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L'abus sexuel et la polyvictimisation chez les jeunes avec des comportements sexuels problématiques : analyses des trajectoires développementales de victimisation

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Academic year: 2021

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L’abus sexuel et la polyvictimisation chez les jeunes

avec des comportements sexuels problématiques :

Analyses des trajectoires développementales de

victimisation

Mémoire

Justine Daigle

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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L’abus sexuel et la polyvictimisation chez les jeunes avec des comportements sexuels problématiques : Analyses des trajectoires développementales de victimisation

Mémoire

Justine Daigle

Sous la direction de :

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Résumé

À ce jour, les écrits scientifiques ont permis de démontrer un certain lien entre la victimisation et les comportements sexuels problématiques (CSP) chez les jeunes. Toutefois, les travaux de recherche effectués auprès des jeunes ayant posé des gestes sexuels abusifs se sont principalement concentrés sur le rôle et l’importance des expériences d’abus sexuel et des CSP en réaction à cette forme de victimisation. De ce fait, un nombre limité d’études a tenu compte de la possibilité que ces jeunes aient été exposés à la polyvictimisation. Afin de pallier cette limite importante, ce projet de mémoire fut articulé en vertu de trois sous-objectifs. Ainsi, cette étude vise (1) à mieux contextualiser l’expérience d’abus sexuel des jeunes avec des CSP (2) à mieux comprendre les trajectoires développementales de victimisation de ces jeunes, ainsi qu’à (3) mieux comprendre l’influence de l’abus sexuel et de la polyvictimisation sur la continuité des CSP. Le présent projet de recherche est basé sur l’analyse rétrospective et longitudinale de données collectées depuis 2002 au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale (Lussier, Chouinard-Thivièrge, McCuish, Nadeau & Lacerte, 2018). Afin de répondre aux objectifs de cette étude, l’examen de tous les signalements à la Direction de la protection de la jeunesse entre 0 et 17 ans a été effectué parmi un échantillon (n = 1034) d’enfants québécois qui présentent des CSP avant l’âge de 18 ans. Les résultats des analyses comparatives ont permis de révéler la prévalence ainsi que l’influence de la victimisation sexuelle et de la polyvictimisation vécues au cours de l’enfance et de l’adolescence chez les enfants avec des CSP. Les implications de l’étude sur le plan de la recherche, de la théorie et de la pratique sont également discutées. L’étude souligne la complexité du contexte traumatique de vie dans laquelle s’inscrivent les CSP manifestés par ces jeunes.

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Abstract

To date, the studies have demonstrated some link between victimization and sexual behaviour problems (SBP) among youth. However, empirical findings about youth engaging in sexually abusive behaviours have focused primilary on the role and importance of sexual abuse experiences and SBPs in response to this form of victimization. As a result, a limited number of studies have considered the possibility that these youth have been exposed to polyvictimization. To overcome this important limitation, this study was articulated under three sub-objectives. Thus, this study aims (1) to better contextualize the experience of sexual abuse of youths with SBPs (2) to better understand the developmental trajectories of victimization of these youths, as well as (3) to better understand the influence of sexual abuse and polyvictimization on the continuity of SBPs. The current study is based on the retrospective and longitudinal analysis of data collected since 2002 at the Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale (Lussier, Chouinard-Thivièrge, McCuish, Nadeau & Lacerte, 2018). In order to meet the objectives of this study, all reports to Child protective service in Quebec between the ages of 0 and 17 were examined among a sample (n = 1034) of children who presented SBPs before the age of 18. The results of the comparative analysis revealed the prevalence as well as the influence of sexual victimization and polyvictimization experienced during childhood and adolescence among children with SBPs. The implications of this study in terms of research, theory and practice, are also discussed. The study highlights the complexity of the traumatic life context in which SBPs manifested by these youth take place.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Recension des écrits scientifiques ... 5

1.1 Théories de l’attachement ... 5

1.1.1 Liens d’attachement et délinquance sexuelle des mineurs ... 6

1.2 La polyvictimisation chez les jeunes ... 9

1.3 La polyvictimisation d’un stade de développement à l’autre ... 11

1.4 Influence de la polyvictimisation sur le comportement à l’enfance et à l’adolescence ... 17

1.4.1 Problèmes de comportement à l’enfance ... 19

1.4.2 Problèmes de comportement à l’adolescence ... 20

1.4.3 Comportement de délinquance ... 23

1.5 Lien entre la polyvictimisation et les comportements sexuels problématiques .. 25

1.6 Caractéristiques spécifiques des victimisations et comportements sexuels problématiques... 30

1.7 Pertinence sociale et scientifique ... 32

1.8 Objet d’étude et question de recherche ... 34

Chapitre 2 : Méthodologie ... 36

2.1 Approche privilégiée et type de recherche ... 36

2.2 Population à l’étude et échantillonnage ... 36

2.3 Mode de collecte des données ... 40

2.3.1 Procédure de collecte de données ... 40

2.4 Variables à l’étude ... 40

2.4.1 Trajectoires de victimisation ... 41

2.4.2 Types de victimisation ... 41

2.4.3 Comportements sexuels problématiques ... 43

2.4.4 Environnement familial ... 44

2.4.5 Comportements à l’enfance et à l’adolescence... 44

2.5 Analyse des données ... 45

2.6 Considérations éthiques ... 45

Chapitre 3 : Présentation des résultats ... 46

3.1 La victimisation à l’enfance chez les jeunes avec des comportements sexuels problématiques... 46

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3.2 Les types de victimisation à l’enfance et l’adolescence et l’abus sexuel à

l’enfance ... 47

3.3 Les trajectoires de victimisation chez les jeunes avec des comportements sexuels problématiques... 48

3.4 Les trajectoires de victimisation à l’enfance et l’adolescence et l’abus sexuel à l’enfance ... 49

3.5 La victimisation et la polyvictimisation des filles et des garçons abusés sexuellement à l’enfance ... 52

3.5.1 Les types de victimisation et l’abus sexuel à l’enfance chez les filles ... 52

3.5.2 Les trajectoires de victimisation et l’abus sexuel à l’enfance chez les filles ... 53

3.5.3 Les types de victimisation et l’abus sexuel à l’enfance chez les garçons ... 55

3.5.4 Les trajectoires de victimisation et l’abus sexuel à l’enfance chez les garçons .. 55

3.6 Les trajectoires de victimisation des filles et des garçons abusés sexuellement à l’enfance ... 58

3.7 La victimisation à l’enfance et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence ... 59

3.7.1 L’abus sexuel et la polyvictimisation à l’enfance et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence... 59

3.7.2 L’abus sexuel et la polyvictimisation à l’enfance et la présence de comportements de violence sexuelle à l’adolescence... 60

3.8 La victimisation à l’adolescence et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence ... 61

3.8.1 L’abus sexuel et la polyvictimisation à l’adolescence et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence... 62

3.8.2 L’abus sexuel et la polyvictimisation à l’adolescence et la présence de comportements de violence sexuelle à l’adolescence... 62

Chapitre 4 : Discussion... 64

4.1 Prévalence et nature des expériences de victimisation chez les jeunes avec des comportements sexuels problématiques ... 66

4.2 Persistance de la polyvictimisation de l’enfance à l’adolescence ... 70

4.3 Différences entre les filles et les garçons concernant les formes de victimisation et les trajectoires de victimisation ... 72

4.3.1 Victimisation et polyvictimisation à l’enfance selon le sexe ... 73

4.3.2 Victimisation et polyvictimisation à l’adolescence selon le sexe... 74

4.4 Abus sexuel, polyvictimisation et continuité des comportements sexuels problématiques... 75

4.4.1 Trajectoires de victimisation à l’enfance et continuité des comportements sexuels problématiques... 76

4.4.2 Trajectoires de victimisation à l’adolescence et continuité des comportements sexuels problématiques ... 79

4.5 Implications de l’étude ... 81

4.6 Limites de l’étude... 86

Conclusion ... 88

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Liste des tableaux

Tableau 1. Informations descriptives de l’échantillon (n = 1034)………....39 Tableau 2. Comparaisons entre les jeunes ayant vécu l’abus sexuel à l’enfance ou non concernant l’histoire de victimisation à l’enfance et à l’adolescence……….48 Tableau 3. Comparaisons entre les jeunes ayant vécu l’abus sexuel à l’enfance ou non concernant les différentes trajectoires de victimisation ……….51 Tableau 4. Comparaisons entre les filles abusées sexuellement ou non concernant la victimisation et la polyvictimisation à l’enfance et à l’adolescence………...54 Tableau 5. Comparaisons entre les garçons abusés sexuellement ou non concernant la victimisation et la polyvictimisation à l’enfance et à l’adolescence………...…...57 Tableau 6. Abus sexuel et polyvictimisation vécus à l’enfance et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence………...61 Tableau 7. Abus sexuel et polyvictimisation vécus à l’adolescence et la présence de comportements sexuels problématiques à l’adolescence………...63

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Liste des figures

Figure 1. Pourcentages des formes de victimisation vécues à l’enfance et à l’adolescence chez les jeunes qui présentent des comportements sexuels problématiques………...46 Figure 2. Pourcentages des différentes trajectoires de victimisation vécues à l’enfance et à l’adolescence chez les jeunes qui présentent des comportements sexuels problématiques………...49 Figure 3. Comparaisons entre les filles et les garçons abusés sexuellement à l’enfance concernant les différentes trajectoires de victimisation à l’enfance et à l’adolescence...58

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Liste des abréviations

CIUSSS : Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux CSBI : Child Sexual Behavior Inventory

CSP : Comportement sexuel problématique DPJ : Direction de la protection de la jeunesse JVQ : Juvenile Victimization Questionnaire LPJ : Loi sur la protection de la jeunesse MTP : Mauvais traitement psychologique

NCTSN : National Child Traumatic Stress Network VS : Violence sexuelle

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Remerciements

Tout d’abord, je tiens à remercier Dr Patrick Lussier, mon directeur de recherche, de m’avoir guidé à chacune des étapes de mon cheminement à la maîtrise. Je suis reconnaissante pour votre partage de connaissances indispensable à la réalisation de ce mémoire. Merci également de m’avoir permis d’intégrer votre laboratoire de recherche ainsi que pour les belles opportunités et expériences professionnelles.

Je souhaite de plus remercier le Centre international de criminologie comparée (CICC) pour le soutien financier.

Ensuite, je remercie mes amis ainsi que mes collègues de laboratoire pour leur présence, leur soutien et leur encouragement tout au long de ce parcours.

Je souhaite également remercier ma famille pour son amour, son soutien inconditionnel et ses encouragements constants. Un merci particulier à mes parents, Chantal et Denis, à ma sœur Marjerie et ma grand-mère Hélène, qui m’ont encouragé tout au long de mon cheminement académique et qui ont toujours cru en moi. Je partage certainement cette réussite avec vous et vous remercie de faire partie de ma vie.

Finalement, je remercie de tout mon cœur mon conjoint Samuel d’avoir vécu avec moi chaque journée de mon mémoire et de m’avoir apporté son soutien.

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Introduction

Depuis les années 1970, les écrits scientifiques portant sur l’abus sexuel connaissent un essor considérable. D’ailleurs, les études effectuées à ce jour permettent de saisir son ampleur (Ministère de la Sécurité publique, 2004 ; 2010 ; Statistique Canada, 2010). Toutefois, jusqu’à maintenant, il demeure difficile de déterminer avec certitude la prévalence de l’abus sexuel commis envers des mineurs et par des mineurs. Par ailleurs, ces deux problèmes sociaux sont souvent perçus comme étant distincts l’un de l’autre, voire en opposition. D’un côté, les victimes d’abus sexuel ou d’autres formes de maltraitance soulèvent de la compassion au sein de la société alors que d’un autre côté, les jeunes commettant des délits à caractère sexuel évoquent des réactions hostiles ainsi que la punition et la répression (Letourneau et coll., 2018). Au sein de la société, ce clivage entre ces deux phénomènes masque une réalité bien plus complexe, puisque les études empiriques ont démontré une interdépendance et un taux de cooccurrence important entre la victimisation et la délinquance sexuelle juvénile. Effectivement, des travaux de recherche portant sur les jeunes victimes de maltraitance ont montré que ceux-ci sont plus susceptibles de commettre un geste d’abus, dont des comportements sexuels problématiques (CSP) (Hanson & Slater, 1988). Également, d’autres études ont identifié que les jeunes manifestant des comportements sexuels atypiques, non normatifs, problématiques, et même illégaux vivraient dans un contexte d’exposition à la victimisation (p.ex., Chaffin, 2008 ; Seto & Lalumière, 2010). D’ailleurs, Letourneau et coll. (2018) se sont intéressés aux impacts de l’enregistrement dans le registre public, aux États-Unis, d’adolescents âgés de 12 à 17 ans, ayant commis un délit à caractère sexuel. Ces chercheurs mentionnent que les jeunes inscrits en tant que délinquant sexuel au registre public se sentent moins en sécurité et vivent davantage de violence avec les pairs. Également, les jeunes inscrits au registre public sont plus susceptibles d’avoir été agressés sexuellement et d’être approchés par un adulte pour des relations sexuelles. Ces observations, donc, mettent en lumière le fait que les adolescents fichés en tant que délinquant sexuel vivent de l’exclusion sociale et sont davantage l’objet de victimisations, dont l’abus sexuel (Letourneau et coll., 2018 ; Trivits & Repucci, 2002).

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Bien que la littérature scientifique ait démontré un certain lien entre la victimisation et les CSP chez les jeunes, celle-ci comporte des limites conceptuelles et méthodologiques importantes. Notamment, les travaux de recherche actuels effectués auprès de jeunes ayant commis des gestes à caractère sexuel abusif ont porté majoritairement sur le rôle et l’importance des expériences de victimisation sexuelle et des CSP en réaction à cette forme de victimisation (Aebi et coll., 2015 ; Burton, Miller, & Shill, 2002 ; Friedrich et coll., 1992 ; Glasser et coll., 2001 ; Papalia, Ogloff, Cutajar, & Mullen, 2018 ; Widom & Ames, 1994 ; Widom & Massey, 2015). Toutefois, un certain consensus se dégage concernant le manque de connaissances en ce qui concerne les autres formes de victimisation, et même la victimisation multiple et les CSP (Tourigny, Hébert, Joly, Cyr, & Baril, 2008). Effectivement, certaines études plus récentes ont identifié que les enfants manifestant des CSP vivraient dans un contexte d’exposition à plusieurs formes d’abus (Hall, Mathews, & Pearce, 1998 ; 2002 ; Tarren-Sweeney, 2008). Par conséquent, en examinant un type de victimisation à la fois, cela ne permet pas de bien contextualiser l’expérience de la victimisation sexuelle ou de comprendre l’effet cumulé des différentes formes de victimisation et de maltraitance (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2007a). De ce fait, jusqu’à ce jour, peu d’information concerne les problèmes de développement et les défis qui caractérisent cette population. Ainsi, dans la présente étude, un intérêt particulier est porté aux profils de ces jeunes en tenant compte des différentes trajectoires de victimisation dans le but de favoriser une meilleure compréhension de ceux-ci et de leurs besoins en matière d’intervention.

Au Québec, deux lois existent afin d’encadrer les mineurs qui sont exposés aux différents types de maltraitance, de même que ceux manifestant des CSP. Il s’agit de la Loi de la protection de la jeunesse (LPJ) et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). D’abord, la LPJ est une loi provinciale appliquée lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant âgé de 18 ans et moins est compromis (Gouvernement du Québec, 2020). Notamment, les jeunes qui sont victimes de formes de maltraitance, comme l’abus sexuel, l’abus physique ou la négligence ou qui présentent des problèmes de comportements sérieux sont pris en charge selon l’article 38 de cette loi. Ensuite, la LSJPA est une loi fédérale appliquée aux adolescents âgés de 12 à 17 ans qui ont commis une

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infraction en vertu du code criminel ou à d’autres lois fédérales à caractères pénaux (Ministre de la Justice, 2019). Ainsi, les jeunes âgés entre 12 et 17 ans qui ont commis un geste à caractère sexuel peuvent être pris en charge par cette loi. Ces deux lois sont donc importantes dans le cadre de ce mémoire, et plus particulièrement, la LPJ, puisqu’elle a permis, entre autres, d’identifier les jeunes manifestant des CSP ainsi que de mettre en relief leurs trajectoires développementales de victimisation.

Il est à noter qu’au Québec, peu d’études scientifiques ont été réalisées afin de décrire l’histoire de victimisation et d’abus de ces jeunes avec des CSP qui sont pris en charge par ces Lois. De ce fait, un écart fut observé sur le plan de la pratique entre les méthodes d’interventions employées au Québec auprès des jeunes qui ont posé un acte d’agression sexuelle et celles utilisées ailleurs en Amérique du Nord (Jacob, McKibben, & Proulx, 1993 ; Lafortune, Tourigny, Proulx, & Metz, 2006). Ainsi, parmi les rares études qui se sont intéressées à la victimisation et aux expériences d’adversité chez les jeunes qui ont commis un geste à caractère sexuel, il y a l’étude descriptive de Coutu, Meilleur et Lafortune (2015). Plus précisément, cette étude a été réalisée auprès d’adolescents québécois reconnus coupables d’un délit à caractère sexuel (n = 1429) en vertu de la LSJPA. Dans la majorité des cas (82 %), les jeunes ont été signalés à la LPJ durant l’enfance et ils ont vécu en moyenne deux types de victimisation différents. Par la suite, Lussier, Chouinard-Thivièrge, McCuish, Nadeau et Lacerte (2018) ont réalisé une étude longitudinale et se sont intéressés, entre autres, à la polyvictimisation chez des jeunes présentant des CSP, soit ceux ayant vécu l’expérience d’au moins deux formes différentes de victimisation entre 0 et 17 ans. Tous les jeunes de l’échantillon (n = 957) présentent des CSP en vertu l’article 38 f) de la LPJ. Ces auteurs ont observé que 41 % des jeunes de leur échantillon ont vécu de deux à trois expériences différentes de victimisation et 11,3 % ont vécu quatre expériences de victimisation ou plus. Par conséquent, ces recherches soulignent l’importance d’investiguer le lien entre les expériences négatives vécues et la délinquance sexuelle des mineurs. Dans cette optique, l’amélioration des connaissances concernant les trajectoires développementales de victimisation et les CSP est essentielle afin d’améliorer les pratiques des intervenants, dont les travailleurs sociaux, les psychologues, les éducateurs et les psychoéducateurs qui travaillent auprès des jeunes avec des CSP.

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Depuis plusieurs années, la période de l’enfance a été l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs et des intervenants qui travaillent auprès des jeunes auteurs d’agression sexuelle. Cette attention, surtout théorique et clinique, a été portée sur le rôle et l’importance des expériences de victimisation et d’abus sur le développement de la conduite sexuelle. Certains chercheurs ont d’ailleurs évoqué l’hypothèse selon laquelle les jeunes auteurs de délits sexuels ont des difficultés importantes, à l’enfance, sur le plan de l’attachement et de la capacité à développer des liens d’intimité par la suite (Marshall, 1989 ; 1993 ; Marshall, Hudson, & Hodkinson, 1993 ; Smallbone & Dadds, 1998 ; 2000 ; Smallbone & McCabe, 2003). Dans cette optique, le recours à la théorie de l’attachement (Marshall, 1989 ; 1993 ; Marshall & Marshall, 2000) se révèle pertinent, permettant ainsi d’explorer les trajectoires de victimisation chez les enfants et d’expliquer le lien avec l’apparition CSP.

Bien que la littérature scientifique au sujet des CSP chez les enfants soit en croissance, jusqu’à tout récemment, ces travaux de recherche ont ainsi négligé certains facteurs pouvant être associés à l’apparition des CSP, dont la polyvictimisation. Ce faisant, le but de la présente étude est donc de contribuer à la mise à niveau des connaissances concernant la victimisation et la polyvictimisation vécues au cours des périodes développementales de l’enfance et l’adolescence parmi les jeunes manifestant des CSP en vertu de l’article 38 de la LPJ. Ainsi, le premier chapitre de ce mémoire entend mettre sur table les aspects théoriques et empiriques de la victimisation et des CSP. Plus précisément, ce chapitre traitera de la théorie de l’attachement et de l’état des connaissances entourant la victimisation, la polyvictimisation, puis les CSP chez les jeunes. Ensuite, la méthodologie utilisée aux fins de cette étude sera présentée dans le deuxième chapitre. Dans le troisième chapitre, les résultats seront présentés, puis dans le quatrième et dernier chapitre, il y aura l’interprétation et la discussion qui seront réalisées à la lumière de ces résultats obtenus.

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Chapitre 1 : Recension des écrits scientifiques 1.1 Théories de l’attachement

Au cours des dernières décennies, un certain nombre de théories ont été élaborées afin d’approfondir la compréhension des divers aspects entourant la délinquance sexuelle. Certains de ces modèles ont proposé des explications liées au développement en stipulant la présence de certains facteurs de risque au cours des différentes périodes développementales. Notamment, la théorie de l’attachement fournirait un cadre théorique et clinique utile afin de mieux comprendre certaines dimensions importantes influençant l’individu au crime sexuel (Marshall, 1989 ; 1993 ; Marshall et coll., 1993 ; Smallbone & Dadds, 1998 ; 2000 ; Smallbone & McCabe, 2003). De manière générale, cette théorie propose d’examiner les expériences de développement, en particulier, celles concernant la relation entre l’enfant et son parent (Marshall et coll., 1993). Lorsque cette relation est caractérisée par des liens d’attachement faibles ou insatisfaisants, l’enfant est considéré comme étant à risque de manifester des comportements antisociaux futurs. De ce fait, afin de mieux comprendre la délinquance sexuelle et le crime, des observations cliniques de Marshall (1989 ; 1993) ont montré que les délinquants sexuels n’ont généralement pas l’opportunité de créer un lien d’attachement sécurisant à l’enfance et par la suite, ont des difficultés dans les relations et l’intimité à l’adolescence et à l’âge l’adulte (Smallbone, 2005). Ainsi, dans le but de développer une théorie, Marshall (1989 ; 1993) a voulu intégrer ces processus et démontrer la relation entre l’attachement, l’intimité et la propension de commettre un crime sexuel.

Tout d’abord, le concept clé de l’attachement a initialement été développé par Bowlby (1969 ; 1973 ; 1980) qui souligne l’importance du rôle des liens d’attachement dans le développement de l’enfant. Selon Bowlby (1969 ; 1973 ; 1980), l’attachement reflète les liens entre l’enfant et son parent et donne un sentiment de sécurité nécessaire à l’exploration de son monde. C’est également une caractéristique centrale dans la formation des relations. À cet effet, Bowlby prétend que les liens d’attachement forment la base pour le développement des représentations internes de la relation entre soi et les autres, puis servent de modèle pour les relations futures, dont celles impliquant l’intimité. Ainsi, les enfants qui ont développé des liens d’attachement sécure avec leur parent sont plus chaleureux envers autrui, sont plus résilients aux évènements stressants et sont rarement engagés dans des comportements

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antisociaux. D’ailleurs, ces caractéristiques perdurent à l’adolescence et à l’âge adulte (Marshall et coll., 1993). Toutefois, lorsque les liens entre l’enfant et son parent sont perturbés, des comportements problématiques peuvent apparaître chez le jeune (Marshall et coll., 1993). Les perturbations importantes dans la qualité du lien d’attachement entraînent des conséquences négatives pour l’enfant en période de croissance. Notamment, l’attachement insécure crée une difficulté à établir des relations interpersonnelles par un manque au niveau des habiletés sociales et par une peur du rejet (Bowlby, 1969 ; 1973). Les enfants qui ont développé un attachement insécure semblent vivre davantage de problèmes à l’enfance. De façon plus détaillée, ces perturbations dans la qualité du lien d’attachement résulteraient de plusieurs expériences d’adversité comme une séparation parent-enfant prolongée (Bowlby, 1973), de multiples changements de famille d’accueil, des abus physiques ou sexuels, de la négligence parentale et du rejet émotionnel. Effectivement, les expériences traumatiques, telles que les abus et la négligence parentale peuvent perturber le développement des représentations de soi et des autres, et donc, mener à des représentations internalisées d’attachement insécurisant (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978 ; Brière, Runtz, Eadie, Bigras, & Godbout, 2017 ; Godbout, Daspe, Lussier, Sabourin, Dutton, & Hébert, 2017). Également, dans certains cas, l’enfant doit composer avec la contradiction entre la fonction de protection de son parent et la menace qu’il représente (p.ex., abus physique et abus sexuel), ce qui risque de perturber le développement de stratégie d’attachement et de modèles cognitifs cohérents (Rholes, Paetzold, & Kohn, 2016). L’attachement de l’enfant peut alors être désorganisé. Cet attachement désorganisé se traduit par des réactions incohérentes en situation de détresse. De ce fait, des préoccupations importantes ont émergé concernant les effets d’un attachement insécure dans le développement de comportements délinquants, en particulier l’émergence de la délinquance sexuelle juvénile (Marshall, 1989 ; Marshall et coll., 1993).

1.1.1 Liens d’attachement et délinquance sexuelle des mineurs

Marshall (1993 ; 1994) est donc le premier à lier l’attachement à la délinquance sexuelle chez les adolescents et il a développé un cadre théorique et clinique à partir de ces éléments (Marshall, 1989 ; 1993). Ces travaux lui ont permis d’intégrer à son modèle (1) un

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style d’attachement insécure développé à l’enfance (2) des déficits vécus sur le plan de l’intimité et (3) l’émergence de la délinquance sexuelle.

Un des éléments critiques au sein de la théorie générale de Marshall (1993) concernant les délinquants sexuels consiste en la vulnérabilité de ceux-ci. Cette vulnérabilité présentée sous forme d’un attachement insécure, et plus particulièrement, de type désorganisé, découle principalement d’une perturbation de la qualité des liens d’attachement entre l’enfant et son parent, issue d’expériences difficiles dans le milieu familial. Effectivement, le contexte de vie dans lequel ont évolué les délinquants sexuels est peu favorable au développement de liens d’attachement sécurisant. D’ailleurs, les jeunes qui présentent des CSP ont souvent été victimes d’abus et de négligence parentale durant la période de l’enfance (p.ex., Gray, Pithers, Busconi, & Houchens, 1999). En fait, la victimisation vécue à l’enfance dans le milieu familial ne permet pas aux parents de répondre adéquatement aux besoins de leur enfant et peut ainsi perturber le lien d’attachement entre ceux-ci (Bowlby, 1973 ; Burk & Burkhart, 2003 ; Grady, Levenson, & Bolder, 2017). L’attachement insécure résultant de cette victimisation précoce conduirait apparemment ces jeunes à avoir des difficultés à créer des relations intimes avec les pairs du même groupe d’âge (Marshall, 1994 ; Marshall et coll., 1993). D’ailleurs, cela peut s’expliquer par le fait qu’à l’enfance, les jeunes ayant développé des liens d’attachement insécure sont plus impulsifs, hostiles et agressifs comparativement à ceux ayant un attachement sécure. Lors des opportunités de socialisation avec les pairs, les modèles établis de comportement coercitif et agressif semblent se généraliser à un contexte interpersonnel et social plus large (Smallbone, 2005). Ces difficultés sur le plan interpersonnel peuvent ainsi apparaître sous la forme de CSP (p.ex., Lussier & Healey, 2010).

En outre, de telles difficultés sur le plan interpersonnel rendent plus difficile la transition à la puberté vers des relations d’intimité saines avec les pairs. En fait, Marshall et coll. (1993) mentionnent que la transition à l’adolescence est complexe et assez critique pour toutes sortes de comportements et d’attitudes ultérieurs. Notamment, l’adolescence est la période durant laquelle les enfants commencent à rompre les liens étroits avec leurs parents afin d’y développer une certaine indépendance. C’est également la période dans laquelle le

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jeune subit des changements hormonaux importants, ainsi que comportementaux, en particulier la manifestation de comportements sexuels et agressifs. Ces adolescents qui ont développé de faibles liens d’attachement à l’enfance risquent d’être mal outillés afin de créer des relations d’intimité saines avec les pairs. Ces jeunes ont effectivement besoin de proximité physique et d’intimité. Cependant, ils n’ont pas les capacités nécessaires afin de combler ce besoin. L’incapacité à atteindre l’intimité entraîne une solitude émotionnelle qui augmente les probabilités qu’un jeune adopte des comportements agressifs (Marshall et coll., 1993). Ce faisant, la vulnérabilité de ces jeunes présentée sous la forme d’un attachement insécure facilite le développement de CSP puisqu’ils tenteront de répondre au besoin d’intimité principalement par l’activité sexuelle (Marshall et coll., 1993). En conséquence, ces gestes à caractère sexuel de nature agressive résultent de mauvaises habiletés interpersonnelles dans la formation des relations intimes avec les pairs.

Ainsi, l’utilisation de cette théorie s’avère pertinente à l’explication de l’émergence de CSP chez les enfants dans le cadre de ce présent projet de mémoire. Celle-ci est d’ailleurs appropriée à la discipline du travail social alors que l’attachement est un concept important pour les travailleurs sociaux en protection de la jeunesse qui sont face à des enfants vivant diverses expériences d’adversité et des traumatismes de manière précoce. En outre, cette théorie s’intéressant au développement de l’enfant porte certainement sur des préoccupations considérables pour les intervenants de la protection de la jeunesse (Savard, Pinel-Jacquemin, Oui, Euillet, & Moridy, 2010).

Par ailleurs, en adaptant la théorie de l’attachement à la délinquance sexuelle des mineurs, Marshall et Marshall (2000), ont introduit un autre modèle étiologique comprenant les facteurs associés aux soins donnés, les expériences d’abus à l’enfance et l’attachement. Cette trajectoire vers la délinquance sexuelle juvénile a d’ailleurs été développée à partir de la théorie de Marshall (1989, 1993). De manière plus précise, cette trajectoire de Marshall et Marshall (2000) suggère qu’à l’enfance, un grand nombre de jeunes ont développé des liens d’attachement insécure avec leur parent suite à des expériences d’abus, de négligence et de rejet parental et que ces expériences traumatiques ont établi une certaine vulnérabilité chez ceux-ci. Cette vulnérabilité est caractérisée par des déficits au niveau de l’estime de soi et

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des habiletés relationnelles. Ainsi, ces difficultés au niveau de l’estime de soi et des aptitudes relationnelles peuvent créer un contexte propice, augmentant le risque de vivre une expérience d’abus sexuel.En fait, n’ayant pas la possibilité de nouer des relations et n’ayant pas confiance dans le fait que quelqu’un les apprécie, ces enfants sont particulièrement vulnérables à l’attention des autres. Il est donc possible qu’ils soient particulièrement sensibles à l’attention physique, ce qui les rend plus à risque de vivre l’abus sexuel. À l’adolescence, cette expérience de victimisation sexuelle peut mener le jeune à présenter des comportements sexuels inappropriés. Autrement dit, le jeune aurait des difficultés à satisfaire ces besoins d’intimité avec des partenaires d’âge similaire. Marshall et Marshall (2000) expliquent qu’étant mal outillé pour gérer efficacement les expériences d’adversité et les facteurs de stress, le jeune a de plus en plus recours à une mésadaptation sexuelle. Ainsi, afin de compenser les difficultés liées à l’intimité et de libérer les frustrations sexuelles, des fantasmes sexuels déviants sont progressivement mis en place. Ceux-ci deviennent normalisés par l’utilisation de distorsions cognitives, ce qui augmente le risque que le jeune commette une agression sexuelle. Effectivement, la maltraitance vécue tôt à l’enfance peut contribuer au développement de croyance qui mène le jeune à interpréter incorrectement certaines situations.

En s’inspirant des théories de Marshall et de ses collègues (Marshall, 1989 ; 1993 ; Marshall et coll., 1993 ; Marshall & Marshall, 2000), il semble que les liens d’attachement précoce soutiennent une relation indirecte entre la maltraitance et la délinquance sexuelle chez les mineurs (Grady et coll., 2017, Smallbone, 2006). D’ailleurs, une littérature empirique naissante commence à s’intéresser au mécanisme qui pourrait expliquer un lien entre la victimisation multiple et la délinquance, dont les processus interpersonnels comme les liens d’attachement insécure (Kerig, 2018). Cette théorie se révèle alors comme étant pertinente dans la présente étude pour l’explication du lien entre la victimisation et le développement de CSP chez les jeunes.

1.2 La polyvictimisation chez les jeunes

La victimisation vécue chez les jeunes est un concept qui inclut différents types de maltraitance tels que l’abus sexuel, l’abus physique, l’abus psychologique ainsi que la

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négligence parentale (Hosser, Raddatz, & Windzio, 2007 ; Vachon, Krueger, Rogosch, & Cicchetti, 2015). Ces expériences chez les enfants sont hétérogènes et varient en fonction du type de victimisation vécu, de la gravité, du moment, de la fréquence ainsi que des auteurs ayant commis les gestes d’abus (Manly, Kim, Rogosch, & Cicchetti, 2001). D’ailleurs, la victimisation durant l’enfance constitue un problème de santé publique dans la société occidentale (Tourigny, Hébert, Joly, Cyr, & Baril, 2008) et touche un grand nombre de jeunes chaque année. Notamment, aux États-Unis et Canada, chaque année, de nombreux enfants sont pris en charge par les services de protection de la jeunesse, puisque leur sécurité et leur développement sont considérés comme compromis (Association des centres jeunesse du Québec, 2015 ; Trocmé et coll., 2010 ; U.S. Department of Health and Human Services, 2015). Plus particulièrement, au Canada, selon l’étude sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, en 2008, 85 440 cas de maltraitance auraient été confirmés par les services de protection de la jeunesse (Trocmé et coll., 2010). Pour ce qui est de la situation au Québec, en 2011-2012, 77 244 signalements ont été traités par les services de protection de la jeunesse (Association des centres jeunesse du Québec, 2013).

De nombreuses études empiriques portant sur le phénomène se concentrent sur un type spécifique de victimisation à la fois (p.ex., abus sexuel, abus physique, etc.) ou regroupent les différentes formes de maltraitance sans les différencier (p.ex., victime ou non-victime). De ce fait, peu d’études ont exploré ce phénomène dans un cadre de polyvictimisation (Charak et coll., 2016 ; Gusler & Jackson, 2017). Toutefois, certains auteurs mentionnent que les jeunes victimes de maltraitance subissent rarement une seule forme de victimisation et sont plutôt exposés à plusieurs types de victimisation en cooccurrence (Finkelhor, Hamby, Ormrod, & Turner, 2005a ; Finkelhor, Ormrod, Turner, & Hamby, 2005b ; Finkelhor et coll., 2007a). À titre d’exemple, dans l’étude de Finkelhor, Ormrod, Turner et Hamby (2005c) réalisée aux États-Unis auprès de jeunes âgés entre deux et 17 ans, les chercheurs révèlent que 71 % de ces participants ont été victimes d’un ou de plusieurs types de victimisation au cours de l’année d’étude et que le nombre moyen de victimisations vécu au cours de cette même année est de trois. De surcroît, une grande proportion des enfants pris en charge par la protection de la jeunesse semble vivre un lourd

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fardeau de victimisation (Finkelhor et coll., 2005c). Ainsi, dans une perspective plus large, Finkelhor introduit le concept de « polyvictimisation » afin de désigner les jeunes ayant subi différents types de victimisation au cours de leur jeunesse (Finkelhor et coll., 2007a). En fait, l’étude menée par Finkelhor et coll. (2007a), révèle que lorsque la polyvictimisation est prise en compte, l’effet des victimisations individuelles est considérablement diminué. Ce résultat montre que l’influence des formes individuelles de victimisation peut avoir été surestimée dans de nombreuses études. Certains chercheurs définissent également la polyvictimisation comme étant l’exposition du jeune à des stress traumatiques multiples et variés (Dierkhising, Ford, Branson, Grasso, & Lee, 2019). Les prochaines sections de la présente recension des écrits visent à exposer les connaissances actuelles en lien avec la victimisation et la polyvictimisation. Plus précisément, il sera question de la continuité de la polyvictimisation, des répercussions de cette problématique sur le comportement des jeunes ainsi que du lien entre la polyvictimisation et les jeunes qui présentent des CSP.

1.3 La polyvictimisation d’un stade de développement à l’autre

Alors que dans les dernières décennies les études en regard de la maltraitance infantile se sont davantage centrées sur une forme de victimisation à la fois, et plus particulièrement, sur la victimisation sexuelle, on voit de plus en plus de chercheurs tenir compte des multiples mauvais traitements vécus par les enfants. Les enfants vivant de la maltraitance, et ce, peu importe la forme de victimisation vécue, sont plus à risque de vivre d’autres victimisations au cours de leur vie (Elliott, Alexander, Pierce, Aspelmeier, & Richmond, 2009 ; Finkelhor, Turner, Hamby, & Ormrod, 2011). Notamment, les enfants victimes d’abus physique (Black, Heyman, & Smith Slep, 2001), de négligence (Finkelhor, Moore, Hamby, & Straus, 1997) et de violence conjugale (McCloskey & Bailey, 2000 ; Ramirez, Pinzon-Rondon, & Botero, 2011) sont plus enclins à vivre également de la victimisation sexuelle. De ce fait, certains chercheurs se sont intéressés à la revictimisation et à la continuité de la polyvictimisation chez les jeunes, à savoir la polyvictimisation vécue à différentes étapes du développement ou au cours de deux années consécutives. C’est le cas, notamment, d’une étude prospective réalisée par Widom, Czaja et Dutton (2008), ayant pour but d’examiner la relation entre la victimisation vécue dans l’enfance (violence physique, abus sexuel et négligence) et la revictimisation au cours de la vie. Pour ce faire, des analyses ont été effectuées auprès d’un

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échantillon d’individus (n = 892) ayant vécu de la victimisation au cours de l’enfance et ces derniers ont été comparés à un groupe (n = 396) d’individu n’ayant pas vécu d’abus ou de négligence durant l’enfance. Plus exactement, au moment de la première situation d’abus ou de négligence, les jeunes à l’étude étaient tous âgés d’au moins 11 ans. En analysant les données longitudinales recueillies à partir de l’enfance, les chercheurs ont révélé qu’il est possible prédire les expériences ultérieures de plusieurs types de victimisation — dont la victimisation sexuelle — non seulement par l’abus sexuel vécu durant l’enfance, mais aussi par l’abus physique et la négligence. Notamment, les résultats obtenus indiquent que tant les filles que les garçons ayant vécu de la victimisation au cours de l’enfance sont plus à risque de revictimisation sexuelle au cours de leur vie comparativement à ceux n’ayant pas vécu de victimisation au cours de cette période. Toutefois, ces chercheurs soulignent que cette relation est significativement plus forte chez les garçons. Enfin, les résultats obtenus démontrent que tous les types de victimisation vécus à l’enfance (violence physique, abus sexuel et négligence) sont associés à un risque accru de revictimisation au cours de la vie.

Par ailleurs, Finkelhor, Shattuck, Turner et Hamby (2014) ont, quant à eux, voulu vérifier l’hypothèse selon laquelle l’exposition à plusieurs formes de victimisation expliquerait mieux la revictimisation sexuelle que le fait d’avoir vécu une seule expérience de victimisation sexuelle passée. Les analyses ont été réalisées à partir de la National Survey of Children’s Exposure to Violence, une étude longitudinale menée aux États-Unis, entre 2008 et 2010, auprès d’un échantillon représentatif d’enfants et d’adolescents. Dans leur étude, ils considèrent le jeune comme étant « polyvictime », s’il a vécu sept types de victimisation ou plus durant l’année. Ces victimisations comprennent, notamment, la victimisation de la part des pairs ou de la fratrie, la victimisation sexuelle, l’exposition à la violence, de même que le fait d’être témoin de violence. Afin de mesurer la victimisation des jeunes dans leur étude, ces chercheurs ont utilisé le Juvenile Victimization Questionnaire (JVQ ; Hamby & Finkelhor, 2004). Les résultats de l’étude suggèrent que la revictimisation sexuelle n’est pas nécessairement liée à une expérience d’agression sexuelle antérieure, mais plutôt au fait d’avoir été exposé à de multiples formes de victimisation. Ces chercheurs mentionnent que l’exposition à la victimisation sexuelle semble rendre les jeunes plus vulnérables à l’exposition générale à la victimisation ou à la maltraitance. Ainsi, jusqu’à ce

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jour, un bon nombre d’études empiriques semblent avoir négligé le contexte d’exposition à la victimisation multiple alors que celle-ci appuierait davantage le lien entre la victimisation sexuelle passée et ultérieure (Finkelhor et coll., 2014).

Qui plus est, d’autres chercheurs se sont intéressés à la persistance de la victimisation chez les jeunes ayant vécu l’abus sexuel. Notamment, dans une étude réalisée par Papalia, Luebbers, Ogloff, Cutajar et Mullen (2017), les auteurs ont voulu examiner, plus particulièrement, les expériences d’adversité, dont des histoires de victimisations multiples, chez les jeunes victimes d’abus sexuel. Aux fins de cette étude, ils ont examiné les dossiers médicolégaux de jeunes ayant été abusés sexuellement (n = 2759) et les ont comparés à un groupe de jeunes de la population générale (n = 2677). Les résultats obtenus démontrent que les jeunes victimes d’abus sexuel étaient plus susceptibles que les jeunes de la population générale de vivre une ou plusieurs expériences d’adversités. Notamment, les jeunes victimes d’abus sexuel étaient plus enclines d’avoir vécu d’autres formes de victimisation. Également, les résultats indiquent que ce sont, plus particulièrement, les jeunes ayant vécu l’abus sexuel à l’adolescence (c.-à-d., entre l’âge de 12 et 16 ans) qui sont plus susceptibles que ceux ayant vécu l’abus sexuel à l’enfance (c.-à-d., 12 ans et moins) d’accumuler des expériences d’adversités, comme vivre de la victimisation multiple ou de présenter des comportements de délinquance. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que les jeunes âgés entre 12 et 16 ans se trouvent dans une période de développement critique, soit l’adolescence et qu’être victime d’abus sexuel à cet âge peut affecter de manière significative le jeune, le laissant plus vulnérable aux expériences néfastes. De surcroît, les résultats obtenus ont permis d’observer que les garçons abusés sexuellement sont plus susceptibles d’accumuler plusieurs expériences d’adversité, comme des histoires de victimisation au cours de leur vie comparativement aux jeunes filles abusées sexuellement.

En outre, d’autres études ont été réalisées afin d’examiner la persistance de la polyvictimisation chez les jeunes. À titre d’exemple, Finkelhor, Ormrod et Turner (2007b), ont réalisé une étude auprès d’un échantillon national de (n = 1467) jeunes âgés entre deux et 17 ans. Des entretiens téléphoniques ont été effectués auprès de ces jeunes et de leurs parents. Les données relatives à la victimisation vécue ont été recueillies en deux temps. Tout

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d’abord, une première entrevue téléphonique a eu lieu afin de recueillir les informations sur la victimisation vécue au cours de l’année précédente, puis un deuxième entretien téléphonique a eu lieu un an plus tard afin de recueillir à nouveau l’information sur la victimisation du jeune au cours de cette année. Dans leur étude, les enfants présentant des niveaux élevés de victimisations (c.-à-d., quatre ou plus) sont considérés comme des « polyvictimes ». Tout d’abord, les résultats indiquent que ce sont les enfants plus âgés qui vivraient davantage de polyvictimisation, dont l’âge moyen était de 13 ans. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que certains types de victimisations semblent augmenter avec l’âge, dont l’abus sexuel (Finkelhor et coll., 2005c). De plus, 92 % des victimes d’agression sexuelle parmi les jeunes de leur échantillon étaient des polyvictimes. Également, ils ont observé que les enfants qui vivaient de la polyvictimisation persistante semblaient être ceux manifestant le plus de colère et d’agressivité. Enfin, les auteurs concluent que le risque de vivre de nouvelles expériences de victimisation au cours de la deuxième année est plus élevé chez les jeunes ayant subi des victimisations au cours de la première année. Pour les études futures, ces auteurs suggèrent de porter un intérêt particulier sur la polyvictimisation au cours des différents stades de développement, puisque les impacts peuvent s’avérer différents d’une période à l’autre. Bien que Finkelhor et coll. (2007b) concluent que les jeunes de tous âges sont à risque de vivre de la polyvictimisation persistante, il importe de poursuivre les recherches sur ce sujet afin d’approfondir le lien entre la polyvictimisation à l’enfance et la continuité de la polyvictimisation à l’adolescence.

Jusqu’à maintenant, les études portant sur la polyvictimisation ont inclus des jeunes d’âges différents et se sont intéressées à la polyvictimisation à court terme, soit au courant d’une ou de deux années (p.ex., Cyr et coll., 2012 ; Finkelhor et coll., 2014). Dans le présent projet de mémoire, la continuité de la polyvictimisation est plutôt représentée par une polyvictimisation vécue à l’enfance, puis à l’adolescence. Effectivement, peu d’études ont examiné les différences potentielles quant aux profils développementaux de polyvictimisation, c’est-à-dire à l’enfance et à l’adolescence. Néanmoins, c’est le cas d’une étude réalisée par Grasso, Dierkhinsing, Branson, Ford et Lee (2016), où les chercheurs se sont intéressés aux différents schémas de victimisation vécus à différentes périodes du développement, à savoir durant la petite enfance (c.-à-d., de 0 à 5 ans), l’enfance (c.-à-d., de

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6 à 12 ans) et l’adolescence (c.-à-d., de 13 à 18 ans). Pour ce faire, ils ont utilisé un échantillon (n = 3485) d’adolescents ayant vécu de la victimisation. Les participants ont été recrutés parmi la base de données du National Child Traumatic Stress Network (NCTSN), où les enfants ont été référés par des cliniques de santé mentale, des centres de protection de la jeunesse et des programmes de justices pour mineurs. Les résultats obtenus indiquent des schémas de plus en plus complexes de victimisations à l’enfance et à l’adolescence comparativement à la période de la petite enfance. Également, les résultats cette étude révèlent que 61,3 % des jeunes ont été polyvictimisés à une ou plusieurs périodes au cours de leur vie et que 22,7 % des adolescents ont vécu de la polyvictimisation durant au moins deux périodes, par exemple, à l’enfance et à l’adolescence.

De façon similaire, une étude plus récente réalisée par Dierkhising et coll. (2019) s’est intéressée aux jeunes subissant de la polyvictimisation dans un cadre longitudinal. Ainsi, l’objectif principal poursuivi dans le cadre de cette étude était d’examiner l’association entre la polyvictimisation vécue au début du développement, soit à l’enfance et la polyvictimisation à l’adolescence. De même, ils ont voulu vérifier si la polyvictimisation était associée à une psychopathologie (c.-à-d., troubles de stress post-traumatique, problèmes d’intériorisation et d’extériorisation) chez ces jeunes. De manière plus précise, ces chercheurs ont examiné si la sévérité de la psychopathologie chez l’adolescent varie selon s’il a vécu (a) une polyvictimisation au cours des trois périodes de développement, soit à la petite enfance (c.-à-d., entre 0 et 5 ans), au milieu l’enfance (c.-à-d., entre 6 et 12 ans) ainsi qu’à l’adolescence (c.-à-d., 13 à 18 ans) ; (b) une polyvictimisation à l’enfance seulement et (c) une polyvictimisation à l’adolescence seulement. Dans leur étude, ils définissent la polyvictimisation comme étant un jeune exposé à des évènements traumatiques multiples et variés. Pour ce faire, ils ont utilisé un échantillon de jeunes (n = 3754) tous âgés entre 13 et 18 ans. Les participants ont été recrutés parmi la base de données du NCTSN alors que les données concernant leurs histoires de trauma et leurs expériences d’adversité étaient disponibles. Les résultats de l’étude ont montré qu’il existe une continuité de la polyvictimisation de la petite enfance, au milieu de l’enfance et à l’adolescence. À cet effet, les enfants vivant de la polyvictimisation à la petite enfance continuaient de vivre de la polyvictimisation au milieu de l’enfance. Les polyvictimes au milieu de l’enfance étaient

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également polyvictimes à l’adolescence. En outre, la polyvictimisation en continuité au cours des trois périodes de développement est associée à de sérieux problèmes d’intériorisation et d’extériorisation. De même, les résultats de cette étude ont montré qu’une polyvictimisation persistante est associée à la sévérité des symptômes de troubles de stress post-traumatique, alors qu’une polyvictimisation précoce ou immédiate ne l’est pas.

Plus précisément au Québec, une étude a été réalisée par Cyr et coll. (2012) afin de documenter les multiples formes de victimisation vécues au cours d’une année chez les jeunes québécois référés aux services de protection de la jeunesse. Plus précisément, dans leur étude, ces chercheurs ont mesuré la prévalence de la polyvictimisation chez les jeunes, à savoir ceux ayant respectivement vécu quatre à six victimisations et ceux ayant vécu sept victimisations ou plus. Pour ce faire, ils ont eu recours à un échantillon (n = 220) de jeunes âgés entre deux et 17 ans. Des entrevues téléphoniques ont été réalisées auprès des adolescents et des parents dont l’enfant était âgé de moins de 12 ans. Afin de recueillir les données, les chercheurs ont utilisé la version adolescente du JVQ (Hamby & Finkelhor, 2004) qui décrit des formes de victimisation avec ou sans violence subies directement ou indirectement par l’adolescent au cours de la dernière année. Pour les enfants de 12 ans et moins, une version pour les parents de ce questionnaire a été complétée. Les résultats de l’étude soulignent que la plupart des enfants polyvictimisés ont vécu de la victimisation sexuelle. À cet effet, près de 40 % des enfants polyvictimes âgés de six ans et plus ont été victimisés sexuellement, tandis que plus de la moitié (51 %) des polyvictimes âgées entre 15 et 17 ans ont également été victimes de cette forme de violence. De surcroît, les résultats obtenus révèlent que 29 % des jeunes de l’échantillon ont vécu de quatre à six victimisations au cours de la dernière année et que 25 % des jeunes ont vécu sept victimisations et plus, au cours de la dernière année. Qui plus est, des différences significatives concernant la victimisation ont été trouvées selon la période de développement de l’enfant. Les résultats révèlent que la victimisation devient plus importante avec l’âge du jeune puisque ce sont les adolescents qui semblent être ceux vivant le plus de victimisation. À titre d’exemple, 79 % des jeunes âgés de deux à cinq ans ont été victimes d’au moins une forme de victimisation au cours de la dernière année, alors que ce pourcentage est de 85 % et 92 % pour les jeunes âgés de six à 11 ans et les adolescents. Ces auteurs soulignent que les abus commis tôt à

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l’enfance peuvent se répéter à différentes étapes du développement et dans différents contextes. Ainsi, une proportion importante de jeunes ayant reçu des services de la protection de la jeunesse a été touchée par la polyvictimisation. Compte tenu du fait qu’un bon nombre de ces jeunes suivis en protection de la jeunesse présente également un trouble de comportement, ces auteurs soulignent qu’une attention particulière devrait être portée au lien entre la victimisation multiple et la présence de trouble de comportement chez ces jeunes (Cyr et coll., 2012).

Jusqu’à présent, à travers les écrits scientifiques, la polyvictimisation est mesurée sur la base des victimisations survenues à court terme, à savoir au cours d’une période d’un an ou de deux (Cyr et coll., 2012 ; Finkelhor et coll., 2005c ; Finkelhor, et coll., 2007a, b). En ce sens, la plupart de ces études réalisées à ce jour sont restreintes par le manque de données longitudinales au cours de l’enfance et de l’adolescence. En outre, plus particulièrement, au Québec et au Canada, les avancées scientifiques sont moins importantes concernant la victimisation des jeunes et encore moins à l’égard de la polyvictimisation chez ceux-ci (Cyr et coll., 2017). Pour ces raisons, le présent projet de mémoire porte un intérêt particulier au phénomène de la polyvictimisation vécue à l’enfance et à l’adolescence.

1.4 Influence de la polyvictimisation sur le comportement à l’enfance et à l’adolescence L’enfance et l’adolescence sont des périodes au cours desquelles les ressources personnelles et psychologiques qui guident la cognition et la prise de décision sont développées et, par conséquent, la victimisation vécue durant ces périodes critiques a un impact important sur le plan du développement (Macmillan, 2001). D’ailleurs, la maltraitance infantile peut avoir des conséquences négatives importantes sur le comportement des jeunes victimes, notamment des problèmes d’intériorisation et d’extériorisation (Dufour, Tougas, Tourigny, Paquette, & Hélie, 2017). Des auteurs ont souligné la nécessité d’évaluer un large éventail d’expérience de victimisation (Turner, Finkelhor, & Ormrod, 2006 ; 2010), puisque la victimisation multiple ou même, la polyvictimisation chez les jeunes aurait des conséquences plus importantes sur le développement de comportement délinquant ou la gestion de la colère. Ainsi, à travers les

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écrits scientifiques, certaines études se sont penchées sur l’influence de la polyvictimisation sur le comportement à l’enfance et à l’adolescence.

Notamment, certaines études se sont intéressées à l’abus sexuel et la polyvictimisation comme facteur de risque aux problèmes de comportement chez les jeunes. C’est le cas de l’étude réalisée par Lewis, McElroy, Harlaar et Runyan (2016) où ils ont comparé les problèmes de comportement d’intériorisation et d’extériorisation de ceux ayant été abusés sexuellement à ceux ayant des antécédents de maltraitance ou de polyvictimisation, mais sans abus sexuel. En fait, l’effet potentiel de la polyvictimisation n’est souvent pas pris en considération, et peu d’études ont examiné si l’expérience d’abus sexuel consistait en un schéma unique de symptômes comparativement aux jeunes maltraités, mais non abusés sexuellement. Dans leur étude, les antécédents ainsi que les formes de maltraitance vécues sont obtenus par les registres officiels des services de protection de l’enfance. Par ailleurs, ces chercheurs considèrent la polyvictimisation comme étant tout jeune ayant vécu plus d’un type de victimisation entre la naissance et l’âge de 16 ans. De manière plus précise, ils ont créé une variable dichotomique de la polyvictimisation, à savoir ceux qui ont vécu plus d’une victimisation de la naissance à l’âge de 16 ans (1 = Oui et Autres = 0). Aux fins de cette étude, trois groupes furent formés parmi les jeunes de l’échantillon. Le premier groupe (n = 195) est constitué de jeunes ayant eu une référence ou plus aux services de protection de l’enfance pour abus sexuel. Le deuxième groupe (n = 573) est composé de jeunes ayant eu une référence ou plus pour tout autre type de maltraitance sauf pour abus sexuel. Le troisième groupe (n = 318) est constitué de jeunes n’ayant eu aucune référence aux services de protection de l’enfance, et ce, pour tous les types de maltraitance confondus. Tout d’abord, les résultats de l’étude révèlent que près de la moitié, soit 47 % des jeunes de l’échantillon total ont été polyvictimisés entre la naissance et l’âge de 16 ans. De surcroît, des différences significatives ont été trouvées entre les trois groupes à l’étude, en ce qui concerne les problèmes de comportement d’extériorisation et d’intériorisation. De manière plus précise, ces chercheurs mentionnent que les jeunes victimes d’abus sexuel présentent, au fil du temps, des problèmes de comportement extériorisés et intériorisés plus importants que ceux maltraités, mais n’ayant pas d’antécédent d’abus sexuel. Ainsi, cela suggère que la victimisation sexuelle peut être associée à des conséquences plus importantes que d’autres

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types de maltraitance. Toutefois, dans cette étude, les taux élevés de polyvictimisation chez les victimes d’abus sexuel expliqueraient les séquelles négatives vécues par ces jeunes. En conséquence, il demeure difficile de déterminer si ces problèmes de comportement sont spécifiques à la victimisation sexuelle ou à la polyvictimisation. Néanmoins, certains chercheurs mentionnent qu’il y a des conséquences plus importantes chez ceux ayant vécu de la polyvictimisation comparativement à ceux ayant vécu un seul type de maltraitance (Turner et coll., 2010).

1.4.1 Problèmes de comportement à l’enfance

Par ailleurs, à travers les écrits empiriques, certains chercheurs se sont intéressés à la victimisation et aux problèmes de comportement en portant une attention particulière à la période de développement dans laquelle se trouve le jeune. Ainsi, il est possible d’observer que certains chercheurs se sont penchés sur la maltraitance et les problèmes de comportement à l’enfance, tandis que d’autres ont plutôt insisté sur la maltraitance et les problèmes de comportement à l’adolescence.

Tout d’abord, des études ont mis en lumière le fait que l’enfance est une période développementale caractérisée par une vulnérabilité particulièrement importante aux problèmes de comportement chez ceux vivant de la victimisation multiple. C’est le cas, notamment, de l’étude réalisée par Hickman et coll. (2012) où ils ont utilisé les données de la National Evaluation of Safe Start Promising, une évaluation destinée à aider les enfants exposés à la violence. De manière plus précise, les jeunes de l’échantillon (n = 768) étaient âgés en moyenne de 4,97 ans. Les données sur le jeune concernant l’exposition à la violence et les symptômes négatifs ont été recueillies auprès des parents ou de la personne responsable du jeune. Dans leur étude, la polyvictimisation consiste en une variable dichotomique, à savoir (0) exposition à une catégorie de victimisation et (1) exposition à deux catégories de victimisation ou plus. Ils ont choisi cette variable, étant donné qu’il n’y avait pas de différence significative entre le fait d’être exposé à trois ou quatre catégories comparativement au fait d’être exposé à deux catégories de victimisation. Les catégories de victimisation sont : (1) témoin de violence ; (2) maltraitance ; (3) agressions et (4) victimisation sexuelle. Les résultats obtenus indiquent que la polyvictimisation (c.-à-d., être

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exposé à deux catégories de victimisation ou plus) est associée de manière significative aux problèmes de comportement chez les enfants ainsi qu’au trouble de stress post-traumatique. Également, la polyvictimisation est associée de manière significative au stress parental. Ainsi, aucune catégorie de victimisation n’a influencé significativement de manière indépendante les problèmes de comportement de l’enfant et le stress parental, alors que la polyvictimisation était un facteur prédictif de ces symptômes négatifs.

Dans le même ordre d’idées, d’autres chercheurs ont exploré la victimisation vécue à l’enfance, incluant la polyvictimisation et l’association à des symptômes négatifs, tels que les problèmes de comportements intériorisés et extériorisés et les symptômes de stress post-traumatique. Par exemple, Hagan, Sulik et Lieberman (2016) ont identifié des profils de polyvictimisation et ont examiné leur impact sur le comportement de l’enfant. Aux fins de cette étude, des données ont été recueillies auprès de parents au sujet d’un échantillon (n = 211) d’enfants tous âgés entre trois et six ans. Ils ont d’abord obtenu trois profils de victimisation significativement distincts. Une première classe, à savoir severe exposure (n = 34) est caractérisée par une probabilité élevée de vivre différents types de victimisation (p.ex., violence physique et verbale) et d’être témoin de violence familiale. Une deuxième classe, soit witness to violence (n = 131) est caractérisée par une probabilité élevée de vivre de la violence familiale, mais sans vivre d’autres types de victimisation. Puis, une troisième classe, soit moderate exposure (n = 49) caractérisée par l’absence de violence familiale et d’abus verbal, mais une probabilité modérée de vivre de l’abus physique. Les résultats obtenus indiquent que ce sont les enfants de la classe severe exposure qui vivent des symptômes importants de stress post-traumatique, ainsi que des symptômes d’intériorisation. Ils n’ont toutefois pas trouvé d’association entre la classe severe exposure et les symptômes d’extériorisation. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que les symptômes d’extériorisation (p.ex., comportements agressifs et délinquants) sont plus susceptibles de se manifester à un âge plus avancé chez les jeunes.

1.4.2 Problèmes de comportement à l’adolescence

Par ailleurs, des travaux scientifiques ont démontré que la victimisation aurait une influence importante sur l’adaptation comportementale à l’adolescence, y compris un risque

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accru de problèmes d’extériorisation et de comportements de délinquance (Ogloff, Cutajar, Mann, & Mullen, 2012 ; Hurren, Stewart, & Dennison, 2017 ; Thornberry, Henry, Ireland, & Smith, 2010). À titre d’exemple, Crea, Easton, Florio et Barth (2018) ont porté un intérêt particulier aux effets à long terme de l’abus sexuel et des autres types de maltraitances sur les comportements des jeunes. Plus précisément, ils se sont intéressés aux problèmes de comportement extériorisés chez des jeunes adoptés. Pour les fins de cette étude, un échantillon de jeunes (n = 522) a été sélectionné. Les données ont été recueillies jusqu’à 14 ans après l’adoption, à l’aide d’un questionnaire d’auto-évaluation complété par les parents adoptifs. Deux groupes d’enfants ont été formés, soit un premier groupe (n = 40) composé d’enfants abusés sexuellement et un deuxième groupe (n = 482) constitué d’enfants n’ayant pas vécu d’abus sexuel. Ces chercheurs ont voulu vérifier dans quelle mesure les antécédents d’abus sexuel se produisent en cooccurrence avec d’autres types de maltraitance, tels que l’abus physique et la négligence. Également, ils ont voulu connaître l’impact à long terme de l’abus sexuel et des autres formes de maltraitance sur les comportements d’extériorisation des adolescents. Tout d’abord, les résultats ont démontré que 24,3 % de l’échantillon total avait subi au moins une forme de victimisation avant l’adoption et que parmi ces enfants, près de la moitié, à savoir 46,5 % ont subi plus d’une forme de victimisation avant l’adoption. Ces formes de maltraitance en cooccurrence étaient la négligence, l’abus sexuel et l’abus physique. En outre, 92,5 % du groupe de jeunes abusés sexuellement étaient également victimes d’une autre forme de maltraitance. Ce résultat suggère que l’abus sexuel se produit rarement en l’absence des autres formes de victimisation. Les résultats de cette étude indiquent aussi que ce sont les jeunes abusés sexuellement et vivant de la négligence qui ont davantage de problèmes de comportement extériorisés à l’adolescence comparativement à ceux ne vivant pas cette polyvictimisation.

D’autre part, Ford, Elhai, Connor et Frueh (2010) ont voulu identifier des profils traumatiques chez les adolescents polyvictimisés dans le but de vérifier si ces profils sont associés à des troubles psychiatriques et des problèmes de comportement. Pour ce faire, ces chercheurs ont utilisé les données de la National Survey of Adolescents réalisés aux États-Unis en 1995. De manière plus précise, les adolescents de l’échantillon (n = 4023) sont tous âgés entre 12 et 17 ans. Ainsi, dans leur étude, les chercheurs ont obtenu six profils de

Figure

Tableau 1. Informations descriptives de l’échantillon.
Figure 1. Pourcentages des formes de victimisation vécues à l’enfance et à l’adolescence  chez les jeunes qui présentent des comportements sexuels problématiques
Tableau 2. Comparaisons entre les jeunes ayant vécu l’abus sexuel à l’enfance ou non  concernant l’histoire de victimisation
Figure 2. Pourcentages des différentes trajectoires de victimisation vécues à l’enfance et à  l’adolescence chez les jeunes qui présentent des comportements sexuels problématiques
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