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Arbitrage entre les options de valorisation du fumier

Chapitre 4. Résultats et discussion

4.2. Résultats de l ’analyse des niveaux d’importance des variables

4.3.2. Arbitrage entre les options de valorisation du fumier

Le fumier produit au niveau des fermes avicoles est soit utilisé directement pour l’épandage des terres agricoles ou soit valorisé à travers le compostage, la digestion anaérobique pour produire de l’énergie (le biogaz) et le cubage & mise en paquets pour vente. Pour les besoins de notre étude, il est important de savoir laquelle de ces stratégies de valorisation est meilleure pour l’amélioration de la circularité.

Selon les experts consultés, la digestion anaérobique pour produire de l’énergie (DAE) est la meilleure option de valorisation du fumier produit par les fermes. Elle est suivie dans le classement par l’utilisation directe du fumier pour la fertilisation des terres agricoles, le cubage & mise en paquets pour vente et le compostage (figure 18).

Figure 18 : Classement des options de valorisation du fumier

Sour Source : Sondage DELPHI (2019)

Les paragraphes qui suivent synthétisent les arguments formulés par les experts consultés pour justifier ce classement ci-dessus des options de valorisation du fumier. La digestion anaérobique pour produire de l’énergie occupe le premier rang des options de valorisation du fumier, car

elle permet une gestion centralisée du fumier pouvant fournir une ressource sous forme d’énergie et un engrais à haute valeur fertilisante : le digestat en sortie du réacteur est un concentré d’engrais très riche en azote. Les bénéfices dépendront de la performance de la technologie : le digestat doit être appliqué avec des méthodes à faible perte d’ammoniac. Aussi, elle semble être un des moyens efficaces pour réduire les émissions de méthane (Traduction de l’auteur). 1 2 3 3 Digestion anaérobique

Épandageur sur des terres agricoles

Cubage & mise en

paquets pour vente Compostage

(1=meilleure option , 4=pire option)

L’utilisation directe du fumier pour la fertilisation des terres agricoles est préférée au compostage du fait :

qu’elle requiert un minimum de manipulation et de transport tout en offrant les mêmes bénéfices que le compostage : il est simple à appliquer, conserve les nutriments (Azote, Phosphore, Potassium et le Carbone). Elle doit être utilisée avec des méthodes de stockage à faible perte en ammoniac et d’épandage pour éviter au maximum le ruissellement. Toutefois, comparée à la digestion anaérobique, cette option occasionnera des pertes potentiellement élevées en éléments nutritifs et des émissions de GES en plus de la perte d’énergie (Traduction de l’auteur).

Le cubage (puis la mise en paquets) pour produire de l’engrais vendable semble être un bon moyen de substituer les fertilisants à impacts élevés offerts sur le marché si et seulement le processus de cubage ainsi que l’approvisionnement du fertilisant ainsi produit sont significativement peu énergivore (manipulation, emballage et transport additionnels). Aussi, les acheteurs pourraient être beaucoup plus attentifs à cette ressource, car ils paient pour l’avoir (Traduction de l’auteur).

Dans le classement des options de valorisation du fumier, le compostage est relégué au dernier rang, car

il utilise des nutriments, a beaucoup d’émissions fugitives (GES) et entraîne beaucoup de pertes d’ammoniac et consomme de l’énergie bien qu’il minimise l’emballage et le transport (Traduction de l’auteur).

Le classement ci-haut présenté concorde avec celui fait par Eriksson (2016) et Bellino (2012) qui ont comparé les options de valorisation du fumier du cheval en utilisant l’analyse du cycle de vie (ACV). Le fumier du cheval et celui des poules sont tous les deux riches en matières sèches. Leurs résultats soutiennent que la valorisation du fumier via la DAE pour produire du biogaz est la plus compétitive du point de vue de l’environnement si le biogaz est produit à grande échelle et qu’il est utilisé dans des véhicules (de la ferme) ou que la chaleur est récupérée pour compenser les combustibles fossiles (Eriksson et al., 2016). Selon le même auteur, l’impact de l’eutrophisation sur l’environnement est légèrement plus élevé pour le compostage que pour la DAE. Bellino et al. (2012) ont aussi montré que les émissions d’azote sont plus apparentes dans l’utilisation du fumier pour le compostage que dans la digestion anaérobique (Bellino et al., 2012). Concernant la demande en énergie primaire, l’étude faite par Eriksson (2016) montre des différences marginales entre le compostage et la digestion anaérobie, tandis que Bellino et al. (2012) montre une consommation d’énergie inférieure pour le système de DAE par rapport au

système de compostage en raison de la production évitée d’électricité et de chaleur (Bellino et al., 2012, Eriksson et al., 2016).

Peu d’études comparent l’épandage avec d’autres options d’utilisation ou de valorisation du fumier. Bien que le principal inconvénient de l’épandage qui est souvent déploré est la perte de nutriments, le problème se pose moins pour le fumier des poules. En effet, alors que l’azote disponible pour la plante la saison suivant l’application (épandage) est d’environ 25 à 35 % pour le fumier de ruminants (bovins et ovins), il est de 50 à 60 % pour la volaille et le porc (Powell, 2018). Montes et al. (2013) placent presque au même rang l’épandage et le compostage pour ce qui est de la production/émission d’oxyde nitreux (GES) : l’émission d’oxyde nitreux (N2O) se produit après l’épandage sur le sol en tant que sous-produit des processus de nitrification et de dénitrification dans le sol, mais ces processus peuvent également se produire dans le compost, les bio filtres et les couvertures de stock (de fumier) perméables (Montes et al., 2013). Cet argument justifie en partie le fait que l’épandage serait préféré au compostage selon notre classement. En effet, en plus des émissions de GES, le compostage nécessite plus de moyens (main d’œuvre, espace et coûts associés) et de temps en comparaison avec l’utilisation directe (épandage) du fumier pour la fertilisation des terres agricoles. Pour ces mêmes auteurs, la capacité polluante de l’épandage pourrait être davantage réduite grâce à l’application de la technique d’injection sous la surface. Cette technique peut permettre de réduire les émissions d’ammoniac et de méthane, mais est susceptible d’entraîner une augmentation des émissions d’oxyde nitreux. Ainsi, elle fonctionnerait bien lorsqu’elle est associée à la digestion anaérobique (Montes et al., 2013).

Le séchage pour produire les granules ou cubes d’engrais pouvant être commercialisés n’est pas systématiquement traité par des études discutant des options de valorisation du fumier d’élevage. Cependant, une option de traitement thermique (physique donc) décrite par Geers et Madec (2006) lui est proche : le fumier est traité par une chaleur dépassant rarement 500C pour détruire les pathogènes. Après ce traitement, le produit obtenu est plus compact avec une grande proportion en matières sèches. Il peut être utilisé pour produire des engrais ou pour la combustion commerciale. Dans ce dernier cas, une teneur plus haute en matières sèches (+40 %) est nécessaire (Burton et Turner, 2003). Cette condition est favorable au fumier des poules qui est connu pour être riche en matières sèches comparé au fumier des grands animaux d’élevage (bœuf et porc par exemple) (Geers et Madec, 2006). Un projet de séchage thermique a été réalisé notamment en

Grande-Bretagne et les meilleures performances ont été obtenues dans des systèmes d’élevages qui disposent de systèmes de récupération de chaleur : la clé de l’adoption d’une telle technologie (Burton et Turner, 2003). C’est la chaleur récupérée qui en retour est utilisée pour sécher le fumier. Bref, le séchage du fumier pour en produire des cubes d’engrais organiques commercialisables est une option attrayante si le système utilise la chaleur récupérée comme source d’énergie. Une telle technologie apporte des réponses aux inquiétudes soulevées par les experts consultés lors de notre sondage DELPHI qui ont reconnu que le séchage du fumier pour produire des cubes d’engrais empaquetés est une option intéressante du point de vue de l’EC à condition qu’elle ne soit pas énergivore. Les bénéfices de cette option seraient d’autant plus considérables pour l’EC même à l’échelle supra-micro que les engrais minéraux qu’elle permettrait de substituer sont le principal facteur d’émissions de GES provenant d’aliments pour animaux utilisés en productions animales (Adom et al., 2012). Cet auteur a estimé, pour l’industrie laitière aux États-Unis, que cette capacité polluante est due principalement à l’apport d’engrais azoté : environ 65 % en raison du rejet de l’oxyde nitreux (N2O) lors de l’application et 35 % lors de la fabrication d’engrais (minéraux).

En conclusion pour la production et la valorisation du fumier, nos résultats ont montré que cette variable est, à côté de l’utilisation d’aliments, très importante pour l’EC en aviculture. Comme Greers et Madec (2006), nous remarquons que les options de valorisation classées comme meilleures du point de vue de l’EC dépendent des facilités présentes dans l’environnement des fermes. Ce qui importe est de prendre en compte le contexte et les spécificités locales dans lesquels la ferme évaluée se trouve. Ainsi, pour suivre et évaluer les indicateurs IP18 et IbP3 décrits dans le tableau 10 qui comptent pour la VD

production et la valorisation du fumier, nous recommandons de suivre un arbre de décision centré sur les paramètres importants à prendre en compte selon le contexte. Ces paramètres sont : (1) la présence ou pas dans la zone de digesteur anaérobique pouvant favoriser la production du biogaz à une échelle plus ou moins grande ; (2) si la ferme se situe dans une zone où la demande de fertilisants organiques est forte et (3) si la ferme dispose la technologie de récupération de la chaleur. Le modèle de l’arbre de décision à utiliser est donné à la figure 22 décrite au chapitre 5.