons qui avaient été totale
ment débarrassés d’épiblaste en les soumettant aux ultra
sons, et qu’on avait alors implantés dans la cavité péritonéale.
Des cas de régulation partielle ont été décrits par
Bell, Saunderset
ZwiLLiNG(1959) après dénudation des bourgeons au versène.
Après avoir étudié parallèlement les effets de l’exérèse de l’épi-
blaste par l’une et l’autre de ces méthodes,
Bell, Gasselinget
Saunders
(1962) ont récemment établi que toute régulation
consécutive à l’exérèse après traitement au versène est due
à la reconstitution d’une cape apicale aux dépens de fragments
cellulaires restés adhérents au mésoblaste ; ces fragments
appartiennent à la strate cellulaire basale du feuillet superficiel.
Par contre, lorsque la dénudation est faite aux ultra-sons,
la régulation peut survenir dans un faible pourcentage des cas,
même en l’absence de toute cellule épiblastique résiduelle.
2. — Les aspects structuraux et cytochimiques du développement normal des membres
Les résultats essentiels des précédentes enquêtes cytochimiques
que nous avons menées chez quatre Mammifères (Bat, Souris,
Taupe, Cobaye), chez un Oiseau (Poulet), quatre Beptiles {Emys,
Pseudemys, Chamelaeo, Mabuia) et un Poisson élasmobranclie
[Scylliorhinus canicula) ont été récemment groupés et confrontés
avec les données de l’expérimentation
(Milaire,1962a). Indé
pendamment de cette revue d’ensemble sur la morphogénèse
des membres et sur la formation du squelette cartilagineux,
une attention particulière a été accordée aux modifications
cytochimiques du feuillet superficiel chez les mêmes espèces
(Milaire,1961). Dans ces deux contributions, nous avons large
138 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
ment tiré parti de certaines informations recueillies chez la
Souris et la Taupe et dont la description détaillée prendra
place dans les prochains chapitres. Telles qu’elles ont été pré
sentées à titre préliminaire, ces observations ont surtout mis
l’accent sur les variations métaboliques qui accompagnent la
morphogénèse. Elles acquerront une signification plus profonde
lorsque nous pourrons simultanément apprécier, tant à l’échelon
tissulaire qu’à l’échelon cellulaire, les délicates modifications
structurales des ébauches.
Chez la plupart des Vertébrés, hormis les Amphibiens
(Braus,in O.
Hertwig,1906), la formation des membres s’annonce
par le déclenchement d’activités prolifératives dans toute
l’étendue d’un secteur dorsal de la pariétopleure, depuis la
région cardiaque jusqu’à la hauteur du cloaque (fig. I, A). Ce
processus ne tarde pas à prédominer aux deux extrémités
de la zone active où il conduit à la formation des bourgeons
de membres antérieur et postérieur (fig. I, B), pour s’atténuer
dans la zone intermédiaire qui dessine pendant un certain
temps sur la paroi latérale une saillie connue sous le nom de
crête de Wolfï. Les cellules qui s’accumulent ainsi se caracté
risent par une teneur élevée et uniforme en ARN, caractère
commun à tout foyer de prolifération. Lorsque les jeunes bour
geons ont cessé de s’enrichir aux dépens du feuillet coelomique,
les couches superficielles et très basophiles du mésoblaste se
condensent tandis que le mésoblaste profond plus lâche
s’appauvrit en ARN. Sous la poussée mésoblastique, l’épiblaste
se soulève passivement tout en restant mince et cytochimique-
ment indifférencié.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPe) 139
Reptiles. Les modifications qui surviennent simultanément dans
l’épiblaste différencient davantage ces Classes de Vertébrés.
La totalité du revêtement superficiel s’épaissit au contact du
Fig. I. — Evolution morphologique du mésoblaste et de l’épiblaste à quatre étapes successives du développement du bourgeon de membre antérieur droit chez la Souris. La section entame la région axiale de l’ébauche dans le cas des sché mas A, B et C. Le bourgeon est sectionné en deux endroits dans le cas du schéma I ), la [coupe à droite intéresse sa portion préaxiale, la coupe à gauche, sa portion postaxiale. Les flèches indiquent la migration du mésoblaste d’origine pariéto- pleurale {A et B), puis sa condensation en une couche superficielle sous-épiblastique (C et U).
l’épi-140 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
blaste est au moins trois fois plus épais sur la face ventrale du
bourgeon que sur sa face dorsale ; la zone marginale qui réunit
ces deux secteurs ayant la même épaisseur que l’épiblaste
ventral. La cape apicale du Mammifère n’est donc pas morpho
logiquement individualisée au début du développement des
membres. Parallèlement à son épaississement, le feuillet ventral
s’enrichit en ARN, en phosphatase alcaline et en phosphatase
acide. Une activité plus importante de cette dernière enzyme
dans le secteur marginal annonce, chez la Souris, la différenciation
de la cape apicale avant toute modification histologique. Les
aspects morphologiques de l’asymétrie dorso-ventrale de l’épi-
blaste ont été constatés chez l’embryon humain par
Blech-SCHMIDT (1950-51,
a) et par
O’Rahilly, Gardnerét
Gray(1956).
Chez le Poulet, l’épiblaste marginal du jeune bourgeon
acquiert d’emblée la conformation morphologique de la cape
apicale ainsi que les trois caractères cytochimiques révélés
chez les Mammifères dans toute l’étendue de l’épiblaste ventral.
Ce dernier n’est guère plus épais chez l’Oiseau que l’épiblaste
dorsal mais il en diffère cependant par une teneur plus élevée
en ARN. Toutefois, si l’on examine la figure
3de
Saunders(1948,
p.
368)représentant un bourgeon d’aile à un stade
jeune que nous n’avons pas étudié, il semble bien que la cape api
cale fasse primitivement partie d’un secteur épiblastique ventral
légèrement plus épais que l’épiblaste dorsal ; la différence
constatée serait donc essentiellement chronologique. La diffé
renciation précoce de la structure marginale a également été
constatée chez les Reptiles mais le matériel dont nous avons
disposé à ce point de vue ne se prêtait pas aux techniques de
révélation des phosphatases.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 141
activités prolifératives du mésoblaste postaxial. Simultanément,
la cape apicale se constitue dans cette même région postaxiale
de l’épiblaste marginal (fig. I, D) qui continue à se confondre,
du côté préaxial, avec l’épiblaste ventral. A ce moment, certains
caractères cytochimiques s’estompent dans l’épiblaste ventral
tandis qu’ils persistent tous, et de façon élective, dans la cape
apicale, s’y manifestant avec une ampleur particulière. Parallèle
ment à la cape apicale, un sinus veineux se constitue dans la
région marginale du mésoblaste postaxial aux dépens d’une
série de veinules marginales qui restent indépendantes dans les
territoires préaxiaux. Ce sinus traverse les régions proximales
pour rejoindre caudalement la veine cardinale ; le sang y circule
dans le sens céphalo-caudal. L’asymétrie qui caractérise la
genèse de la cape apicale ne se manifeste pas toujours dans le
même sens. Chez l’Homme, par exemple,
O’Rahillyet ses
collaborateurs l’ont vue progresser à partir du bord préaxial.
Survient ensuite une brusque accélération des processus de
croissance aboutissant à la formation de la palette ou ébauche
d’autopode. La cape apicale et le sinus veineux s’allongent
simultanément pour couvrir toute l’étendue du bord marginal
de la palette. Pendant cet allongement, la cape apicale acquiert,
au sein du feuillet superficiel, une individualité morphologique
et cytochimique plus formelle. Le sinus veineux crée au sein
du mésoblaste marginal des conditions trophiques favorables
à sa prolifération, elles s’expriment chez diverses espèces par
l’apparition de glycogène dans les territoires périvasculaires.
C’est à ce moment que les condensations précartilagineuses
du stylopode et du zeugopode font leur apparition dans le
mésoblaste central des régions proximales. Les aspects cyto
chimiques de la chondrification ont permis de mieux définir
la chronologie précise de ce processus et de reconnaître notam
ment son extension d’un segment à l’autre dans le sens proximo-
distal. Toutefois, l’accélération qui caractérise la genèse du seg
ment distal conduit à la différenciation plus précoce des éléments
distaux de l’autopode (métapode et rangée distale du basipode).
Cette inversion régionale fut constatée chez la Souris par
Forsthoeffel
(1959) et chez l’Homme par
O’Rahilly, Gray142 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
La genèse des bourgeons digitaux (acropode) procède enfin
de la naissance de nouvelles activités de croissance au sein des
régions du mésoblaste marginal qui siègent à l’extrémité distale
des précartilages rayonnés du métapode. Ces processus coïncident
avec l’apparition de phénomènes dégénératifs dans les territoires
interdigitaux du mésoblaste marginal. Bien que l’extension
apico-basale de la lyse cellulaire suggère une atténuation de
l’activité inductrice des secteurs interdigitaux de la cape apicale,
aucune modification visible de l’épiblaste marginal correspondant
au morcellement de ses propriétés morphogènes n’avait pu
jusqu’ici être mise en évidence. Les observations recueillies
chez la Souris et la Taupe viendront combler cette lacune.
Comme on le voit, les études cytochimiques ont permis de
définir quelques modalités générales de la croissance et du
modelage des ébauches avant leur phase de différenciation
structurale. Les réactions de la cape apicale sont suffisamment
généralisées dans la série des espèces étudiées pour que nous
y voyions un témoignage de son important rôle morphogène.
Aux stades jeunes des Mammifères, l’intervention active de
l’épiblaste semble bien impliquer la participation du feuillet
ventral tout entier. La cape apicale s’édifie tardivement aux
dépens des régions marginales du feuillet ventral et tout indique
que son individualisation est l’événement majeur qui conditionne
la genèse du segment terminal. Aux phases plus tardives, les
aspects cytochimiques de la chondrification constituent le seul
document dont nous disposions jusqu’ici sur le mécanisme d’une
différenciation mésoblastique. Aucune information précise n’a
été obtenue en ce qui concerne l’origine réelle du mésoblaste
chondrogène, du matériel musculo-tendineux et des formations
conjonctives.
3. — Quelques aspects descriptifs
des déviations congénitales de la morphogénèse
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 143
d’aile des embryons de Poulet affectés du « wingless syndrome »
sont totalement dépourvus de cape apicale
(Zwilling, 1949).Au cours de l’involution normale des bourgeons de membres
chez l’Orvet, la même structure est précocement le siège d’impor
tants délabrements cytolytiques qui précèdent toute modifi
cation du mésoblaste
(Raynaud, 1962).L’étude de quelques déviations congénitales de la morpho-
génèse de l’autopode a permis de préciser ou de confirmer
certaines modalités du développement normal de ce segment.
Chez les Mammifères, la plupart des auteurs qui se sont intéressés
au développement d’ébauches polydactyles ont remarqué un
accroissement excessif du mésoblaste préaxial de la palette
(Scott, 1937 ; Chang, 1939 ; Danforth, 1947 ; Carter, 1954).Après avoir fait plus récemment la même constatation chez la
Souris « luxoide », anomalie dont la polydactylie est l’une des
manifestations,
Forsthoeffel (1959)a pu déterminer, grâce
à de délicates mensurations, que l’éveil de cette croissance
aberrante coïncide avec une élongation démesurée et un épaissis
sement anormal de la cape apicale.
Zwillinget
Hansborough(1956),
qui ont pu attribuer expérimentalement au mésoblaste
la cause première de la polydactylie du Poulet, ont constaté
chez cette espèce les mêmes modifications structurales que chez
le Mammifère.
GrÜneberg
a d’autre part décrit les modifications structu
rales précoces survenant dans la syndactylie chez la Souris.
Dans le cas d’une mutation dominante connue sous le nom
d’oligosyndactylie (symbole Os) et aboutissant à la fusion
des doigts préaxiaux, l’anomalie se caractérise dès le 11“® jour
du développement par un déficit du mésoblaste dans la moitié
préaxiale de la palette
(GrÜneberg, 1961).Les précartilages
qui se condensent dans le territoire préaxial trop restreint
fusionnent à des degrés divers selon qu’ils sont plus ou moins
rapprochés l’un de l’autre. Conservant une morphologie appa
remment intacte, la cape apicale est le siège, dans la même région,
d’un délabrement cytolytique beaucoup plus accusé que dans
les conditions normales
(Milaire, 19626).144 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
s’opère d’une tout autre façon
(GrÜneberg,1960). La mani
festation première que l’on perçoit est un épaississement de la
cape apicale, sans élongation de cette structure (fig. II). Cette
condition spéciale produit une concentration de la croissance
du mésoblaste dans la région centrale de la palette et les pré
cartilages qui se développent à ce niveau, trop rapprochés
l’un de l’autre, fusionnent par leur extrémité distale.
Dans l’ensemble, ces données soulignent donc le rôle déter
minant de la cape apicale dans l’édification du membre et,
plus particulièrement, de l’autopode. Elles indiquent en outre
normal | sm/sm
Fig. II. — Deux coupes transversales de la cape apicale du bourgeon de membre postérieur chez la Souris, à gauche dans le cas d’un embryon normal du 11“® jour, à droite, dans le cas d’un embryon de la même portée affecté de syndactylie congé nitale (d’après Grünebero, 1960).
que le nombre de rayons précartilagineux qui se condensent
dans la palette est fonction de l’importance quantitative du
mésoblaste indifférencié.
L’application des méthodes cytochimiques à l’étude descrip
tive du développement des membres nous a été suggérée dès
1951 par M. le Professeur A.
Dalcq.Après nous avoir initié aux
principes fondamentaux de la recherche scientifique, le Profes
seur
Dalcqn’a pas cessé de porter un vif intérêt au développe
ment de ces recherches et de nous faire profiter de sa connaissance
approfondie des mécanismes de la morphogénèse. Il ne nous a
jamais ménagé ses encouragements ni ses conseils judicieux
qui ont fréquemment orienté notre étude vers des voies fruc
tueuses. Qu’il trouve ici l’expression de notre vive gratitude
et l’assurance de notre profond attachement. Notre reconnais
sance va également à M. le Professeur J.
Pasteelsqui s’est
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 145
Nous tenons enfin
àremercier
M.le Professeur J.
Mulnarddont les intéressantes suggestions ont contribué à l’interprétation
de certains résultats.
II. — MATÉRIEL ET SÉRIATION DES STADES
L’étude a porté sur 180 embryons de Souris et 45 embryons
de Taupe. Deux élevages distincts de Souris ont été utilisés;
le premier appartient à une race pure normale du type « Swiss »
originaire de Gif-sur-Yvette, le second à la souche mutante
oligosyndactyle dont seuls les spécimens génotypiquement
normaux ont été pris en considération. Les Taupes ont été
capturées vivantes dans la nature pendant la période habituelle
de leur gestation, c’est-à-dire dans le courant du mois d’avril.
Le déroulement de la morphogénèse des membres peut être
suivi avec suffisamment de continuité en étudiant une dizaine
de stades successifs dont les traits morphologiques essentiels
sont communs aux deux espèces considérées et aux deux paires
d’ébauches. Chez la Souris, comme chez la Taupe, le développe
ment de la paire postérieure survient avec un certain retard
par rapport à celui de la paire antérieure. Bien qu’elle s’atténue
graduellement, cette différence reste néanmoins perceptible
jusqu’à une phase avancée du développement. Ce sont donc
des embryons d’âge différent qui fourniront des ébauches
antérieures et postérieures morphologiquement comparables.
Le tableau A indique l’âge des embryons de Souris et la
longueur tête-siège des embryons de Taupe pour chaque stade
envisagé et pour chaque type d’ébauche.
Quelques caractéristiques (externes et internes) propres à
chacun de ces stades suffiront à les identifier aisément. Les
figures III et IV représentent, en vue dorsale, le contour externe
des bourgeons de Souris tracé à la chambre claire.
146
Au stade II, chaque bourgeon de membre apparaît sous forme
d’un renflement allongé de l’extrémité correspondante de la
crête de Wolff. Il n’y a pas de délimitation franche entre le
bourgeon lui-même et la crête qui le prolonge. Dans cette zone
de transition, l’ébauche s’affaisse insensiblement sur une longueur
TABLEAU A N“ du stade Souris (âge en jours) Taupe (longueur en mm.)
mb. ant. mb. post. mb. ant. mb. post.
I 8 H j. 8 >/2 j. Stade non récolté
II 9 j. 9 à 9 % j. 2 mm. (long, céphalo-caudale avant l’incurvation) 2 à 2 mm. (tête-siège) III 9 Vz j. 10 j. 2 à 2 % mm. (tête-siège) 3 à 4 mm.
iv
10 j. 10 »/2 j. 3 à 4 mm. 5 à 6 mm. 10 >/2 j. 11 j. 5 à 6 mm. 6 à 7 mm. VI 11 j. 11 H j- C à 7 mm. 8 à 9 mm. VII 11 '/2 j- 12 J. 8 à 9 mm. ±10 mm. VIII 12 % 13 j. ±10 mm. ±11 mm. IX 13 J/2 j. 14 j. ± 12 mm. ±13 mm.de 2 à 3 métamères. La partie la plus saillante du bourgeon
s’étend pour sa part sur une distance de 5 métamères. Le méso
blaste est en voie d’élaboration aux dépens du feuillet coelomique.
Resté mince et indifférencié, l’épiblaste se soulève passivement
au contact du blastème mésoblastique.
c
ANTÉR.
148 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
s’élaborer aux dépens du feuillet pariétal et s’est condensé
à la périphérie de l’ébauche. Tout le feuillet d’épiblaste s’est
épaissi depuis le stade précédent mais ce processus prédomine
nettement sur la face ventrale.
Au stade IV, le bourgeon s’est allongé uniformément pour
atteindre une longueur presque égale à sa largeur à la base.
Notons toutefois que cette dernière dimension s’est légèrement
réduite par effacement des extrémités pré- et postaxiales de la
racine de l’ébauche. La cape apicale commence à s’individualiser
dans la partie postaxiale du bord marginal.
D’autres manifestations d’asymétrie céphalo-caudale appa
raissent au stade V et se traduisent extérieurement par l’incli
naison de l’ébauche vers l’extrémité caudale de l’embryon. Plus
long que large et légèrement infléchi ventralement, le bourgeon
forme maintenant un massif cylindrique dont le tiers distal
est aplati dans le sens dorso-ventral. Cette portion distale subit
un modelage particulier qui annonce la formation de la palette
ou rudiment d’autopode. Ses deux faces, dorsale et ventrale,
se rencontrent au niveau de son bord marginal saillant et semi-
circulaire, le long duquel la cape apicale s’est complètement
différenciée. Celle-ci se raccorde par ses extrémités à l’épiblaste
indifférencié de la partie restée cylindrique et que nous appelle
rons dorénavant le fût du bourgeon. La moitié postaxiale de la
jiortion distale est nettement plus étendue et plus saillante que
sa moitié préaxiale ; elle déborde caudalement le massif proximal
qu’elle prolonge. L’ébauche précartilagineuse du stylopode
s’est condensée dans la région axiale du fût. Celles des IV“® et
Vme rayons du métapode sont déjà perceptibles dans la région
postaxiale, saillante, de la jeune palette.
DE MEMBRES (SOURIS ET TADPE) 149
La zone de transition entre la palette et le fût offre extérieurement
l’aspect d’un emboîtement réciproque par lequel le massif
cylindrique empiète largement sur les territoires proximaux
de l’autopode. L’accroissement général de la palette et plus
spécialement celui de sa partie préaxiale a complètement effacé
l’asymétrie céphalo-caudale qui caractérisait extérieurement
le rudiment d’autopcde au stade V. De nouvelles condensations
l’iG. IV. — Evolution du contour céphalo-caudal des bourp;eons de membres antérieurs (A. U.) et postérieurs (P. U.) droits chez la Souris, depuis le stade V jusqu’au stade IX (dessins à la chambre claire).
précartilagineuses se sont individualisées, il s’agit des blastèmes
de la ceinture, du zeugopode et du III“® rayon du métapode.
L’examen in vivo permet d’observer facilement la direction
céphalo-caudale du flux sanguin qui parcourt le sinus veineux
marginal.
150 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
cinq précartilages du métapode sont maintenant distincts mais
la différenciation des deux éléments extrêmes est en retard
sur celle des trois rayons médians. La région du basipode est
occupée par une nappe dense et uniforme de mésoblaste au sein
de laquelle aucun noyau précartilagineux n’est encore distinct.
Trois modifications permettent d’identifier extérieurement
l’ébauche du stade VIII. Il s’agit d’une élongation des trois
bourgeons digitaux médians, de la prise de forme des deux
bourgeons extrêmes et de l’apparition, sur les deux faces de la
palette, de légères dépressions séparant les saillies du métapode.
Précédemment rectilignes, les secteurs interdigitaux du bord
marginal se sont incurvés en fonction de la croissance des (Joigts.
Dans le mésoblaste qui leur est sous-jacent, on peut apercevoir
la portion dilatée du sinus veineux dont les portions digitales
échappent désormais à l’examen in vivo. Parmi les nombreux
remaniements internes survenus à ce stade, notons l’apparition
des précartilages distaux du basipode, l’individualisation des
trois phalanges proximales médianes et la prise de forme des
principaux massifs musculaires des segments proximaux. Les
éléments squelettiques du stylopode et du zeugopode ont atteint
le stade cartilagineux.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 151
Les pièces proximales du basipode sont apparues et commencent
à se chondrifier. L’ébauche de la phalange moyenne des trois
doigts médians s’est condensée tandis que le troisième orteil
est seul à posséder jusqu’ici ce précartilage. Les régions dia-
physaires des trois cartilages du stylopode et du zeugopode sont
en voie d’ossification.
III. — MÉTHODES
La distribution des acides ribonucléique (ARN) et désoxy
ribonucléique (ADN), du glycogène, de certains mucopoly-
saccharides (MPS) et de la phosphatase alcaline a été étudiée
sur coupes sériées chez les deux espèces considérées. Les sites
d’action de la phosphatase acide n’ont été démontrés que chez
la Souris.
1. — Fixation et techniques cytochimiques
L’AHN et y ADN ont été mis en évidence par la coloration
d’Unna-Brachet après fixation au Serra. Plusieurs tests à la
ribonucléase appliqués à des coupes contrôle ont permis de
vérifier la spécificité des localisations de l’ARN. L’ensemble des
polysaccharides ont été révélés par la méthode de McManus
après fixation au mélange de Pasteels et Léonard. La distinction
entre le glycogène et certains MPS acides a été établie en soumet
tant systématiquement des coupes témoin à la digestion salivaire
avant la réaction au P. A. S. Quelques précisions complémen
taires relatives à ces deux méthodes cytochimiques ont été
exposées dans une précédente contribution
(Milaire,19626).
La phosphatase alcaline a été mise en évidence de deux façons
différentes, toutes deux dérivées de la méthode classique de
Gomori modifiée par v. Kossa-Barger en ce qui concerne la
révélation du phosphate tricalcique par le procédé au nitrate
d’argent. La première de ces méthodes a été décrite de façon
détaillée par
Mulnard(1955). Elle consiste à fixer les pièces
152 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
d’incubation. Ce procédé a l’avantage de réduire considérable
ment les artefacts dus à la diffusion focale du produit de l’activité
enzymatique. Il a été utilisé systématiquement chez la Taupe
et occasionnellement chez la Souris. Largement employée chez
la Souris, la seconde méthode consiste à fixer les embryons
ou les bourgeons de membres isolés au formol-Locke froid,
à les laver longuement dans du Locke également froid, puis à les
soumettre in tolo au bain d’incubation. Les pièces qui ont déjà
réagi sont ensuite enrobées normalement à la paraffine, puis
coupées. Le phosphate tricalcique déposé aux sites d’action
de l’enzyme est enfin révélé à l’argent sur coupes déparaffimées.
Les modalités techniques de cette méthode de réaction in lolo
ont été décrites par
Maritet
Milaire(1961). Les résultats sont
comparables à ceux de la méthode de réaction sur coupes,
sauf lorsqu’ils sont examinés à l’échelon cellulaire. Dans chaque
cellule dont le cytoplasme est actif, le phosphate tricalcique
précipite sur la membrane du noyau, voire sur les chromosomes,
et il en résulte des images de fausse réaction nucléaire. Pour ces
deux techniques, nous avons avantageusement tiré parti de
l’alcalinisation du nitrate d’argent à l’aide d’ammoniaque,
récemment préconisée par
Dalcq(1962) et qui modifie le mode
de précipitation du phosphate tricalcique hydraté (TCPH).
C’est également par une méthode de réaction in toto après
fixation au formol-Locke que nous avons révélé la phosphatase
acide. Une modification a été apportée à la méthode préconisée
en 1961 par
Maritet
Milaireet qui n’était d’ailleurs qu’une
application directe de la technique de Gomori à des objets
entiers. Dans la préparation du bain d’incubation, le tampon
usuel à base d’acide acétique et d’acétate de soude a été remplacé
par un tampon du type « Tris-maléate »
(Gomori,1952, p. 220)
qui permet une meilleure pénétration des substrats au sein des
tissus embryonnaires. La préparation du nouveau milieu s’effec
tue en mélangeant les produits dans l’ordre suivant ;
Solution aqueuse de Tris (hydroxyméthyl)
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPe) 153
HgO dist... 50 ml.
NaOH.N ajouté goutte à goutte pour atteindre le pH 5
Glycéro-phosphate de sodium ... 0,3 gr.
H^O dist. Q. S. ad ... 100 cc.
La solution obtenue est légèrement trouble par précipitation
d’une faible quantité de glycéro-pbosphate de plomb. Elle est
fdtrée avant l’emploi, après avoir séjourné quelques heures à
37° G. Après une incubation de 4 à 5 li. à cette même température,
les pièces sont rincées à l’eau distillée (5 min.), déshydratées
puis enrobées à la paraffine. Le phosphate de plomb qui s’est
déposé aux endroits d’activité enzymatique est ensuite révélé
sur coupes déparaffimées au moyen de sulfure d’ammonium (1 %).
La validité des méthodes de révélation des deux phosphatases
a été testée dans la plupart des cas par l’incubation des coupes
ou des pièces dans les milieux tamponnés dépourvus de glycéro
phosphate.
2. — Orientation des coupes
Du stade I au stade IV inclus, les ébauches de membres sont
étudiées in situ sur des coupes entamant transversalement les
organes axiaux de l’embryon. A partir du stade V, les bourgeons
sont isolés de l’embryon auquel ils appartiennent, dès la fin de
la fixation. Deux orientations de coupes ont été choisies pour
l’étude systématique des bourgeons isolés. Les unes, que nous
appellerons transversales, ont été menées perpendiculairement
à l’axe proximo-distal de l’appendice, entamant celui-ci depuis
l’apex jusqu’à la base d’implantation. Les autres, que nous
qualifierons de coupes iangentielles, iaute de terme mieux appro
prié, ont été menées dans le plan de la palette, parallèlement
au plan de symétrie dorso-ventrale du bourgeon de membre.
Les séries de coupes tangentielles sont toutes ordonnées de façon
à entamer l’ébauche de sa face ventrale vers sa face dorsale.
154
J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONSIV. — OBSERVATIONS PERSONNELLES
L’exposé des observations sera constamment centré sur les
aspects de la morpliogénèse dont les modalités sont communes
aux deux paires de bourgeons et même aux deux espèces consi
dérées. La nature des ébauches et l’espèce à laquelle elles appar
tiennent ne seront donc mentionnées dans le texte que si des
particularités sont en cause. Toutes les spécialisations tardiv'es
n’ont d’ailleurs pas été étudiées avec la même attention. La
formation des muscles et des tendons ne sera analysée de près
c|ue dans le membre postérieur de la Souris. Cette préférence
tient à ce que la patte postérieure est affectée plus gravement
que l’antérieure dans la plupart des malformations congénitales
observables chez cette espèce. L’étude que nous préparons
de ces déviations a fait apparaître à ce niveau l’intérêt de certains
aspects tardifs du développement normal.
Section
A
Prodromes cytochimiques des bourgeons de membres
Faute d’avoir pu récolter des embryons de Taupe répondant
aux critères du stade I (fig. Illa), les données qui vont suivre
concerneront uniquement la Souris.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 155
amniotique. Parcourant dans le sens caudo-céphalique toute
cette région latérale du tronc, la veine ombilicale s’interpose
ventralement entre la pariétopleure et l’épiblaste, dans la zone
de transition entre les territoires embryonnaires et extra
embryonnaires de ces feuillets (v. fig. I). Le long de ce trajet,
cette veine reçoit quelques affluents non systématisés provenant
des régions dorsales de la paroi ; un peu en arrière du sinus
veineux, elle se jette dans la veine vitelline homolatérale.
Le feuillet mésoblastique est formé d’une seule couche de hautes
cellules perpendiculaires à l’épiblaste. Chacune d’entre elles
possède deux pôles cytoplasmiques d’importance égale entre
lesquels s’interpose le noyau. Le pôle profond s’appuie sur la
mince membrane exocellulaire constituant le revêtement externe
de la cavité coelomique ; le pôle superficiel prend contact avec
la membrane basale sous-épiblastique. D’un côté comme de
l’autre, le cytoplasme est riche en ARN (fig. 1, pl. VllI), sauf s’il
s’agit de cellules en mitose, qui se montrent plus pauvres en
ribonucléoprotéines. Ces éléments en division sont assez nom
breux, ils s’arrondissent en restant adhérents à la limitante
profonde du feuillet. La plupart des fuseaux mitotiques sont
orientés parallèlement à la paroi coelomique. Cette multi
plication a donc pour effet principal d’accroître la surface du
feuillet, sans en modifier la constitution monostratifiée.
Les cellules pariétopleurales manifestent en outre une activité
modérée et essentiellement cytoplasmique des phosphatases
alcaline (fig. 11, pl. VIII) et acide (fig. 12, pl. VIII). Cette activité
révélée en milieu alcalin prédomine le long de la membrane
cytoplasmique, dont elle souligne tous les détails. Elle permet
notamment de constater que le pôle superficiel des cellules
s’étire en de multiples pseudopodes filiformes qui établissent le
contact avec la membrane basale sous-épiblastique. L’activité
de la phosphatase acide intéresse au contraire des éléments
profonds du cytoplasme qui sont fréquemment rassemblés
en un amas positif juxta-nucléaire évoquant un appareil de Golgi.
Le mésoblaste est totalement dépourvu de polysaccharides.
156 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
de cellules aplaties et très étalées. Au niveau « dorsal », les
éléments profonds sont d’une taille nettement accrue. Pratique
ment dépourvues de phosphatase acide et de polysaccharides,
les cellules épiblastiques sont assez riches en ARN et en phospha
tase alcaline surtout dans la couche profonde épaissie.
Positive au P. A. S. et zymo-résistante, la membrane basale
sous-épiblastique est aussi le siège d’une importante activité
phosphatasique alcaline, deux réactions qui facilitent le repérage
de cette fine pellicule exo-cellulaire (fig. 11, pl. VIII et fig. 23,
pl. IX). Loin d’être une structure plane et continue, cette mem
brane apparaît comme un film discontinu qui s’engage en maints
endroits dans les interstices intercellulaires du mésoblaste
sous-jacent. De telles images donnent à penser que la substance
qui s’interpose entre les deux feuillets est encore en train de
s’élaborer, avec la participation du mésoblaste. Il faut toutefois
noter que les techniques utilisées ne respectent pas intégralement
la structure de cet interstice. Celle-ci mériterait d’être ré
examinée après l’emploi de fixateurs plus « doux » et sur coupes
à la celloïdine.
L’étude des feuillets présomptifs ne révèle donc aucun indice
précurseur de la formation prochaine des bourgeons de membres.
Elle met néanmoins en évidence l’importante teneur en ARN
du mésoblaste qui va entrer en prolifération ainsi que la partici
pation de ce constituant à l’élaboration de la membrane basale
sous-épiblastique. Ce film exocellulaire qui sera nécessairement
le lieu de passage des interactions qui s’exerceront entre les deux
feuillets se montre dès ce stade formé de mucopolysaccharides
imprégnés de phosphatase alcaline.
Section
B
Evolution morphologique et cytochimique
des bourgeons avant toute différenciation
DE MEMBRES (SODRIS ET TAUPE) 157
dilïérentes selon qu’ils se manifestent dans le mésoblaste ou
dans l’épiblaste. Au sein du mésoblaste, la distribution de
l’ARN et, dans une moindre mesure, celle de la phosphatase
alcaline rendent compte des modalités régionales des phéno
mènes de croissance et d’élaboration de nouveaux contingents
cellulaires. Primitivement indépendanté de l’épiblaste, la proli
fération pariétopleurale est d’emblée plus importante dans
les futurs territoires ventraux de l’ébauche. Le blastème qui en
résulte ne tarde pas à susciter au sein de Vépiblasle diverses
réactions de structure et de chimisme dont les variations régio
nales reflètent l’asymétrie originelle du mésoblaste. Ces modi
fications s’expriment histochimiquement par l’acquisition d’ARN,
de phosphatases alcaline et acide et, dans certains cas, de glyco
gène. Elles caractérisent au cours du développement des régions
de plus en plus spécialisées de l’épiblaste pour n’intéresser
finalement que la cape apicale lorsque survient la genèse de
l’autopode. L’intensité de la croissance mésoblastique subit
parallèlement des variations dont l’ampleur correspond au degré
de différenciation de l’épiblaste immédiatement adjacent.
Ainsi s’amorcent entre les deux constituants du bourgeon une
série d’actions réciproques qui conduisent à la formation d’un
massif mésoblastique où l’on ne peut certes pas discerner d’orga
nisation précartilagineuse ou prémusculaire mais qui apparaît
néanmoins hétérogène en raison des variations régionales de la
densité et des caractères cytochimiques des cellules qui le cons
tituent.
158 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
La dissociation chronologique des activités de croissance
et de différenciation du mésoblaste devient de moins en moins
évidente au cours de la formation de l’autopode. Dans ce segment,
la différenciation succède immédiatement à l’élaboration ;
on peut y observer des précartilages du métapode bien indivi
dualisés à leur extrémité proximale et dont la portion distale
est encore en voie d’élaboration aux dépens d’un foyer de crois
sance soumis lui-même à l’influence de la cape apicale.
Simplement segmentaire à l’origine, le réseau circulatoire
des bourgeons s’organise progressivement en fonction des
besoins croissants de l’ébauche. Il contracte avec les foyers
d’élaboration et de différenciation du mésoblaste, des relations
susceptibles d’accroître localement les apports trophiques
indispensables à ces activités.
Sous-section 1
La prolifération pariétopleurale et la constitution
DU jeune renflement.
La prolifération pariétopleurale survient au stade II dans
toute l’étendue de la région troncale et manifeste d’emblée
d’importantes variations régionales selon qu’elle participe à la
formation du bourgeon antérieur, de la crête de Wolff ou du
bourgeon postérieur. Nous considérerons tout d’abord les
modalités générales de cette élaboration avant de décrire
parallèlement ses variations régionales et leurs répercussions
épiblastiques.
DE MEMIiRES (SOURIS ET TAUPE) 159
cellules s’étalent par l’une de leurs faces sur la membrane
basale dont la structure s’est uniformisée. Pendant ces trans
formations, les cellules mésoblastiques conservent une teneur
élevée en ARN, mais cette substance prédomine cependant
dans la couche profonde germinative. Dans les éléments qui
migrent et s’étirent vers la surface, l’ARN s’accumule avec
prédilection au sein du pôle cytoplasmique profond où il semble
être lié à une série de formations lamellaires tendues du cortex
à la membrane nucléaire (fig. 3, pl. VIII). La plupart de ces cellules
restent momentanément ancrées à la limitante cœlomique
par de très fins prolongements basophiles. Chez la Souris, la
phosphatase alcaline conserve dans ce matériel une activité
modérée le long des membranes cellulaires. Chez la Taupe,
la même enzyme caractérise la totalité des cytoplasmes et s’y
manifeste avec une ampleur beaucoup plus importante que chez
le Rongeur. Il s’agit là d’une différence métabolique très
générale dont nous aurons fréquemment l’occasion de souligner
l’importance au cours de l’évolution du mésoblaste chez les deux
espèces considérées. La phosphatase acide (étudiée seulement
chez la Souris) conserve dans l’amas de mésoblaste en train de
se constituer une activité modérée se manifestant dans chaque
cellule, sur quelques granulations cytoplasmiques disséminées.
Dès le stade II, l’intensité de la prolifération pariétopleurale
est maximale dans la région crâniale du tronc où elle assure la
formation d’un renflement allongé annonçant le membre anté
rieur. Au même stade, la crête de Wolff procède plus caudalement
d’une élaboration moins active mais néanmoins uniforme.
Le long de cette crête, la prolifération ne manifeste aucune
variation dégressive susceptible d’évoquer une progression
céphalo-caudale dans la différenciation du mésoblaste. Elle
ne varie pas non plus au niveau du cul-de-sac caudal de la cavité
coelomique où s’édifiera plus tardivement le bourgeon postérieur.
Les modalités précoces de la formation de ces trois territoires
n’étant pas absolument identiques, nous les décrirons séparément.
caudale-160 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
ment, il s’appauvrit graduellement sur une longueur de deux
nouveaux segments somitiques, pour se confondre insensiblement
avec la zone de Wollï. Dans l’une et l’autre de ces régions, le
nombre et la disposition des cellules niésoblastiques témoignent
d’une assez grande uniformité de la prolifération dans le sens
dorso-vcntral (fig. 4, pl. VIII). Toutefois, pour peu que l’embryon
examiné soit légèrement plus avancé dans son développement,
et le cas peut se présenter dans une même portée du stade II,
on constate chez la Souris des signes de croissance plus forte
dans la partie ventrale de ce mésoblaste. A ce niveau, les traînées
de longues cellules d’origine pariétopleurale sont plus compactes
et nettement plus basophiles que dorsalement. Fait singulier,
et semble-t-il simplement épisodique, les territoires dorsaux et
ventraux se distinguent encore chez la même espèce par l’intensité
de leur activité pliosphatasique alcaline qui est légèrement
accrue dorsalement. Très fugace, cette asymétrie cytochimique
ne s’observe qu’au début de la phase proliférative, stade que nous
n’avons pas pu surprendre chez la Taupe.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 161
mésoblastique se manifeste dans toute l’étendue du bourgeon
par une croissance plus intense dans la région ventrale, elle
s’exprime chez la Taupe d’une façon purement cytochimique
et dans la moitié postaxiale seulement de l’ébauche.
Chez les deux espèces, une prédominance ventrale se manifeste
en même temps dans l’épiblaste, aussi bien dans la région
préaxiale du bourgeon que dans la région postaxiale. Sous la
poussée du mésoblaste, ce feuillet se laisse d’abord soulever
Fig. V. — Répartition de l’activité phosphatasique aJcaline (pointillé) dans le mésoblaste et l’épiblaste du bourgeon de membre antérieur droit au stade 11 et de la crête de Wolff, chez la Taupe.
A gauche, coupe entamant la moitié ventrale du bourgeon dans toute son étendue céphalo-caudale; à droite, trois coupes transversales menées perpendiculairement à la précédente aux niveaux A, B et C indiqués sur la coupe de gauche.
162 J. MILAIRE CYTOCHIMIE DES BOURGEONS
passivement en s’amincissant peu à peu. L’épaississement dorsal
qui le caractérisait au stade I chez la Souris subsiste un certain
temps puis s’estompe à son tour. Simultanément, et avant toute
modification structurale, l’épiblaste ventral du bourgeon anté
rieur s’enrichit en phosphatase alcaline (fig. 14 et 15, pl. VIII)
chez les deux espèces, ainsi qu’en phosphatase acide chez la
Souris. Cependant, chez la Taupe, l’accentuation de cette activité
s’accompagne, dans la partie postaxiale du bourgeon, d’un
épaississement précoce de la couche profonde du feuillet. La
figure 15 (pl. VIII) montre bien comment cette modification
survient au contact du territoire mésoblastique ventral dont
nous venons de souligner l’intense activité phosphatasique
alcaline. Chez la même espèce, l’épiblaste du bourgeon s’enrichit
en outre en glycogène, mais cette substance ne s’accumule pas
particulièrement dans les territoires ventraux du feuillet.
Préexistante mais difficilement perceptible dans le mésoblaste,
l’asymétrie dorso-ventrale du bourgeon antérieur s’exprime
donc pleinement au niveau de l’épiblaste à la fin de la phase
proliférative. Elle se complique chez la Taupe d’une inégalité
céphalo-caudale annonçant précocement les importantes varia
tions qui s’établiront ultérieurement entre les territoires pré- et
postaxiaux de l’ébauche.
DE MEMBRES (SOURIS ET TAUPE) 163
du cul-de-sac caudal du feuillet pariétopleural ; on ne peut
cependant pas exclure la participation des contingents post-
coelomiques et non délaminés du feuillet moyen. De plus,
cette région diffère considérablement de la région troncale
antérieure par la différenciation beaucoup moins avancée
du mésoblaste somitique. Deux à trois segments seulement sont
Fig. VI. — Bourgeons de membres postérieurs au stade II, chez la Taupe, vus par leur face dorsale.
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