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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Devenir sensible au contexte épistémologique de notre penser

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DEVENIR SENSIBLE AU CONTEXTE ÉPISTÉMOLOGIQUE

DE NOTRE ACTIVITE DE PENSÉE

Daniel FAVRE

Laboratoire de Modélisation de la Relation Pédagogique - Université de Montpellier II

MOTSCLÉS: DIFFÉRENTIEL CONTEXTE ÉPISTÉMOLOGIQUE -DÉMARCHE SCIENTIFIQUE

RÉSUMÉ: La difficulté à établir une ligne de démarcation épistémologiquement valable entre les connaissances scientifiques et d'autres connaissances qui ne le seraient pas ou moins nous a conduit

à

identifier les "attitudes cognitives" qui produisent ces différents types de connaissances. Ces attitudes peuvent servir il définir un contexte épistémologique limité par deux extrêmes opposés et complémentaires: le pôle de la stabilisation et celui de la déstabilisation des connaissances et entre lesquels notre penser se déplace. Diverses applications de ce modèle sont proposées.

SUMMARY :The difficulty in establishing an epistemological dividing line between scientific knowledge and other pieces of knowledge which wou Id not be, or les s, scientific has led us ta identify the "cognitives attitudes" which produce those various kinds of knoledge. These attitudes can be helpfull for defining an epistemological background which is limited by two opposed and complementary extremes : the stabilization pole and the unstabilazation of knowledge one between whom our act of thinking moves. Various applications of this mode! are proposed.

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1. INTRODUCTIOi\

P'lTce que le Moyen-f\ge semble peut-êtro nous avoir laissé l'babitude de distinguer radicalement le vrai du faux et parl'e que celle pensée dualiste présentait certains avantages sur le plan politique, de nombreux auteurs ontp~u'lasuite lênté d'établir une ligne dedém~U'cationnelle entre les connaissances vraies et les fausses et, ~l cetre fin, ont "cherché la vérité dans les sciences" pour paraphraser Descartes. Cetre quête se retrouve encore chez des épistémologues modemes comme Bachelard et Popper lorsque le premier pense qu'il est possible de séparer la pensée commune et la pensée scientifique et le second recherche un uitère, celui de la falsification possible, pour pouvoir déclarer scientifique une théorie, Sans aller aussi loin que Kullll dans les aspects relativistes et sociaux de l'établissement de la vérité scientifique, Lakatos inviteilabandonner cette quête obsédante de la vérité pour suggérer de conserver et d'utiliser une théorie ou un modèle non pas en fonction de sa véracité mais pour ses qualités heuristiques: celle théorie permet-elle ou non de construire des programmes de recherche originaux .)

Pourtant des difkrences semblent bien exister entre une connaissance scientifique et une autre qui ne leser~Jitpas ou moins. La prise en compte des apports de nombreux philosophes et épistémologues m'a convaincu de l'extrême difficulté

:1

vouloir séparer netrement ces différents types de connaissances entre lesquelles e.xiste plus UII gr~ldientl]u'une frontière, Dans une tentative de synthèse épistémologil] ue, j'ai ains i trouvé plus he uri stiq ue cl 'iden ti fier les atti tudes co gniti ves qui font exister un état cl'esprit scientifique. Par "attitude cognitive", entendons!lIatlière de se disposer imérieurement

poIll'acclleillir el lruirer de l'ill!orll/i/rioll di/ilS l'aCle de COlll1aÎlre.DélÏnir ces différentes attitudes

impliquait de les opposer :IIeur contraire ce qui, par la même occasion, pemlettait de reconnaitre deux modes de traitement de j'information opposés et complémentaires. L'un a pour finalité la stabilisation ou la dogmatisation desconn~tissanœset l'autre la déstabilisation des connaissances et leur évolution, Si produire des connaissances scientifiques c'est, d'un point de vue épistémologique et synthétique, avoir une activité de pensée visant:

- àexpliciter (définir, nommer, classer, formaliser .. ),

- sous forme d'hypothèses ou de questions des modèles ou des énoncés par nature "approximatifs et provisoires" ,

- dont on cherche, gr:lceÜdes contre-exéllljlles,

:1

identifier etàpréciser le domaine de validité et le eontexte,

- en prenant soin cie repérer (ou de s'intlTroger sur) la P:lrt jouée par la subjectivité,

alors on peut reconnaître ici quatre attitucles l'ugnitives qui sontill'origine d'un mode de traitement scientifique (pris dans un sens restreint =non-dogmatique) cles informations.

Attitudes dont on prendra peut-être mieux conscience si on peut les distinguer et lesdifférencier des quatre altitudes cognitives opposées visanl :

- àutiliser le registre de l'implicite,

- en s'exprimant exclusivement sous forme de vérités "absolues et éternelles",

- dont Ie caractère immuable est rl'nforcé parle fait que seuls sont pris en ('omple les événements qui confinllent l'énoncé (généralisations abusives),

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- ce qui est bvorisé par l'ignorance volontaire ou non du rôle de la subjecti vité en particulieràtravers les attitudes projectives qu'elle peut engendrer,

et dont la quadruple adoption ami'one cdui qui pense ~ traiter de manière dogmatique les informations.

Percevant l'intérêt d'utiliser des attitudes cognitives permettant un traitement non-dogmatique des infom1ations lorsque LI finalité d'une action (pédagogique, psychothérapeutique ou de recherche scientifique) demande que soient déstabilisées d'anciennes représentations, il restaitàles modéliser afin de les rendre opérationnelles. Le probli'ome que je me suis alors posé était: comment repérer et prendre conscience de nos dépLICèments entre lè mode de traitement dogmatique et le mode de traitement non-dogmatique. C'est-ii-dire.CO!ll!lleill devenir sensible au conleXle épislémologique de noire penser?

2. DES DIFFÉRENTIELS AU SERVICE D'UNE PENSÉE NON·DUALISTE

Le risque était gr~lIld, en oppos:Ult lès altitudes cognitives associées à la stabilisation des connaissancesilcel lès permettant de les faire évoluer, de faire exister~lnouveau une frontière nette entre le mode de traitement dogm'ltique et non-dogmatique, frontière qui serait alors pratique pour se livrer aux excès de Li pensée dualisteetsimplificatrice. Le combat moyenâgeux du vrai et du bien contre l'erreur et le mal pourrait prendre la fOllne cie la lutte du penser non-dogmatique pour éradiquer le penser dogmatique. Pour éviter une dérive aussi stérilisante, il fallait que la modélisation épistémologique proposée comporte un anticlote :1 LI pensée dualiste, d'oÙ l'usage que nous avons fait de "différentiels" afin que cette mocl~lisatiunreste au service du repérage de l'activité de pensée Sachant que la stabilisation cles connaissanc'es pal' des attitudes dogmatiques ou leur déstabilisation par des attitucles non-dogmatiques compurtentclt~lcunecles avantages et des inconvénients, il me paraissait important cie disposer cI'outils de rep<'ragcs puur clevenir apte à choisir le mode de traitement des informations le plus pertinent comple-tenu du contexte et des intentions de l'utilisateur. Développé parallèlement aux travaux cie Jucljuois(1989)concernant le comparatisme, l'utilisation d'un différentiel exploite sans doute une clisposition neurobiologique et par là une capacité cognitive fondée sur la comparaison (Favre et Favre 1991). POUl' pr~ciser le rôle d'un différentiel je vais prendre deux exemples oÙ existe une cumparaison.

ExemRle1 :Une personne 'lui n'a jamais mangé cie cardons souhaiterait savoir si cette plante préparée en gratin va lui plaire. Le recoursillacomparaisun permet de lui exprimer que le cardon aàpeu près la consistance et la te.sture du céleri tout en ayant un peu le goût des artichauts avec en plus une lègère amertume.

Dans cet exemple on suppose que la persunne a déj:1 l'expérience oule "concept" du céleri, de l'artichaut, et de la saveur amer. La notion nouvelle, le carclon, est reliéeild'autres appartenant au référentiel individuel cie lapersonne en question.

ExemRle 2 : Maintenalll imaginons une autre pel'sonne qui n'aurait aucune idée, ni expérience, de ce qu'est la lumière ou le jour. Dans ce cas ons'~II)ên;oitrapidemenl qu'il est difficile de lui faire prendre

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conscience de la lumière sans parler de l'obscurité ou de la nuit, c'est-à-dire de l'absence de lumière. Le couple lumière/obscurité forme ainsi un "différentiel" où chacun des termes ne prend son sens que par rapport à l'autre. Entre deux extrêmes théoriques, difficiles à atteindre de manière concrète: le 100% obscur et le 100 % lumineux, peuvent exister tous les intermédiaires. Ce "différentiel" rappelle à la conscience que quelque soit l'intensité de la lumière, ilya de l'ombre qui est mêlée et réciproquement, ce que les artistes-peintres savent bien: le noir et le blanc s'utilisent rarement purs. Sur le plan théorique, l'utilisation des différentiels comporte selon moi au moins deux avantages.

1 Unir ce que l'on a pris l' habitude de séparer

Ce qu'il m'intéresse de souligner, c'est en quoi le principe de dualité amèneàconcevoir séparément et à disjoindre par exemple: le rationalisme et l'empirisme, l'erreur et la vérité, le biologique et le sociologique, les neurones et l'esprit, l'ordre et le hasard, le cognitif et l'émotionnel, le sujet et le monde ... , qui amène finalement à des exclusions figeantes pour la pensée et dangereuses pour notre survie si celle-ci exige le dépassement de ces contradictions. Selon Morin (1986), la pensée dualiste constitue un obstacleàla pensée complexe, nécessaire selon lui si nous voulons approcher un peu la complexité du réel ou celle d'un être humain. La méthode adoptée par cet auteur pour rentrer dans le paradigme de la pensée complexe repose sur trois principes directeurs en interrelation les uns avec les autres, seul le premier parce qu'il permet d'illustrer le fonctionnement d'un différentiel sera exposé ici. En effet, le premier principe ou "principe dialogique", héritier de l'idée de dialectique d'Héraclite ou d'Hegel, est défini comme "l'association complexe (complémentaire/concurrente/antagoniste) d'instances, nécessaires ensemble à l'existence, au fonctionnement et au développement d'un phénomène organisé". II associe en une deux positions ou approches que l'on a tendanceàopposer. La dialogique étantà1'œuvre selon Morin aussi bien dans le monde des phénomènes que dans celui de notre pensée qui essaie de connaître ce monde. Un différentiel constitue ainsi un moyen d'unir avec un lien dialogique des notions opposées qu'on a 1'habitude de considérer comme disjointes.

2 Permettre une conduire plus consciente de l'activité de pensée.

Les différentiels présentés sous forme d'un axe reliant deux extrêmes opposés et complémentaires (au niveau de leur signification) deviennent plus opérationnels lorsque l'on fait figurer un curseur pouvant se déplacer sur cet axe. La nécessité de réaliser une action implique en effet des représentations "provisoirement stabilisées" de la réalité La place du curseur sur l'axe du différentiel va permettre de repérer un rapport (lumière/obscurité. par exemple) pour pouvoir agir sans être dupe du fait que c'est le seul possible. Les résultats de l'action engagée utilisant ce rapport peuvent ensuite être confrontés avec le choix de cette représentation qui pellt éventuellement, en se déplaçant sur l'axe, être modifiée en vue d'atteindre une action optimale. Au contraire, l'absence de différentiel impliquant un asservissement complet de l'action illa fixité des représentations utilisées se traduirait soit par la répétition d'une action insatisfaisante soit par sa cessation. Dans l'exemple du différentiel lumière / obscurité, la pensée simplificatrice. sans différentiel, nous incite à n'envisager que deux cas possibles: ilya de la lumière ou il n'yen a pas, un simple interrupteur électrique dans ce cas peut fournir une métaphore du rôle cognitif cie nos neurones. L'usage de la présentation du couple lumière/obscurité sous forme de différentiel permettra de rechercher l'optimum de lumière et d'obscurité que requiert l'action choisie. Ce fonctionnement cognitif, intégrant nécessairement un

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grand nombre d'infonnations d'origine contextuelle, devrait solliciter davantage les neurones dont les trois derniers millions d'années d'évolution nous ont largement pourvu!

3. DES FEED-BACKS POUR DIRIGER NOTRE ACTIVITÉ DE PENSER

Serait-il possible d'apprendre sans "feed-back"1? On peut répondre en considérant les apprentissages moteurs puis les appreIllissages cognitifs, même si cette distinction est en partie anificielle d'un point de vue neurobiologique. Si nous voulons que nos muscles obéissent et servent nos projets, nous avons besoin de récepteurs sensibles aux tensions des muscles et aux positions des articulations. Ces récepteurs nous renseignent par "feed-backs" successifs sur le déroulement du mouvement en cours et nous permettent de l'ajuster. De même, les sciences de l'artificiel et la robotique nous ont montré qu'un engin robotisé était d'autant plus fiable, plus autonome et plus adaptable qu'il possédait de nombreux capteurs pour le renseigner sur les effets de ses diverses activités.

Sur le plan pédagogique, j'ai souvent constaté que les pédagogues démontrent au travers de leur pratique l'importance des informations rétroactives dans l'apprentissage. Ce type d'information dont la source est externe il l'apprenant permet en effet il celui-ci d'ajuster sa démarcheà l'objectif pédagogique fixé par l'éducateur. Au cours d'un tel apprentissage que Bateson qualifierait d'apprentissage de niveau l, l'enseignant renvoieill'apprenant des renseignements ou des évaluations concernant ses productions verbales, écrites, grrlphiques .. , La capacitéàappliquer son acquis dans le même champ disciplinaire etilauto-évaluer sa production témoigne de l'acquisition d'indicateurs internahsésrempla~'antles feed-backs externes de l'enseignant. La capacitéàmobiliser son savoir-faire dans d'autres domaines pour lesquels l'application directe n'est pas possible exige l'existence d'une capacité d'auto-évaluation d'un niveau supérieur qui correspondraitàla capacité d'apprendreà apprendre (niveau Il selon Bateson). En devenant apteilrepérer les différentes façons d'accueillir et de traiter les infomlations que l'on reçoit ou que j'on a reçu,ilidentifier ses attitudes cognitives en temps réel ou différé, un apprenant pourrait catalyser positivement les apprentissages de niveau Jet Il:"si l'Apprentissage Il est un apprentissage des contextes de l'Apprentissage J, l'ApprentissageIII devrait donc être un apprentissage des contextes de ces contextes" (Bateson, 1977).La prise en compte des contextes épistémologiques clans lesquels s'organise l'activité de pensée ne rentre-t-elle pas dans ces apprentissages de niveau III ') L'objectif de Irl grille d'analyse épistémologique que nous allons présenter maintenant, vise il r\épérer ks attitudes cognitives qui sont à l'origine de la stabilisation ou cie la déstabilisation d\és connaissances. Ces attitudes sont présentées sous forme de différentiels pOlir ks raisons évoquées clans k paragraphe2,les curseurs mobiles sur les axes invitent àidentifier le positionnement épistémologique de la personne qui pense et/ou qui s'exprime, entre deux extrêmes théoriques que sont ks traitements100%dogmatique et100%non-dogmatique. Ces traitements se définissent respectivement selon ks modes d'application spécifiquesàchacune des attitudes cognitives.

l "Feed-back"est préféré à "rélroaetion" utiliséCilcybernétique parce que "10 fccd" signifie également nourrir.cela rappelle qu' cn biologie, " information qui "nourritCil rClOur" panicipcÜla maintenance des circuits nerveux.

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:.:.:.:-:.:<-:.:.:-:.:<.:<-:.:«.:<-:.:-:<.:<.:<-:.:.

'Co~~;;~~tio~d~génér~

::: -lisations abusives . mode d'éwblisscmel1l de la preuve

Traitement dogmatique Traitement non·dogmatique

des informatiolls des informations

.».:

100

%

>...

:

:

100%»::::<::::<::: .. '

Utilisation , ...- - - - _. . .-.JL-_ _

--t~~/

'Enonciation et formulation ". :':::::d'énoncés implicites:::: mode defonnulation" explicites: classifications,.· définitions, distinctions... .

.'

Formulation de dogmes, .·.I4---.L.---+l<Formulation d'hypothèses, mode de situation par rapport .

de préjugés, d'opinions. :: aux connaissances '<de modèles provisoires et ::>approximatifs ou de questions ... :>

. .

.

.: Recherche des contre-évidences >pour préciser les limites du

:Attitud~ projective : d o m a i n e de validité d'un énOn?é.

::l'effet de la subJ·ectivité·.'-t---...L---.f 'A t't d ' f l ' . . .

. est ignoré : ,. . t1 U e re eXlve : pflse '..::::::.

::>en compte de sa propre : '. mode de relalion avec b subjectivilé

. subjectivité

DEPLACEMENT FA VOIUSANT UNE RELATION AU SAVOIR COMPATIBLE AVEC LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE ET L'APPROPRIATION DE NOUVELLES CONNAISSANCES

Pôle de la stabilisation des

conna issa nces

..

Pôle de la déstabilisation des connaissances

Au moins deux usages de cette grille sont possibles. Les déplacements des curseurs dans chacun des différentiels peuvent servir de "feed-backs externes" au sujet qui l'utilise. Par le biais d'une analyse de type analyse pragmatique du langage, il est possible de repérer quel est le contexte épistémologique dominant de la personne qui s'exprime (oralement ou par écrit), personne qui peut être soi mais dans l'après-coup. Un autre usage devient possible quand ces différentiels "s'internalisent", la capacité acquise devient alors une sensibilité,ulle sensibililé au contexte épistémologique de notre penser

permettant au sujet, qui ne serait pas en débordement émotionnel, de "mieux conduire sa pensée". C'est-à-dire, comme on l'a vuilpropos ci'un geste volontaire, mettre son activité de pensée au service de son projet conscient: stabiliser ou déstabiliser plus ou moins des connaissances (les siennes ou celles d'autrui) et ajuster celle-ci il cct objectif. Quel(s) risque(s) y aurait-ililpenser sans ce type de feed-backs ')

4. QUELQUES APPLICATIONS POUR El\: SA VOIR PLUS SUR NOS SAVOIRS

Certains de nos travaux mettent en évidence l'existence de pratiques pédagogiques dont les effets peuvent êtreper~uscomme paradoxauxp~lrles élèves. Ces pratiques semblent découler directement de l'absence de cette sensibilité au contextè épistémologique dans lequel s'élaborent nos connaissances. Diverses :IpplicationsPOIÜntsurle langage des enseignants et des élèves, les attitudes et les émotions engendrées p~lr la proximité de l'erreur illustrent mon propos. En utilisant la

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modélisation épistémologique précédellle comme analyseur du discours pédagogique des enseignants en biologie, nous avons pu Elire apparaître des marqueurs langagiers indiquant un recours massif au traitement dogmatique (discours au présent de l'indicatif avec le verbe être, absence du conditionnel et des formes invitant il suspendre ou relativiser le jugement) (Favre et Rancoule, 1993).N'est-ce pas paradoxal de demander ensuite aux élèves dont on aura stabilisé (àoutrance! ) les connaissances d'accepter ensuite de les déstabiliser pour les faire évoluer dans le cadre du programme scolaire? Et ensuite, soit de se désespérer, soit de culpabiliser les élèves quand persistent les erreurs ou les oublis signant l'existence de conceptions préalablement construites en ambiance scolaire mais dont la stabilité s'oppose à leur évolution etàleur remise en question. D'autant que l'analyse des pratiques associées au traitement de l'erreur montre que sont souvelll confondues deux logiques nécessaires mais incompatibles si utilisées en même temps:la logique de col11rôleella logique de régu!alion(Favre,

1995).La première, indispensableàtoute société, vise à mesurer un écart par rapportà une norme pour sélectionner des individus possédant certaines compétences. L'erreur correspond à un échec et sert ici à éliminer les autres individus, son statut relève d'un paradigme de traitement dogmatique des informations. L'évaluation qui en découle est cie lype sommatif et le moment de l'utiliser devrait être celui oÙ l'on estime que l'apprentiss:lge cles savoirs et savoir-faire attendus est achevé. La seconde semble indispensable à la période d':lpp['entissage car, attribuant à l'erreur un statut d'information, de résultat cI'une démarche ou d'un processus cognitif, elle fournit à l'apprenant des renseignements qui vont lui permettre cie franchir d'éventuelles difficultés et ainsi de progresser vers l'acquisition des compétences attendues. On rem'Irquèra ,linsi qu'en évaluation fonnative l'erreur a le même statut que dans un paradigme cie traitemelll non-dogmatique cles informations. Statut et rôle que lui donne également un regard rétrospectif et historique porté sur la progression cles connaissances scientifiques mais qui ne semble pas.avoir modifié l'idée chez les enseignants que la science engendre des certitudes (Bethou et Favre, 1'195). Alors comment arriveril penser qu'il est possible d'installer l'évaluation fomlative (olt l'erreur est une information qui sert uniquement pour avancer) dans une ambiance soumise presque entièrement au "contrôle continu" " Et si malgré cela on le faisait, qui chercherait-on il rendre fou ou il inhiber avec ce type d'injonction paradoxale? La grande interdépendance existant entre processus cognitifs et affectifs (Favre, 1993)suggère qu'il n'est pas facile pour un être humain de "lflcher" une connaissance trop stabilisée, une croyance qui a été rendue "vérité universelle et immuable" par j'environnement éducatif et culturel. Inversement, une communauté, qui ne pratiquerait pas un optimum de stabilisation des connaissances de ses membres, ne serait pas apteilconstruire et il ré:tliser des projets communs. L'utilisation de la grille de lecture épistémologique, exposée dans cet article, pourrait penllettre de caractériser cet optimum et surtout d'éviter l'excès de stabilisation car cel:l signifie rendre des êtres humains dépendants ou plus précisément addictifs aux connaissances subles. Cwe fOI111e de toxicomanie endogène2 n'est-elle pas dangereuse pour une société qui, ne pouvant plus se reproduire à l'identique, cloit faire évoluer ses savoirs, ses techniques et ses valeurs "

2 Ont déjà été répertoriées comme "addictionS~1I1SdrugUl'" depuis ]~.;f7 : LI boulimie - le stress - le sexe, le lfavail, les achJts ct le sport "pathologiques" dont lesaspcClscompulsifs relèveraient d'uneprodllcLionphasique de Bela-endorphines par le cerveau ct de [' étal d'œ.;suéludc qui.s'insLl!kr~lilensuiteill'égarddu comportement qui l'a produite.

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5. CONCLUSION

Pouvoir repérer le déplacement de son activité de pensée enU'e deux pôles celui de la stabilisation des connaissances (traitement dogmatique) et celui de leur déstabilisation (traitement non-dogmatique) devrait permettre de devenir sensible au contexte épistémologique dans lequel s'élabore la pensée. Son principal intérêt réside sans doute dans la possibilité qu'aurait un apprenant ayant acquis cette "sensibilité épistémologique" de subir moins passivement les multiples cycles de déconstruction-reconstruction de ses connaissances. La nécessité de ces cycles est induite à la fois par la complexification des concepts au cours Je la scolarité et par le développement des sciences et des techniques auquel l'apprenant-citoyen pourra ensuite pal1iciper de manière critique. Ce développement est déstabilisant pour ceux qui fondent leur "sécurité cognitive" sur la stabilité des connaissances, d'où, pour ne pas être un exclus de ce développement, la nécessité d'acquérir (pourquoi pasàl'école) une nouvelle sécurité cognitive associéeillacapacitéilfaire évoluer ses savoirs tout au long de sa vie.

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