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Économie circulaire : application à la production d'oeufs au Canada

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Academic year: 2021

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(1)

Économie circulaire : Application à la production

d'oeufs au Canada

Mémoire

Roger Rukundo

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Résumé

Peu d’études sur la mesure de l’économie circulaire (EC) existent à l’échelle de l’entreprise. Aussi, la disponibilité d’indicateurs adéquats pour l’EC laisse à désirer. Cette étude focalise sur la ferme avicole et vise à développer des indicateurs de mesure de l’EC pour la production d’œufs qui sont validés par les intervenants de l’industrie et les experts du développement durable. Un cadre d’analyse précis et adapté pour la mesure de l’EC dans le secteur agricole est développé. Son application à la production d’œufs, en utilisant la méthode ECOGRAI de conception d’indicateurs, a permis l’élaboration d’un système d’indicateurs pratiques dont la validation scientifique par la méthode de concertation DELPHI a conduit à la sélection de 11 variables clés à contrôler afin d’améliorer la circularité en aviculture. La méthodologie développée a permis d’identifier, de tester et de valider vingt-cinq (25) indicateurs pratiques (IP) de mesure de l’EC à partir de variables clés. Quatorze (14) actions concrètes et 3 arbres de décisions sont proposés sous forme d’outil pratique de suivi des indicateurs pratiques validés. Ces résultats fournissent des outils pouvant servir les recherches futures visant à établir un diagnostic ou un portait des entreprises avicoles par rapport à leurs performances en matière d’EC.

Mots clés : Économie circulaire, production d’œufs, aviculture Canada, mesure de l’économie circulaire, échelle micro.

(3)

Abstract

A small number of studies on measuring circular economy (CE) exist at company level. Also, the availability of adequate indicators for CE leaves a bit to be desired. This study focuses on egg farm and aims at developing indicators for measuring CE for egg production which are validated by industry stakeholders and experts of sustainable development. A precise and adapted analytical framework for measuring CE in the agricultural sector is developed. Its application to egg production sector using the ECOGRAI method of indicator design made it possible the development of a set of practical indicators whose scientific validation by the DELPHI consultation method led to the selection of 11 key variables to control in order to improve circularity in egg production. The developed methodology allowed to identify, test and validate twenty-five (25) practical indicators (PIs) for measuring CE from key variables. Fourteen (14) concrete actions and three decision trees are proposed as a practical tool to help monitoring validated practical indicators. These findings provide tools and important information for future research aiming at establishing a diagnosis or an assessment of egg enterprises in relation to performance of CE.

Key words: Circular economy, egg production Canada, poultry farm Canada, circular economy measurement, micro level.

(4)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vi

Liste des tableaux ... vii

Liste des abréviations, sigles, acronymes... viii

Remerciements ... xii

Introduction ... 1

Chapitre 1. Problématique ... 4

1.1. Un modèle productif qui atteint ses limites ... 4

1.2. Un changement de paradigme qui s’impose ... 5

1.3. Un modèle plein d’opportunités ... 8

1.4. Le Canada, moins bon élève de l’OCDE ! ... 9

1.5. Vers une agriculture circulaire ... 10

1.6. Un secteur d’intérêt pour une démarche exploratoire ... 12

1.7. Objectifs et questions de recherche ... 14

1.8. Pertinence de l’étude ... 15

Chapitre 2. L’économie circulaire : genèse, définition des concepts, cadre d’analyse d’indicateurs... 16

2.1. Origine du concept d’économie circulaire ... 16

2.2. Définition des concepts et description des composantes de l’économie circulaire .. 18

2.2.1. Précurseurs de l’économie circulaire ... 19

2.2.2. Courants contributeurs à la définition de l’économie circulaire ... 20

2.2.3. Définition de l’économie circulaire ... 25

2.2.5. L’économie circulaire et le développement durable ... 27

2.3. Mesure de la circularité à l’aide d’indicateurs ... 27

2.3.1. Portée de la mesure et justification ... 29

2.3.2. Le secteur avicole et la perma-circularité... 30

2.3.3. Mesure de la circularité versus l’Analyse du Cycle de Vie ... 31

2.3.4. Cadres de conception des indicateurs de l’EC à échelle micro ... 33

2.3.5. Justification des catégories d’évaluation de la circularité pour le secteur de la production d’œufs ... 36

(5)

3.1. Étapes méthodologiques ... 38

3.2. Phase d’élaboration ... 39

3.2.1. Processus d’élaboration des indicateurs de l’EC pour le secteur avicole ... 39

3.2.2. Conception d’indicateurs de circularité pour le secteur avicole ... 43

3.3. Phase de vérification ... 62

3.4. Phase de validation pratique ... 62

3.5. Phase de validation scientifique ... 64

3.5.1. Aperçu de la méthode DELPHI ... 65

3.5.2. Conception du Questionnaire DELPHI ... 65

3.5.3. Déroulement du processus de concertation ... 66

Chapitre 4. Résultats et discussion ... 70

4.1. Indicateurs pratiques testés ... 70

4.1.1. Indicateurs pour la CEC « Efficacité d’utilisation de Ressources » ... 71

4.1.2. Indicateurs pour la CEC « Réduction de déchet et activités circulaires » ... 73

4.1.3. Indicateurs pour la CEC « Environnement : Énergie et Émissions » ... 76

4.1.4. Indicateurs pour la « Catégorie d’indicateurs complémentaires » ... 77

4.2. Résultats de l’analyse des niveaux d’importance des variables ... 80

4.2.1. Résultats de la hiérarchisation des VD et des CEC... 80

4.2.2. Classement final des variables de décision (VD) selon le degré d’importance 84 4.3. Discussion ... 87

4.3.1 Options de valorisation des poules reformées et des mortalités ... 88

4.3.2. Arbitrage entre les options de valorisation du fumier ... 91

4.3.3. Prolongation ou non de la durée du cycle de production ... 95

4.3.4. Arbitrage entre les sources d’énergie ... 99

4.3.5. Arbitrage entre les niveaux de bien-être animal et humain ... 105

Chapitre 5. Outil pratique de suivi des indicateurs de mesure de l’EC en production d’œufs 109 5.1. Structure de l’outil pratique ... 109

5.2. Actions concrètes associées aux indicateurs ... 110

5.2.1. Actions concrètes associées aux indicateurs importants ... 110

5.2.2. Actions concrètes associées aux indicateurs assez importants ... 116

Conclusion ... 119

(6)

Liste des figures

FIGURE 1 :ÉVOLUTION DES PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES DE 1900 À 2010 _____________________ 5 FIGURE 2 :MODÈLE LINÉAIRE VERSUS MODÈLE CIRCULAIRE __________________________________ 7 FIGURE 3 :PERSPECTIVES DE LA CONSOMMATION CANADIENNE D’ŒUFS D’ICI 2023 ________________ 13 FIGURE 4 :DIAGRAMME DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE SELON LA FONDATION ELLEN MACARTHUR ______ 23 FIGURE 5 :COMPOSANTES DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE (DOMAINES D’ACTION ET PILIERS) ___________ 24 FIGURE 6 :STRATÉGIES ET OUTILS DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE SELON L’INSTITUT EDDEC __________ 25 FIGURE 7 :SCHÉMA DU CADRE DE CONCEPTION DES INDICATEURS DE LA CIRCULARITÉ ÉCONOMIQUE À

L’ÉCHELLE D’UNE ENTREPRISE __________________________________________________ 36 FIGURE 8 :ÉTAPES DE LA MÉTHODE ÉCOGRAI __________________________________________ 43 FIGURE 9 :ARCHITECTURE GÉNÉRALE DE LA GRILLE DES INDICATEURS _________________________ 64 FIGURE 10 :DEGRÉ D’IMPORTANCE DES VD DE LA CEC« EFFICACITÉ D’UTILISATION DE RESSOURCES » 80 FIGURE 11 :DEGRÉ D’IMPORTANCE DES VD DE LA CEC« RÉDUCTION DE DÉCHETS ET ACTIVITÉS

CIRCULAIRES » ______________________________________________________________ 81 FIGURE 12 :DEGRÉ D’IMPORTANCE DES VD DE LA CEC« D’INDICATEURS COMPLÉMENTAIRES » ______ 81 FIGURE 13 :DEGRÉ D’IMPORTANCE DES VD DE LA CEC« ENVIRONNEMENT (ÉNERGIE ET ÉMISSIONS) » 81 FIGURE 14 :HIÉRARCHISATION DES CATÉGORIES D’ÉVALUATION DE LA CIRCULARITÉ ______________ 82 FIGURE 15 :MATRICE D’IMPORTANCE DES VARIABLES DE DÉCISIONS POUR AMÉLIORER LA CIRCULARITÉ EN

PRODUCTION AVICOLE ________________________________________________________ 85 FIGURE 16 :CLASSEMENT DES OPTIONS DE VALORISATION DES MORTALITÉS ____________________ 88 FIGURE 17 :CLASSEMENT DES OPTIONS DE VALORISATION DES POULES REFORMÉES ______________ 89 FIGURE 18 :CLASSEMENT DES OPTIONS DE VALORISATION DU FUMIER _________________________ 92 FIGURE 19 :CLASSEMENT DES SOURCES D’ÉNERGIE UTILISÉES À LA FERME SELON L’OPTIQUE DE L’EC 100 FIGURE 20 :NIVEAUX DE BIEN-ÊTRE (BE) ANIMAL ET HUMAIN PERMIS PAR LES SYSTÈMES DE LOGEMENT

DES POULES PONDEUSES _____________________________________________________ 106 FIGURE 21 :ACTIONS CONCRÈTES ASSOCIÉES AUX INDICATEURS IMPORTANTS ÉVALUÉS PAR RAPPORT AUX

VALEURS DE RÉFÉRENCE _____________________________________________________ 112 FIGURE 22 :ARBRE DE DÉCISION 1.GUIDE DU CHOIX DE LA MEILLEURE OPTION DE VALORISATION DU

FUMIER. __________________________________________________________________ 114 FIGURE 23 :ARBRE DE DÉCISION 2.GUIDE POUR LE CHOIX DE LA MEILLEURE OPTION DE VALORISATION

DES POULES RÉFORMÉES ET DES MORTALITÉS ______________________________________ 115 FIGURE 24 :ARBRE DE DÉCISION 3.AIDE À LA DÉCISION DE PROLONGER OU PAS LA DURÉE DU CYCLE DE

PRODUCTION ______________________________________________________________ 116 FIGURE 25 :ACTIONS CONCRÈTES ASSOCIÉES AUX INDICATEURS ASSEZ IMPORTANTS ÉVALUÉS PAR

(7)

Liste des tableaux

TABLEAU 1 :ÉCONOMIE CIRCULAIRE, ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE ET ÉCOLOGIE TERRITORIALE, DES APPROCHES DIFFÉRENTES, MAIS COMPLÉMENTAIRES _____________________________ 22 TABLEAU 2 :UTILISATION DE RESSOURCES ET ÉMISSIONS DE LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

D’ŒUFS AU CANADA _____________________________________________________ 29 TABLEAU 3 :RÉSUMÉ DES ÉTAPES DU CADRE MÉTHODOLOGIES _________________________ 38 TABLEAU 4 :OBJECTIFS DE LA CIRCULARITÉ PAR CATÉGORIE D’ÉVALUATION DE LA CIRCULARITÉ

ÉCONOMIQUE __________________________________________________________ 45 TABLEAU 5 :VALORISATION DES MORTALITÉS SELON LES SYSTÈMES DE PRODUCTION _________ 54 TABLEAU 6 :DEVENIR DE POULES REFORMÉES SELON LES SYSTÈMES DE PRODUCTION ________ 55 TABLEAU 7 :ANALYSE DE LA COHÉRENCE ENTRE LES VARIABLES DE DÉCISION, LES CATÉGORIES

D’ÉVALUATION DE LA CIRCULARITÉ ET LES OBJECTIFS DE CIRCULARITÉ ________________ 61 TABLEAU 8 :ÉTAPES DU PROCESSUS D’ADMINISTRATION ET DE CONCERTATION DELPHI _______ 69 TABLEAU 9 :INDICATEURS DES VD DE LA CEC« EFFICACITÉ D’UTILISATION DE RESSOURCES » __ 71 TABLEAU 10 :INDICATEURS DES VD DE LA CEC« RÉDUCTION DE DÉCHET ET ACTIVITÉS

CIRCULAIRES » _________________________________________________________ 74 TABLEAU 11 :INDICATEURS DES VD DE LA CEC« ENVIRONNEMENT :ÉNERGIE ET ÉMISSIONS » _ 76 TABLEAU 12 :INDICATEURS DES VD DE LA « CATÉGORIE D’INDICATEURS COMPLÉMENTAIRES » __ 78 TABLEAU 13 :VARIABLES IMPORTANTES AVEC OPTIONS D’ARBITRAGE _____________________ 87

(8)

Liste des abréviations, sigles, acronymes

3R Réduire, Réutiliser, Recycler

AAC Agriculture et Agroalimentaire Canada ACV Analyse du Cycle de Vie

ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (France). AMAP Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne

ASC Agriculture soutenue par la communauté BE Bien-Être

BSI British Standards Institution

CCCD Conseil canadien du commerce de détail CE Circularité économique

CEC Catégories d’évaluation de la circularité

CGS Consumer goods sector (secteur de biens de consommation)

CH4 Méthane

CNSAE Conseil national pour le soin aux animaux d’élevage : CO2 Dioxyde de Carbone (Gaz carbonique)

COCE Cohérence avec les objectifs de circularité économique CoopEC Coopératives & Économie circulaire

CPEQ Conseil patronal de l’environnement du Québec CPQ Conseil du patronat du Québec

CRAAQ Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec CSC Captage et stockage du carbone

CSES Coalition for Sustainable Egg Supply DAE Digestion anaérobique

DELPHI Méthode (ou processus) de concertation DELPHI EC Économie circulaire

ECOGRAI Économie, Groupe de recherche en automatisation intégrée (France)

EDDEC Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire EEQ É́co-entreprises Québec

FAO Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FAPR&F Ferme avicole Paul Richard et Fils inc.

FEM La Fondation Ellen MacArthur (Royaume-Uni) FPOQ Fédération des producteurs d’œufs du Québec GES Gaz à effet de serre

IbP Indicateur de bonne pratique

IDÉA Indicateurs de durabilité des exploitations agricoles IEC Institut d’économie circulaire (France)

(9)

ISP Indicators of sustainable production

LCSP Lowell center for sustainable production (Université du Massachusetts, Lowell) MAPAQ Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec N2O Oxyde nitreux ou Dioxyde d’azote

NEST National environmental sustainability tool OC Objectifs de circularité

OCDE Organisation pour le développement et la coopération économique OBNL Organisme à but non lucratif

PIB Produit intérieur brut

PNUD Programme des Nations Unies pour le développement POC Les Producteurs d’œufs du Canada

PTS Particules totales en suspension RQDO La Ruche qui dit oui

SAFA Sustainable agriculture and food assessment SCT Secrétariat du Conseil du Trésor (Québec) VD Variables de décision

(10)

À mon Père Jean-Baptiste N. Ce programme d’études nous a géographiquement séparés

au moment où tu avais sûrement le plus besoin de moi à tes côtés. Requiescat in pace auprès de Maman, partie bien avant toi ! Surtout, soyez très fiers de ce que vos enfants

(11)

À mon petit frère Éric T. et à ma petite sœur Jeanne d’Arc U. Puisse ce modeste accomplissement vous inspirer et vous encourager à

toujours chercher à aller de l’avant. « Macte nova virtute, puer ; sic itur ad astra » — Virgile (Énéide, IX, v.641)

(Déploie ton jeune courage, enfant ; c’est ainsi qu’on s’élève jusqu’aux astres) — Virgile

(12)

Remerciements

Ce travail de mémoire est un aboutissement d’efforts et contributions des personnes physiques et morales à qui je tiens à exprimer mes sentiments de gratitude.

 Mes sincères remerciements vont aux Professeurs Doyon MAURICE et Ibrahima BOCOUM respectivement directeur et codirecteur de recherche. Nos échanges fructueux et continus ont fondé les assises de ce mémoire et m’ont permis d’embarquer sur ce nouveau champ de recherche qu’est l’économie circulaire que je vais continuer à explorer. Merci pour votre confiance, pour les précieux conseils et surtout pour votre disponibilité et votre accès facile.

 Un merci spécial à chacun des Professeurs du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval pour les relations enrichissantes tissées tout au long de mon parcours et l’espoir transmis.  Mes remerciements vont également à l’endroit de M. Stéphane BERGERON,

Professionnel de recherche à la Chaire canadienne de Recherche économique sur l’Industrie des œufs de l’Université Laval. Vous m’avez accompagné tout au long de ma recherche et nous pouvons nous féliciter de notre travail d’équipe. Merci de la franche collaboration et vive notre amitié !

 Je remercie les Producteurs d’œufs du Canada (POC) et la Chaire canadienne de Recherche économique sur l’Industrie des œufs de l’Université Laval pour avoir cru en notre projet et pour avoir accepté de le financer.

 Un gros merci à la Fédération des Producteurs d’œufs du Québec (FPOQ) pour avoir facilité nos visites de collecte d’informations et aux Experts internationaux qui ont participé à notre sondage DELPHI.

 Enfin, j’adresse mes remerciements à tous les amis et familles rencontrés à l’Université Laval, au Québec et au Canada.

(13)

Introduction

Les pratiques traditionnelles d’économie circulaire (EC) ne sont pas nouvelles ; elles ont été développées et transmises sur une planète comptant moins de 1,5 milliard d’êtres humains et principalement avant les révolutions industrielles de ce siècle (FEM, 2013b). Dans le monde actuel profondément transformé par les révolutions technologiques, l’explosion démographique et la diffusion des valeurs consuméristes aux pays en développement qui créent d’importantes pressions sur les ressources et l’environnement ; le concept d’EC se positionne et s’impose comme un nouveau paradigme économique (Ross-Carré, 2016). Ce modèle de production (circulaire), en proposant de dissocier le développement économique mondial de la consommation croissante de ressources, est vu comme une réponse organisationnelle aux problèmes et impacts résultant du modèle linéaire (Aurez et al., 2016, Ross-Carré, 2016).

Depuis l’an 2000, la plupart des pays développés ont mis l’EC à leur programme politique et des initiatives visant sa mise en œuvre se font remarquer dans divers secteurs de l’activité économique (George et al., 2015, Ghisellini et al., 2016). À ce propos, le Canada fait figure de moins bon élève parmi les pays membres de l’OCDE, notamment son secteur agricole : de 2000 à 2015, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada ont baissé plus lentement (-2 %) que dans le reste de l’OCDE (-5 %) et l’agriculture est parmi les secteurs dont les émissions de GES ont plutôt augmenté (OCDE, 2017). De plus, le secteur agroalimentaire continue de générer les gaspillages tout au long de sa chaîne d’approvisionnement : entre 30 % et 50 % des denrées alimentaires produits dans le monde ne seraient pas consommées, ce qui représente d’importantes pertes de ressources (IMechE, 2013, Le Moigne, 2014). Pour inverser la tendance, l’OCDE (2017) recommande au Canada de mettre un accent particulier sur la gestion des matériaux & des déchets et de promouvoir l’EC.

Aussi bien en agriculture que dans d’autres secteurs de production, la littérature indique que les chercheurs et praticiens éprouvent encore des difficultés à trouver des indicateurs adéquats qui mesurent l’EC à l’échelle de l’entreprise et, en particulier, dans quelle mesure une entreprise améliore son niveau de circularité économique (CE) ou simplement passe d’un mode de fonctionnement linéaire vers un mode circulaire (FEM et al., 2015b,

(14)

L’étude que nous proposons vise à poser les jalons de la mesure de la circularité économique à l’échelle de l’entreprise (micro) dans le secteur de la production d’œufs au Canada. Le choix de ce secteur est motivé par le fait que la chaîne de valeur des œufs de table est courte et rentable, ce qui la rend favorable à l’innovation (Tamini et al., 2016). L’étendue de la mesure, pour cette étude, s’est limitée à la ferme. Cela se justifie par le fait que sur toute la chaîne d’approvisionnement d’œufs de consommation, c’est au niveau de ce maillon (production d’œufs) que se produit le gros des impacts (plus de 60 %) en termes d’énergie utilisée et d’émissions de GES (Pelletier et al., 2018).

De façon spécifique notre étude a pour objectifs de (1) identifier les variables importantes à contrôler pour améliorer la CE au sein des entreprises avicoles et de (2) développer des indicateurs de mesure de l’EC pour la production d’œufs, qui sont validés par les intervenants de l’industrie.

Pour répondre efficacement à ces objectifs de recherche, notre travail est structuré en 5 chapitres comme suit.

Dans le premier chapitre, nous exposons la problématique, les objectifs et la pertinence de notre recherche.

Dans le deuxième chapitre, consacré à la revue de littérature, nous clarifions les notions pertinentes qui sont en lien avec le concept d’EC. Nous précisons les différences conceptuelles qui existent entre le modèle circulaire et le modèle linéaire. Les cadres d’indicateurs de mesure de la circularité à différentes échelles de l’activité économique vont ensuite être décrits ce qui permettra de justifier le cadre analytique choisi pour la conception des indicateurs de mesure de la CE au sein des entreprises avicoles.

Le troisième chapitre du mémoire porte sur la méthodologie utilisée pour la conception des indicateurs à partir des objectifs de CE et des variables de décision pour la mesure de l’EC. Ensuite, les méthodes choisies pour la validation pratique et scientifique des indicateurs vont être décrites.

Dans le quatrième chapitre de ce travail, nous présentons et discutons les résultats de notre recherche. Ces résultats sont des variables clés et indicateurs pratiques développés et validés selon les étapes méthodologiques choisies pour notre recherche.

(15)

La discussion de nos résultats a fourni les informations nécessaires pour la conception d’un outil pratique de mesure de l’EC à l’aide des indicateurs à mettre à la disposition des gestionnaires et propriétaires des entreprises avicoles au Canada. Cet outil sera présenté dans un chapitre à part soit le cinquième et dernier chapitre avant les conclusions.

Dans la conclusion générale, la contribution réelle et l’apport scientifique de notre recherche sont situés après avoir montré comment nos objectifs de recherche ont été atteints. Une note sera faite sur les perspectives de recherche qui se dégagent des résultats de notre étude.

(16)

Chapitre 1. Problématique

Le concept d’économie circulaire (EC) bénéficie d’une attention grandissante de la part de l’autorité publique et est au programme politique de plusieurs pays développés depuis l’an 2000. En effet, ce concept est une réponse organisationnelle aux problèmes économiques et écologiques résultant du modèle linéaire «

 extraire-produire-consommer-jeter » et représente un nouveau paradigme économique de production (Aurez et al., 2016,

Ross-Carré, 2016).

1.1.

Un modèle productif qui atteint ses limites

Dans le modèle linéaire, les entreprises extraient les matières premières et les utilisent pour la fabrication de leurs produits qu’elles vendent au consommateur. Ce dernier les jette dès qu’ils ne remplissent plus leurs fonctions ou qu’ils ne sont plus à la mode (Sana et Stokkink, 2014). Dans le secteur agroalimentaire, entre 30 % et 50 % des denrées alimentaires produits dans le monde ne seraient pas consommées (IMechE, 2013). Les déchets sont générés tout au long de la chaîne d’approvisionnement agricole. Dans les pays en développement, plus de 40 % des déchets sont produits lors des étapes de traitement post-récolte et de transformation. À l’inverse, dans des pays industrialisés, les distributeurs et les consommateurs sont responsables de plus de 40 % des déchets1 (Le

Moigne, 2014).

En termes de volume, 65 milliards de tonnes de matières premières ont été injectées dans l’économie en 2010 et on devrait atteindre 82 milliards de tonnes en 2020 (FEM, 2013b). On a, depuis longtemps, estimé que du fait de la raréfaction, les coûts de production d’eau, d’énergie, de métaux, de matières ou de nourritures vont exploser si aucune mesure à la hauteur des enjeux n’est engagée (Ross-Carré, 2016). Cette réalité a malheureusement été vécue au cours de la première décennie du 21e siècle où la volatilité des prix pour les métaux, les produits alimentaires et non alimentaires ont atteint des niveaux jamais atteints au 20e siècle, effaçant un siècle de déclin (FEM, 2013b, Sana et Stokkink, 2014). La figure 1 montre cette réalité.

1

Les quantités de déchets alimentaires produits par les consommateurs dans les pays industrialisés (222 millions de tonnes) est presque élevée que la quantité de production agricole nette en Afrique subsaharienne (230 millions de tonnes) FAO (2011). Global Food Looses and Food Waste. Study conducted for the International Congress: SAVE FOOD! .

(17)

Figure 1 : Évolution des prix des matières premières de 1900 à 2010

Source : (FEM, 2013b, p. 19)

La tendance à la hausse du niveau des prix des matières premières et de leur volatilité se poursuit de nos jours. Ce système linéaire expose les entreprises à de nombreux risques : un nombre croissant d’entre elles sont prises au piège entre les hausses soudaines ou les incertitudes liées aux prix des matières premières d’un côté, et la stagnation de la demande de l’autre (Sana et Stokkink, 2014). Ce modèle économique est dans l’impasse et un changement s’impose : l’économie circulaire (Ross-Carré, 2016).

1.2.

Un changement de paradigme qui s

’impose

La réponse durable aux problèmes résultant du modèle linéaire consisterait à dissocier le développement économique mondial de la consommation de ressources limitées, à travers une économie circulaire (FEM, 2013b, Sauvé et al., 2016).

Contrairement à la vision économique linéaire, le système circulaire considère les externalités du processus de production et les impacts de la fin de vie des produits. Ce modèle permet de créer une synergie de combinaisons intégrées d’activités à nourrir et à être nourries les unes par les autres (Justyna, 2016). Les sous-produits et les déchets d’une industrie pourraient constituer des ressources pour une autre (Aurez et al., 2016,

Jun et Xiang, 2011). Dans cette perspective, certains pays ambitionnent de produire par exemple du biocarburant à partir de sous-produits d’une autre industrie : la Belgique essaye de le faire à partir de l’huile à friture, le Japon à partir des baguettes en bois et l’Allemagne à partir des déchets de la fabrication de la bière (Palluet et Pineau, 2012). Au Québec (Canada), Sanimax récupère et valorise des sous-produits issus du secteur

(18)

agroalimentaire. Elle transforme les sous-produits de viande, les graisses, les huiles de cuissons usées et autres matières organiques en intrants de grande qualité́ pour une multitude d’autres secteurs industriels. Cette production permet à l’entreprise de détourner de l’enfouissement près de deux milliards de kilogrammes de sous-produits (SANIMAX, s.d.). Toujours au Canada, Enerkem transforme des matières résiduelles non recyclables en biocarburant, ce qui réduit la dépendance envers les énergies fossiles et les émissions des gaz à effet de serre tandis que l’entreprise Granules LG fabrique des granules de bois et des bûches écoénergétiques à partir de résidus industriels issus de la première et de la deuxième transformation du bois. Cette entreprise se spécialise depuis plus de 20 ans dans le chauffage à la biomasse, une ressource renouvelable, mais également dans la fabrication de litières (GRANULESLG, s.d.).

Dans le modèle circulaire, les individus ne sont plus de simples « consommateurs », ils deviennent des « utilisateurs » engagés à coopérer avec les producteurs et les détaillants. L’élimination des déchets2 est alors obtenue par une utilisation prolongée des produits, leur réutilisation et leur recyclage (Justyna, 2016). Ce modèle d’affaires de l’EC privilégie l’usage à la possession et prône plutôt la vente des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes. Les exemples les plus parlant citent : (1) Xerox qui ne fournit plus des copieurs, mais facture l’usage qui est fait de ses appareils sur la base du nombre de copies et (2) Michelin qui a développé une offre qui ne vend plus de pneus pour poids lourds, mais un certain nombre de kilomètres roulés (Aurez et al., 2016).

Les modèles de consommation collaborative alimentaire répondent aussi à la logique de l’EC. Dans l’agroalimentaire ces modèles sont des formes de coopérations réunissant les producteurs et les consommateurs qui visent en plus l’épargne de ressources. En France, la Ruche Qui Dit Oui (RQDO) et les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), en proposant aux consommateurs d’acheter, de manière groupée, des produits à des agriculteurs locaux, permettent la formation de réseaux d’approvisionnement autonomes qui facilitent la transaction et l’accès à des produits de qualité (Giesenfeld, 2014). Les AMAP sont inspirées du modèle nord-américain de réseau de l’agriculture soutenue par la communauté : ASC (CSA pour Community Supported

Agriculture en Anglais). Au Québec, ce réseau comprend 117 fermes (dont 93 qui livrent

2 Les déchets sont une invention humaine, la nature ne fait pas de déchet Aurez, V., Georgeault, L., Stahel, W. & Bourg, D. (2016). Économie circulaire : système économique et finitude des ressources. De Boeck Supérieur: Louvain-La-Neuve..

(19)

des paniers à plus de 350 points de chute) qui sont coordonnées par l’OBNL Equiterre (MAPAQ, s.d.).

Les schémas confrontés par la figure 2 montrent les différences conceptuelles entre le modèle linéaire (schéma de gauche) et le modèle circulaire (schéma de droite).

Figure 2 : Modèle linéaire versus Modèle circulaire

Source : EDDEC, 2015

(http://instituteddec.org/themes/economie-circulaire/#1478637474700-03a28bdb-6208) Les pratiques traditionnelles d’économie circulaire ont été développées et transmises sur une planète comptant moins de 1,5 milliard d’êtres humains et principalement avant les révolutions industrielles de ce dernier siècle (FEM, 2013b). On comprend dès lors l’importance de la transition économique vers des modèles circulaires, dans un monde (actuel) profondément transformé par les révolutions industrielles et technologiques, l’explosion démographique et la diffusion des valeurs consuméristes aux pays en développement, ce qui crée d’importantes pressions sur les ressources et l’environnement (Aurez et al., 2016). De plus en plus de pays ont pris des mesures pour promouvoir l’économie circulaire, comme la Chine, le Japon, l’Allemagne et les Pays-Bas (George et

(20)

À ce jour, la définition de l’EC qui semble recueillir l’assentiment de la plupart des intervenants 3est libellée comme suit : « l’économie circulaire est un principe d’organisation économique qui vise à réduire la quantité des matières premières et d’énergie sur l’ensemble du cycle d’un produit ou d’un service, et à tous les niveaux d’organisation d’une société, en vue d’assurer la protection de la biodiversité et un développement propice au bien-être des individus » (Aurez et al., 2016, p.115).

Cette définition qui a l’avantage d’intégrer et de prendre en compte les différentes trajectoires4 par lesquelles le concept d’EC est successivement passé permet de distinguer l’économie circulaire de l’économie linéaire qui, elle se définit comme : « un modèle économique qui consiste à extraire, produire et éliminer des processus industriels et des modes de vie associés, entraînant un épuisement des réserves limitées. Les matériaux vierges sont utilisés pour créer des produits qui aboutissent dans des décharges ou des incinérateurs » (FEM et al., 2015a).

1.3.

Un modèle plein d

’opportunités

Le modèle circulaire continue de séduire du fait qu’il prône un mode productif dans lequel la croissance économique est partiellement découplée de l’épuisement des ressources naturelles ce qui permet de créer, en plus des retombées économiques et sociales, des valeurs positives environnementales (Aurez et al., 2016). En 2015, Anders Wijkman et Kristian Skanberg ont pu prouver la faisabilité de l’économie circulaire au niveau macroéconomique. En utilisant les tables entrées-sorties couvrant sept pays européens, les résultats de leur étude montrent que le scénario combiné (scénario de circularité plus l’efficience matérielle de l’énergie) permet la réduction de 66 % des gaz à effet de serre, la création de nouveaux emplois (+ 4 % ou plus de 500 000 emplois) et l’augmentation de 0,25 % du PIB (Wijkman et Skånberg, 2017).

En Finlande, pays dont la plupart des exportations sont liées au secteur des équipements et de la machinerie destinés surtout à la foresterie et à l’exploitation minière, il a été estimé

3

Institutions réputées incontournables sur les questions environnementales, économiques & sociales et qui ont été les premières à travailler à faire émerger le concept d’EC. Ce sont : (1) La Fondation Ellen MacArthur (FEM au Royaume-Uni) (2) L’EDDEC (au Québec, Canada) (3) L’Institut d’Économie circulaire (France), et (4) L’ADEME : Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (France).

4Les trajectoires considérées par les auteurs sont : (1) la trajectoire scientifique qui intègre l’écologie urbaine, l’écologie industrielle & l’écologie territoriale et (2) les trajectoires institutionnelles et organisationnelles qui tiennent compte de visions et positionnements des Différentes Institutions qui font la promotion du Concept d’EC (Aurez et al., 2016).

(21)

que l’adoption de modèles d’affaires axés sur l’économie de la fonctionnalité (un des principaux piliers de l’EC) et le reconditionnement pourrait générer entre 300 et 450 millions d’euros par année (CPQ et al., 2018). L’étude survole aussi le secteur alimentaire et évalue entre 150 et 200 millions euros annuellement le potentiel d’économie découlant de la réduction du gaspillage le long de la chaîne de valeur (Rizos et al., 2017). La réduction du gaspillage alimentaire constitue d’ailleurs une des priorités de la Commission européenne, car au-delà de ces gains économiques, cela peut créer des retombées environnementales importantes (InstitutMontaigne, 2016). En effet, on estime qu’environ 31 % de la nourriture est gaspillée le long de la chaîne alimentaire en Europe, ce qui correspond à peu près à la situation constatée au Canada (de 30 % à 40 % selon

Recyc-Québec) (FEM, 2013a). Comme estimé par Wijkman et Skanberg (2017), la diminution de ce gaspillage permettrait de réduire graduellement les impacts environnementaux en épargnant les terres utilisées en agriculture de 28 350 à 47 520 km2 en 2025, et de 38 070 à 56 970 km2 en 2030. Selon l’ampleur de ces réductions, le potentiel de réduction des émissions de GES sera de 56,5 à 96,5 millions de tonnes d’ici 2025 et de 74,6 à 115 millions de tonnes en 2030 (Wijkman et Skånberg, 2017).

Pour ce qui a trait aux retombées sociales, l’étude réalisée pour le Club de Rome a révélé un potentiel de création d’emploi totalisant 280 000 emplois dans le secteur des énergies renouvelables, dans cinq pays et un potentiel d’ajout de 535 000 nouveaux emplois en matière d’efficacité énergétique (Wijkman et Skånberg, 2017). Enfin, la mise en œuvre de mesures d’efficacité des ressources pourrait se traduire par la création de 700 000 emplois permanents. Ces emplois sont liés de près à une offre de service plus intensive en main-d’œuvre. La combinaison de ces scénarios totalise jusqu’à 1,28 million de nouveaux emplois (CPQ et al., 2018).

1.4.

Le Canada, moins bon élève de l

’OCDE !

Au Canada et pour l’ensemble de l’Amérique du Nord, rien ne semble être encore fait pour transiter vers une économie circulaire. Seul le cadre légal existe et il se limite généralement à des mesures concernant le recyclage et la gestion des matières résiduelles (Colas, 2017, Harnois, 2017, Voyer-Poitras, 2017). C’est notamment le cas de la province du Québec dont le gouvernement a adopté en 2011 la « Politique québécoise de gestion des matières résiduelles ». L’Ontario pourrait briser la glace avec son projet de « loi sur la récupération des ressources et l’économie circulaire » (Sauvé et al., 2016).

(22)

La gestion des matériaux, des déchets et l’économie circulaire (EC) sont les principales solutions proposées par l’OCDE au Canada afin d’améliorer les moins bons résultats environnementaux de ce dernier (OCDE, 2017). Cette organisation recommande au Canada de : « continuer à mettre au point des systèmes de responsabilité élargie des producteurs en ciblant en premier lieu les secteurs qui génèrent le plus de déchets et les flux de déchets pouvant donner matière en bonne partie au recyclage » puis de « veiller à la cohérence et à l’harmonisation des systèmes entre les territoires tout en améliorant la disponibilité et la comparabilité des données dans le but de surveiller et de suivre les progrès réalisés » (OCDE, 2017, p. 27).

1.5.

Vers une agriculture circulaire

Les stratégies de déploiement de l’EC dans l’agriculture privilégient une moindre utilisation des intrants externes non renouvelables et la valorisation des résidus de l’activité agricole (l’agriculture biologique en est un bon exemple). De plus, les modes de production sont basés sur de bonnes pratiques et techniques en matière de santé des sols, comme la diversification et la rotation des cultures (Keable, 2017).

Les avancées notables dans la mise en œuvre et l’adoption (progressive) du modèle circulaire peuvent être remarquées ici et là dans les entreprises agricoles canadiennes et québécoises. (1) La ferme urbaine « Blanc de Gris » située à Montréal cultive des champignons en utilisant un compost issu des surplus des commerces environnants (marc de café, drêche de brasserie, etc.) ; (2) BioNord, établi près de Forestville, fabrique du compost et des engrais en tirant parti des résidus marins des usines de transformation de la Côte-Nord (Keable, 2017) ; et (3) La ferme Avicole Paul Richard et Fils inc. située en Abitibi-Témiscamingue dont le système de production tend vers un modèle d’économie circulaire et peut être pris pour référence dans son domaine. Dans ce troisième exemple, les différentes productions (les œufs, les cultures comme l’orge et le blé, l’huile qui produit du carburant sur place et le fumier) se nourrissent les unes des autres en boucles et de façon presque circulaire. La ferme produit son huile de canola à partir de la culture de canola de ses champs. Cette huile de canola produite à la ferme a deux utilités ; une partie est mélangée à la ration des poules afin d’en augmenter l’apport énergétique et une autre est ajoutée au carburant des machines, ce qui permet à la ferme de réduire la consommation de diésel. Par ailleurs, cette ferme est la première au Québec (2e au Canada et 3e en

(23)

Amérique du Nord) à avoir adopté un système d’élevage en cages enrichies5 pour ses poules pondeuses (FAPR&F, n. d.).

Si les impacts (écologique, économique & social et sur le bien-être des pondeuses) générés grâce à l’adoption du modèle circulaire sont bien décrits (http://www.fapr.ca/developpement-durable/) pour le cas de la ferme avicole Paul Richard (FAPR&F, n. d.), aucun cadre de mesure ne permet de mesurer ou de situer les performances réalisées par cette ferme en matière de circularité économique. Cette réalité vaut pour le secteur agricole de façon générale.

Pour ce qui est de la mesure de l’EC, Verbeek (2016), reprenant les travaux de Ruiter (2015), a revisité la série de 25 premiers indicateurs développés par cette dernière (Ruiter, 2015) pour en retenir 24 indicateurs de performance qui peuvent être utilisés pour mesurer le niveau de circularité économique dans le « grand secteur de biens de consommation (CGS) »6

. Néanmoins, malgré ce développement, il n’existe pas d’indicateurs de mesure de la performance et de suivi du progrès dans l’application des pratiques de l’EC qui sont spécifiquement adaptés au secteur agricole.

De façon générale, la littérature indique que les chercheurs et praticiens éprouvent des difficultés à trouver des indicateurs adéquats qui mesurent l’EC et, en particulier, dans quelle mesure une entreprise passe d’un mode de fonctionnement linéaire à un mode circulaire (FEM et al., 2015b, Li, 2012, Su et al., 2013). En effet, les nombreux indicateurs de performance qui existent et qui sont développés sur la base de plusieurs méthodes d’évaluation bien connues (évaluation de l’énergie & émissions de CO2, analyse du cycle de vie, indicateurs d’efficacité des ressources, analyse entrée-sortie, etc.) ne sont pas jugés optimaux pour les évaluations de la mise en œuvre de l’EC, car, à l’origine, ils n’ont pas été conçus pour des rétroactions systémiques en boucle fermée qui caractérisent l’EC (Verbeek, 2016). Le Moigne (2014) définit ces boucles comme des spirales le long desquelles la valeur des matériaux et des produits se transmet progressivement. « Idéalement, dans une économie circulaire, les matériaux et les produits seraient réintroduits infiniment dans les boucles de production, de distribution et d’utilisation » (Le Moigne, 2014, p.41).

5Ce système permet aux oiseaux d’exprimer leurs habitudes & comportements naturels (se percher, étendre les ailes, faire le nid & gratter) (CSES, 2015).

6« Consumer Goods Sector » (CGS) qui comprend 5 sous-secteurs ou industries à savoir : (1) l’industrie de l’agroalimentaire, (2) l’industrie des boissons, (3) l’industrie du vêtement, (4) l’industrie de l’automobile et (5) l’industrie des produits personnels. Au sein de ce « grand secteur », l’industrie agroalimentaire occupe la première part de marché (Ruiter, 2015).

(24)

1.6.

Un secteur d

’intérêt pour une démarche exploratoire

Dans le cadre d’une démarche exploratoire, le secteur de la production d’œufs est d’intérêt, à notre avis, pour les raisons suivantes : (1) la rentabilité du secteur qui favorise le développement de l’innovation (Tamini et al., 2016), (2) une chaîne de valeur courte et simple pour les œufs destinés au marché de table et (3) un secteur qui fait face à de nouvelles exigences en matière de bien-être animal et de préoccupations environnementales malgré les progrès assez remarquables atteints avec le temps (dans 50 ans : entre 1962 et 2012) en matière d’efficience de ressources et de réduction des impacts environnementaux (Pelletier, 2017a).

L’importance de la chaîne de valeur des œufs de consommation au Québec et au Canada se justifie surtout par la part de marché qu’il occupe. En effet, le marché des œufs de table (ou œufs en coquille) absorbe 70 % de la production canadienne d’œufs, le reste (30 %) est utilisé pour la fabrication d’aliments à valeur ajoutée et d’autres produits (ovoproduits) (POC, 2009). Au Canada, le marché des œufs transformés comprend : (1) les œufs liquides, congelés ou déshydratés (œufs entiers, jaunes ou albumen) avec additifs ou purs qui sont utilisés pour la fabrication de produits de boulangerie, de pâtes, de mayonnaise, de repas surgelés, etc. (2) les œufs à la coque et les œufs marinés et (3) les extraits protéiniques (pour la fabrication de produits pharmaceutiques et pour produire des vaccins). Les vaccins sont fabriqués à partir de souches de virus cultivées au moyen d’œufs de poules fertilisés (MAPAQ, 2004).

Le secteur de la production d’œufs est rentable (Tamini et al., 2016). La rentabilité à court et long terme de la chaîne de valeur des œufs destinés au marché de table est garantie par les perspectives qui sont très prometteuses (figure 3). D’ici l’année 2023 au Canada, la consommation totale d’œufs devrait croître d’environ 13 %. Les projections montrent que les œufs pour la transformation en ovoproduits perdront un peu de leurs parts de consommation au profit des œufs en coquille (AAC, 2014). Pour ce qui est de l’offre, entre 2009 et 2014, la production canadienne s’est accrue de 7,6 % (MAPAQ, 2014). C’est au Québec que la croissance a été la plus marquée (+10,7 %). Cet essor de la production est également visible en ce qui a trait aux allocations en contingents d’œufs et aux ventes au détail qui augmentent respectivement d’environ 1 et 4 % annuellement depuis 2009 (MAPAQ, 2014).

(25)

Figure 3 : Perspectives de la consommation canadienne d’œufs d’ici 2023

N.B. Dans ce graphique les œufs de casserie sont des œufs pour la transformation en ovoproduits. Source : AAC, 2014, p. 38

Le secteur (production d’œufs) a réalisé des progrès très remarquables en matière d’efficience des ressources et de réduction de l’empreinte environnementale (Pelletier, 2017a). Par exemple, le taux annuel de ponte chez les poules pondeuses canadiennes est passé de moins de 100 œufs au début du XXe siècle à plus de 300 œufs. Entre 1962 et 2012 seulement, un intervalle de 50 ans, le taux de ponte a augmenté de plus de 50 %. Ce même intervalle a également été marqué par la baisse du taux de mortalité (qui est passé d’environ 13 % au début des années 60 à 3,2 % pour les poulettes et les poules pondeuses combinées) et par une meilleure efficacité de conversion alimentaire. Pour cette dernière, la production de 1 kg d’œufs en 1962 nécessitait 3,1 kg d’aliments contre 2,0 kg pour les producteurs d’œufs contemporains (Pelletier, 2017a). Bien que les volumes de production d’œufs aient presque doublé au Canada depuis le début des années 60, l’empreinte environnementale absolue pour l’ensemble de l’industrie est 41 %, 51 % et 57 % plus basse respectivement pour les émissions acidifiantes, eutrophisantes et de gaz à effet de serre (Pelletier, 2017a).

Malgré ces progrès, le secteur avicole fait face à de nouvelles exigences en ce qui concerne le bien-être animal et les considérations environnementales. En effet, les œufs de spécialités (biologiques, produits sur parquet et en libre parcours) occupent une part de marché de plus en plus grandissante et leur demande ne cesse d’augmenter depuis plus de 10 ans. Sur cet intervalle de temps, la répartition de l’augmentation des ventes d’œufs en épicerie va comme suit : 5 % des œufs réguliers (classiques blancs ou bruns), 1 % des

(26)

œufs oméga-3 et 19,9 % pour les autres œufs de spécialité (FPOQ, 2017). Cette répartition démontre que les consommateurs d’œufs deviennent de plus en plus soucieux et exigeants pour ce qui a trait au bien-être animal et à la préservation de la biodiversité. De plus, le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) formé de membres tels que Sobey’s, Provigo, Metro et Walmart a fait une annonce sur l’intention de ses membres d’acheter volontairement plus d’œufs de poules élevées en liberté d’ici la fin 2025 (FPOQ, 2017).

Il apparait que, bien que collectivement les producteurs aient choisi la cage enrichie, les acheteurs-détaillants semblent se diriger vers les œufs de poules en liberté. En somme, les producteurs d’œufs doivent modifier significativement leur mode de production afin d’améliorer le bien-être des pondeuses et internaliser davantage les critères environnementaux.

Nous estimons que l’amélioration de la circularité économique, tout en étant une innovation en soi, peut aider le secteur de la production d’œufs au Canada à répondre à ses défis contemporains.

1.7.

Objectifs et questions de recherche

La transition vers le modèle circulaire est souhaitable au vu de ses avantages avérés aussi bien à l’échelle de l’entreprise qu’à l’échelle de la communauté. En 2015, la Fondation Ellen MacArthur a proposé « une feuille de route pour la transition vers la circularité » à l’attention des décideurs politiques (FEM, 2015). Cette feuille de route place les entreprises au centre et recommande de les impliquer dès le début du processus et pour l’ensemble de celui-ci. Le point de départ proposé étant de, d’abord, « établir la situation de référence de la circularité » puis de « fixer le niveau des objectifs ou ambitions » par la suite (FEM, 2015, p.40).

Nombreux sont des chefs d’entreprises agricoles qui se montrent très favorables à l’idée de progresser vers cet idéal qu’est la circularité économique. Aussi, quelques entreprises sont, d’une manière ou d’une autre, déjà engagées dans le processus. Il est donc important de disposer d’un référentiel à même d’aider à la fois les entreprises déjà engagées dans le processus et celles qui souhaitent s’y engager. C’est de là qu’est parti notre questionnement qui a permis de formuler deux (2) questions de recherche auxquelles notre étude apportera des réponses. Nous cherchons à savoir :

(27)

1. Comment une entreprise avicole peut-elle améliorer la circularité de son mode de fonctionnement ?

2. Comment mesurer le degré de circularité d’une exploitation avicole ? Pour répondre à ces questions, notre étude se fixe pour objectifs de :

1. Identifier les variables importantes permettant d’améliorer la CE au sein des entreprises avicoles ;

2. Développer des indicateurs de mesure de l’EC pour la production d’œufs, qui sont validés par les intervenants de l’industrie.

1.8.

Pertinence de l

’étude

La sélection des variables importantes pour la CE et le développement d’indicateurs de mesure de l’EC sont en soi des contributions majeures à la littérature du concept de l’EC. Le fait d’appliquer ces objectifs au secteur de la production des œufs permet une meilleure connaissance de l’applicabilité et des performances économiques et environnementales de ce secteur. Ces informations sont importantes dans un contexte de politique publique pour un secteur appelé à modifier ses structures de production à moyen terme. Enfin, notre étude étant la première du genre qui aborder la question de la mesure de l’EC à l’échelle de l’entreprise dans le secteur agricole, la possibilité de réplication de l’approche méthodologique utilisée aux autres filières agricoles, surtout celles qui font relativement plus de pression sur les ressources et qui impactent plus l’environnement, revêt un intérêt particulier pour le monde de la recherche.

(28)

Chapitre 2. L

’économie circulaire : genèse,

définition des concepts, cadre d

’analyse

d

’indicateurs

Ce chapitre comprend trois sections dont les contenus vont de la genèse de l’EC à la mesure de celle-ci. En introduction (premier sous-chapitre), la ligne chronologique de la genèse du concept de l’EC est tracée. Dans le deuxième sous-chapitre, une synthèse des différents concepts et considérations théoriques attachés à la notion d’économie circulaire est faite. Ensuite, dans le troisième sous-chapitre, l’attention est portée sur la présentation des principales approches et méthodes de mesure de la circularité à différentes échelles de l’activité économique (micro, méso et macro) à l’aide des indicateurs. Cet exercice permettra d’identifier le cadre analytique le plus approprié pour la conception d’indicateurs de l’EC pour le secteur de la production d’œufs.

2.1. Origine du concept d’économie circulaire

Le concept d’économie circulaire n’est pas nouveau : les hommes ont, très tôt, mis en œuvre les principes de l’économie circulaire. De nombreuses sociétés préindustrielles comprenaient les activités assurant le retour à la terre ou le maintien dans le circuit économique de matières premières, grâce aux activités de réparation et de remise en état (Aurez et al., 2016). La société industrielle du XIXe siècle, tout du moins en ce qui concerne certains pans de ses activités, connaît une certaine forme de circularité. Les déchets urbains ne s’accumulent guère, mais donnent lieu à un usage agricole ou industriel (Barles, 2007). Les déchets humains et animaux étaient utilisés pour l’agriculture, le tannage du cuir ou la teinture du tissu (Le Moigne, 2014). Par exemple, la cellulose nécessaire pour la fabrication du papier est extraite des chiffons et autres textiles collectés par les chiffonniers. Les déchets de boucherie servent à fabriquer du suif, du savon ou de la colle. Des os est tiré le « charbon animal » utilisé pour l’extraction du sucre des betteraves ; on produit aussi de la colle ou de l’huile à partir des phalanges animales, sans compter des usages plus classiques et plus directs sous forme de parties d’objets divers (Arnsperger et Bourg, 2016). Cependant, le regroupement des populations dans des villes et, surtout, la révolution industrielle conduisirent de nombreuses populations à

(29)

abandonner les principes de l’économie circulaire aux profits de ceux de l’économie linéaire (Le Moigne, 2014).

L’économie circulaire, dont les principes demeurent globalement inchangés, est remise à l’ordre du jour (en tout cas la conception économique de la recherche systématique d’un bouclage des flux) lors que les effets du « trop-plein » industriel se font de plus en plus sentir. C’est la présence « physique » de l’économie qui, oubliée pendant plus d’un siècle, refait surface dans les débats intellectuels depuis les années 1960 (Aurez et al., 2016). La mise à l’ordre du jour de l’économie circulaire s’est progressivement faite à travers différents courants notamment l’écodéveloppement7 qui a été initié en 1972 par

l’Organisation des Nations Unies puis abandonné pour laisser place à une approche de durabilité faible (« le développement durable ») dont le premier rapport (Brundtland, 1987) sera publié plus tard en 1987. Toujours en 1972, la publication du rapport du Club de Rome (ou « rapport Meadows ») établit les contraintes que fait peser le caractère fini des ressources et leur consommation excessive sur le système économique (Meadows et al., 1972). Ce rapport ne cherche plus seulement à mesurer les effets de l’activité économique sur l’environnement, mais pose la question de la soutenabilité (ou durabilité) même des systèmes économiques face aux pressions qu’ils exercent sur l’environnement (Aurez et

al., 2016).

La naissance du concept d’économie circulaire peut être datée en 1976 avec la publication par la Commission européenne du rapport « Jobs for tomorrow » écrit par Walter Stahel et Geneviève Reday-Mulvey (Voyer-Poitras, 2017). Dans ce rapport, le concept qui est mis à l’avant est celui d’« économie en boucles » et non d’économie circulaire, mais la définition et les fondements de la réflexion sont les mêmes (Stahel et Reday-Mulvey, 1981). En 1981, le rapport a été achevé et publié sous la forme d’un livre : « jobs for tomorrow, the

potential for substituting manpower for energy, Vantage Press, New York. En 1982, dans

« The product-life Factor », Walter Stahel affine encore sa théorie et définit le concept aujourd’hui connu comme « servicisation » ou l’« économie de la fonctionnalité » (Stahel et Reday-Mulvey, 1981). Le terme « économie circulaire » est employé pour la première fois

7L’Écodéveloppement ou « stratégie d’écodéveloppement » est un courant initié par l’Organisation des Nations Unies en 1972, lors de la conférence des Nations Unies pour l’Environnement humain, à Stockholm, qui aboutira à la création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Aurez et al. 2016). Il (l’écodéveloppement) désigne un mode de développement fondé sur le respect de l’environnement. L’écodéveloppement est une des composantes du développement durable (Dictionnaire de l’environnement : https://www.dictionnaire-environnement.com/ecodeveloppement_ID5789.html ).

(30)

en 1990 dans le livre Economics of Natural Resources and the Environment de David W. Pearce et R. Kerry Turner (Pearce et Turner, 1990). Entre 1990 et 2000, l’émergence du concept d’économie circulaire s’est poursuivie avec un accent particulier mis sur le flux des matières (Aurez et al., 2016).

La déclinaison politique de l’EC peut être datée à l’an 2000, avec la publication au Japon de la « Loi de base pour la formation d’une société basée sur le recyclage8 » inspirée de l’approche dite des « 3R » : Réduire, Réutiliser, Recycler (Ghisellini et al., 2016). Quelques années plus tard, en 2002, William McDonough et Michael Braungar développent le concept de Cradle to Cradle (C2C) en publiant le livre intitulé Cradle to Cradle : Remaking

the Way We Make Things (McDonough et Braungart, 2010).

En 2004, l’approche des « 3 R » promue dans la loi japonaise a été portée au sommet du G8 (tenu aux États-Unis) et son plan de mise en application « Kobe 3R Action plan » a été adopté en 2008 à Kobe (Japon) par les ministres des pays du G8 (Aurez et al., 2016). Entre temps, en 2006, Walter Stahel publie la première édition de son livre The

Performance Economy, laquelle réfère à l’économie de fonctionnalité. Le livre complet fut

finalement publié en 2010 (Stahel, 2010). À partir de ce stade, les jalons de l’EC étaient jetés, il ne restait qu’à donner une structure cohérente à toutes ces théories et idées.

2.2. Définition des concepts et description des composantes de l’économie circulaire

La Fondation Ellen MacArthur : FEM (2013) attribue à des théories plus récentes telles que la conception régénérative, l’économie de la performance, le concept du « berceau au berceau », le biomimétisme et l’économie bleue une contribution importante au raffinement et au développement du concept d’EC. Au-delà de ces théories plus récentes, d’autres théories comme l’économie écologique, l’écologie industrielle ont également été à l’origine du concept de l’EC. Ainsi, dans ce sous-chapitre, nous présenterons tout d’abord les concepts et théories qui ont servi de précurseurs à la notion d’EC (première section) puis, à travers la description du concept de l’EC proprement dite, nous définirons toutes les notions et piliers qui la composent (deuxième section).

2.2.1. Précurseurs de l’économie circulaire

8 Traduction libre (de l’auteur) de « Fundamental Law on the Establishment of a Sound Material-Cycle Society ».

(31)

Il s’agit des théories antérieures (à l’EC) comme : l’économie écologique, la conception (ou l’économie) régénérative, l’économie de la performance et l’écologie industrielle (Aurez et al., 2016). Nous essayons de situer chacune de ces théories tout en précisant les bases qui ont servi de précurseurs de l’EC.

1) L’économie écologique : Dans ce courant de pensée sont rassemblées les approches interdisciplinaires des travaux des auteurs qui ont pour caractéristique commune d’intégrer dans les analyses qu’ils font des systèmes économiques, les contraintes énergétiques et environnementales des milieux dans lesquels ces systèmes fonctionnent et se déploient (Aurez et al., 2016). Il s’agit des travaux des auteurs comme Bertrand de Jouvenel (2002) en France, Robert U. Ayres (1970) ou de Nicholas Georgescu-Roegen (1971 & 2006) aux États-Unis (Ayres et al., 1970,

Georgescu-Roegen, 1971, 2006, Jouvenel, 2002).

2) Économie régénérative : développée en 1970 aux États-Unis par John T. Lyle, paysagiste, autour de la notion de « conception régénérative » (Aurez et al., 2016). Le terme de « régénération » décrit des processus qui visent à restaurer, renouveler ou revitaliser l’énergie et les matières nécessaires à la production — créant les conditions pour l’établissement de systèmes pérennes qui répondent aux besoins de la société, dans le respect de l’intégrité de la nature (FEM, 2013a). 3) Économie de la performance : développée en 1976 par l’architecte et

économiste Walter Stahel dans son livre « The Potential for Substituting Manpower

for Energy », coécrit avec Geneviève Reday (Stahel et Reday-Mulvey, 1981), la notion de l’économie de la performance désigne tout modèle de production qui épouse les principes d’une économie fonctionnant en circuit fermé (ou économie circulaire). Les auteurs ont montré les avantages d’un tel modèle en insistant surtout sur son impact sur la création d’emplois, la croissance, la prévention des déchets et la consommation de ressources (FEM, 2013a).

4) Écologie industrielle : Les termes écologie et industrie ont été associées pour la première fois aux États-Unis en 1989 par Robert Frosch et Nicolas Gallopoulos qui soutenaient que le modèle simpliste (actuel) d’activité industrielle doit être remplacé par un modèle plus intégré (Diemer et Labrune, 2007). Un autre père fondateur du terme écologie industrielle au nom de Braden R. Allenby (1992) estimait que le système industriel, considéré en dehors de la biosphère,

(32)

n’est pas viable, car il s’appuie sur l’idée que les ressources de la planète sont illimitées, tout autant que ses capacités d’absorptions des déchets. Or, le système étant clos et fini (la terre), la pérennité du modèle est remise en cause. Le système industriel doit donc tenir compte des ressources et capacités d’absorption du milieu (Allenby, 1992). L’écologie industrielle est l’étude des flux de matières et d’énergie au cœur des systèmes industriels. Il se définit comme « tout système opérant sur les échanges entre les différents acteurs d’un écosystème industriel, approche qui favorise des fonctionnements en boucle fermée dans lesquels les déchets des uns constituent les intrants des autres, éliminant ainsi la notion de sous-produit » (FEM, 2013a).

2.2.2. Courants contributeurs à la définition de l’économie circulaire La définition de l’économie circulaire à travers ses composantes qui en constituent les piliers se comprend mieux quand on considère les trajectoires à travers lesquelles ce concept est passé. Aurez et ses collaborateurs (2016) affirment que : « Aucune norme ne vient, à l’heure actuelle, définir le concept d’économie circulaire. Les définitions les plus couramment employées sont le fait d’acteurs institutionnels et opérationnels, rarement du monde scientifique, même s’il n’est pas étranger au concept, loin de là » (Aurez et al., 2016). Ces auteurs reconnaissent 3 trajectoires (scientifique et institutionnelles & opérationnelles) à la définition de l’économie circulaire.

1) Trajectoire scientifique

La trajectoire scientifique identifie et met en évidence la contribution de différents courants de la pensée qui ont fourni les éléments à la définition de l’EC. Ces courants sont l’écologie urbaine, l’écologie industrielle & territoriale et l’écologie territoriale (Aurez et al., 2016).

 Écologie urbaine : Dans les années 1960, les écologues Wolman, Duvigneaud et Odum considèrent la ville comme un organisme dont ils étudient le métabolisme, qui consomme la nature, la transforme pour la rejeter sous forme de matières et polluants nuisibles à la planète, la santé et la qualité de vie de la population (Duvigneaud, 1980, Wolman, 1965). L’urbanisme a alors vocation de s’adapter au caractère destructeur de l’activité humaine (Duvigneaud, 1980). Guidée par l’accroissement des populations urbaines et des ressources nécessaires à leur

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substance, cette nécessité des villes de réfléchir à la durabilité de leur développement reste un axe fort sur lequel s’est appuyée et s’appuie l’économie circulaire (Aurez et al., 2016). L’écologie urbaine apporte une contribution essentielle aux outils utilisables par l’économie circulaire pour comprendre de façon scientifique l’impact des systèmes socioéconomiques sur leurs milieux. Elle propose plusieurs cadres d’observation (dont le métabolisme, analyse des flux de matières, etc.) utiles à la compréhension des problématiques d’économie circulaire (Coutard, 2010).

 Écologie industrielle et territoriale : est un complément de l’écologie industrielle (expliquée plus haut) qui vise à réintégrer les activités industrielles dans les limites de la biosphère. Ainsi, “elle propose de travailler sur le produit (écoconception), la façon de la fabriquer dans les territoires (symbiose industrielle) et de le distribuer (l’économie de fonctionnalité), en se basant, autant que faire se peut, sur des ressources renouvelables” (Aurez et al., 2016). L’écoconception d’un produit, d’un bien ou d’un service « prends en compte, afin de les réduire, ses effets négatifs sur l’environnement au cours de son cycle de vie, en s’efforçant de préserver ses qualités ou ses performances » (CoopEC, 2015). La symbiose industrielle constitue, selon l’ADEME, « un mode d’organisation interentreprises par des échanges de flux ou une mutualisation de besoins » (Geldron, 2013a). L’économie

de fonctionnalité est définie comme « un mode de consommation, d’organisation

ou de fonctionnement privilégiant l’usage à la possession et qui tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes. Elle s’applique à des biens durables ou semi-durables » (CoopEC, 2015).

 Écologie territoriale : Les évolutions de l’écologie industrielle vers l’écologie territoriale tiennent à la prise en compte d’enjeux dépassant l’amélioration technologique et le système industriel. En se positionnant dans les sciences sociales plutôt que dans celles de l’ingénierie, l’écologie territoriale vise en premier lieu la production de connaissance, et non plus l’action telle qu’elle tend à devenir prioritaire dans l’écologie industrielle. La dimension économique n’est plus la priorité, et ce sont les interactions hommes nature qui constituent la grille d’analyse du domaine (Buclet, 2015). Souvent considérée comme limitée au système industriel, l’écologie industrielle peut ainsi trouver dans l’écologie territoriale des

Figure

Figure 2 : Modèle linéaire versus Modèle circulaire
Figure 3 : Perspectives de la consommation canadienne d ’œufs d’ici 2023
Figure 4 : Diagramme de l ’économie circulaire selon la Fondation Ellen MacArthur
Figure 5 : Composantes de l ’économie circulaire (domaines d’action et piliers)
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