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ATTITUDES COLLECTIVES ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

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ATTITUDES COLLECTIVES ET CROISSANCE

ÉCONOMIQUE

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PUBLICATIONS DU MEME AUTEUR

Essai sur la répartition des activités économiques, cri- tique expérimentale de la théorie des trois secteurs, Centre de Recherche d'Urbanisme (traduction en langue anglaise, sous presse, La Haye).

La politique des revenus, « Que Sais-je » (N° 1222).

La planification économique en France (en collabora- tion avec J. Fourastié), Presses Universitaires de France.

L'Economie française dans le monde (en collaboration avec J. Fourastié), « Que Sais-je » (N° 191).

Principaux articles scientifiques dans la Revue Economique (Colin)

« Naissance d'une conscience de classe dans le prolé- tariat textile du Nord ? 1830-1870 » (1957, n° 1) ; « Sur la socialisation du progrès technique » (1961, n° 6) ;

« Répartition et société globale » (1963, n° 6) ; « La structure en classes d'une population active » (1965, n° 2) ; « Groupes de pression face à l'innovation éco- nomique » (1965, n° 6) ; « Les relations entre emploi, consommation et productivité » (1967, n° 3).

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ITE BIBLIOTHÈQUE SOCIOLOGIQUE INTERNATIONALE us la d i r e c t i o n d'A r m a n d C u v i l l i e r

Jean-Paul Courthéoux Maître de recherche au C. N. R. S.

ATTITUDES COLLECTIVES ET CROISSANCE

ÉCONOMIQUE

Préface d'André Piatier

b r a i r i e Marcel Rivière et C i e

22, RUE SOUFFLOT - PARIS 5e 1969

RIE A : AUTEURS CONTEMPORAINS

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PUBLICATIONS DU MEME AUTEUR (suite)

dans la Revue d'Histoire Economique et Sociale (Rivière).

« Observations et idées économiques de Réaumur (1957, n° 4) ; « Privilèges et misères d'un métier sidérurgique au XIX siècle : le puddleur (1959, n° 2) ; « Les pouvoirs économiques et sociaux dans un secteur industriel : la sidérurgie » (1960, n° 3) ; « Progrès technique et répar- tition chez les économistes classiques » (1963, n° 4) ;

« Le problème d'un étalon de valeur et les paradoxes de l'histoire des prix » (1966, n° 3).

dans les cahiers Prix de vente et prix de revient.

Recherches sur l'évolution des prix en période de pro- grès technique (Domat-Montchrestien).

« La valeur des études de Notaire depuis 1850 » (6 série) ; « Le mouvement long du prix des rails en France depuis 1828 » (7 série) ; « Délais d'innovation, état des coûts, évolution des prix dans l'industrie sidé- rurgique » (8 série) ; « Le prix réel depuis A. Smith jus- qu'à Schumpeter » (8 série) ; « Note sur l'influence du précédent en matière de formation des prix » (12 série) ;

« La relation productivité-prix chez les économistes classiques » (13 série) ; « L'évolution des prix en période de progrès économique selon l'Ecole historique alle- mande du XIX siècle » (13 série).

© Librairie Marcel Rivière et C 1969

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PREFACE

Voici un excellent petit livre, présenté, je crois, bien trop modestement par son auteur, Jean-Paul Courthéoux, maître de recherche au C. N. R. S.

qui s'excuse presque de regrouper ici plusieurs études antérieures. Je vois au contraire dans la synthèse actuelle, remaniant parfois profondé- ment les études anciennes, à la fois le signe d'une continuité dans la pensée, puisque des thèmes assez différents éclairent le même problème cen- tral, et l'affirmation durable d'un choix pour les questions les plus actuelles de notre société.

En effet, ce qui est en cause, c'est la définition des fins et des moyens des entités qu'on appelle nations et dont J.-P. Courthéoux nous rappelle qu'elles se composent d'une patrie et d'un Etat.

L'obsession de la croissance, qui est sans doute la marque essentielle de la période actuelle, entraîne les nations dans une compétition bril- lante dans laquelle, pourtant, les hommes ne semblent pas parvenir à une plénitude ou à un épanouissement dont on espérait qu'ils se pro- duiraient spontanément avec l'abondance maté- rielle.

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L'attaque économique isolée, c'est-à-dire sépa- rée du contexte humain, psychologique, éthique en quoi doit être cherché le véritable bénéficiaire de toute action collective, montre paradoxale- ment un échec d'autant plus grave que ses objec- tifs propres de multiplication des biens et ser- vices sont atteints.

Entre les deux guerres, les motivations collec- tives pêchaient dans le sens opposé : le pessi- misme devant les grandes fluctuations cycliques, le manque de dynamisme pour l'investissement avaient secrété les pernicieuses théories de la maturité tandis que la pensée généreuse et tein- tée de romantisme de gouvernements socialisants amenait le sacrifice de l'ensemble national à de petites satisfactions à court terme des citoyens.

La politique de 1936 en France apparaît aujour- d'hui comme une politique d'anticroissance

— elle aussi excessive — dans la mesure même où elle compromettait à la fois l'existence de la collectivité et le niveau de vie de ses habitants.

De nos jours, l'excès inverse tend à submerger les populations de biens et services dont l'utilité est rapidement décroissante et à asservir ces mêmes populations dans un appareil productif impitoyable qui n'a plus souvent comme but que de les gaver jusqu'à l'écœurement.

Le diagnostic est rendu difficile par les dispa- rités de développement : d'un côté les protesta- tions viennent des poches de misère que la pros- périté n'a pu effacer dans les pays riches, des continents entiers qui restent sous-développés, et

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partout dans le monde, des groupes sociaux qui ont pris conscience de leur retard sur un « mini- mum vital » sans cesse plus élevé. Une telle ana- lyse en termes de retard sur une norme sociale mouvante, représentative du niveau de vie, me paraît plus féconde que celle qui fait survivre le vieux postulat de la paupérisation relative : c'est moins l'écart entre groupes sociaux qui crée le malaise que la sensation de frustration ressen- tie par chacun lorsque ses moyens d'existence réels se trouvent en dessous de l'image qu'il se fait à chaque instant des moyens auxquels il peut légitimement prétendre.

D'un autre côté, un malaise et des protesta- tions, se manifestant aussi bien par le verbe que par l'attitude ou par la violence, viennent de milieux divers, le plus souvent aisés, où l'inanité de mécanismes sociaux contraignants apparaît partout où l'asservissement ne débouche que sur une morne satiété. La cohorte des inquiets est très diverse : elle va du commissaire au Plan qui dénonçait, il y a quelques années, la civili- sation des gadgets, aux « hippies » qui refusent de s'intégrer dans les cadres de la vie économique, sociale ou politique et cherchent refuge dans une sorte de narcissisme agreste assorti parfois de paradis artificiels. Elle s'étend enfin aux jeunesses explosives, estudiantines pour la plupart, qui, mêlant une affirmation libertaire à une généro- sité certaine et à l'éternel besoin de chahut, dé- bouchent sur une agressivité totale devenue peu à peu une sorte de fin en soi.

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Entre les deux groupes, que j'appellerai pour simplifier, les économiquement attardés et les enragés, une masse apathique, relativement satis- faite ou apaisée, présente comme caractéristique essentielle le fait qu'elle s'ennuie. Les discussions publiées depuis quelque temps dans la presse montrent bien que la France n'est pas le seul pays morose et que les aspects purement politiques sont moins concernés que les conditions mêmes de l'appareil économique. Ainsi l'économiste et le technocrate ont en partie réussi dans le domaine du bien avoir et échoué dans celui du bien être. Il leur faut aujourd'hui tenter de retrouver un minimum de sensibilité, en élargissant d'une part le champ de leurs investigations et en s'alliant aux sociologues, aux psycho-sociologues et à tous autres tenants de disciplines nouvelles, nées ou à naître, pour dégager de nouvelles fins sociales et replacer l'homme au point central de leur dispositif. C'est là aussi la conclusion à laquelle parvient J.-P.

Courthéoux dans les dernières pages de ce livre.

Mais, avant d'examiner le cheminement person- nel de l'auteur, il est utile, je pense, de le situer dans le présent courant d'expansion de la recher- che économique vers des domaines ignorés il y a quelques années encore.

Des axes de recherche tels que la logique de l'action collective, l'efficience gouvernementale, la théorie des choix et des décisions collectives, la quantification des fins économiques, l'alloca- tion optimale des ressources avec dépassement

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du calcul individuel, la divergence des coûts so- ciaux et des coûts privés, l'inégalité des pouvoirs sociaux, les effets externes, etc., font apparaître des préoccupations qui ne se trouvent explicite- ment ni dans l'économie de marché ni dans l'économie collectiviste planifiées centralement.

D'une façon parallèle, les extensions du raison- nement économique à des domaines tels que l'éducation, la santé, les relations sociales consi- dérées comme autant d'activités « productives » mettent en relief la nécessité d'étudier l'investis- sement humain tandis que les travaux sur le

« temps de l'homme » — durée de vie, temps de travail, temps familial, temps de loisir, etc. — font apparaître un fonctionnel humain que les vieux schémas négligeaient totalement. Ce style de recherche, à propos duquel il n'est pas ques- tion ici de donner des références exhaustives, est illustré en France par des noms tels que ceux de G. Bernard, J. Bénard, C. Jessua, M. Debeau- vais, Brunet Jailly. Il se complète par des études plus philosophiques (G. Granger) ou plus géné- rales, comme celles de P. Kende (Limites et contraintes de la société productiviste), B. de Jouvenel (L'Arcadie) ou D. Lindon (La longue marche). Dépassant le cadre de ses études anté- rieures, sur l'emploi ou la population active par exemple, J.-P. Courthéoux se rattache ici à ce mouvement novateur.

L'intérêt de la nation ? L'auteur nous en expli- que l'indétermination logique, l'approximation empirique et la vision éthique. Et là, dit-il, le

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savant doit laisser la place au sage ; une société n'est pas uniquement un agrégat d'intérêts maté- riels plus ou moins bien harmonisés ; une parti- cipation active et une justice dans l'obtention et la répartition des choses représentent sans doute une condition nécessaire. Mais cette condition reste mineure : la collectivité a besoin d'unité et de participation sur un plan moins terre à terre.

Vision éthique, élan spirituel, communauté des mythes, certitude du même destin, nous avons trop d'expressions approximatives pour évoquer ce qui manque à une société purement écono- mique ou mécanicienne. Les sociétés tradition- nelles trouvaient leur ciment dans les religions et la sacralisation de tous actes, mais ce ciment s'est lézardé à la fois quand il est apparu aux foules qu'il n'y avait là que moyen d'entretenir les inégalités entre groupes et refus d'entrepren- dre, donc de s'intéresser au sort des plus défa- vorisés. D'autres nations ont puisé leur force dans la mobilisation aux frontières et dans la défense du territoire. Le même homme est souvent à la fois chef d'Etat, grand prêtre et chef militaire ; un tel modèle existe encore de nos jours dans les dictatures et même là où la défense de la foi politique et de l'action collectiviste est déléguée à l'élite d'un parti minoritaire. Pureté du dogme, donc conservatisme contre liberté et démocratie, voilà ce que pourrait être en raccourci l'inégal dialogue entre Russes et Tchèques.

Mais la liberté aussi peut être asservissante : la liberté de faire, exaltée après 1789, brisait,

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certes, les contraintes corporatives et étatiques et permettait ainsi un premier développement, mais elle favorisait l'apparition d'un nouveau groupe dominant, tirant sa puissance non plus du dogme ou du droit divin, non plus de la force des armes ou de la possession de la terre, mais de la richesse mobilière. La liberté de penser elle- même n'est pas sans pouvoir apporter des dévia- tions traumatisantes : l'éparpillement illimité des idées conduit à des polarisations brutales autour de meneurs dont l'agressivité se camoufle en force de persuasion et le fanatisme en anesthé- siant. On reste confondu devant la pauvreté des écrits politiques qui, depuis un siècle et demi, mobilisent les passions des foules et qui n'ont pu agir qu'en perdant leur contenu rationnel et en devenant dogme. Des événements simples, et parfois sordides, se transforment miraculeuse- ment en épopées et en légendes ; et tout parti politique monolithique regroupe inéluctablement trois tendances : on y trouve ceux qui ont la foi et donc se dévouent à une cause généreuse, ceux qui peuvent mobiliser leur potentiel de haine contre quelqu'un ou quelque chose, ceux enfin pour qui l'idée standard fournit un prétexte com- mode pour ne pas penser.

Voilà ce qui se trouve en amont des attitudes collectives qu'étudie J.-P. Courthéoux. Mais tout ce qu'il nous expose des comportements à l'égard de l'information, du plan, de la politique des revenus dépend en grande partie de ce condition- nement plus général.

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Il faut, je crois, garder présent à l'esprit que l'homme est toujours conditionné : il l'est par sa naissance, son milieu, son éducation, la chaleur humaine qui l'entoure, les chocs qu'il subit et les facilités qu'il reçoit. Il est donc inutile de partir en guerre contre le conditionnement : n'est-il pas curieux, par exemple, de voir que ceux qui pro- testent le plus contre le conditionnement par la publicité sont ceux qui subissent le conditionne- ment le plus massif des groupements politiques.

Et, puisque conditionnement il y a, la sagesse pour les sociétés ne serait-elle pas de rechercher le meilleur possible au lieu de laisser les individus se laisser accrocher au hasard, biaisés par n'im- porte quel mobile de la même façon qu'ils se laissent toucher par des épidémies ?

Pour l'homme moderne, rien ne me paraît de- voir passer en priorité avant l'élaboration concer- tée des mythes et la fabrication des légendes qui orienteront les sociétés de demain. Un long armis- tice entre les idéologies pourrait permettre un effort analogue à celui des philosophes et des sages de l'antiquité. Avec notre vision technicienne axée sur l'idée force de la croissance (je reprends ici l'expression de J.-P. Courthéoux) nous sommes mal partis.

En les divinisant ou même seulement en en fai- sant une fin alors qu'elles ne sont que les servi- teurs de fins qui pour le moment nous manquent, nous roulons comme des aveugles à bord d'un engin de plus en plus puissant et rapide. Une autre image peut rendre compte des incertitudes

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et des dangers des sociétés actuelles (qu'on ne me fasse, à ce propos, pas dire ce que je ne dis pas, car je tiens la croissance pour nécessaire, à condition qu'elle soit encadrée) : nous traitons nos économies comme le jardinier use de désher- bants qui, sans le moindre produit toxique, anéantissent les plantes en leur apportant un sur- plus d'hormones qui accélèrent monstrueusement leur croissance.

Si notre époque est encore démunie en ce qui concerne les superstructures mentales, elle est un peu plus riche pour les infrastructures : pour la vie de tous les jours, nous déterminons plus faci- lement des objectifs possibles. En s'appuyant sur quelques auteurs, J.-P. Courthéoux cite par exemple : l'augmentation du niveau de vie, le plein emploi, la justice sociale, la stabilité sociale, l'indépendance extérieure. D. Lindon est très pro- che de ce programme lorsqu'il propose dans La longue marche le développement économique et la suppression progressive des inégalités ; il ajoute cependant un critère de plus : l'autodéter- mination individuelle, ce qui me paraît être une façon prudente de rétablir l'objectif de liberté.

La société doit jouer le rôle d'arbitre entre les actions visant à l'efficacité (comportements économiques) et celles qui visent à une plus grande justice (comportements sociaux). Le calcul économique est assez avancé pour permettre le choix rationnel entre une cen- trale thermique ou une centrale atomique, entre une bouteille de verre ou un récipient en plas-

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tique. Il l'est moins quand il s'agit de choisir entre un tronçon d'autoroute ou un hôpital, entre une école ou une maternité. Et il n'est pas du tout capable de dégager les critères de sélection qui diraient, parmi des dizaines de milliers de mala- des, ceux qui bénéficieront de la greffe du cœur ou de tel autre traitement très coûteux. L'égalité, notamment dans les rémunérations, est-elle plus

« juste » que l'inégalité ? Les disparités de salai- res considérées comme conséquences de la crois- sance (donc à corriger) ne sont-elles pas aussi une condition de la croissance (donc à ne pas corriger) ?

Les réponses viennent des attitudes collectives et des préférences exprimées par la nation entière ou par des groupes dominants. Et c'est pourquoi j'apprécie beaucoup le titre à la façon du XVIII que J.-P. Courthéoux a imaginé pour son ouvrage au début de son introduction : « De l'influence des mœurs et des sentiments sociaux sur certaines causes et quelques effets du progrès de l'opulence nationale. » Le destin des nations dépend beau- coup des mœurs et des sentiments sociaux de ses habitants. Vis-à-vis d'eux la recherche opéra- tionnelle et l'économétrie sont inopérantes ; elles font un peu penser aux armes modernes qui sont inefficaces dans la guérilla. Notre guérilla à nous c'est la recherche de l'équilibre entre l'économi- que et le social, c'est le souci du bonheur plutôt que l'abondance ou la puissance.

Mais est-ce si nouveau ? Je surprendrai sans doute J.-P. Courthéoux en lui disant qu'en plein

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XVIII siècle, un auteur écrivait sur ce thème,

— en pastichant presque le titre de notre livre du XX siècle — : en 1764 le comte de Forge publiait Des véritables intérêts de la patrie et, après des chapitres très classiquement économiques (De l'argent, Des marchandises) il en arrivait à un chapitre fondamental : des obligations de la pa- trie envers les citoyens.

Mon rapprochement s'arrêtera là et je souhai- terai à J.-P. Courthéoux une notoriété plus grande que celle qu'a connue son respectable précurseur.

André PIATIER.

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A VANT-PROPOS

Si l'auteur est, bien entendu, seul à assumer la responsabilité de son propos, il ne tient pas moins à reconnaître ses dettes. Sa gratitude va tout d'abord à M. Jean Lhomme dont l'enseignement, avec celui de Jean Marchal, lui révéla l'intérêt d'une approche sociologique des phénomènes économiques, alors qu'en 1953 il entamait les travaux du doctorat. A Jean Lhomme l'auteur doit encore d'avoir poursuivi ses recherches sous une direction ouverte et libérale, pour laquelle les résultats obtenus importaient plus que le constat de quelque horloge pointeuse. Mais c'est également un heureux devoir de rappeler que cette direction fut assumée, pendant plus de dix ans et de façon tout aussi « démilitarisée », par M. Jean Fourastié dont le non-conformisme scienti- fique et l'indépendance intellectuelle ont valeur d'exemple. Nous tenons, par ailleurs, à honorer ici la mémoire de Daniel Villey auquel nous devons l'idée même des essais qui suivent sur les secrets éco- nomiques et sur l'intérêt de la nation. Ce maître pur et désintéressé enseignait avec une profonde convic- tion que l'information économique pourrait bien être cause de déséquilibre et l'économie concertée source de compromission. Si, en la matière, le présent ouvrage ne s'inscrit pas toujours dans ces perspec-

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tives, il n'en reconnaît pas moins la noblesse de sen- timent qui les inspirait.

Plus spécialement, parmi les études ici présentées, celle concernant les problèmes sociologiques d'une planification indicative (« Facteurs d'adhésion et points de friction dans un régime d'économie inci- tée ») a bénéficié de précieux avis ou d'appréciables concours. M. L.-P. Blanc, commissaire général adjoint au Plan, voulut bien en prendre connais- naissance et nous faire part de ces observations que seule une expérience autorisée permet de formuler.

M. Piatier et ses collaborateurs, confirmant leur généreuse et stimulante hospitalité, nous invitèrent à exposer les résultats de ce travail à l'Ecole Pra- tique des Hautes Etudes et, là encore, nous avons bénéficié des remarques les plus fructueuses. Mais nous sommes également le débiteur de M. J.-C.

Thoenig qui eut l'obligeance de nous informer de divers travaux, peu diffusés mais de grand intérêt, effectués par le Centre de Recherche de Sociologie des Organisations, en matière de planification et d'institutions régionales. Il nous est agréable aussi, en ce qui concerne l'étude sur les conditions cultu- relles d'une politique des revenus, de remercier M. J. Delors, chargé de mission au Commissariat du Plan, pour avoir pris le temps de répondre atten- tivement à nos questions même les plus naïves, et M. J. Méraud, rapporteur général du Centre d'Etu- des des Revenus et des Coûts, pour nous avoir éclairé sur le dernier état des institutions impliquées par la politique des revenus.

Par ailleurs, alors même que le manuscrit de cet ouvrage était remis à l'éditeur, M. A. Sauvy, dont on sait le combat inlassable pour l'information éco- nomique et le courage — si peu répandu — à révéler

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les vérités déplaisantes, effectuait une importante et percutante communication sur « Les statistiques et le secret » à la Société de Statistique. Cette commu- nication (publiée depuis dans le Journal de la Société de Statistique, 1968, n° 10-12) est suffisamment proche de nos préoccupations sur les secrets écono- miques pour que nous nous permettions d'y ren- voyer le lecteur, encore que nous nous sommes efforcés ici d'en tenir compte dans la mesure où l'autorisait la retouche des épreuves.

Il serait mal venu, enfin, de clore cet avant- propos sans exprimer nos remerciements aux direc- teurs de la Revue Economique, de la Revue d'His- toire Economique et Sociale et de la Revue des Scien- ces Economiques qui voulurent bien accueillir, dans leur premier état, les études ici reprises après rema- niements et compléments. Bien entendu, référence est faite à ces publications dans l'introduction qui suit. Mais avant de tourner la page, remercions surtout M. A. Cuvillier qui n'a pas dédaigné d'ou- vrir une collection sociologique à un économiste dont le travail ne saurait aller au-delà d'une sorte de sociologie « sans le savoir », au mode infinitif comme au sens substantif...

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INTRODUCTION

De l'influence des mœurs et sentiments sociaux sur certaines causes et quelques effets du progrès de l'opulence nationale. Ainsi le présent ouvrage se serait-il intitulé s'il avait été conçu il y a deux cents ans. Or, voici qu'avec la complicité de notre éditeur nous affichons outrageusement attitudes collectives et croissance économique. Peut-être est-ce là s'adap- ter à l'époque du lecteur pressé, au monde de la productivité ? Cependant, par-delà ses contours désuets, le titre à la manière d'autrefois ne serait-il pas finalement plus correct, en prenant ce qualifi- catif non seulement dans le sens de l'exactitude scientifique mais aussi dans celui de correction à l'égard du lecteur ?

En effet, le titre court ne peut guère éviter d'être quelque peu trompeur. Tel est, au moins, le cas du nôtre : nous ne visons nullement à une théorie générale des attitudes collectives, de la croissance économique et de leurs rapports réciproques. Pour traiter des attitudes collectives, il eût fallu être le sociologue que nous ne sommes pas. Quant à la croissance économique, nous n'aurons pas l'ambi- tion, dans le cadre limité de ce livre, d'ajouter une nouvelle acception d'économiste aux nombreuses

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interprétations de ce concept (1). A fortiori, nous ne prétendons pas analyser systématiquement les relations entre celles-ci et celle-là.

Ce livre réunit simplement quelques études sur des phénomènes socio-économiques qui condition- nent la croissance économique ou influencent la dif- fusion de ses fruits. La première d'entre elles, attitudes à l'égard de l'information : les secrets économiques, voudrait montrer que le secret dans la vie économique s'explique non seulement par des stratégies économiques de captation et de confron- tation ou par des stratégies sociales d'effacement et de déguisement, mais encore par des éléments affectifs, par des attitudes ostentatoires (lorsque le secret est source de prestige, de ségrégation et de valorisation) ou inversement par des attitudes de repli (lorsque le secret tient à la mauvaise conscience ou tout au moins à l'inconscience économique). Cette étude s'attache aussi aux effets du secret : effets économiques sur l'ajustement des quantités globales, effets sociaux sur l'équilibre des groupes (2).

(1) Pour le lecteur qui regretterait cette absence, nous nous permettons de renvoyer à la définition que nous avons proposée dans La planification économique en France, Paris, P. U. F. 1968, p. 131 (en collaboration avec J. Fou- RASTIÉ), en concurrence avec une définition de notions voi- sines, plus étroite (expansion) ou plus large (développe- ment).

(2) Elle s'inspire, après de très nombreux remaniements et compléments, de deux articles antérieurs parus l'un dans la Revue Economique (juillet 1958), l'autre dans Projet (décembre 1967). Les principaux éléments en ont été, en outre, exposés au cours du colloque sur « Les fondements économiques et sociaux du secret des affaires », organisé en avril 1967 par le Centre E. Bernheim de l'Université Libre de Bruxelles (Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Economiques).

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La deuxième étude, attitudes à l'égard de la pla- nification : facteurs d'adhésion et points de friction dans un régime d'économie incitée, s'efforce d'ob- server, en partant de l'expérience française, comment le succès d'une planification indicative, voire « inci- tative », dépend non seulement de problèmes tech- niques mais encore de facteurs psycho-sociologiques tenant aux racines profondes du comportement humain.

Plus précisément, parmi les facteurs d'adhésion favorables à ce régime économique, le don, l'aide et la foi tiennent une place prépondérante. En effet, le don retrouve, dans l'économie moderne, la fonc- tion de provocation économique qu'il assumait dans l'économie archaïque. Cependant, alors qu'en diverses sociétés primitives il apparaissait essentiel- lement comme une provocation à la dépense, à la destruction de surplus accidentels, dans l'économie moderne il se révèle, sous la forme d'attributions de ressources publiques aux entreprises privées, comme une provocation à créer systématiquement des sur- plus de croissance. En outre, parallèlement à l'inci- tation par le don, l'incitation par l' aide technique, c'est-à-dire l'incitation par la cohérence des objec- tifs, par la réduction des aléas, par l'aménagement des infrastructures et par l'allègement des contraintes se révèle un instrument de stimulation économique encore plus déterminant. Cependant, un minimum de foi, de bonne foi et de profession de foi, est égale- ment nécessaire au bon fonctionnement d'un régime de planification souple.

En sens inverse, la planification française se heurte à des facteurs défavorables ou tout au moins à des points de friction depuis la simple hostilité, de nature idéologique ou stratégique, jusqu'à la peur (peur

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syndicale de se compromettre, peur patronale de se démettre) en passant par la rivalité (rivalité entre organismes de planification et institutions tradition- nelles, entre administration de gestion et adminis- tration de mission). Néanmoins les planificateurs exercent finalement un certain pouvoir d'inflexion.

Tels sont les aspects de la planification que cette étude, menée dans un esprit inter-disciplinaire, se propose de mettre en valeur, en partant soit de matériaux bruts (publications syndicales et patro- nales, écrits politiques, pratiques administratives, dispositions du plan, etc.), soit de travaux effectués dans des disciplines voisines de la science écono- mique (science financière, science politique, psycho- logie économique, sociologie du travail, sociologie générale) (3).

La troisième étude, attitudes à l'égard de la répar- tition : conditions culturelles de la politique des reve- nus est en quelque sorte le prolongement de la seconde. En effet, depuis l'apparition d'une plani- fication en valeur complétant la planification en volume, la politique des revenus est devenue « la suite du plan ». Plus précisément, cette étude expose que la formation de la politique des revenus en France a dépendu de la conjonction de précédents étrangers, d'une situation sociale critique et d'un phénomène sociologique de fixation collective. En outre, il apparaît qu'au niveau de l'expression, cette politique s'est caractérisée par l'apparition de nou- velles doctrines essentiellement conciliatrices, tel le

« socialisme réduit aux acquets », et par l'émergence

(3) Des extraits de cette étude ont été publiés dans la Revue Economique (1968, N° 5) et dans la Revue des Scien- ces Economiques (décembre 1968).

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ou le projet d'institutions spécifiques, tendant par exemple à la création d'une magistrature économique et sociale. Cependant, le fait même qu'en période de croissance économique le mouvement des revenus se double de gains en capital amène, surtout depuis les événements de mai 1968, à poser le problème du dépassement de la politique des revenus par des mesures de participation à la propriété, voire de partage du pouvoir (4).

Enfin, malgré l'importance des problèmes de revenus et de participation, ce serait manquer de détachement que de clore le présent ouvrage sur l'analyse d'aspirations qui, certes légitimes, ne dépas- sent pas pour autant le niveau des intérêts particu- liers ou celui des intérêts de groupes. C'est pourquoi, en guise de conclusion, figure une dernière étude sur l'intérêt de la nation, étude selon laquelle l'in- térêt national, bien que caractérisé par une indéter- mination logique, peut néanmoins être l'objet, dans le domaine de l'action, d'une approximation empi- rique et, dans le domaine des idées, d'une vision éthique. Dans le présent ouvrage, inspiré de tra- vaux successifs, cette étude reprend, exceptionnelle- ment sans le modifier, le texte d'une publication antérieure. Etant donné son propos historique, ce texte, écrit en 1962, n'avait pas à être refondu.

Nous le terminions d'ailleurs en observant qu' « une certaine dose de désordre est peut-être nécessaire à la vie d'une nation » (5). Après les surprenantes (4) Quelques éléments de cette étude (dont la rédaction définitive est en grande partie inédite) ont été publiés, d'un point de vue historique dans la Revue d'Histoire Econo- mique et Sociale (1966, N° 3).

(5) Cf. Revue d'Histoire Economique et Sociale, 1962, N° 4.

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journées de mai 1968, nous ne croyons pas devoir revenir sur une telle conclusion...

Août 1968.

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PETITE BIBLIOTHÈQUE SOCIOLOGIQUE INTERNATIONALE sous la direction d'Armand Cuvillier

SÉRIE A. - Auteurs contemporains.

Jean-Paul COURTHÉOUX. - Attitudes collectives et croissance économique.

Armand CUVILLIER. - Où va la sociologie française ? Jean GAUDEMET. - Les Communautés familiales.

Georges HOSTELET. - L'Investigation scientifique des faits d'activité humaine, 2 vol.

Henri LÉVY-BRUHL. - La Preuve judiciaire.

Lucio MENDIETA Y NUNEZ. - Théorie des groupe.

ments sociaux ; suivi d'une étude sur le Droit social.

Claude RIVIÈRE. - L'Objet social.

Maximilien SORRE. - Rencontres de la Géographie et de la Sociologie.

Alexandre VEXLIARD. - Introduction à la sociologie du vagabondage.

Emilio WILLEMS. - Dictionnaire de Sociologie.

SÉRIE B. - Auteurs classiques.

Emile DURKHEIM. - Montesquieu et Rousseau, pré- curseurs de la sociologie.

Maurice HALBWACHS. - Esquisse d'une psychologie des classes sociales.

Karl MANNHEIM. - Idéologie et Utopie.

Pitirim A. SOROKIN. - Comment la civilisation se transforme.

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

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