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Oncologie : Article pp.169-175 du Vol.6 n°3 (2012)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE

Les attentes des professionnels de santé sur les rôles et fonctions des psychologues en cancérologie

Expectations of health care professionals regarding the roles and functions of psychologists in cancerology

G. Jouquand · B. Burucoa · D. Zongo

Reçu le 19 décembre 2011 ; accepté le 10 juillet 2012

© Springer-Verlag France 2012

RésuméL’objectif de cette étude était d’appréhender leurs attentes sur les rôles et fonctions du psychologue exerçant une activité clinique dans ces unités de soin. Un question- naire a été envoyé aux 3 304 professionnels de 27 unités du CHU de Bordeaux recevant au moins 200 nouveaux patients par an atteints de cancer. L’analyse statistique a été réalisée par tests duχ2ou de Fisher exact puis avec le logiciel SAS version no9.1.3. Sept cent trente ont répondu (soit 22 %).

Les attentes étaient concernant les patients : pour trois quarts un travail d’accompagnement et une relation d’aide, deux tiers un allègement de la charge émotionnelle, un demi une évaluation psychologique. Concernant les équipes, elles étaient pour trois quarts une compréhension des comporte- ments des patients et/ou des proches, la moitié environ un éclairage sur leur vécu à travers un travail pluridisciplinaire, une lecture pluridisciplinaire et une participation aux trans- missions orales…Plus d’un tiers attendaient que le psycho- logue soutienne les équipes de manière individuelle et par des temps de parole en groupe… Concernant l’institution, l’implication des psychologues dans les projets institution- nels était attendue par près de la moitié. Cette enquête invite le psychologue à communiquer davantage autour de sa pratique, à reprendre avec l’équipe les notions de travail

d’accompagnement, de relation d’aide…La prise en charge des affects douloureux suscités par la maladie chez le patient et ses proches, la préparation au deuil des proches, un véri- table « travail de sens » exigent du psychologue une forma- tion continue, une supervision et une démarche de recherche.

Le psychologue en oncologie est concerné bien sûr par la souffrance des professionnels, par les dispositifs de soutien déjà existants (médecine du travail, groupe d’analyse des pratiques) ou à mettre en place. La formation continue des professionnels est à cet égard indispensable.

Mots clésPsychologues · Cancérologie · Attentes des professionnels de santé · Rôles · Fonctions

Abstract The aim of this study was to understand their expectations regarding the roles and functions of the psycho- logist taking part in clinical activity in these healthcare units.

A questionnaire was sent to 3,304 professionals in 27 Units of Bordeaux University Hospital receiving at least 200 new cancer patients per year. Statistical analysis was carried out throughχ2or the Fisher’s exact test, followed by treatment with SAS software version 9.1.3. 730 professionals respon- ded (or 22%). For patients, 3/4 expected them to have a sup- portive and counselling role, 2/3 thought they should lessen the emotional burden, and 1/2 though their role was to pro- vide a psychological evaluation (50%). For the healthcare teams, 3/4 were expecting them to understand the behaviour or patients and/or their immediate family, about 1/2 wanted them to clarify their role in working in a multidisciplinary team, with a multidisciplinary understanding and participate in discussions and delivering decisions. More than 1/3 expected that the psychologist would support the teams on an individual basis, and also participate in group discus- sions…With regard to institutions, the participation of psy- chologists in institution based projects was expected by close to 1/2 of those responding. This investigation invited the psychologist to communicate more about their practices,

G. Jouquand (*)

Unité doncohématologie pédiatrique du groupe Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon,

F-33076 Bordeaux, France

e-mail : gwenaelle.jouquand@chu-bordeaux.fr B. Burucoa (*)

Service daccompagnement et de soins palliatifs, CHU de Bordeaux, hôpital Saint-André, 1, rue Jean-Burguet F-33075 Bordeaux, France e-mail : benoit.burucoa@chu-bordeaux.fr D. Zongo

Institut de santé publique et d’épidémiologie,

université V.-Segalen-Bordeaux-II, 146, rue Léo-Saignat, F-33076 Bordeaux, France

DOI 10.1007/s11839-012-0379-x

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reaffirm with teams the ideas of a supportive and counselling role. The management of the painful aspects of the disease for both the patient and their immediate family, preparing the family for bereavement, a real“giving of meaning”necessi- tates finesse from the psychologist and thus requires conti- nuous training, supervision and an investigative approach.

The oncology psychologist is also concerned with the suffe- ring of healthcare professionals, through the support mecha- nisms already in place (occupational medicine, group analy- sis of practices), or by implementing such facilities. In this respect, the continuing education of healthcare professionals is vital.

KeywordsPsychologists · Cancerology · Expectations of health care professionals · Roles · Functions

Introduction

Du métier de psychologue à l’hôpital découlent des réalités, des approches conceptuelles et des pratiques différentes.

Pour de nombreux auteurs, « l’appréhension de cette fonc- tion n’est pas toujours bien identifiée [10] ». La place du psychologue rencontre encore des interrogations, voire des résistances tant auprès des professionnels que des patients et de leurs proches [26].

Depuis une vingtaine d’années, dans bon nombre de ser- vices, la collaboration entre psychologues et oncologues s’est construite progressivement, se fondant sur les succès et les échecs de la thérapeutique, l’inéluctable retentissement psychologique du cancer sur les patients, leurs familles et les soignants. Une psychologie de crise et une collaboration à but thérapeutique commun entre le psychologue et l’onco- logue ont pu être décrites [1].

Le premier Plan « cancer », lancé le 24 mars 2003 [18], a impulsé par la suite une dynamique dans la lutte contre le cancer et dans la prise en charge des malades. Ce plan avait parmi ses objectifs de « faire évoluer l’organisation des soins

autour des patients, de leur donner accès à une prise en charge globale et personnalisée ». Il en a résulté, notamment, une augmentation du nombre de postes de psychologues, une amélioration du soutien des proches et la mise en place de formations à l’approche psychologique de l’accompagne- ment des patients destinées aux soignants.

La psycho-oncologie désigne le champ d’investigation des réactions psychologiques et émotionnelles des patients atteints de cancer. Mais existe-t-il une psychologie spéci- fique du patient atteint de cancer [3,10] ?

Ces réflexions amènent à s’interroger, à la fois, sur le rôle des psychologues au sein des services à forte activité en can- cérologie et en hématologie et sur leur place au sein de ces services. Devant l’absence d’étude concernant l’opinion des professionnels sur leur collaboration avec les psychologues cliniciens en oncologie, le collège « soins oncologiques de support et accompagnement » (SOS) du Centre de coordina- tion en cancérologie (3C) du CHU de Bordeaux a mené une enquête auprès des personnels de ces services. L’objectif était, principalement, d’appréhender leurs attentes sur les rôles et fonctions du psychologue exerçant une activité clinique dans ces unités de soin.

Méthode

Le questionnaire a été élaboré à partir d’une préenquête menée auprès des psychologues déjà en poste dans certains de ces services. Les questions et réponses ont été formulées par ces mêmes psychologues. Le questionnaire se composait de 11 questions (dix avec réponses à choix multiples et une fermée) au sujet des rôles et fonctions des psychologues auprès des patients, des proches, de l’équipe soignante et de l’institution (Tableaux 1–4, Figs. 1–3). L’enquête a d’abord fait l’objet d’un test auprès d’un échantillon de professionnels dans un service de pédiatrie non concerné par l’étude. Puis, l’envoi a été effectué par courrier électro- nique aux différents professionnels (infirmier(ière)s IDE,

Tableau 1 Attentes concernant les patients et les proches.

Que souhaitez-vous quun psychologue apporte Aux patients % Aux proches (famille, amis)

%

Un travail daccompagnement 558 76 589 81

Une relation daide 528 72 466 64

Un allègement de la charge émotionnelle 465 64 480 66

Une évaluation psychologique 371 51 127 17

Un travail psychique 155 21 274 37

Rien 2 0 4 0

Un suivi psychothérapeutique 236 32

Une préparation au deuil 542 74

Un suivi de deuil 88 12

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Tableau 2 Modes dintervention attendus auprès des patients et des proches.

Quels modes dintervention du psychologue vous paraissent souhaitables

Auprès des patients

% Auprès des proches

(famille, amis)

%

Entretiens 682 93 664 91

Temps de parole en groupe 148 20 165 23

Aucun 1 0 3 1

Participation au dispositif dannonce 445 61

Groupes de suivi de deuil 289 40

Tableau 3 Attentes selon le type de statut paramédical.

Questions Modalités des questions IDE

n(%)

AS n(%)

p Que souhaitez-vous quun psychologue apporte

aux patients ?

Une évaluation psychologique 163 (54,0) 86 (44,1) 0,03 Que souhaitez-vous quun psychologue apporte

aux équipes soignantes ?

Une lecture pluridisciplinaire des situations

156 (51,7) 57 (29,2) < 104 Auprès des patients, quels modes dintervention

du psychologue vous paraissent souhaitables ?

Entretiens 290 (96,0) 172 (88,2) 0,0009

Auprès des proches, quels modes dintervention du psychologue vous paraissent souhaitables ?

Entretiens 287 (95,0) 162 (83,1) < 104

Groupes de suivi de deuil 103 (34,1) 100 (51,3) < 104 Dans quelles circonstances sollicitez-vous

ou solliciteriez-vous un psychologue ?

À la demande des patients 271 (89,7) 162 (83,1) 0,003 n: effectif ;p:p value.

Tableau 4 Attentes selon la présence ou non dun psychologue dans le service.

Questions Modalités des questions Absence

dun psychologue n( %)

Présence

dun psychologue n ( %)

p

Que souhaitez-vous de la part dun psychologue ?, patients ?

Une évaluation psychologique 187 (44,1) 184 (60,1) < 104

Un travail psychique 65 (15,3) 91 (29,7) < 104

Un suivi psychothérapeutique 123 (29,0) 112 (36,6) 0,03

Auprès des patients, quels modes dintervention du psychologue vous paraissent souhaitables ?

Participation au dispositif dannonce 242 (57,1) 203 (66,3) 0,01

Auprès des proches, quels modes dintervention du psychologue vous paraissent souhaitables ?

Temps de parole en groupe 81 (19,1) 84 (27,5) 0,008

Auprès des équipes, quels modes dintervention du psychologue vous paraissent souhaitables ?

Participation aux transmissions écrites 122 (28,8) 139 (45,4) < 104 Participation aux transmissions orales 188 (44,3) 191 (52,4) < 104 Liens avec des professionnels

extérieurs au service concernés par une situation clinique

79 (18,6) 81 (26,5) 0,01

Réunions pluridisciplinaires 224 (52,8) 196 (64,1) 0,002

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cadres de santé, aides-soignant(e)s AS, médecins, internes, agents de service hospitalier ASH, kinésithérapeutes, diété- ticiens, psychomotriciens) de 27 unités de soins ayant une

« forte » activité en cancérologie ou en hématologie. Ces unités ont été définies par l’accueil d’au moins 200 nouveaux patients par an atteints de cancer. Une relance complète a dû être effectuée sur papier, avec la participation active des cadres de santé. Les comparaisons entre groupes ont été faites avec les tests duχ2ou de Fisher exact. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS version no9.1.3.

Résultats

Sur les 3 304 professionnels concernés par l’étude, 730 ont répondu (soit 22 %) : 266 IDE (36,4 %), 193 AS (26,4 %), 107 médecins (14,6 %), 44 internes (6 %), 35 cadres de santé (4,8 %), 34 ASH (4,6 %), 51 autres (7 %) (dont dix diététi- ciens et neuf assistantes sociales).

À la question sur ce qu’un psychologue pouvait apporter aux patients (Tableau 1), les sujets interrogés ont sélec- tionné : « un travail d’accompagnement » (76,6 %), « une relation d’aide » (72,3 %) et « un allègement de la charge émotionnelle » (63,7 %). Les activités « d’évaluation psychologique » (50 %), « de suivi psychothérapeutique » (32,2 %) et « de travail psychique » (21,4 %) ont moins fait l’objet de leurs réponses. Cependant, les résultats ont mis en avant que les IDE ont plus souvent fait référence à l’activité « d’évaluation psychologique » que les AS (p: 0,03 Tableau 3). Les IDE ont aussi reconnu davantage le patient comme étant au centre de la demande d’aide psychologique (p: 0,003 Tableau 3).

Sur ce qu’un psychologue pouvait apporter aux proches : familles, amis (Tableau 1), des résultats comparables ont été retrouvés : « un travail d’accompagnement » (80,7 %),

« un allègement de la charge émotionnelle » (65,7 %) et

« une relation d’aide » (63,8 %). Cependant, les profession- nels ont fait plus souvent référence à la notion de « travail psychique » (37,5 %) pour désigner l’activité du psycholo- gue auprès des proches. La plupart d’entre eux (74,2 %) et surtout les AS (81 %) ont souhaité que les psychologues s’impliquent dans la préparation au deuil. Aussi, 40 % envi- sageaient une prise en charge groupale des proches pour le suivi de deuil (Tableau 2).

Les professionnels ont évoqué « l’entretien » comme principal mode d’intervention du psychologue, cela autant auprès des patients (93,4 %) qu’auprès des proches (90,9 %). Ils souhaitaient, également, que celui-ci inter- vienne dans le dispositif d’annonce (60,9 %) (Tableau 2).

Sur ce qu’un psychologue pouvait apporter aux équipes (Fig. 1), les sujets interrogés attendaient « une compréhen- sion des comportements des patients et/ou des proches » (76 %), un éclairage sur leur vécu à travers un travail pluri- disciplinaire (44,6 %). On note que les IDE souhaitaient davantage une lecture pluridisciplinaire (51,7 %) que les Fig. 1 Attente concernant léquipe soignante

Fig. 2 Attentes concernant létablissement

Fig. 3 Modes dintervention attendus auprès des équipes

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AS (29,2 %) (p< 104Tableau 3). Pour 51,9 % des profes- sionnels, le psychologue devait participer aux transmissions orales et pour 35,9 % d’entre eux le psychologue devait rédiger des transmissions écrites (Fig. 3). Enfin, la majorité des personnes interrogées (56,1 %) attendait que le psycho- logue soutienne les équipes (Fig. 1), notamment de manière individuelle (59,2 %), et par des temps de parole en groupe, davantage pour les non-médecins (54,8 %) que pour les médecins (37 %) (p: 0,0002).

Concernant l’institution CHU (Fig. 2), l’implication des psychologues dans les projets institutionnels (47,1 %) était attendue, et cela, davantage que leur participation à la recher- che (26,8 %) et leur travail de lien avec les professionnels extérieurs au CHU autour de situations cliniques (22 %). Par ailleurs, 38,1 % souhaitaient que les psychologues prennent part dans les décisions thérapeutiques (Fig. 3), un avis moins partagé par les médecins (25,9 %) (p: 0,001).

Les professionnels interrogés pensaient solliciter le psy- chologue surtout à la demande des patients (87 %), mais aussi en cas de complications psychorelationnelles (74 %), à la demande des proches (73 %), en prévention de souffran- ces psychorelationnelles (60 %), et un peu moins en cas de crise (55 %).

L’analyse statistique a révélé des différences significa- tives selon qu’un psychologue exerçait ou non dans le ser- vice (Tableau 4). Lorsque les professionnels travaillaient avec un psychologue, leurs attentes concernant l’activité auprès du patient étaient plus précises. Par ailleurs, leurs demandes étaient plus fortes concernant les transmissions écrites et orales (p <104), la participation du psychologue au dispositif d’annonce (p: 0,01) et aux réunions pluridisci- plinaires (p: 0,002). Ils mettaient aussi davantage l’accent sur son rôle de lien avec des professionnels extérieurs au service concernés par la situation clinique (p: 0,01).

Discussion

En interrogeant les professionnels de santé dans les unités d’oncologie et d’hématologie sur la pratique des psycholo- gues, il est apparu que leurs attentes étaient parfois peu précises, même si celles des IDE et des médecins étaient plus approfondies que celles des AS. Dans quelle mesure, alors, le positionnement clinique des psychologues et les différentes approches conceptuelles pourraient induire ces imprécisions autour des rôles et fonctions du psychologue [7,10,12,21,23] ?

La notion de thérapie de soutien a été fréquemment employée par les psychologues pour définir leur activité auprès du patient atteint d’une maladie somatique. Pour Rusz- niewski [22], ces thérapies de soutien consistent le plus sou- vent à « percevoir les remaniements intérieurs des patients pour insérer dans leur vie et leur histoire les conséquences

de la maladie ». Mais, ce terme de « soutien » n’est-il pas applicable à toutes autres relations soignantes ? N’est-il pas source de confusion pour les équipes hospitalières ? Ainsi, cette enquête invite le psychologue à communiquer davantage autour de sa pratique, de la fonction psychologique dans ces unités, en reprenant notamment certaines notions telles que

« le travail d’accompagnement », « la relation d’aide », « l’al- lègement de la charge émotionnelle ». Cette démarche pour- rait contribuer aux réflexions du soignant sur la dimension relationnelle du soin et permettre de redéfinir les rôles spéci- fiques de chaque profession en vue d’une meilleure collabo- ration d’équipe [15]. De nombreux personnels en oncologie soulignent d’ailleurs ne pas être suffisamment formés à cette dimension relationnelle et révèlent avoir entrepris un travail de type psychothérapie pour mieux se connaître et supporter la souffrance des patients [20]. Suite à des entretiens auprès des personnels en oncologie, Daval, professeur de philoso- phie, conclut que « ce n’est pas la technique qui pose pro- blème…mais bien plutôt la prise en charge psychique des patients et de leurs familles » [20].

Nous avons relevé que l’une des attentes vis-à-vis du psychologue concernait le dispositif d’annonce [8]. Il faut rappeler qu’avec le premier Plan cancer et à la demande des proches des patients, nous avons assisté progressivement à la mise en place de consultations d’annonce dans ces services. Des équipes pluridisciplinaires ont formalisé un temps d’annonce, propre au fonctionnement de chaque ser- vice, auquel le psychologue s’est trouvé souvent associé.

L’annonce du diagnostic de cancer a été fréquemment décrite comme traumatique par le sujet et ses proches. Brocq [6] parle d’« une déchirure dans la trajectoire existentielle…une sorte de plongée dans le vide ». Le sujet va alors tenter de donner du sens à cet événement. Les psychologues ont pris des posi- tionnements différents quant à leur intervention à ce moment de l’annonce : soit une présentation systématique au patient et à ses proches, soit une proposition de rencontre formulée par l’équipe. Certains psychologues pensent qu’une première ren- contre après l’annonce peut favoriser l’émergence d’une demande du côté du malade et/ou de ses proches à un moment donné du traitement. D’autres psychologues voient dans ce type d’intervention systématique une mise en danger de la fonction psychologique, étant donné qu’elle pourrait être associée à une prestation de services. Rappelons que « l’acte du clinicien est bien de permettre au sujet qui vient lui parler de cerner, au-delà des paroles des autres qui l’entourent, ce qui fait véritablement symptôme pour lui et ce dont il va pouvoir demander à être soulagé » [10].

Les professionnels ont associé ici le travail du psycho- logue à la prise en charge des affects douloureux suscités par la maladie chez le patient et ses proches. Ils souhaitaient, également, que le psychologue s’implique dans la prépara- tion au deuil des proches [14]. Le psychologue aurait-il un savoir dans ce champ spécifique de la fin de vie et du

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deuil [9,17] ? Même s’il en disposait, aucune théorie psycho- logique ne pourrait répondre par un savoir à ceux qui sont confrontés à la mort d’un proche ou à leur propre mort. C’est donc avec humilité, délicatesse que le thérapeute entreprend avec le sujet « un exercice léger et profond à la fois » [16].

Les personnes atteintes d’un cancer sont amenées à vivre un véritable « travail de sens ». Cette quête de sens est au centre du débat concernant la place de la spiritualité en médecine, notamment en psycho-oncologie et en médecine palliative [11]. La finesse de ce travail exige du psychologue une for- mation continue, une supervision et une démarche de recher- che, des outils indispensables à la pratique clinique.

Il semble pertinent de revenir sur le constat que les AS avaient des attentes particulièrement fortes concernant une préparation au deuil des proches. On peut émettre l’hypo- thèse que leurs préoccupations vis-à-vis du devenir des familles, après le décès du patient, sont plus importantes en raison de leur fonction. En effet, les AS côtoient le sujet malade dans son intimité corporelle lors des toilettes, des soins de nursing. Les échanges vont porter plus fréquem- ment sur le quotidien du sujet et de ses proches, les souffran- ces et les difficultés rencontrées. Le type de relation soi- gnant/soigné pourrait peut-être alors expliquer ces résultats.

L’étude soulève également la question de la collaboration du psychologue avec une équipe de soin et celle de la pro- tection de la parole du patient et de ses proches [2,3]. Que va-t-il transmettre à l’équipe ? La demande adressée aux psychologues de réaliser des transmissions orales mais aussi écrites est forte dans ces services. Stadelmaier et al. [24]

insistent sur la nécessité de protéger « l’intime » de la per- sonne, de ne pas trahir la relation de confiance avec le patient. Les auteurs expliquent que « si nous savons à qui nous parlons, nous ignorons qui nous lit ». Le psychologue est responsable de ses écrits : ses notes brutes personnelles non transmissibles, le dossier psychologique (protocoles et résultats d’épreuves psychologiques) et les comptes rendus (synthèse, bilan) transmis dans le cadre de la pluridisciplina- rité. Il est le seul à décider de l’insertion de ses comptes rendus psychologiques dans le dossier médical.

Enfin, on retient également de cette étude la demande de soutien des équipes et notamment de soutien individuel. Cette demande est le témoin d’une possible souffrance du personnel en cancérologie. Les identifications aux familles, la confron- tation à la mort de l’autre, la culpabilité ressentie par rapport aux traitements, l’ambivalence dans les sentiments à l’égard d’un patient peuvent avoir des effets pathogènes sur le psy- chisme des professionnels [4]. Des recherches en psychologie ont été menées afin de repérer les tensions perçues par les soignants en cancérologie et les conséquences de celles-ci [19,20,25]. Travailler dans le domaine de l’oncologie consti- tue bien souvent un choix professionnel, mais cette activité peut susciter de nombreuses tensions et engendrer ce qui est souvent appelé leburnout. Maslach et Jackson en 1981 [20]

ont défini le burnoutcomme « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accom- plissement personnel qui apparaît chez les individus impli- qués professionnellement auprès d’autrui ». Dans le domaine de la cancérologie, Truchot et Borteyrou [25] ont montré comment les exigences organisationnelles (charge de travail) et les exigences des patients peuvent avoir des répercussions sur les soignants. Cependant, l’identification des « stresseurs » n’est pas suffisante pour prédire la santé mentale du personnel en oncologie, au regard des facteurs individuels [5]. C’est pourquoi les auteurs se sont aussi intéressés à l’étude des stra- tégies de coping des soignants face à ces stresseurs [5], qui a mis en évidence le rôle protecteur des stratégies centrées sur le problème (recherche d’informations, échange avec les patients) et les effets dysfonctionnels de celles centrées sur l’émotion (humour, minimisation, évitement). Enfin, l’impor- tance du soutien social professionnel a été démontrée [5,19,20,25]. Ce soutien modère la relation entre le stress pro- fessionnel et le burnout. La qualité des relations de travail apparaît comme un aspect essentiel du bien-être des soignants en cancérologie.

Mais, comment le psychologue de l’unité peut se position- ner lorsqu’il repère une souffrance d’équipe ou qu’un soignant le sollicite pour trouver une oreille attentive à sa probléma- tique personnelle ? Ruszniewski [22] pense que le psycholo- gue se doit d’intervenir auprès des soignants en facilitant le travail de groupe « dans le but de réduire les tensions psycho- logiques d’où qu’elles viennent et de dénouer les conflits à l’intérieur de l’équipe ». On peut proposer par ailleurs aux équipes, un travail en groupe d’analyse des pratiques avec un professionnel extérieur au service comme le psychologue rattaché au service de médecine du travail. On distingue, à ce propos, les groupes de parole et d’analyse de pratique. Les premiers permettent la verbalisation d’une souffrance, en vue de son objectivation et de son dépassement. Les seconds se centrent davantage sur les positionnements professionnels adoptés en situation de travail, en vue d’obtenir des change- ments. Malgré les effets différents de ces types de soutien, un impact positif a été démontré dans les deux cas [20] sur les niveaux deburnoutet de détresse psychologique en oncolo- gie. Cependant, peu de groupes de parole ou d’analyse de pratique existent dans ces services. Notons que dans certains cas, le psychologue de l’unité pourra aussi orienter le sujet demandeur vers un professionnel extérieur à l’institution.

Ainsi, cette enquête semble avoir ouvert la possibilité aux personnes interrogées de parler de leur vécu et de leur souffrance au travail.

Conclusion

Pour conclure, malgré les limites de ce travail qui résident à la fois dans la construction du questionnaire (questions/

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réponses posées par des psychologues), dans la part de sub- jectivité et le faible pourcentage de réponses, il a permis de recueillir une première idée générale sur la collaboration des équipes hospitalières avec les psychologues cliniciens en cancérologie, au CHU de Bordeaux. Ainsi, la démarche du collège « SOS » a mis en avant l’importance des postes de psychologue pour ces professionnels de santé. Cette étude aimerait contribuer à la création nécessaire de postes de psy- chologue en oncologie et en hématologie.

L’enquête a rappelé que les psychologues cliniciens de ces unités sont amenés à travailler avec des équipes pluri- disciplinaires. Il leur appartient donc de préciser aux profes- sionnels avec lesquels ils collaborent leurs rôles et fonctions auprès des personnes malades et de leurs proches.

Notre attention s’est portée aussi sur la souffrance au travail en cancérologie, sur les dispositifs de soutien déjà existants (médecine du travail, groupe d’analyse des prati- ques) et sur d’autres perspectives de soutien possibles.

La formation continue des professionnels est à cet égard indispensable.

Aussi, il aurait été intéressant d’interroger les soignants sur leurs attentes vis-à-vis des chercheurs en psychologie afin d’appréhender les thématiques qu’ils souhaiteraient voir approfondies dans le domaine de l’oncologie.

Concernant les psychologues, il semble qu’en sus de leur formation théoricoclinique, des thématiques de formation sur des questions juridiques, éthiques et philosophiques apparaissent pertinentes [13].

Enfin, leur place dans l’institution, même si elle paraît attendue, est encore à consolider.

Remerciements :Au Comité départemental de la Gironde de la Ligue contre le cancer pour le financement de la saisie des données.

Au Centre de ressources national (CDRN) François-Xavier- Bagnoud pour son aide bibliographique.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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