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Les éditions de l'Hexagone (1953-1960).

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(2)

I\U :.:hor: Titlc: DC'Partment: Degree: SUil"or.'lary: ~lizabeth Volkoff

Les Editions de l'Hexagone (1953-1960) French Language and Literature

X.A.

La

fondation des Editions de l'Hexagone marque le début d'un nouveau mouvement poétique au Québec. Cette ère poétique aura un caractère social.

La

première période

(1953-1960) représente un effort de la part de l·Hexagone pour faire sortir la poésie de son isolement et pour l'ancrer dans l'action sociale et politique. Le déve-loppement poétique, en passant par la médiation de la femme et de l'amour, transforme cette poé~ie personnelle et introspective en une poésie à préoccupations sociales où les notions du "rapatriement" et de "révolte" sont fondamentales.

L'Hexagone fait partie de la tradition intellectuelle établie par le mouvement automatiste et par la poésie d'Alain Grandbois qui mettent en valeur la liberté et l'expression artistique. L'expression poétique permettra

à un peuple de trouver son identité et à une culture de s'épanouir. C'est là le but de l'Hexagone.

(3)

.'\U tho::-: Elizabeth Volkoff

':li tIc: Les Editions de l'Hexagone (1953-1960)

j)epart~ent : French Language and Literature

Degree: X.A.

Sur::mary: The founàing of Les Editions de l'Hexagone marks the beginning of a new movement of socially-oriented poetry in Quebec. In the early years (1953-1960) this

publishing house enàeavoured to bring poetry out of

--its artistic isolation and to involve it in social and political action. The traditional clements of love poetry and the presence of the women facilitated

this development from personal and introspective poems to a socially preoccupied poetry emphasizing the

concepts of "rapatriement" and "revolt".

The poets of nI 'Hexagone" follot., in the intellectual tradition of the Automatiste movement and the poetry of Alain Grandbois, which values freedom and artistic

ex~ression. They consider poe tic expression as a language which permits a people to establish a culture and to discover its own idcntity.

(4)

LES EDITIONS DE L'HEXAGONE (1953-1960)

by

Elizabeth Vo1koff

A thesis

submitted to

the Facu1ty of Graduate Studies and Research

McGi11

University

in partial fu1filment of the requirements

De?~rtmcn::

of

French Languélge

for the dcgrcc of

Hastes:' of Arts

élnd Literature

Ju1y 1971

@

Elizabeth Volkoff 1972

(5)

TABLE DES ~·:ATIERES

!:1croduction p. l

Ch~prt.c l

Aperçu historique des Editions de l'Hexagone • • • • • p. 5

Ch<:-pttre I I

L'Evolution thématique à l'Hexagone • • • •

p. 21

Chaprtrc III

L'Influence d'Alain Grandbois • • • • • p. 51

Chaprtrc TV

L'Hexagone ct les Automatistes

. . .

p.

69 Conclusion

. . .

. . .

_.

. . .

p. 81

(6)

LES ED!TIOXS

D~ L'H~XAGO~E

(1953-1960)

I:-n'~OJUCTIO~

Xo~breuses so~t les raiso~s çui incitent à l'étude détaillée des Editions de l'Hexagone. La fondation de cette maison d'édition marque le d0but d'un nouveau r.10UVeliwnt poétique au Québec, r.louvement qui introduit, des id0es sociales dans la ?o~sie personnelle. Avec l'Hexagone, la po~sle

n'existe ?lus corr~e phénomène en quelque sorte isolé, mais devient un as-pect important de la vie intellectuelle du Qu~bec. C'est un mouvement

in-à~?e~dûnt; les poètes s'y sentent libres d'expérimenter de nouv~lles formes ?o6tiques ct de proposer des réformes sociaJes. De plus, il est

intéres-s~~t de constater que ,le développement de l'Hexagone coincide--avec l'épa-nouissement culturel du Québec et en reflète certaines tendances sociales et politiques. D'ailleurs, il ne faut pas oublier de rappeler que les Editions de l'Hexagone réunissent un grand nombre de poètes représentant plusieurs 'g6n6rations ct différentes tendances po~tique~.

Le moment est venu d'expliquer le choix qui peut parattre arbitraire des oeuvres poétiques étudiées dans ce mémoire. Entre 1953 et 1960, vingt recueils de poésie furent publiés à l'Hexagone. Une étude aussi brève in-terdit au départ la discussion détaillée de tous ces livres. C'est pour-quoi il a paru préférable d'omettre certains recueils moins "importants" afin de concentrer l'analyse sur des recueils qui nous semblent constituer un choix représentatif. Ce choix comprend treize recueils de neuf auteurs. Le premier livre publié à l'Hexagone, Deux Sangs de Gaston }liron ct Olivier

X~rchand, est â 6tudier puisqu'il marque le point de'd~part du mouvement. Ce travail 0tudie l'oeuvre de Jean-Guy Pilon; ce poète se situe au centre des activit6s de l'6quipe de l'Hexagone et publia un grand nombre de recueils

(7)

-~u cours de 13 pre~i~=e ~~~io~e de l'Hexagone: (Les Clottres de l'6t~,

:.':.: .... ~~~e ct le .1our, L.: ~!ouet:t.::: ct: le large). Le recueil de paul-!-:arie

L~pointe (Choix de poêmes - Arbres) repr{scnte un lien entre le mouvement Ge l'riexagone ct les Automatistes (mouvement intellectuel dir.ectement

an:~r~eur). Alain Grandbois (L'Etoile pourpr.e) est un pr~curseur qui exerce une influence considérable sur les poètes de l'Hexagone. Quant ôt;x recueils de Fernand Ouellette (Ces .:ngcs de sang, S(quence!';

r.c

l'élile), Ge J~an ?aul Filion (Du centre de l'eau)~de Pierre Trottier (?oèmcs de

K~1.3si.e, Les BclJes .:u bois dor:7!ônt) et de }f:i.chel Van Schendel (Poème::: Ge figurent ici parce que la critiqu~ les a par-ticulierement remarqués.

L'historique du mouvement fera l'objet d'un premier chapitre. Ce tra-vail se limitera à la p6riode s'étendant de l~ publication de Deux Sa~gs

en

1953

jusqu'au retour d'Europe de Gaston Miron en

1960.

Etape qui vit 1

la parution de vingt recueils de po6sie, l'organisation des premi~re~ ':cu-contres d'~crivains, l'association de la revue Libert6 avec l'Hexagone. A partir de

1960,

l'6quipe'change et se limite à la publication de la poésie. Les renseignements historiograp!1iques nous sont donnés par les dépliants signalant la parution de chaque recueil. Les membres de l'He;,a-gone y expliquent leurs id6es sur la po~sie, l'6dition et la sociJt~.

Ce-pend.:mt, ces dépliants sont loin d'atre complets. Aussi avons-nous r.cn_ contré Gaston ~iron et Jean-Guy Pilon, les deux directeurs de l'Hexagone au cours de la 'première p~riode, afin d'obtenir d'eux des détails sur ['organisation de cette maison d'~dition.

Le deuxi ème Chilpf tre trai te du d ;:vel oppemen t thc'm.'.l tique de la po.:is:i e: en insistant sur des thèmes COffime ceux du rapatriement ct de la r~\·ùlte. ~nus ess~ierons, par l'analyse de ces po~mes, de retracer l'~vùlutiùn qui

(8)

- 3

-3 ~~~dui~ les poètes de cette ~poque d'une poésie toute personnelle et " " . , " " . . "1 l

:~:::-ùsT1ectlve a U:1.e ?ù,:-sle a pr;'occupatlons SOC1a es. Il semble que la

nouvelle co~science collective des ?o~tes soit ll.~e a l'épanouiss~me:1.t è~ l'amour perso:1.nel en amour collectif. Le thème du rapatriement, prd-luèc à 1" rC-vol;:c, ser:lble ètre le résultat di.rect du développement de l'"r:lour collectif.

Les gra:1.des diff~rences qui existent entre Alain Grandbois et les

poè-~cs de l'Hexago:1.e :1.'ont pas empaché ce dernier d'influencer ceux-ci --

la

position qu'il occupait à l'avant-garde de la poésie les a rapproch('s

--sur~out e:1. ce çui concerne Fernand Ouellette et Jean-Guy Pilon. De plus, Al"in Grandbois n'est pas seulement un précurseur," il participe aussi

a

l'aventure de l'Hexagone de façon concr.~te: il y publia deux recueils de poésie.

Le quatrième chapttre s'interrogera sur les rapports qui existèrent e:1.tre les Editions de l'Hexagone et le mouver:lent automatiste. L'oeuvre de ?aul-Narie Lapointe fout'nit un lien concret avec les Automatistes.

Cet-te ~tude aura donc au~si pour objet de situer le groupe de l'Hexagone dans la tradition intellectuelle et artistique instaurée par Refus Global.

En so~~e, ce m~moire entreprend de t'etracer le développement de la po:sie à tendances sociales de l'Hexagone par une analyse à la fois histo-rjque ct th~matjque. Il essaie aussi d'établir les rapports qui existent entre l'Hexagone et les éV0nements intellectuels "qui le procédèrent: l'a-VC:1.ture poétique d'Alain Gr~ndbois et le mouvement automatiste. Enfjn, il tC:1.tera de déterminer la position des Editions de l'Hexagone parmi les

l

~~C cl~~sificario~ GC poètes indique U~~ ~volutivn ccr~ai~c vers les i~~cs soci"lcs. Le plus grand nombre de poôrncs publi6s 3va~t 1957 est co:,.sôc:-/ b des th~;';ic!s pc:-so:1ncls . . E:1 1957, ~cs poè::1cS sociûu:, \\~ûlcnt lt.1

n():-.~br(: des ?oè;";1':s personnels. !>f.:lis après 1957, les po~mcs soci .. I.:;';: son::

(9)

4

-~~t~cs ~ouve~cnts po~tiqucs de notre temps ûu Quf:bec ct de porter un

ju-$C~C~~ su~ le succès de ses efforts pour ûssocicr la poésie à l'action

soci~le.

~ous à:~buterons par l'~tude

GC

l'origine des Editions de l'Hexagone ct par un bref aperçu des événements qui ont marqué son évolution. Nous'

~~f:Jch~rons par la suite à la question de l'appellation de la revue ainsi

qu'~ux problèmes de financement de l'édition. Le centre du chaprtre sera consacr(> à l'historique détaillé de la période 1953 - 1960. Une certaine description de la revue'Liberté suivra ainsi qu'une explicatio~ de la

trans-io~~tion qui a eu lieu à l'Hexagone de 1959 à 1960. Nous terminerons par un cxaÜ.en de quelques jugements récents portés su~ le role de l'Hexagone.

(10)

5 -C1L\PI1!~E l

Quoiçu(' 1'::5 Edi tions de l'Eex.::g.:me n'existent que de?uis èix- se?t ans, les 6vénements qui ~arquèrent ses débuts sont dr.jà oubliés ~fme par ceux qui ont participé à la fondation de cette maison d'édition. Cette prc~i~re ?~rtie de notre étude a pour objet de préciser les faits de l'é-tape initiale de l'Hexagone qui s'~tend de 1953 à 1960. Pendant ces sept ans, on assiste è la naissance de plusieurs entreprises à l'actif de l'Re-xagone: publication de recueils de poésie et d'une revue et organisation de rencontres d'écrivains. A partir de 1960, un changement de collaborateurs ~oèifie les activités de la ~aison d'édition. Phur cette première période de l'Hexagone, les' archives sont incomplètes; seules restent les oeuvres elles-rr.G~es et quelques dépliants qui annoncent les recueils à paraftre. Il est même difficile de ~rouver une série complète de ces d0pliants. ?uisque tout se fit oralement à l'Hexagone, il faut donc parler aux mem-bres de l'équipe pour se renseigner sur les événements de cette p6riode.

L'histoire de l'Hexagone corrmence avec la parution, en 1953, de D~tl% S:::ngs de Gaston Hi ron et d'Olivier Marchand. A cette époque, aucun de ces poètes'ne pense sérieuse~.::nt à fonder une maison d'édition; il s'agit sirr.-plcrr.ent de publier un recueil de poésie.

,

Un groupe d'amis qui travaillent ensemble à la Galette, journal d'un mouvement de jeunesse, l'Ordre èu Ron r~, décide de publi.er ce premi.::r volume de po~mcs. On compte parmi

eu:.: G.::ston }liron et Olivier Narchand, les deux auteurs du recueil, r.~lène Pilotte qui est responsable du Secrétariat et Louis Portugais appel~ à

jouer un role très important dans la fondation de l'Hexagone. C'est lui qui sera l'administrateur du groupe et qui s'occupera de l'a~ministration

(11)

-

{)

-è.:; l'E~x03i;O:-:':;. De plus, c'est d.:l~1s l~ sous-sol de ses parents que sc: fera, .jusç;.:'en 1955, 1.; ::rav.:lil de l 'llex.::gone. Au début, réunions chaque

SCiTl':Ü-ne pour vrg03niser la publication des livres. Le travail se fait en équipe, et l'on 6change ses idées avec les poètes avant la parution de chaque re-cucil. De m~~ }liron et ses arr.is discutent le contenu des d~pliants annon-çant 103 parutiott. C'est donc un climat de fraternité et d'amiti~ qui règne ~ l'Hexagone et qui influence toutes les activit~s. L'importance de l'amitié G.::ns l'entreprise joue un grand rôle ct sera mentionnée par Gaston Xiron dans le court avant-propos de Dcux Sangs: "Et c'est grace â l'amitilË de ecus ':::\1'i1s ont pu voir l'éditio:1". Au cours de cette première année, GastO:1 ~·~iron intègre Jean-Guy Pilon au groupe. Ce jeune poète qui avait

,

déjà publié un pre::1ier recueil de. poèmes" La Fiancée du ~:atin,L devient avec Gaston Miron l'un des directeurs artistiques de la maison d'édition. Au cours de la genèse de l'HeAagonc, les membres de l'équipe changeront, mais Miron et Pilon resteront toujours à la direction.

Après la réussite considérable de Deux Sangs, l'équipe décida de se lancer sérieusement dans l'édition de poésie.' 'Depuis 1953, l'Hexagone publie quelques titres par année:

1953

1954

1955

Gaston Miron et Oli vier Marchand Luc Perrier Jean-Guy Pilon Jean-Paul Filion Fernand Ouel,lette

Deux Sangs

Des jours ct des jours Les Clottres de l'été Du centre de l'e.:lu Ces 03nges de sang

l

La Fionct?e du !-~atin fut publié aux Editions Ar.licitia à }:ontrt3al en 1953.

(12)

1956 1957 1958 1960 Cl<ludc ?olll"nier ~i:ll1 Lc:lsr .. icr Louise Pouli.ot Je.:l~-Guy Pilo~ Pierre Trottier 7 -Olivier ::archand F~rnand Ouellettc ~!ichel V;;.n Schendel Galles Constantineau Jélcques Godbout Jea~-Guy Pilon Pierre Trot::ier Paul-Marie Lapointe Le C i (\ 1. f C! r::1 é ?~(5C~C~ de l'Dbsence L'Etoile pour~rc j~ ':1o;:::-.;e C: t 1 C! ~ ou r PO~D~S de Russie

~ la pointe des yeux Crier que je vis S~quccces de l'aile

Poè:ïlcS àc l' /\m(~riquc étr~~L~t:rc

Sirn~les po~~es ct bnllndes

C' cs t la ch.::udc loi des h'');';".o:1es

l~ Mouette ct le large

les Belles <:iU bois don:~<:nt

Choix de poOmes - Arbres

Quelques dates i~portantes se détachent du rythme r6gulier de l'&dition. A?rès la p;;.rution, en 1953, de D2U:< Sangs, les recueils de Jean-Guy Pilon et de Luc Perrier parus en 1954 marquent le début de la collection "Les :!.:itinaux". De mJ::1.:": en 1956, le recueil, Présence de l'ûbsE:ncc cie :{L" .. ,

L.:snier, inaugure la nouvelle collection "panorama". En 1957, pn assiste ~ la première rencontre des poètes, réunion organisée par Jean-Guy Pilon

à la villa Hontmorency, Québec. Exceptionnellement, l'année 1959 qui ne verra la publicê.tion d~aucun recueil est celle du départ de Gaston }1i.:-on pour l'Europe ct de la.paru~ion du premier numéro de Liberté,. revue diri-zée par Jean-Guy Pilon. Vers la fin de 196Q, Gaston Miron revient de son

s~jour en Europe. Pilon quitte l'administration et les Editions de l'He-xagone entrent dans une nouvelle phase avec une nouvelle équipe d'anima-tc:urs sous' la seule direction de Gaston Miron. Nous lim,itons cette étude

à p~riode se terminant en 1960; c'est qu'à partir de 1960 l~ maison G'~èi~ion sc li~ite à la publication de la poésie; la plupûrt des po~tes C~ sont ~~ir.ter.ant à leur deuxiè~e ou troisième recueil; eniin leur at-titudc envers la podsie a chang6 ct les thèn~s se sont modifi~es.

(13)

s

-Le no;;, lui-r.1Q~e, :rc:-:,::~o:1e, .:l ~.:lit l'otJjet cie plusieurs déclarations

l

in~~rcss.:ln:cs. Dans Litt~rctur0 d~ Qu6bcc , Jean-Guy Pilon rap?oite que selon Gaston Miron le groupe "(6tait) six le jour où nous en avons dfcid6 la crl!.:ltion ct nous r.e nous entendons pas sur les noï.1S proposés. L'}:2:·:agone " r311i~ tOut le ~onde". Le nom suggère un aspect fondamental des Editions cie l'Hexagone: l'absence totale d'idéologie ou de théorie poétique. Chacun est libre d'écrire la poésie de son cru. On insistera toujours pour que l'Hexagone ne devienne pas une école littéraire, mais reste plus simplement "un lieu de rencontre, un carrefour", selon Pilon ou, selon la définition de }liron, "un centre de diffusion". Dans son étude L'He:\:élgone: une é:venture C~ po~s:c québéCOise, Jean-Louis }1ajor propose une définition qui relie le no::! Hc:-:agonc au souci de respecter l' individuali té des poètes.

L'Hexagone: une figure géométrique ~oderne où tous les cOt&s sont égaux, o~ c?:~ue2cOté préserve son indivi-dual~L.c.

Les Editions de l'Hexagone ont toujours cu de graves problèmes finan-çiers. Leur seul revenu leur est venu de la vente de livres. Lorsque parut la collection lII.cs Matinaux", on expédia des dépliants annonçant la parution pr.ochaine d'un nouveau recueil de poésie.3 On invita le public à contribuer g'::néreusement dans l'espoir qu'il sc considérerait peu à peu comme un mcm-hrc essentiel du mouvement. On lui offrait des livres à prix ~éduits,

l

2

Jean-Guy Pilon, ilLe te~ps de notre jeunesse,lL in Littér.:ltui:"c du cd. Guy Robert (}10ntréal: Déom, 1954), p. 129.

JC3:1-Louis }:aj or, ilL 'rrcxagonc: une élver.ture en poésie ~u~b~cvisê , Il

~ .. ; .. : po~::;ie c[,:1~diC! .. nc-fr<ln'-.:lisc, cd. Paul "I.Jyczynski et: .:li. (Ottm-la: 7i.èes) 1969), p. 182.

3

Au d[~bu::, 0:1. SI~G':..-css~.:i ~:"ois cents personnes; Avec C=1élÇUC 11vU'V~~,"1U

1"i,~·t;~~il, l~ nù:1:b!·(.' àcs 10c::.:-urs g:'·.:lnàit. ScIon Pilon, ve:.·s 1953 on cnvoy.l o.:~Vil·ùi1 1150 Ol! 500 d.::pILll1t:;. •.

(14)

9

-nu~~r0:~s et autographi~s par les au:eurs. Cet ap?el â la collaboration fut l~nc~ d~s la publication de Deux Sa~gs ct l'on esiaya d'y faire participer

les actionn~ircs de l'Hexagone. (II~OUS croyons de ce tte faç~m réunir U:l

1

no~bre assez gr~nd d'amis qui, au ~&me titre que nous, seront les artisans de cette ?re::1ière publicationl l

. ) Dans le dépliant annonçant les recueils

de Pilon et d~ P~rrier en 1954, l~ role du lecteur est clairement défini. L'Hexagone a pr~vu, pour le public lecteur,

un rDle actif à jouer dans la parution des. ouvrages de ses diverses co~lections. D'une part nous vous présentons· les oeuvres de jeu-nes écrivains ca:ltidiens d'aujourd'hui. D'au-tre part nous vous invitons i collaborer i

cet idéal en achetant c~s oeuvres avant leur publication. Cela nous permet de financer· l'édition ~t, à vous, de vous consid~rer col-laborateur ir..rr.édiat des Editions de l'Hexagone.

En écha:lgc de cette collaboration, nous vous oifrons ces ouvrages à prix r~duit, spéciale-ment num~rot6s et autographiés par les auteurs. La collabora:io:l du public nous est indispensa-ble. TOUS ~OUS VOULONS FAIRE VIVRE.

Pour la collection IIpanorama" on inventa un autre moyen de iinancer chaque édition. De chaque recueil, on offrit une édition de luxe tir~c à cent exemplaires hors corr~erce à cinq dollars l'édition limité~ aux abonnés. Cette édition de luxe parut cn format plus grand et sur papier de meilleure

1 . - l qua 1t('.

l

Seulement quatre titres parurent en édition de luxe: Pr~scnce de l'.:!Dsc-Dce de Rina Lasnier, L'Etoile pourpre d'Alain Grandbois, L'Eü~:1C et le jour de Jean-Guy" Pilon, Séquences de l'aile de Ferna:ld Oucllette.

(15)

10

-La revue Lib~rté fic aussi appel à des souscripteurs. Pour attirer les ~bonn~s, on leu~ offrit un dessin oTiginal.

Xos abonn6s ~0cevront dans ch~que numéro de la revu~ une gravure, une s~riogr~?hie ou nne cau-forte, oeuvre d'un jeune artiste ca-nadien. Nous offrons dans ce premier numé4'o une gravure sur bois L~ For~t) de Janine Leroux-Guillau~c, tirée à ~OO exemplaires sur papier Arche, signée et numérotée par l'artiste.

Liac t~ meme de financer un re ... ~ueil rapproche en principe les lecteurs des po~tes et fait sortir la po~sie de son isolement. Donc, la.p06sie nlest plus du do~.::.ine exclusif des poates puisque la participation du pu6lic sur le plan de l'~èition la rend solidaire de la soci6té. Par cons~quent, le poète doit ~10n seulc::-:ent r6pondrc de ses. propres principes esti.~tiques, mais il a aussi la responsabilité de prendre conscience des élans fondamentaux de la société. Clest .:;.insi que l'édition devient "un lieu de rencontre". Par l'inteTi'n.:!cliai-~e de l'':;dition, la po~sie est transformée: de chose individuelle qui appar-tient au poète, elle devient chose publique et apparappar-tient à la société.

La première collection "Les ~~atinaux", dirigée par Gaston Hiron, fut fondC!e en 1954 et inaugur6e par les recueils Des jours et des jours de Luc Perrier ct Les Clottres de l'été de Jean-Guy Pilon. Le nom de la collection fut proposé par Pilon ~près sa découverte de la poésie de René Char qui avait fait sur lui une forte impression. Clest du reste René Ch~r qui 6cri-vit l'introduction des Clof't;:-es de l'été. Le titre de Char convi~nt à ::'Iin_ tc~tion, présentée dans la première annonce, de publier dans cette collec-tion les oeuvres des débutants.

Notre collection "Les ~ratintiux" vous pro?ose les oeuvres èe jeunes poètes canadiens, la pluport à leurs prc~iers ch~nts. D~ns un

es-prit ~'accuc:l, nous cntcnciù~s grou?cr d~s

ocuv~cs de tendonccs et èc formes ~ussi dive~­

ses que possi~le, cais ~epr6senta~ivcs et mar-quontcs. Xous espérons donner ainsi libre cours à lti vie et ~ l'art qui l'cxprice.

(16)

11

-X'~ta~t p~s une école litt~raire, les 2ditio~s de l'Hexagone n'ont pas de tr.~oric p0étique. Cependant, l~s d~pliants qui précèdent la pDrution des

,

recueils fournisse~t <:lUX éditeurs un m0ycn de co:r.muniquc~· avec le public ct de pr~ciser ~ins~ leurs idées fondamentales sur l'édition d'~borG ct plus tard sur la poésie. Ils d6finissent ce que sont les Editions de l'Hexagone. La d6fi~ition varie un peu d'un dépliant à l'autre, mais deux ~a~es essentielles sc à.:!gage~t: d'abord l'Hexagone ese lIun centre d'édition ct de diffusion" et ensuite les membres croie~t il une action sur le plan de l'édition ou en littérature. La définition qui se trouve dans le d~pliant de 1956 est la plus complète.

Les Editions de l'Hexagone sont avant tout un lieu d'édition. Ceux que réunit l'~~uip~ de l'Hexagone croient à une action sur ce plan, y consacrant une largc part de leurs loisirs. Cette foi est en mar.1C temps e:.;:pres-sion d'un besoin vital et amour de la littéra-ture qui sc fait. Venus d'horizons variés, de forma tions diverses, .tous font confiance à ce qu'ils sont et à leur milieu.

Après cinq ans de publication, l'avenir de la poésie semble assez sûr pour que les ~diteurs puissent &6clarer: "La poésie canadienne est maintenant cn orbite" •. Depuis la parution de Deux Sangs, les membres de l'Hexagone ont approfondi l'idée qu'ils se faisaient du role de la poésie. Ils re-jettent la notion que la poésie peut exister pour elle-marne. Elle doit constarr.ment se moderniser ct sc tenir au courant des développements con-t~:r.porains pour éclairer le role de l'homme d~ns un monde qui n'est pas toujours déchiffrable. Autrement dit, la poésie doit sc soucier au pre-mier dit, ct doulDureusement s'il le faut, des problèmes sociaux.

(17)

~lle (1& poésie) ne saurait Gou2f:=ir l~ suffis~nce ou la co~plaisn~ce du ~arcisse. Elle ~c ~oit uu

contr3ire de rc~e~tre e~ questio~ l'objet et le sujet, d'~gra~dir sa co~scie~ce et ses

cxise~ces) de renouveler son expressio~ et

ses techniques. A ce prix, elle concourt, à

c!.:::s deg1.-6s dive,::,s, au déchiffrement d'un hom'-.... co et d'un monde et conduit non seulement à .

u~e comi'r(~hensio~ plus profonde de letirs rap-ports, mais ~ussi à un ort de vivre.

Le d6?liant qui a pour titre La re~contre des poètes avec leur terre et qui. d'apr~s Gaston H:i.ro~. d~te de septembre 1959, contient une précision très

i~?ortante sur l~ situation de la poésie à cette ~poque. On y déclare: Or, quelque chose a changé dons la poésie

canadienne depuis quelque temps: nous as-sistons à la rin de l'aliénation du poète par la solitude stérile, la révolte à perte ou l'exil de l'intérieur.

}~aintenant le poète ne peut plus se retirer dans un monde de poésie pure. Il est obligé de participer aux démarches collectives. De mGme sur le ?lan de l'édition il est devenu le partenaire du public. Il doit prendre sa plucc, jouer SOn rôle de citoyen •. Les poètes. de l'Hexagone ont choisi une soci~t6 microcosme par rapport à celle d'Alain Grandbois dont la co~-ception de l'univers est plus large. Les jeunes poètes se sont enracinés dans la société canadienne

1

ils la croient capable d'Gtre possédée ct aimée.

Ils savent que leur drame de poète et d'homme se joue ici. que le des tin de 1 '.ho:nmc peut s'enracine:::- dans l'expérience canadienne ... Leur poésie a, en quelque sorte. une patrie: u~c terre. une lumière. un climat, son réalisme comme ses illuminations et son quotidien. 1

l Pour Gaston Miron, cc dépliant ma:::-que une 6tape irnport~nte d~ns l'histoire de la po6sie ~u6b~coisc. Il remarque que c'est ~ peu pras la c:ernièrc fois qu'on p.:.rlc de ".:.' exp6rience c.::naàic •• nc". A p':!:::-::ir de 1960, l'Hexagone sc lie aù destin qu6bcicois et devient plus nationaliste. Donc, on peut conclura que la prcrniOre p'riode de l'Hexasonc fait partie àe lu littérature canadienne. identité que les po~tes refusent plus tard.

(18)

13

-Il cst i~portant de sc souvenir çue ces d6clarations n'ont rien d'un mani-i~ste. Elles ne constituent qu'un jugement porté sur la situation po6tique du moment. Xais la poésie ne cesse pas d'6volue~ et déjà

&

l'6poque de

"l", rencontre des po~t?es avec leur terre" les poètes ont avancé, ce qui donne à la d~claration un caractère historique piutot que prophétique.

La collection "Les Natinaux" n'est qu'un aspect des activités de l'He-x.::.;oncpcndant 1.:. première période. La parution, en 1956, de Pr.:!sence de

l'.:~scr.ce de Rin,a Lasnier r.larque le début de la seconde collection "Panorama" èirigée par Jean-Guy Pilon. D'après lui, il s'agissait d'ajouter une nou-velle dimension .il l'Hexagone. "Panorama" public des oeuvres importantes:

so~t des ouvrages d'~crivains connus, soit des ouvrages de poètes qui, en

tant que déb1;.ltants, avaient publié dans "Les Hatinaux". Deux titres se d~­ tachent: Présence de l'absence de Rina Lasnier et L'Etoile pou,pre d'Alain Grandbois (1957). Un fait remarquable est à noter: deux auteurs célèbrc~ de la génération préc~dènte publient leurs oeuvres avec celles de jeunes po~tes inconnus. Selon Pilon, ceci est possible grâce à l'amit~é, base de toute l'activité de l'Hexagone. Il connaissait Rina Lasnier avant r.l~rne la parution de son premier recueil: il aimait sa poésie et lui demanda de con-fier à l'Hexagone la publication de son nouveau recueil. C'est Jean-Guy Pilon qui obtint d'Alain Grandbois la permission de publ~er L'Etoi:c pourpre. La publication de L'Etoile pourpre fut aussi une affaire d'amis. Evide~aent les noms prestigieux de Rina Lasnier et d'Alain Grandbois aidèrent l'Hex~gone ~ sc faire une rc;putation, mais ce qui est important c'est que Rina. Lasnier et Alain Grandbois firent confiance à cette entreprise de jeunes. La. parti-cipacion de ces deu:-: grands auteurs soutint: les efforts de 1 'Hex.:.gone ct fit en sorte qu'il devint la principale maison d'édition da poésie du Québec.

(19)

14

-?.1r.1ii cl 'éll,.;tres e~1::rcpriscs de l'!ie:wgone, sign.:llons la collection "Les Voi:-=", s6ric d'essais qui ne co~prcndr~ fin.11cr.1cnt que trois titres:

\l1.5:1)"':('S cl'.\nclr(· }~.11r::lU:-: d'Andl?é Patry, Brève histoire du syndic .. lisme

i)llv-:-i,!r ;1\1 C:;n::(]::: dg, L.1urent Hardy et Ln Poésie ct nous. Cc dernier

vo-lume r~unit les conf~rcnces de cinq po~tcs: Michel V.1n Schendcl, Gilles H~:'l.:lul.:. J<:lcques Brault, Hilfrid Lemoine et Yvef, Préfontaine. Ces poètes ~ous ?réscn::cnt d~s étud~s très précieuses sur l'état de la poésie canadienne-française en 1957: COmillentaires sur les tendances de la poésie et son rOle Gans la soci~té qu6bécoise. Les jeunes collaborateurs manifestent un grand souci dc la pureté de langage, souci qui sc rattache à leur pr~occu?ation cc "::-.::.patrie~cnt". Ils insistent de m~e sur la nécessité d'une identité poétique ct la cherchent en créant une poésie qui trouve son icienti::6 dans la terre natale. Cette oeuvre d~ collaboration est le r~sultat d'une autre entreprise de l'Hexagone: la "Rencontre des poètes", à Montmorency en 1957, org.::.nisée par Jean-Guy Pilon. Le succès de cette réunion encouragea les ?oètes à organiser une rencontre annuelle d'écrivains. Jean-Guy Pilon sou-.ligne l'importance de ces rencontres dans la préface de La Poésie c: nous

lorsqu'il écrit que c'est "La première étude collective du phéno:nène ?o~­ tique au Canada français". Ces r~unions perr.1irent aux poètes d'agir en 6roupe ct de d~finir les tendances collectives de la poésie québécoise, celles qui font de l'expression poétique au Québec une poésie lIuni,!uell

D'autres rencontres permirent aux écrivains de faire valoir leurs droits collectifs. Il faut signaler d'une façon toute particuli~rG la Rencontre c,ui se tint en 1960 où pour la ?rcmière fois les poètes récla~~rcnt col-lec~ivcrr.ent l'unilinguisme français au Québec.

Une autre activité de l'Hexagone m~rite qu'on en fasse état: il s'~git èu mé:r:oire présenté oS la "Co::1..-:1ission royale d'enqu.::te. sur la radio ct la

(20)

15

-t~l~visionll. Les poètes y pr6ciscnt leurs positions, certains è'Gtrc la voix collective de la société.

La fin de la première p6riode de l'Hexagone voit se parfaire

.

l

,

asso-ciati0;1 de 13 revu~ Liberté et: des Editions de l'Hexogone.

,

Les deujo: ad-ministrations resteront indépendantes; il s'agira de d6fendre ense=ble cles intérdts COllù~uns d'éditeurs. Pilon considère Liberté comme "la r~?onse ù un besoin urgent dans le milieu canadien-français". Il croit ~ la nécessit:6 d'une revue litt6raire pour remplacer des revues COhimC /.:::('>:-i.:;'-1C! fr.'mc;:aise e:: Ln Nouvelle Relève. Il décide alors de publier une "r.:=vue littéraire ct de cultu.:e qui tienne compte d'étap~ en étape èc l'6volution de la pensée, de la création sous toutes ses formes, de la vie artistique à trave.:s toutes ses manifestations". A l'instar de

l'Hexagone, la revue Liberté sera "un centre de discussion", ne favorisera aucune id&ologie, perrnettra l'entière liberté d'expression. C'est ce qui explique la pr~face du premier nurnéro.

Elle (la revue) n'est pas l'organe d'un groupe ferrné mais au contraire' se veut ouverte à tous ceux qui ont quelque chose à dire.

Pilon espérait que l'association élargirait les sphères des deux entre-prises. Par exemple il envisagea qu'avant la parution d'un recueil à l'Hexagone Liberté: en publierait quelques extraits pour l'annoncer. }lais en vain. Après douze numéros, on constata que l'association n'avait rien de v~ritablement efficace. En 1961, les deux mouvements reprirent, c'est le cas de le dire, leur libcrt~.

Les années 1959 - 1960 des Editions de l'Hexagone furent des ann6es de: tr'ansition. En 1959, Gélston l'liron partit pour l'Euro?e afin d'y ~tudicr les problè~es d'édition et Jean-Guy Pilon resta seul directeur' de l'He:·:<l30.1e. Pilon avoue qu'il "~v~it ravé d'une grande chose Où i l y

(21)

16

-zu~a~t cu une rnn1son d'~ditions, une revue, ct que seis-je encore". 1

Il cx~lique qu'il vit tout le monde autour de l'Hexagone engag6 dans d~s projets diff6rents ct surtout inc6rcssé par la politi~ue. Tl crut c;u'il serait bon d'élargir le "lieu de rencontre" créé par l'Hcxû30ne

"1

?our quo toutes les idées, ct non seulement la poésie, trouvent un lieu de discussion. Toutes les activités: les rencontres des écrivains, la col-lcction "Les Voix" ct l'association l'Hexagone - Liberté furent des tcnta-cives pour établir un réseau d'organisations qui coordonneraient des ef-forts indépendants. Au retour de Gaston Hiron, vers la fin de 1960, on fit un bilan à l'Hexagone. Deux tendances s'opposèrent: les uns voulaient réorganiser l'Bexagone, les autres préféreraient y conserver l'organisa-tion ?remière. Je~m-Guy Pi Ion se mi t du cOté des innova'tours.

Je croyais, pour ma part, que la formule ct les structures devaient ~tre repensé.es en-tièrement et ajustées à de nouvelles circons-tances. 2

ScIon lui, il s'agissait d'abord de réorganiser les affaires de la maison d'édition ct d'y équilibrer l'aspect financier. Quant à Gaston }iiror" il souhaitait maintenir l'Hexagone au niveau artisanal, différent en ccci des autres maisons d'éditions. Vers 1961, à cause de ces divergences,

ù

Jean-Guy Pilon quitte l'administration de l'Hexagone et n'y retourne plus que pour y publi~r deux recueils de poésie. Les diverses activités pro-pos6es par Jean-Guy. Pilon sont abandonnées: une nouvelle équipe s'orga-nise autour de Gaston Miron. Ce sera la seconde période de l'Hexagone.

l Jean-Guy Pilon, "Le temps de notre jeunesse," p. 132. 2

(22)

17

-.\]1:-'::S qu~l,!ues .::.m.:!es, des ~encontres d'écrivains ont de nouve<:lu lieu, n~is clIcs sont org~nisées n.::intenant par la revue LibertG. Il faut

sou-ligne:- que, n~lgr~ ces différences, l'amitié qui régnait entre les mem-bres de l'Hexagone n'a pas changé. Pilon insiste sur ce point: "Ce

"l

qui cù~?te d'abord, c'est que ces divergences de vuës ont eu lieu dans

l'a~itiéll.l Bien 'lue l'Hexagone Se limite à la poésie ci: que Liberté

~~orasse un cha~? culturel plus large, il nous semble que leur but fon-èamental est ~e m~~e, celui de publier des pensées qui s'insèrent

parfai-tement dans l'époque contemporaine.

R~ce~~ent, quelques jugements ont été portés sur le rolc joué par les Editions de l'Hexagone dans l'évolution de la poésie québécoise. Quoi~ue ces évaluations touchent l'action de l'Hexagone après 1960, il nous semble qu'elles touchent aussi les événements de la première période. A?:-ès 1960, l'équipe de l'Hexagone continue le travail co~~encé en 1953 ~ais le dynamisme du début manque. Jusqu'à 1960, la jeune maison d'édition

t~availlait à créer une nouvelle poésie intimement liée au sort de toute ·la société. En 1960, cet état "social" de la poésie est établi. La poésie

qu'on ?ublie à l'Hexagone depuis quelque temps est de meilleure qualité parce que les poètes ne sont plus des débutants, ct que les thèmes d~velop-pés rejoignent de plus en plus les sentiments.contemporains. Pourtant, le brio des premières années, alors qu'on luttait pour la "socialisation" de la po~sie, a de beaucoup diminué. La responsabilité sociale de la po~sie est acceptée, non seulement par les poètes de l'Hexagone, mais aussi par une génération plus large de poètes. La bande des années cinquante n'est

(23)

?lus s~ule. L'Hcx~go~c ese devenu à partir de 1960 le centre de diffusion de ~ou~e une gG~6ration. Ccpenè~nt, on doit tenir compte du travail fait par l'~exagone pour renouveler la po~sie québécoise. On attribue à

l'Hex~gone le ~érite d'avoir créé une conscience sociale chez les poètes

,..

e~ d'~voir sorti la poésie de son isolc~ent. Si l'on considère d'abord l'évaluation de Jean-Louis M~jor, on constate la place unique et importante de l'Hexagone dans la poésie québdcoise.

Dans cet essor de la po~sic, l'Hexagone tient une place à part, à la fois par le nc~bre de ses publications, son rayonnement, son rCQorn, son tiynarr.is~e et le caractère très ?articulier de son histoire. Plus ct moins qu'une école littéraire, l'Hexagone est tout ensemble une maison d'édition, un esprit, un ~ouvcment, une gén~ration littéraire. ?endant une dizaine d'années, l'Hexagone a incarné l'aventure de la poésie qU0bdcoisc, l'a maintenue ct l'a fai~e ce qu'elle est. Depuis ses débuts,

l'Hexagone i;'inscrit au coeur marne de la poésie québécoise. l

Pour Jean-Louis Hajor, la valeur principale de l'Hexagone est sa place a l'avant-garde, "au coeur" du mouve~ent poétique élU Québec. Par~i tout.es les maisons·d'édition, il voit l'Hexagone comme celle qui a marqué le plus en profondeur le développement de la poésie québécoise. L'évaluation qu'en fait Gilles Marcotte nous semble plus complète.

1 p. 176.

2

Mais, parmi Ces maisons d'édition, on donnera une première place ~ l'Hexagone si l'on consi-dère seulement le constance et la durée de son action, et la liste fort imposante des poètes qu'il a·fait ~arartre.2

Jean-Louis ~·;ajor, "L'Hexagone: une aventure en poésie ~uéb6coise,"

Gilles Xarcot~e, le Temps des poatcs: Description cricique de la

(24)

19

-D~ plus, X.:lrcott~ signale l'importance sociale de l'Hexagone.

~.:lr les moàalit~s de son organisation, de

son travail d'édition et de diffusion, tout aut~nt que par les oeuvres publiées, l'Hexagone a imposé au Québec la conception d'une responsû-Dili té sociale d~ la po~sie.l

L'~ifort de l'Hexagone pour associer la poésie au sort de toute la société est au coeur de toutes ses activit~s. L'évolution thématique dans les oeuvres publiées à l'Hexagone reflète la conscience sociale grandissante des pot:tes. Le thè:':le de "rapatriement" est la ma-nifestation en poésie du souci public d'un peuple en train de se créer une identité. Plus tard, le thème de la "révolte" devient l'action sociale sur le plan poétique. Les :':le~bres de l'Hexagone ont toujours essayé de lier la poésie aux sentiments de leur société et de la faire participer à l'action sociale. En 1960, le rdle social de la poés,ie est accepté, les poètes passent à u~e, nouvelle phase, celle de la lutte pour l'indépendance.- ,La poésie a atteint un de ces buts, celui de sortir de son isolement. Elle a échangé cet isolement pour la responsabilité collective des poètes.

::-~ais on peut assuré:':1ent dire que, depuis la fondation

de l'Hexagone~ un des buts g6ndraux de la po~sie

ca-nadienne-française a été de reprendre en charge une mémoire et un destin collectifs, de briser. une

cer-taine fOr.:1e d'isolement. Un gr,.md r(2ve s'y incarne, celui d'une po~sie qui sortirait de s~ prison dorée pour etre la, voix d'une collectivité.l

Tout ce que Harcotte attribue à l'Hexagone est authentique, mais il faut se rappeler que son action efficace s'est exerc&e pendant la premiôre étape

l

Gilles X~rcotte, Le Te~ps ~cs po~tes: Description critiqua de ln pn(.sic:: .:lC tuelle .:lU Canc::da :;:'rél:î('"üS (}~ontréal: hl-:H, 1969), p. 224.

-J

(25)

de lII~~x.:J.6onc, donc avant 1960. Après cette date, c'est non seulement la

~~iso .. d'édition qui est importante, mais bien toute la g~nération des ?oètcs dont l'action sc situera d~sormais à la fois sur le plan c~thétique

,.

ct dans l'ordre de la politique.

(26)

21

-L' EV OLU'i' l ON THE~'~:\TIOUE D:::S POETES DE l ' HEXAGOXZ ,..

Le lIpays " et la "révolte" sont à partir de 1960, les grands thèmes

de la ?oésie québécoise. On n'a qu·là penser à des titres tels qu.c ~~Cù~~S ~u n~vs de Jean-Guy Pilon, Terre Qu~bcc de Paul Chamberlanà et C'·.:.é:1CC sc ï:"'.(;,,: .. ::-t de Guy Robert pour constater que le pays est devenu le ?e~sonn~ge central de la poésie qui s'écrit actuelle~ent. De la mGme façon, l'étude des Editions de l'Hexagone jusqu'à l'année 1960 révèle une évolution théma,ique qui mène de la poésie personnelle aux thèm9s du " .... a?<ltri~:::<lnt" .:-::: c.c la "r,~voL:c". Il devient évident que le th~~e de l'~ou~ est d'une importance capitale dans cette évolution. Le développe-ment èu th~:ne de l'amour conduit au rapatriement qui est d'ailleurs une so~te d' a."i1our.

Dans les débuts de l'Hexagone, la préoccupation principale des jeunes poètes était surtout d'ordre personnel. Les désespoirs et les décourage-monts individuels leur semblaient trop graves pour permettre aux écrivains de les oublier et de ne s'occuper que de la collectivité. !~s cherchaient

à se connaftre et parlaient de l'enfance regrettée, de l'amoùr désiré et de l'envie de vivre. C'était donc là surtout u~e poésie introspective.

Le recueil, Deux Sangs, paru en 1953, contient la première poésie person-nclle de Ga:>ton Hiron et d'Olivier Xarchand. Parmi les premiers po~mcs de Hiron, il Y en a qui expriment le désespoir du jeune hOI:lme et sa solitude. Il se sent désespéré parce qu'il est:

rant meurtri de refus, tant dévoré de peurs l Des contrées sans amour d'où le cri ne remonte

l 0'" ... ~v~e~ ~! .' ;:)~C!1an • d et as on G t '(' .·.~ron, "19 ans , . eux <:.ngs " D S (" .'.on rea .: t . l Les Editions de l'1-!cxagone, 1953), p. 57.

(27)

Il ne co~nart pas l~ paix et il est rongé par des tourments. 2spoirs, fuites, tou~.ents, prières, suffisances. Tout se rue là-deèûns et vide sa rancoeur l Dans cet enfer certain du désespoir en transes

~·!i ron se présente co;-;;me,.un soli taire. Parfois il ne peut plus supporter cette solitude. Le poème devient alors un cri de désespoir et une deman-de urgente d'aideman-de et d'amour.

'J~ secourez-moi les mains amicales

Chassez de moi les noctambules de mes solitaires 2 Conjurez les tourments où mon .1me est la proie rouge' Xiro~ connait aussi la solitude particuliêre aux poêtes. Il d~crit le sort du poète, celui d'Gtre un ho~e à part, d'être le prophète de l'a-venir.

Je suis l'horr~e qui marche au-delà des frontières De la vie; et le rêve est le pays aimé

De mes ai les. ',3

Dans le meme poème, il décrit la réaction du peuple envers le poète, ce pcuple qui ne le comprend pas et donc le ridiculise et l'exile.

Pour que je ne sois plus des humains le proscrit Cet ho:-::me dérisoire, inutile, ahuri. 4

Dans ces poèmes, le jeune p,oète se r::ontre encore plus occupé de lui-mer.ïe

1

que du monde autour de lui. Au cours des années suivantes, la poésie de ~·!iron comme celle des 'autres changera et deviendra engagée.

l

Gaston Miron, "19 ans", Deux S~ngs, p. 57.

2

Gaston Miron, "Oh secourez-moi,

"

Deux SLmg.s, p.

48.

3 Gaston }firon, "Les bras solitaires,

..

Deux Sangs, p. 55 . 4

(28)

..,.,

-

.:..)

-Au ddbut des Erli~ions d~ l'~exagone, les po~tes n'avaient pas encore assez v~cu pour dGcrir~ des choses moins uniquerr.ent personnelles. Ils s'en tiennent à leurs propres expériences, surtout à celle de l'amour.

,

?-:iron et }farchand voient l'amour comme un voyage à cleu:< vers le bonheur. c'est un monde heureux qui les appelle en dehors du réel, où l'on peut s '6.vader des souc:is quotidiens. Le voyage, tel qu'il est décri t pûr }:iron dans "Pour retrouver le monde et l'amour", est entouré d'une aur.:! de magie qui le sépare complètement du monde réel, des problèmes terrestres.

~ous p.:!rtirons de nuit pour l'aube des Mystères Et tu n~ verras plus les maisons et les terres Or ne sachant, plus rien des anciennes rancoeurs l

Le titre mdrne d'un poème d'Olivier Narchand souligne la notion d'évasion. Dans "Départ évasif", Marchand présente l'idée baudelairienne de l'amour cOm:':le· . exprimée dans l"Invitation au voyage".

'Si nous partions

o

ma reine las des mGmes horizons tes bras tendus

sonneront l'amour du monde 2 . ' b l ' lmpossl e

Une autre vision de l'amour co~üe voyage est présentée par Jean-Paul Filion dans "L'eau claire d'un voy~ge". Encore ici, le titre souligne la métaphore du "voyage". Pourtant, le voyage de Filion est moins fantais~ste çue les grands envols 'imaginaires des auteurs de Deux Sangs. Chez lui, le corps de la femme est décrit en terT.les géographiques et c'est. la main qui parcourt ce paysage: ":1a main a traversé le ruisseau de ton corps".:>

l

Gaston !~iron, ."Pour retrouver le monde et l'a:nour," Deux Sangs, p. 62.

2

Olivier :·Iarch.:md, "Dépare dvasif, Il De:ü:<: S:;nt;s, ? 21.

3 Jcnn-P':iul Filion, IIL'E<::u claire d'un voy.::[;e," Dl! centre de l'eau O·:on::réill: Les Editions de: l'Hcx.::gonc, 1955), non pag·in~.

(29)

?lus loin, dans le m~me po~me, on lit: ~c la f~laise à l'horizon

i l y a la vie

j'ai caress~ une fIe nouvelle

...

l

L'amour les attire parce qu'on y trouve consolation et repos. En re-prenant de nouveau le poème "Les Bras solitaires" de Gaston Miron, on voit l'amour qui agit comme remède à la solitude.

'Ah j 'aurais tant besoin de ce coeur près de moi Pour y habituer toute ma solitude 2

L'ho::-.me noyé de Pilion est "tiré du centre de l'eau" par l'amour. Seul l'amour est assez puissant pour chasser les douleurs qui l'accablent.

'Il a fallu ta seule pr~sence p0ur replier la mer ta seule image pour enchatner ma chair

au ryerme du matin' 3 .::> ,

Pour Fernand Ouellette, la présence de l'amour rend possible une renaissan-cc. Il sc sent COmme mort dans u~ état d'exil, mais l'amour guérit ses blessures et, ainsi. que le phénix, il renatt dans "un chant de feu".

"Et l'odeur de ti présence

Comme un large filet de mains lumineuses étreint mon élan, étreint mon exil; ct l'odeur infini de ta présence endort mes plaies, convie mes aigles

à l'intense élévation d'un chant de feu; 4

l Jean-Paul Pilion, "L'Eau claire d'un voyage," Du centre de l'eau (}!ont':."éal: Les Editions de l'Hexa~one, 1955), non paginé.

2

Gas ton Mi ron, "Les bras soli tai res ," Deu:" Ssngs, p. 56.

3 Jean-Paul Filion, "Pour la première fois," Du cent':.".:: de l'cCtu. 4

Fe:rnand Oucllette, "Na::.ssance," Ces él':1ges de s,mg (Montréal: Les Editions de l'Hexagone, 1955), p. 25.

(30)

- 25

-qt:c l'a;::o~T est: Z. p.'lTt du quo::ièien. Dans l'amour, il trouve un refuge

\

contre une rpalité rigoureuse.

Au loin des rives de pierre froide J'hahite le cocur de ton ~me Jelme dissous en toi

Pour une éternité. l

L'enfance récem~ent perdue est pour ces jeunes poètes un autre monde où l'on peut se réfugier. Ils la voient comme le "pa.:-adis terrestre de

notra ~nfance", 2 . maLntenant qu , . , L~S sont des exilés dans le monde des âdul-::es, un monde qu'ils voient comme un "cauchemar". Dans "Pctice histoire d6cevante", l'enfance esc un oiseau qui disparaît et que l'on ·cherche.

Et mon coeur vieilli d' or.1bre et d'absence

Cherche encore la trâce de ses ailes d'enfant 3

Fern.:.od Ouellette regrette la pure.ttS et la simplicité de l'enfance: la "lt:::1ière" ct le "si lence" font un contraste frappant avec les "fumantes musiques" de la vie adulte.

Et pleure depuis la lumière et pleure le silence au creux du matin endormi de l'enfant 4

1 Jean-Guy Pilon, "pas dans un autre monde," Les Cloftre5 de l'été G·:ontréal: Les Editions de l'Hexagone, 1954), p.

17.

2 Jean-Paul Filion, "Echo de la mort," Du centre de l'enu.

3 Jean-Pâul Filion, "Petite histoire décevante," Du centre de l'eau. 4 Fernand Ouellette, "Et pleure la lumière,".Ces anges de sang, p. 7.

(31)

26

-;c~n-G~y Pilon 6?~0UVC un senti~cnt ~e regret semblable à celui de Ouellette.

1.:. voi:.;: sans voile des prer:liers c23es

Etonnant passage de l'oiseau au loin des années

Reflets d'heureux abandons à la tOr:lbée de la conscience l ,.

Il voit dans l'enfant le seul salut de l'honù .. e qui se perd dans la vie adulte. Parfois le th~me de l'enfance regre ttée se transforme en une nos t.:llgie plus g6nérale pour un temps au passé où l'on croyait connattre le bonheur. :;)ans ille rire cassé", Jean-Paul Filion se plaint de la vie devenue monotone.

Les horizons ~e succèdent

et se protègent indéfiniment 2

Les jours se ~rolongent ind&finiment jusqu'a la mort et il n'existe plus d'espoir pour l'avenir. Tout ce qu'il lui reste, c'est le temps r:lerveilleux du passé et il se retire dans ses souvenirs pour oublier le présent.

'Il Y avait tant de soleil à voir sur l'épaisseur des feuilles tant de lumière à boire

dans la coupe des grands tournesols tant de tiges à l'amour

comme des 'pollens d ',avenir" 3

Dans ces poèmes de jeunesse, les poètes n'acceptent pas la vie actuelle. Au lieu de faire face à leur- désespoir et à la difficul té de la vie edul te, ils se plaignent et se réfugient dans l'amour et les souvenirs nostalgiques. Cependant, ils ne s'exilent pas complètement dans l~ur propre monde imagi-naire. L'avant-propos et la dédicace, "Aux fraternels", du recueil Dem, ~ témoignent du désir de co~ .. uniquer avec les autres, c'est-à-dire avec

1

Jean-Guy Pilon, "Perdue," Les Clottres de. l'6té, p. 13. 2 ..

Jean-Paul Filion, ille rire cassé,1I Du centre de l'cau.

':l

(32)

27

-~cs !CC~CUTS S)~~p:ltr.:'S.:1:1tS. Oli.'\licr }larchanà affirme:

c(;

r~cue:i.l de T'0{:sics est 1.I:1e tentative. Une

tC:':1tativc de COr.t::H.l~i.O:1.

};ais c'est toujours une corrü.lur:icacion qui reste au niveau personnel. Les jeu:1Cs poètes s'ad;csse:1t à de jeunes personnes qui partagent leurs préoc-cUj)ations.

D'ailleurs, leur évasior: n'est pas complète. Dès les premiers recueils on trouve les signes d'une révolte perso:1nelle. Cependant, cette révolte mène, en derni~re analyse, à l'évasio:1 par l'amour. On luttera contre les difficultés et les i:1terdictions de la société qui empéchent les gens d'at-teindre l'amour. Lorsque Jean-Guy Pilon écri t dans "Les Cl.ortres de l'été"

·J'ai refusé le lent acheminement De la poussière

Pour traverser les jours comme un nageur il rejette la vie passive pour s'engager dans l'avenir.

l

La "poussière" suggère la présence de la morc, mais aussi elle fait penser à une vie méca-nique où l'on n'est plus sensible. Le poète choisit plutôt une vie d'action et d'amour chaleureux qu'il veut vivre pleinement. On trouve une réaction semblable contre la vie ~troite dans un poème de Pierre Trottier où il dé-cric un jeune homme qui veut se dégager de la vie prisonnière et qui réve de la révolutio:1.

Son reve de vingt ans Etait un r~ve de lumière Son reve de trente ans Etait le r~ve de ses frères Les révolutionnaires· 2

l Jean-Guy Pilon, "Les Cloi'tres de l'été," Les Cloi'tres de l'ét6, p. 7.

"

.:. Picrr.:; Trottier, "C'était un camarade,t'·Poèmes de Russie (~'lontréal: Les Edi tions de l' Hexagone, 1957). non paginé.

(33)

la chair", est une r0volte en elle-~G~e l'auteur réagit contre le tra-dition Gui. interdit+ au Qu{Obec, de p~rler de l'amour physique. L'habitude de sc r.évolter dans ou par la poésie pr~?are les poètes ~ traiter plus tard de la révolte collective.

Avec les recueils des années suivantes, on remarquera un passage du plan personnel au plan collectif. Le temps a mari les poètes. Etant plus responsables, ils ne rejettent plus le monde actuel pour s'évader dans l'a-~our ou dans leurs souvenirs. Cela ne veut pas dire qu'ils abandonnent leurs premiers thè~es -- ils parlent toujours de l'amour et des temps

regret-t\~s -- ~ais cette forme d'expression se situe à cOté de poèmes plus engasés et moins personnels. Aussi l'amour reste toujours une grande source d'ins-pirat:ion poétique. Jean-Guy Pilon célèbre "la splendeur de la fem.l1e" dans un pO~r:le en prose "Légende de la chair". Fernand Ouellette s'excla;(~e:

\I?ro~ige d'un corps~,,:l Dans l'amour de la femme, Pilon trOtive un moyen de surwonter toutes les difficultés et tous les échecs de la vie qui pa-rai'ssent absurdes dans "Livre de r.lon bord"

l

La tGte brouée, les yeux diminués par l'absurde s~chcresse des jours, je reste agrippé ~ toi, livre de mon bord, r:lain de femme" 3

Jcan-Guy Pilon "Légende de la ch;:;.ir, "L'Homme et le jour (Nontréal: Les Editions de l'Hexagone, 1957), p. 51.

2 Fernan-d o-ùellette, "Do:i.gts fusées," Séquences de 1'.::.1.112 (}fontréal: Les Editions de l'Hexagone, 1958), p. 24.

(34)

- 29

-J.:;-:s t;n pv~r.~e du recueil 1.:1 ~';0UC!ttC ct le lnr~e, Pilon reprend l'id6c de La solt;tion, ici co~e ailleurs, est toujours le recours à liamour. C'ese pcut-~tre une sort~d'6vasion parce que le poite renonce à toute autre chose.

Je ne veux reconnattre que l'appel du jour ~ courbe de ta hanche

Et la frayeur de mon corps A l'instant de l'amour 2

Cependant, l'amour semble atre le seul espoir et le seul remède de l'hcrrme

-- Paul-Ylarie Lapointe cric:

"~uel amour oh: quel ar.1our 3 nous guérira de ce mal ?;'

Pour lui, la vie est impossible sans l'amour: "Vit-on autre temps que l'amour".4

Or les po~tes commencent,à reconnattre la po~sibilité d'un amour col-lectif. La femr.1e est parfois associée au pays et donc on peut parler d'un ~:nour du pays et du peuple qui s'ouvre sur le monde et d'abord sur la terre. G'est peut-atre dans cette idée que se trouve la réponse à la question an-goissée "Quel amour?" de Paul-Harie Lapointe. Chez Pierre'Trottier, le:

fC~J.e assume quelques caractéristiques de la terre et devient: "Cette femme at;x couleurs de la terre et des eaux". 5

1

Jean-Guy Pilon, "L'Instant créé," La Mouette ct le large CNontréal: Les Editions de l'Hexagone, 1960), p. 30.

2

Ibid. 3

Paul-Harie ~pointe, I1Quel sr::our?" Choix de po~:nes - Arbres (:'fontréal: Les Editions de l'Hexagone, 1960), non paginé.

4 Pnul-Xarie Ùlpointc, "Entés à l 'arbre

~ucr.:!,11

Chai>: de poèmes - Arbres. 5

(35)

L'association terre-femme donne à cert~ins po~mes, corrome "Fille de la n.:=igc " de ?ilon, U:1.e clauble sisnification. On peut lire cc poe:rr.e

\

c.:r.:1;";',C l'i1istoire d"une jeu:1e fille envers laquelle la vic n'a j'as Cité

gé-n~rcuse, mois qui attend l'occasion de revenir p~en~re "la p~rt qui lui était destin~e" et de préparer "1.:1 vengeance de l'amour". Cepend .. nt, dès la prenlière strophe, on comprend que 'l'histoire de l'héroine est aussi celle du pays du poète.

'?ille de neige et des fontaines condamnées J'attends ton cri

l

Répété ~ux échos de mon pays

Le lect'cur comprend que la "fille de la neige" est la représentante cl 'un pcuple opprimé qui attend "quand l'heure sonnera" pour revendiquer ses droits. Le personnage double, fe~e-terre, apparatt encore dans un po~me,

"A la clai~e fontaine", où Pierre Trottier met des mots neufs au rythme de la vieille ch~nson française. La tendresse du premier vers laisse com-?renère que ,le poète parle à une personne aimée, mais au cinquième vers le poète s'adresse à la représentante du "peuple-cendrillon", d'un peuple • encore opprimé qui a "'L'TI r0le qui s'égare et un espoir trop mince". 2

Que ces po~mes témoignent du passage de l'amour de la fe~me à celui du peuple, Jean-Guy Pilon l 'illustre, clairement en disant: '~on pays porte le nom douloureux de mon amour". 3

L'association femme-terre ou fe~me-pays n'est pas' neuve dans la 1it-térature canadienne-française., Depuis Les Anciens Canadiens de Philippe

l Jean-Guy Pilon,lIi?ille de la neige," La l-~ouette et le larg.::, p. 13.

2

Pierre Trot tier, "A la claire fontaine," Pot:n~cs de Russie.

(36)

31

-At.:;'~r:: Ge G.:lSrH~, la fe~c joue un rôle syrrbolique dans notre littérat:ure. C.x,:~e :'e sol car..::ciicn, les Blanche ci 'I1aberville, les }!aria Chapdelair,e et l.::s ":::'lles d.:: ln neige" incarnent les t-raits canadiens-français et assurent

~ ,

la continuation de la race canadienne-française. On trouve dans nos lettres une conception idéalisée de la femme. On ne l'aime pas comme ferr.rr.e mais corr.rr.c ~ère. Ces héroïnes sont d'abord' des ~ères pieuses ou des jeun~s filles pures, presque jamais des fem~es réelles. Dans les premiers recueils de Gaston Hiron, Olivier Narchand ct Fernand Ouellett'e, on nous présente aussi une fc~ne désincarnée. On ne voit pas une femme, on devine plutot une pré-sence f~minine, "l'odeur infinie de ta présence" l , qui console tout en cham.ant. , Marchand présente l,a vision d'une sorte de déesse.

"Sans qu'elle le sache, elle a béni elle a béni l'air qu'elle parfumait' 2

?uisque la femme est étroitement liée à la terre, il suffit d'élargir les frontières de l'amour de la femme pour arriver à l'amour du pays. Dans la poésie publiée à l'Hexagone vers la fin des années cinquante, on assiste au transfert de l'amour idolatre de la fe~~e à l'idée abstraite du peuple. La

f~mme est devenue ·un Gtre humain qu'on aime beaucoup mais qu'on n'adore plus. L'arr.our de la femme n'est plus un reve impossibl~ la femme est là à coté de l'homme; on la touche et on l'aime. Pourtant, l'ho~me a toujours besoin de r~ver. Donc, il se crée un nouveau mythe pour remplacer la fe~~e idéale; c'est le mythe d'un Québec libre qui peut-atre ne se réalisera jamais. C'est alors que se manifeste un intérat grandissant pour le pays ct pour la col-lectivité. Le développement du thème de l'amour semble faire partie de

l

Fernand Ouellctte, "!\aissance," Ces .:lr.0 es de s.:::.ng, p. 25.

(37)

l'('lar~issc~~nt de la conscience collective. La réussite de l'amour au-?r~s d~ lû f~~~c par le rejet des interdits, encourage les poètes ~

es-\

s.:;.yer de sa::isf.:lire ::. '.;:r;:our du pays en afiirn.:i':1t l'identité québ<dcoise.

r Pour atteindre ce but, il faut se débarasser de ses peurs par la connais-sûnce d~ la collectivité avec laquelle on veut s'identifier. Cette con-' n.:liss.::.nce du milieu prend la forne du "rapatriement".

Dans le contexte de la poésie québécoise, 'le terme "rapatrieme':1t" pre':1d un sens très élargi. C'est beaucoup plus que l'action du retour à la patrie: c'est l'accumulation de connaissances qui condui~a finalement

à l'acceptation du milieu. Dans Dix ans de vie littéraire au Canada fran-cais, Pierre de Grandpré parle du rapatriement ainsi:

Ce qu'il me faut encore dire, c'est qu'il y a une pareille dist.:lnce, à la fois considérable et qunsi-invisible, celle de la chose "convenue" à la chose réassumée (les m~es choses "reconquises"), entre l'ancien patriotisme littéraire et le rapatriement d'une poésie qui est moyen de connaissan~e. l

S'étant rendu compte que le problème de l'aliénation n'est pas résolu par l'évasion, les poètes corr~encent à prendre conscience de leur milieu. Au lieu de repousser l'actuali,t~, ils l'observent et arrivent à posséder une partie du monde autour d'eux: le monde québecois, corr~e l'affirme un vers de Gaston Miron: "un jour j'aurai dit oui à ma naissance" 2. Cependant, cette acceptation ne sera pas sans réserves. Tandis qu'on adopte tout le milieu francophone, on rejette tout ce qui est en dehors. L'identit~ qu'on veut créer est menacée par les autres aspects de la sociét6 dont on a peur.

1 Pierre de Grandpré, Dix ans de vie littéraire au Canada français O·!o:-.tréal: Ee.:luchcmin, 1966), p. 83.

2

C.:lston 'xiron, "La. Vie agoniquc: Pour mon rapatriement," Liberté 5 (1963), 211.

(38)

33

-~c ~yth~ d'c-~c soci~t6 qc~b6coise fournit un refuge contre la sociGtG hos-:ile. Le lien entre l'individu et l~ collectivité québécoise est

confir--::l..!'p:lr F~::-n~r~è (}~cllct::c lorsqu'il dit:

S'~cce?ter soi-mCme, c'est non scule~ent ~cccptcr son etre, c'est aussi accepter son peuple. 1

Et plus loin, dans le mdmc texte, l'écrivain définit le travail poétique de sa génération.

~e premier devoir de ma génération fut de terminer la lutte entreprise par Saint-Denys Garneau. Or à peine nous étions-nous libérés, sur le plan personnel, de la pénible dualité, qu'il nous a fallu prendre conscience, sur le plan national, d'une dualité non moins destructrice: la dualité de la langue et la dualité du politique.

Ce témoignage confirme chez les poètes québécois le passage d'une poésie ?erso~~elle à une poésie collective. Pourtant, cette résignation à leur conditio~ ne veut pas dire su'ils cêdent au présent parce qu'ils acceptent de parler de la situation sociale et politique du Qu6bec: ils supportent le présent parce qu'ils ont l!~spoir que tout changera. A partir de ce mo-ment, leur poésie devient da plus en plus engagée et ils pensent l'action poétique co~~e une partie de l'action sociale et collective. Une citation de Fernand Ouellette confirme cette attitude.

'On ne peut dcverdr vraiment homme que par "et avec les autres. Alors le poème devient

naturellement un acte de solidarité. 2

En examinant leur 'monde par le moyen de la po~sie, ils se rendent compte de certains problèmes et de certaines injustices. Pour y répondre, ils adoptent la révolte.

, l Fern.:lnd Oucllcttc, "la Poésie dans m<:4 vic," in Littérature du Ouébec, ed. Guy Robert (}fontr6a1: Déo.n, 1964), p. 160.

(39)

(

rl

est à nocer que l~ poésie ne deviendra vraiment engagGe qu'~ partir da 1960. Le germe d'une po6sie du rapatriement exprimant une r6alit6 col-l.:!ctive se tl:"ot.:ve d.:ms ID. po~sie du groupe de l 'Hex.::1gone vers 1.::1 fin des ~nn~cs cinquante. Si l'on fait une énumération systématique des poèmes publi~s à l'Hexagone entre 1953 et 1960, on découvrir~ que la plupart des poèmes d'avant 1957 traitent de sujets personnels, tandis qu'apr~s 1957,

la plup.::1rt des poèmes se classent dans la catégorie de la po6sie sociale. La preuve concrète de ce mouvement vers une poésie à préoccup.::1tions col-lectives est la publication en 1958 à l'Hexagone de La Poésie ct nous.

Le lInousl l fraternel associé à la "poé~ie" présuppose l'existence d'une

conscience collective chez les poètes. A partir de 1960, la poésie devient de plus en plus mGlée aux idées et à l'action politique des poètes. C'est par le thème de la r~volte qu'ils participent à la r~volution qui condui-ra pcut-~tre à l'indépendance du Québec.

Co.r.me:-.t s'exprime le IIrapatriement"? Un thème aussi vaste a naturel-le:-:1ent plusieurs aspects. D'abord i l faut exar.liner le plus simple, ct ~eut-atre dans le cas des poètes québ~coii, l~'moiris important, celui de la nature. Autrefois la conception qu'on avait de la nature était souvent idéa-lisée. Par conséquent, une conception peu réaliste, mais elle a évolué jusqu'à la simple énuwération, par exemple che~. Paul-Marie Lapointe: le long poè: ... ,e intitulé lIArbres" de celui-ci consiste à no;;:mer l'un après l'autre

tous les arbres qui se trouvent dans les forets canadiennes. Ltaction de nom.-ner un arbre le rend connu. Lentement, l'auteur commence à se familia-riser avec chaque arbre. D'abord la description est courte: un seul mot, une couleur.

Figure

TABLE  DES  ~·:ATIERES

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